![Tenir la main d'une personne âgée](/static-assets/images/advice-and-publications/articles/2021/Medical-assistance-in-dying-June2021-banner.jpg)
Les conseils, le soutien et l’assistance dont vous avez besoin sont à portée de main.
12 minutes
Publié : mai 2021
/
Révisé : octobre 2024
Les renseignements présentés dans cet article étaient exacts au moment de la publication
L’aide médicale à mourir (AMM) continue d’évoluer au Canada. En 2019, la Cour supérieure du Québec a rendu une décision invalidant le critère, auparavant prévu par le Code criminel du Canada, selon lequel la mort de la personne devait être raisonnablement prévisible, ainsi que celui qui, au Québec, exigeait que la personne soit en fin de vie.1 Cette décision a nécessité des modifications législatives aux dispositions du Code criminel traitant de l’AMM. Depuis le 30 octobre 2024, la Loi concernant les soins de fin de vie du Québec autorise les demandes anticipées d’AMM dans cette province, dans certaines circonstances particulières.
L’évolution des règles et des attentes pourrait aggraver l’incertitude existante entourant les droits et les obligations des médecins et des patient·es, ainsi que les processus à respecter. L’ensemble des médecins, même celles et ceux qui comptent de l’expérience en la matière, doivent comprendre le cadre de référence actuel et continuer à évaluer de façon exhaustive chaque demande en fonction des circonstances particulières de chaque personne. Les médecins qui administrent l’AMM devraient songer à communiquer avec l’ACPM pour obtenir des renseignements et des conseils précis.
En plus de s’assurer de respecter et d’appliquer rigoureusement les critères d’admissibilité et mesures de sauvegarde énumérés dans le Code criminel, les médecins doivent également connaître les lois et règlements de leur province ou territoire, les exigences en matière de production de rapports, ainsi que les politiques de leur organisme de réglementation de la médecine (Collège) et de leur hôpital, et s’y conformer.
Au Québec, l’AMM est également régie par la Loi concernant les soins de fin de vie. Les médecins exerçant au Québec doivent se conformer tant à la loi provinciale sur l’AMM qu’au Code criminel du Canada. Cependant, des considérations particulières s’appliquent aux demandes anticipées d’AMM, lesquelles sont autorisées au Québec, mais interdites en vertu du Code criminel du Canada.
Une patiente de 45 ans, atteinte de SLA, demande l’AMM. Elle habite dans un milieu rural où peu de médecins sont à l’aise de prodiguer cette aide.
Elle ne se trouve pas encore en fin de vie; son médecin pense qu’elle pourrait vivre pendant encore quatre ans. Elle croit toutefois qu’elle pourrait s’étouffer avec sa salive et mourir n’importe quand. En ce moment, elle ne souffre pas de douleurs physiques intolérables, mais présente plutôt une détresse psychologique importante.
Elle a des questions sur la rédaction d’une demande anticipée d’AMM, au cas où ses analgésiques affecteraient son aptitude à consentir.
Bien que son conjoint appuie sa décision, sa fille s’y oppose.
Cet exemple de cas illustre les défis auxquels les médecins font face au moment de déterminer l’admissibilité à l’AMM. Bien que bon nombre des critères d’admissibilité et des mesures de sauvegarde demeurent les mêmes, les nouvelles dispositions fédérales élargissent l’admissibilité pour inclure les personnes dont la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible, pourvu que des mesures de sauvegarde additionnelles soient respectées.
Pour être admissible à l’AMM, une personne doit répondre à tous les critères suivants :
À l’heure actuelle, la maladie mentale n’est pas considérée comme une maladie, une affection ou un handicap aux fins de l’admissibilité à l’AMM.
