Dans le domaine de la santé, les comportements perturbateurs nuisent à tous les prestataires de soins et compromettent la sécurité des patients. Il est toutefois possible pour les médecins d’aborder le problème de manière constructive et proactive.
L’établissement d’une compréhension commune
Un comportement perturbateur renvoie généralement à une conduite inappropriée, que ce soit par des paroles, des actions ou des inactions, et qui porte atteinte ou a le potentiel de porter atteinte à la prestation de soins de santé de qualité.1 Dire des choses inappropriées, tenir des propos violents, humilier les autres, se mettre en colère, lancer des instruments médicaux ou recourir à une force physique injustifiée (ou menacer de le faire) : voilà autant d’exemples d’un tel comportement. Le comportement perturbateur correspond habituellement à un type de conduite plutôt qu’à un seul incident isolé. Ce type de comportement peut aussi prendre des formes très subtiles, comme refuser de collaborer avec autrui ou se présenter régulièrement en retard à des réunions, à des rendez-vous ou à la salle d’opération.
Les comportements qui à priori peuvent sembler inappropriés ne sont pas nécessairement tous perturbateurs : tout dépend de la nature des agissements et du contexte dans lequel ils se manifestent. Certains organismes de réglementation de la médecine (Collèges) proposent des ressources pour faire face aux comportements perturbateurs chez les médecins.234 L’Ordre des médecins et chirurgiens de l’Ontario donne des exemples de comportements qui ne sont pas considérés comme perturbateurs; citons notamment les « critiques constructives formulées de bonne foi dans l’intention d’améliorer les soins aux patients ou le fonctionnement des établissements de santé, les plaintes déposées auprès d’une agence externe, les témoignages contre des collègues ou le fait de défendre les intérêts des patients en toute bonne foi ».2 [Traduction libre]
Un comportement perturbateur a des conséquences immédiates et à long terme. Il produit un effet immédiat sur la personne qui le subit – membre du personnel infirmier ou autre médecin, par exemple –, ce qui peut compromettre le rendement de la ou du prestataire de soins en question. À long terme, un comportement perturbateur peut conduire à une inefficacité des soins, à des préjudices chez les patients et à une issue clinique moins favorable.
Dans l’ensemble des provinces et des territoires, il existe désormais des lois sur la violence, le harcèlement et la sécurité au travail. De plus, plusieurs provinces et territoires ont adopté des lois exigeant que les hôpitaux signalent aux organismes de réglementation (Collèges) les cas de suspension de médecins ou de restriction des privilèges attribuables à l’inconduite. Certains Collèges ont même élaboré des directives sur la façon de gérer les comportements perturbateurs. Les programmes d’aide aux médecins s’efforcent également d’accorder une assistance en proposant des ressources conçues spécialement pour faire face aux comportements perturbateurs.
Un comportement perturbateur dicte une réponse échelonnée
Face à un comportement perturbateur, il y a lieu de miser sur une intervention échelonnée et fondée sur la collaboration; il en est de même lorsque la participation du Collège s’avère appropriée.
Réponse des établissements
L’ACPM partage le point de vue de la plupart de ses partenaires : les comportements perturbateurs de médecins devraient être examinés par l’établissement de santé où ont lieu les agissements en question. La plupart des établissements de santé sont bien positionnés pour gérer ces questions à l’interne, car ils connaissent la situation, le milieu de travail et les personnes concernées.
Réponse des organismes de réglementation de la médecine
La plupart des Collèges indiquent que les organisations de soins de santé devraient enquêter sur les plaintes liées au comportement perturbateur de médecins, puis adopter une réponse échelonnée. Quand des médecins sont congédiés, que leurs privilèges changent ou sont suspendus ou qu’ils démissionnent de leur poste de membre du personnel médical au cours d’une enquête, les Collèges veulent en être avisés.
Approches constructives
Selon l’ACPM, il est préférable, lorsque c’est possible, d’éviter tout processus contentieux au niveau des établissements et des Collèges en faveur d’une approche reposant sur les étapes suivantes :
- Constater la situation sans tarder
- Intervenir de façon proactive
- Évaluer le milieu de travail
- Prendre des mesures correctives
Le rôle des médecins leaders
Les médecins leaders peuvent promouvoir une culture de respect et faire face aux comportements perturbateurs dans les établissements de santé en fixant des attentes claires, en adoptant une conduite exemplaire et en mettant l’accent sur les valeurs positives et les comportements qui sont importants pour l’organisation. Comme les comportements perturbateurs peuvent se manifester tôt dans la carrière d’une ou d’un médecin, il y a moyen de s’attaquer au problème avant qu’il ne s’enracine. Les médecins leaders devraient indiquer aux médecins en résidence et au corps enseignant ce qui définit un comportement professionnel; ils devraient également leur expliquer clairement les conséquences qui seront mises en application étape par étape en cas de non-conformité.
Une formation axée sur le travail d’équipe, les aptitudes à la communication et les stratégies de gestion des comportements non professionnels peut s’avérer bénéfique. Au-delà de la formation, les médecins leaders devraient surveiller le comportement des médecins en procédant entre autres à des examens ou à des sondages réguliers auprès du personnel, en évaluant les membres de l’équipe et en faisant de l’observation directe.
Les médecins leaders doivent prendre des mesures appropriées et équitables pour contribuer à régler les comportements perturbateurs. Pour mieux gérer ce type de comportements, il peut être utile de promouvoir le professionnalisme à l’aide d’une approche échelonnée. En général, cette approche prend tout d’abord la forme d’une « conversation autour d’un café » dans le cas d’un seul manquement; si le comportement se reproduit, une intervention consignée au dossier suivra. Ce processus devrait se dérouler en toute transparence : les médecins au comportement jugé perturbateur devraient être informés de l’information recueillie, mais aussi avoir l’occasion de donner leur point de vue sur la situation.
Lorsqu’un comportement perturbateur est réfractaire aux interventions des échelons inférieurs, il pourrait être nécessaire de transmettre le dossier à une autorité supérieure en prenant soin de consigner le tout par écrit et d’établir un plan d’action. Enfin, l’absence de réaction à l’intervention de l’autorité entraînerait des mesures disciplinaires.
Références
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Le comportement des médecins dans un contexte professionnel. Toronto : Ordre des médecins et chirurgiens de l’Ontario; c2016 May [cité le 2 novembre 2022]. Disponible : https://www.cpso.on.ca/fr/Physicians/Policies-Guidance/Policies/Physician-Behaviour-in-the-Professional-Environmen
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Guidebook for Managing Disruptive Physician Behaviour. Toronto : Ordre des médecins et chirurgiens de l’Ontario; c2008 Apr [cité le 2 novembre 2022]. Disponible : https://www.cpso.on.ca/admin/CPSO/media/Documents/physician/polices-and-guidance/policies/guidebook-managing-disruptive-physician-behaviour.pdf
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Disruptive Behaviour by Physicians. Bedford, N.-É. : College of Physicians and Surgeons of Nova Scotia; c2018 Oct 12 [cité le 2 novembre 2022]. Disponible : https://cpsns.ns.ca/resource/disruptive-behaviour-by-physicians/
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Managing Disruptive Behavour in the Healthcare Workplace. Edmonton : College of Physicians and Surgeons of Alberta; c2010 Fall [cité le 2 novembre 2022]. Disponible : https://www.ualberta.ca/anesthesiology-pain-medicine/media-library/eliassons-wellness-docs/managing-disruptive-behaviour-2010-copy.pdf