Dans chaque province et territoire, des lois obligent les médecins à signaler à une agence de protection de l’enfance toute forme soupçonnée de maltraitance s’il y a des motifs raisonnables de croire ou de présumer qu’une ou un enfant est ou a été victime de mauvais traitements ou est à risque de subir de tels traitements. Ceux-ci peuvent être de nature affective, physique, sexuelle ou psychologique et peuvent inclure des activités liées à la pornographie juvénile, à la violence conjugale et à la négligence.
L’ACPM reconnaît que dans certains cas, des médecins ont fait l’objet d’actions en justice ou d’une plainte à un organisme de réglementation (Collège) après avoir effectué un signalement. Or, les soucis liés à d’éventuels problèmes médico-légaux ne doivent pas dissuader les médecins de s’acquitter de leur obligation juridique en matière de signalement lorsqu’il y a un motif raisonnable de croire qu’une ou un enfant est victime de maltraitance. Les médecins qui ne signalent pas en temps opportun un cas soupçonné de maltraitance d’une ou d’un enfant peuvent faire l’objet d’une action en justice ou d’une plainte auprès de leur Collège.
Selon l’expérience de l’ACPM, les Collèges et les tribunaux critiquent rarement la décision de médecins de signaler des cas soupçonnés de maltraitance envers des enfants. Évidemment, la loi qui définit le devoir de signalement confère généralement une protection en matière de responsabilité légale aux médecins qui effectuent un signalement conformément à la loi, de bonne foi et sans malveillance.
Le seuil de signalement de cas soupçonnés de maltraitance d’enfants se fonde sur un motif raisonnable de croire ou de soupçonner, et non sur une preuve tangible. Les médecins n’ont pas à avoir la certitude que la situation représente un cas de maltraitance, ni à connaître l’identité de la personne soupçonnée d’en être l’auteure. De façon générale, l’obligation s'applique même lorsque les médecins savent que des préoccupations semblables ont déjà été signalées par une autre personne.
Exemple de cas – une médecin de famille soupçonne un cas de maltraitance
Une mère amène son fils de 18 mois, auparavant en bonne santé, chez son médecin de famille.
Celle-ci est préoccupée par les ecchymoses sur le pénis et les fesses de l’enfant, pour lesquelles la mère n’a aucune explication. La mère soulève la possibilité que les blessures aient été infligées à la garderie. Incapable de trouver une explication médicale, la médecin de famille consulte une pédiatre. Avant d’évaluer l’enfant, la pédiatre recommande à la médecin de famille de signaler ses préoccupations à l’agence locale de protection de l’enfance.
À la suite de son évaluation, la pédiatre est elle aussi préoccupée par les blessures. Elle en discute avec la mère de l’enfant et l’informe que des examens médicaux supplémentaires s’avèrent nécessaires. Elle effectue le signalement à l’agence de protection de l’enfance, précisant que des évaluations sont prévues à l’hôpital le lendemain.
Le même soir, des agents de la GRC accompagnent le préposé à la protection de l’enfance au domicile de la famille pour faire enquête. Le préposé à la protection de l’enfance informe les parents qu’ils ne peuvent être seuls avec l’enfant jusqu’à ce que les investigations médicales et sociales soient complétées. La famille doit prévoir une supervision à domicile et l’enfant fait l’objet d’investigations exhaustives au cours des prochains jours. Aucune autre blessure n’est décelée et la pédiatre remet un rapport au préposé à la protection de l’enfance précisant que, bien que les ecchymoses soient source de préoccupation, il est impossible de tirer des conclusions relatives à leur origine.
La mère dépose une plainte au Collège, alléguant que les médecins ont réagi de façon exagérée. Elle allègue que les investigations médicales étaient excessives, qu’elles l’ont indûment exposée, elle et son fils, à la radiation diagnostique, et qu’elles l’ont obligée à s’absenter du travail pour accompagner son fils lors des examens médicaux et pour assister aux entrevues effectuées par l’agence de protection de l'enfance.
Le Collège a rejeté la plainte contre les deux médecins, reconnaissant qu’elles avaient agi dans l’intérêt de l’enfant et conformément à leur obligation juridique de signaler un cas soupçonné de maltraitance.
Signalement
Les médecins peuvent parfois se demander si leurs préoccupations sont raisonnables et si elles atteignent le seuil du signalement.