Le Code criminel indique qu’une personne est affectée de « problèmes de santé graves et irrémédiables » lorsqu’elle est atteinte d’une maladie, d’une affection ou d’un handicap graves et incurables, que son état de santé se caractérise par un déclin avancé et irréversible de ses capacités, et que ses problèmes de santé lui causent des souffrances intolérables qui ne peuvent être apaisées dans des conditions qu’elle juge acceptables. Au Québec, depuis le 7 mars 2024, les personnes qui présentent un trouble physique grave causant une invalidité importante et persistante sont admissibles à l’AMM pour autant que des mesures de sauvegarde additionnelles soient respectées. Avant cette date, le critère à respecter y était plus restrictif, c’est-à-dire que l’admissibilité au Québec se limitait à une « maladie grave et incurable » plutôt qu’à « une maladie, une affection ou un handicap graves et incurables ».
Toutes les demandes d’AMM doivent être faites par écrit et être datées et signées par la personne devant une ou un témoin indépendant. Auparavant, la présence de deux témoins était requise. La personne doit être avisée qu’elle peut retirer sa demande en tout temps.
Deux médecins indépendants, ou encore infirmières ou infirmiers praticiens indépendants, doivent rédiger un avis écrit confirmant que la personne satisfait à tous les critères d’admissibilité. Au Québec, depuis le 7 décembre 2023, les infirmières et infirmiers praticiens sont autorisés à évaluer l’admissibilité d’une personne à l’AMM et à prodiguer cette dernière. Avant cette date, cette autorisation n’était accordée qu’aux médecins.
Dans l’exemple de cas, même si la ou le médecin conclut que la patiente atteinte de SLA répond à tous les critères d’admissibilité, il lui faut tout de même chercher à déterminer si la mort naturelle est désormais « raisonnablement prévisible ».
Lorsque la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible, une personne peut encore être admissible à l’AMM, mais des mesures de sauvegarde additionnelles doivent s’appliquer. Par exemple, cette personne doit être soumise à une période d’attente d’au moins 90 jours avant de recevoir l’AMM, celle-ci débutant le lendemain de la première journée de la première évaluation de l’admissibilité. Il est à noter que le calcul de cette période de 90 jours ne tient compte ni du jour où commence la première évaluation de l’admissibilité ni du jour où l’AMM est prodiguée. Cependant, la période d’évaluation peut être écourtée si l’on estime que la personne perdra de façon imminente son aptitude à consentir.
Lorsque la personne qui évalue l’AMM et celle qui la prodigue ne possèdent pas d’expertise en ce qui concerne l’affection médicale à l’origine des souffrances de la personne, il faut consulter une ou un médecin ou encore une infirmière ou un infirmier praticien qui possède une telle expertise (laquelle est déterminée en fonction de facteurs tels que la nature de l’affection ou de la maladie de la personne, et la formation ou l’expérience de la ou du médecin ou de l’infirmière ou de l’infirmier praticien en question).
La personne doit également être avisée des moyens disponibles pour soulager ses souffrances et pour obtenir du soutien. Tant la personne qui évalue l’AMM que celle qui la prodigue doivent s’assurer qu’elle a sérieusement envisagé de telles options.
Le Bureau du coroner en chef (BCC) de l’Ontario s’est penché sur les enjeux délicats entourant l’AMM lorsque la mort n’est pas raisonnablement prévisible (voie 2). Selon la principale conclusion du BCC, les prestataires de l’AMM devraient ajuster leur approche afin qu’elle soit axée non pas sur l’intervention, mais sur les soins. Le BCC a en effet indiqué que dans nombre de cas, l’évaluation exhaustive de la situation de la personne soignée – y compris ses besoins psychosociaux et les ressources à sa disposition pour y répondre – dure bien au-delà de 90 jours. Le BCC a également souligné que les diagnostics complexes peuvent nécessiter la consultation de plusieurs personnes possédant une expertise médicale ou exerçant une profession de la santé ainsi que la collecte d’information collatérale. Bien que ces recommandations s’adressent aux prestataires de l’AMM qui pratiquent en Ontario, elles peuvent se révéler utiles pour celles et ceux qui pratiquent dans les autres provinces et territoires.
