Les tests génétiques sont largement accessibles. Aussi, il est maintenant possible de tester les adultes comme les fœtus pour dépister une vaste gamme de maladies et prédispositions génétiques, ainsi que pour savoir si une personne est porteuse ou non d’un gène particulier. Ces tests de dépistage peuvent être d’une aide précieuse lors de la prise de décisions sur les soins de santé et la planification familiale.
Toutefois, l’accessibilité des tests de dépistage génétique apporte également son lot de défis pour les médecins; par exemple, certains peuvent avoir du mal à décider quand il convient de recommander de passer ce type de tests. On peut également leur demander des conseils médicaux ou une interprétation clinique des résultats de tests génétiques destinés directement aux consommateurs. Les résultats de ce type de tests peuvent aussi avoir des répercussions qui s’étendent au-delà des résultats d’autres tests médicaux, et le fait de faire part aux patients des problèmes de santé qu’ils risquent de devoir affronter plus tard peut être extrêmement bouleversant pour certaines personnes. Il ne faut pas non plus oublier que les résultats de ces tests peuvent comprendre des constats touchant non seulement les patients, mais également leur famille élargie.
Obligation de renseigner les patientes et patients au sujet des tests de dépistage génétique
Les tribunaux se sont penchés sur la question de savoir si les médecins sont tenus d’informer leurs patientes et patients de la possibilité d’avoir accès à un test dans le contexte de dépistage génétique prénatal. Dans un cas précis, le tribunal a tenu le médecin responsable pour ne pas avoir informé une patiente de 36 ans, enceinte, qu’elle pouvait subir un dépistage génétique prénatal. Après avoir donné naissance à un enfant atteint de trisomie 21 (syndrome de Down), la patiente a entamé des poursuites contre le médecin, alléguant qu’elle se serait soumise au test s’il lui avait été offert, et qu’elle aurait mis fin à la grossesse si ce dernier avait révélé une anomalie génétique chez l’enfant.
Le tribunal a conclu que, dans le cadre des soins prénataux de la patiente, le médecin avait comme responsabilité générale de prodiguer des conseils sur le dépistage génétique et d’offrir ces tests aux personnes enceintes âgées de 35 ans ou plus, conformément aux lignes directrices de pratique en vigueur dans ce genre de cas. Le tribunal a jugé que le médecin avait fait preuve de négligence (ce qui, au Québec, correspond à une faute professionnelle) en ne respectant pas la norme de pratique. L’ACPM a choisi de régler le dossier au nom du membre en concluant une transaction avec les parents pour couvrir les coûts des soins futurs de l’enfant.
Il y a d’autres situations où les médecins pourraient juger bon de conseiller un dépistage génétique aux patients, par exemple, si leurs antécédents familiaux font état de la maladie de Huntington, du cancer du sein ou d’autres troubles génétiques. En soulignant cette possibilité, il serait peut-être avisé pour les médecins de discuter des conséquences d’un résultat positif pour les personnes concernées et leur famille.
Tests génétiques destinés directement aux consommateurs
Les tests génétiques destinés directement aux consommateurs ne sont pas non plus sans défi pour les médecins. Par exemple, certains comportent des limites que n’ont pas les tests génétiques cliniques. Dans sa politique intitulée Tests génétiques destinés directement aux consommateurs [PDF], l’Association médicale canadienne (AMC) aborde certaines de ces limites.1 Elle conseille aux médecins d’éviter, de manière générale, de recommander ou de prescrire ce type de tests à moins de bien connaître la validité et les limites du test choisi. Elle ajoute que les médecins devraient expliquer aux patients qui leur présentent des résultats de tests génétiques destinés directement aux consommateurs que la validité et l’utilité cliniques des résultats varient grandement, et que les médecins devraient évaluer si les résultats sont pertinents avant de les diriger vers un spécialiste, comme un expert en génétique médicale.
Les tribunaux tiendront compte de la norme de pratique en vigueur, entre autres, au moment de déterminer si la question d’un dépistage génétique aurait dû être abordée. Les médecins doivent faire des efforts raisonnables pour se tenir au fait à la fois du dépistage génétique offert et des normes de pratique en vigueur.
Obligation d’aviser les membres de la famille
Les résultats du dépistage génétique peuvent également avoir d’importantes répercussions sur les membres de la famille et les descendants de la personne en cause. Par conséquent, dans certaines situations, les médecins peuvent ressentir l’obligation de faire part des résultats des tests aux membres de la famille. Cependant, la divulgation à des tiers de résultats de tests pourrait entrer en conflit avec l’obligation qu’ont les médecins de respecter la confidentialité si les personnes sous leurs soins s’y opposent.
Il est judicieux pour les médecins de veiller à ce que les membres de la famille soient avisés des résultats de tests qui les concernent. Au moment d’obtenir un consentement éclairé pour effectuer les tests de dépistage génétique, et une fois les résultats connus, les médecins peuvent juger bon d’aborder l’importance et les répercussions éventuelles des résultats pour les autres membres de la famille. Les médecins peuvent leur suggérer de faire part des résultats à leur famille, et même offrir de rencontrer la famille pour répondre aux questions. Par ailleurs, si ces personnes refusent de divulguer l’information ou d’autoriser leur médecin à le faire, dans la plupart des cas, l’obligation de confidentialité l’emporte sur toute obligation envers les membres de la famille.
Même si, en temps normal, l’obligation envers la confidentialité l’emporte sur toutes les autres, des circonstances différentes et uniques pourraient toujours exiger des médecins qu’ils avertissent d’autres personnes. En général, les lois sur la protection des renseignements personnels autorisent la divulgation de renseignements médicaux, sans consentement préalable, pour éviter un risque de graves menaces à l’intégrité physique d’une personne ou d’un groupe de personnes identifiables. Ce type de divulgation exige de respecter des critères rigoureux, dont un risque important, imminent et touchant une personne ou un groupe de personnes clairement identifiables. Il faut également que la divulgation du risque ait des chances raisonnables de prévenir ou de limiter le risque. En temps normal, l’avertissement permet d’écarter le risque uniquement si un diagnostic et un traitement précoces de la maladie génétique sont considérablement plus efficaces que ne le serait un traitement après l’apparition des symptômes.
Dans les rares cas où les médecins estiment qu’il est justifié de divulguer à d’autres personnes le résultat d’un test de dépistage, il serait bon d’aborder la question avec celles qui sont concernées pour obtenir leur consentement. S’il est impossible d’obtenir le consentement, ou en cas de refus, il est conseillé aux médecins de communiquer avec l’ACPM pour vérifier si la divulgation est bel et bien justifiée et, le cas échéant, apprendre comment procéder afin de réduire au minimum le risque pour les médecins et les répercussions pour les patients.
En bref
- Ce sont les circonstances propres à chaque cas et la norme de pratique en vigueur qui déterminent s’il faut ou non offrir un dépistage génétique.
- Les médecins devraient songer à mentionner aux patientes et patients l’effet qu’auraient les résultats de tests de dépistage génétique sur leur famille et, lorsque la situation s’y prête, les encourager à faire part des résultats aux membres de leur famille.
- En général, les médecins ne sont pas autorisés à divulguer les résultats de tests de dépistage génétique à une autre personne sans le consentement des patients, sauf si le fait de connaître les résultats permet d’éviter un risque grave et imminent d’atteinte à l’intégrité physique.
Référence
-
Politique de l’AMC : Tests génétiques destinés directement aux consommateurs. Ottawa : Association médicale canadienne, 27 mai 2017 [cité le 20 octobre 2022]. Disponible : https://policybase.cma.ca/link/policy13696