Si vous avez peu d’expérience quant au signalement de cas de maltraitance et que vous avez des soupçons à cet égard, veuillez téléphoner à l’ACPM pour obtenir des conseils. Notre équipe de médecins-conseils peut vous orienter dans votre processus décisionnel. Elle peut aussi vous informer de l’agence appropriée auprès de laquelle vous devez effectuer le signalement et vous aider à réduire au minimum le risque de plainte ou d’action en justice.
Bien que les dispositions législatives varient d’une province et d’un territoire à un autre, le signalement doit généralement être fait rapidement à une agence de protection de l’enfance. Vous pouvez également choisir d’effectuer le signalement auprès de la police si vous avez des raisons de croire que des enfants sont exposés à un risque imminent de préjudice physique grave ou de décès.
Il existe une surreprésentation des enfants issus des communautés autochtones, noires et racialisées au sein du système de protection de l’enfance. Avant de déterminer s’il faut ou non procéder à un signalement de maltraitance soupçonnée envers une ou un enfant, tenez compte des préjugés inconscients qui pourraient influencer votre décision.
Discussions avec la famille
Une discussion professionnelle, franche et empathique visant à expliquer aux membres de la famille les raisons du signalement peut contribuer au maintien d’une relation positive. Bien qu’il soit généralement préférable de faire preuve d’honnêteté et de transparence dans de telles circonstances, il n’est pas toujours approprié d’informer à l’avance les parents ou les tutrices et tuteurs de la décision de signaler. Songez à la sécurité de toutes les personnes concernées, notamment celle de l’enfant, de la fratrie et de votre personnel, mais également à la vôtre.
Si vous décidez d’informer à l’avance les membres de la famille d’un signalement que vous comptez effectuer, tenez compte de ce qui suit :
- la nature et les motifs de vos préoccupations;
- l’obligation juridique du signalement, en insistant sur le fait qu'il ne s’agit pas d’une décision discrétionnaire;
- le seuil du signalement, qui se fonde sur un motif de soupçonner un cas de maltraitance ou de risque de maltraitance, même en l’absence de preuves;
- l’objectif du signalement, qui ne consiste pas à porter un jugement, mais à protéger l’enfant;
- votre rôle, qui se limite à signaler vos préoccupations et non à effectuer une enquête.
Assurez-vous de verser au dossier vos préoccupations, les discussions avec les membres de la famille et les motifs de votre décision de signaler. Les discussions tenues avec l’agence de protection de l’enfance et avec des tiers dans le contexte du signalement devraient aussi être consignées. Une bonne tenue des dossiers peut s’avérer importante pour établir les faits et les motifs de votre décision en cas de plainte ou d’action en justice ultérieure.
Il est difficile pour une famille de faire l’objet d’un signalement de maltraitance soupçonnée envers une ou un enfant. Après avoir effectué un signalement, vérifiez s’il existe toujours une relation de confiance avec la famille vous permettant de continuer de prodiguer des soins à l’enfant et aux autres membres de la famille.
Divulgation de l’information pertinente seulement
Si vous êtes dans l’obligation de divulguer de l’information sur une patiente ou un patient en vue d’effectuer un signalement, on ne pourra généralement pas vous reprocher d’avoir porté atteinte à la confidentialité. Cependant, vous ne devez fournir que les renseignements pertinents pour faire un signalement approprié, notamment les faits et circonstances vous ayant fait soupçonner un cas de maltraitance.
Lorsque vous répondez à une demande de renseignements cliniques supplémentaires provenant d’une agence de protection de l’enfance, vous devez déterminer quels renseignements les autorités sont légalement en droit de recevoir. Dans la plupart des provinces ou des territoires, les agences de protection de l’enfance ne sont pas en droit de recevoir une copie du dossier clinique sans autorisation appropriée. En pareille circonstance, vous voudrez peut-être informer l’agence de protection de l’enfance que, malgré votre volonté de collaborer avec elle, vous n’êtes pas en mesure de fournir les renseignements demandés sans le consentement de la patiente ou du patient (ou de la personne qui en est responsable) ou une ordonnance d’un tribunal. Nous vous encourageons à communiquer avec l’ACPM pour obtenir des conseils avant de donner suite à de telles demandes.