Si la mort naturelle d’une personne est raisonnablement prévisible, si cette personne répond aux autres critères d’admissibilité et si les autres mesures de sauvegarde ont été respectées, la personne en question peut conclure une entente par écrit avec la ou le médecin ou l’infirmière ou l’infirmier praticien pour recevoir l’AMM même si elle devait perdre, avant de recevoir cette aide, l’aptitude à y consentir. Le Code criminel prescrit le contenu de telles ententes par écrit. Au Québec, la renonciation au consentement final est également permise pour autant que l’on respecte les conditions stipulées dans la loi québécoise.
La renonciation au consentement final n’est pas permise lorsque la mort naturelle d’une personne n’est pas raisonnablement prévisible.
Si, après avoir perdu l’aptitude à consentir à l’AMM, la personne manifeste par des paroles, sons ou gestes une résistance ou un refus face à une telle aide, sa renonciation au consentement final n’est alors plus valide et le processus doit prendre fin sur-le-champ. Les paroles, sons ou gestes qui seront considérés suffisants pour constituer une résistance ou un refus ne sont pas définis dans la loi. Les médecins devront donc se fier à leur jugement professionnel en fonction des circonstances particulières de chaque personne. D’autres sources (telles que les Collèges, les pouvoirs publics ou les associations et fédérations de médecins spécialistes) pourraient cependant émettre des directives à cet égard.
La « renonciation au consentement final » et la « demande anticipée » de l’AMM sont deux concepts distincts. Dans le cadre d’une « demande anticipée », la personne qui en est à l’origine n’est alors pas admissible à cette aide et ne cherche pas pour l’instant à l’obtenir. Sa demande a plutôt pour but d’être applicable dans de futures circonstances où elle souhaiterait recevoir l’AMM, mais ne disposerait pas de l’aptitude requise pour la demander ou y consentir. Les demandes anticipées ne sont pas permises par les lois fédérales ou provinciales existantes, sauf au Québec.
Depuis le 30 octobre 2024, les demandes anticipées d’AMM sont autorisées au Québec, pour autant que toutes les exigences prévues par la Loi concernant les soins de fin de vie soient satisfaites. Les demandes anticipées sont toujours interdites en vertu du Code criminel du Canada. Néanmoins, le ministre de la Justice et le directeur des poursuites criminelles et pénales du Québec ont émis des lignes directrices et directives en matière de poursuites selon lesquelles il n’est pas dans l’intérêt du public d’autoriser le dépôt d’une poursuite criminelle en lien avec un décès survenu dans le contexte de l’AMM, ou de laisser une poursuite privée suivre son cours, lorsque la preuve démontre que l’AMM a été prodiguée dans le respect des volontés relatives aux soins exprimées de façon libre et éclairée, compte tenu des conditions prévues à la Loi concernant les soins de fin de vie du Québec. Les médecins qui ont l’intention d’accepter les demandes anticipées d’AMM au Québec devraient communiquer avec l’ACPM pour obtenir des conseils pertinents et liés aux circonstances individuelles de chaque instance.
Dans l’ensemble des provinces et territoires, sauf au Québec, une personne admissible qui choisit de s’administrer par voie orale une substance lui ayant été fournie dans le cadre de la prestation de l’AMM peut, au préalable, conclure une entente par écrit pour que l’AMM lui soit administrée à nouveau si l’ingestion de la substance entraîne une perte de son aptitude décisionnelle et non sa mort. Les détails d’une telle entente et le contenu de la forme écrite de celle-ci sont établis dans le Code criminel. Par exemple, pour que l’entente par écrit soit applicable, une ou un professionnel de la santé doit être présent au moment où la personne s’administre la substance en question.
L’auto-administration d’une substance dans le cadre de la prestation de l’AMM demeure prohibée au Québec.
Des médecins s’opposent à l’AMM pour des raisons d’ordre moral ou religieux. Les médecins n’ont toujours pas l’obligation de fournir l’AMM, mais ont malgré tout l’obligation préexistante de ne pas abandonner les personnes sous leurs soins.
La plupart des Collèges ont élaboré des politiques pour tenter de concilier les droits des patient·es et ceux des médecins. Ces politiques diffèrent d’une province ou d’un territoire à l’autre, y compris en ce qui concerne ce que l’on attend, en matière de demande de consultation, des médecins qui invoquent une objection de conscience. Les médecins devraient se conformer aux politiques du Collège de leur province ou territoire, tout en demeurant respectueusement fidèles à leurs opinions personnelles.
Les médecins qui reçoivent une demande par écrit d’AMM ou qui procèdent à l’évaluation de l’admissibilité d’une personne à celle-ci pourraient devoir présenter un rapport à Santé Canada ou à une ou un destinataire désigné, même si elles ou ils ne participent pas à la prestation subséquente de cette aide. Les médecins pourraient également avoir d’autres obligations en matière de production de rapports, y compris des rapports à soumettre à la ou au coroner ou à la ou au médecin légiste, à l’hôpital ou à l’autorité en matière de santé, ou encore à d’autres parties (p. ex. la Commission sur les soins de fin de vie au Québec).
Pour obtenir plus de détails sur ces obligations, on encourage les médecins à consulter le site web de Santé Canada, le Collège de leur province ou territoire, et les autres politiques et règlements applicables en matière d’AMM. L’information que doit contenir le rapport, l’organisation à laquelle ce dernier doit être présenté et le calendrier de production des rapports sont des éléments qui font encore l’objet de modifications et qui pourraient varier en fonction du dossier et de la province ou du territoire en question.
Les médecins qui ont des questions à ce sujet devraient songer à communiquer avec l’ACPM.
Dans certaines collectivités, les patient·es pourraient avoir de la difficulté à trouver une personne exerçant une profession médicale pouvant prodiguer l’AMM et disposée à le faire. Dans certaines régions, des services ont été mis en place pour aider à diriger les patient·es vers des prestataires de cette aide.
L’exemple de cas met aussi en évidence les défis qui peuvent survenir lorsque les membres d’une famille n’acceptent pas la demande de la personne en cause. Pour limiter les difficultés pouvant se manifester à la suite du décès d’une personne, les médecins devraient, dans la mesure du possible, encourager les patient·es à intégrer les membres de la famille dans les discussions sur l’AMM, tout en clarifiant qu’une telle demande relève de la décision de la personne en cause.
L’AMM est régie par le droit criminel, contrairement à la plupart des autres services de soins de santé. Cela signifie qu’une ou un médecin participant à l’AMM, qui ne s’assure pas du respect des critères d’admissibilité, des mesures de sauvegarde et des obligations en matière de production de rapports, pourrait se faire accuser d’une infraction criminelle. Si sa culpabilité est reconnue, cette ou ce médecin pourrait être passible d’une peine maximale d’emprisonnement de 14 ans. Elle ou il pourrait également faire l’objet d’admonestations de la part du Collège, d’actions civiles ou les deux.
Pour limiter ces risques, il est important que les médecins qui envisagent d’administrer l’AMM soient au fait des exigences énoncées dans le Code criminel du Canada, de la législation de leur province ou territoire ainsi que des politiques et normes de leur Collège sur le sujet. Les médecins peuvent également consulter des ressources telles que le Programme canadien de formation sur l’AMM de l’Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l’AMM et les publications du gouvernement du Canada sur l’AMM
.
AVIS : Les renseignements publiés dans le présent document sont destinés uniquement à des fins générales. Ils ne constituent pas des conseils professionnels spécifiques de nature médicale ou juridique, et n’ont pas pour objet d’établir une « norme de pratique » à l’intention des personnes exerçant une profession de la santé au Canada. L’emploi que vous faites des ressources éducatives de l’ACPM est visé par ce qui précède et l’avis de non-responsabilité de l’ACPM dans son intégralité, « Contrat d’utilisation de l’ACPM ».