Exemple de cas : demande d’injection de Botox
Daniel, un infirmier, souhaite injecter du Botox à des patients à des fins esthétiques, mais il n’est pas autorisé à le faire. À l’école de ses enfants, il fait la rencontre de Karine, qui est médecin de famille. Au cours d’un événement organisé à l’école, il lui demande si elle peut lui fournir une ordonnance de Botox. En contrepartie, il lui remettrait 10 % des profits. Karine refuse et lui explique qu’il lui est impossible de déléguer une telle intervention de façon sécuritaire puisqu’elle n’a jamais effectué d’injection de Botox ou de tout autre agent de comblement, et parce qu’il n’existe pas de relation thérapeutique.
En quoi consiste la délégation?
La délégation est un mécanisme qui permet aux médecins qui ont l’autorisation d’accomplir un acte contrôlé1 d’accorder cette autorisation à quelqu’un d’autre. Il s’agit d’une décision complexe pour certains médecins puisque les lignes directrices varient dans une vaste mesure d’une province et d’un territoire à l’autre. En Ontario, par exemple, la Loi sur les professions de santé réglementées et la politique Délégation des actes autorisées de l’OMCO abordent toutes deux le sujet. Cependant, dans plusieurs provinces et territoires, il n’existe aucune loi ou politique de Collèges régissant la délégation.
Dans quelles conditions la délégation est-elle appropriée?
Peu importe si votre province ou territoire dispose d’une loi ou d’une politique spécifique en matière de délégation, les mêmes principes s’appliquent. Pour déléguer en toute sécurité, vous devez vous poser les questions suivantes :
- Disposez-vous des compétences nécessaires pour effectuer l’activité en question? Toute activité que vous prévoyez déléguer doit relever de votre champ d’exercice, et vous devez disposer des connaissances et de l’expérience nécessaires pour l’effectuer vous-même. Dans cet exemple de cas, même si l’administration d’une injection relève clairement du champ d’exercice de la médecin de famille, celle-ci n’a pas d’expérience quant à l’injection de Botox ou d’autres agents de comblement et il n’est donc pas approprié pour elle de déléguer cette intervention.
- Pouvez-vous assurer une supervision et une surveillance appropriées? Il n’est pas nécessaire d’assurer une supervision directe dans tous les cas, mais de façon générale, le niveau de supervision requis pour déléguer une activité en toute sécurité dépend de ce qui suit : l’activité déléguée et les risques associés; les particularités de la patiente ou du patient; le milieu dans lequel l’activité sera réalisée; et les aptitudes de la personne à qui on délègue l’activité.
- Est-ce que la personne à qui vous déléguez l’activité dispose des connaissances, des aptitudes et du jugement nécessaires? Les médecins doivent veiller à ce que les soins prodigués soient sécuritaires et, par conséquent, lorsqu’ils délèguent une activité à une autre personne, il leur faut avoir déjà vu celle-ci effectuer cette activité, ou encore avoir eu une discussion avec elle pour s’assurer qu’elle dispose des connaissances, des aptitudes et du jugement nécessaires pour le faire et pour obtenir le consentement éclairé des patients.
- Existe-t-il une relation thérapeutique? En l’absence de directives internes de portée générale en matière de délégation (comme celles qui sont mises en place en milieu hospitalier), on s’attend à ce que les médecins évaluent les patients avant de déléguer une activité. De plus, ils devraient évaluer à nouveau les patients chaque fois qu’une modification du traitement est envisagée.
Au Québec, seuls les actes autorisés en vertu des lois qui encadrent les professionnels de la santé peuvent être accomplis par ces derniers, conformément aux exigences précisées, s’il y a lieu. Par conséquent, les médecins ne peuvent demander à d’autres membres d’une profession de la santé d’accomplir un acte réservé que si ces derniers sont autorisés à le faire en vertu des lois régissant l’exercice de leur profession.
Délégation dans des situations particulières
Délégation à d’autres professionnelles ou professionnels de la santé
Lorsque des professionnelles ou professionnels de la santé effectuent un acte autorisé qui relève de leur champ d’exercice, il n’est pas nécessaire que cet acte soit délégué ou supervisé par une ou un médecin. Les médecins à qui on demande de déléguer ou de superviser un acte autorisé dans de telles circonstances peuvent avoir à en assumer indûment la responsabilité et risquent ainsi d’être imputables pour les actes d’autres professionnelles ou professionnels de la santé déjà autorisés à les effectuer de façon autonome. Si vous envisagez de déléguer un acte autorisé à d’autres professionnelles ou professionnels de la santé et que vous avez des questions au sujet de leur champ d’exercice, communiquez avec leur organisme de réglementation.
Interventions esthétiques
Quelques provinces et territoires disposent de politiques particulières sur la délégation des interventions esthétiques (comme l’injection de Botox et d’agents de comblement) en l’absence de relation thérapeutique. Par exemple, citons la politique Conseils à la profession : Délégation des actes autorisés de l’Ordre des médecins et chirurgiens de l’Ontario (OMCO) et la norme de pratique du College of Physicians and Surgeons of British Columbia (CPSBC) intitulée Injection of Botulinum Toxin, Dermal Fillers and Venous Sclerotherapy. Comme c’est le cas pour tout autre acte autorisé, la délégation des interventions esthétiques exige ce qui suit : compétences des médecins qui délèguent l’intervention; supervision et surveillance de la personne à qui on délègue l’intervention; évaluation des aptitudes, des connaissances et du jugement de la personne à qui on délègue l’intervention; et évaluation des patients par les médecins.
En bref
La délégation est un mécanisme efficace dans de nombreuses situations, et plusieurs actes peuvent être délégués adéquatement à d’autres professionnelles et professionnels de la santé par les médecins. Cependant, ceux-ci peuvent faire l’objet de poursuites ou d’une plainte auprès de leur Collège si les actes délégués causent un préjudice et qu’ils savaient que :
- la personne à qui ils ont délégué l’acte n’était pas en mesure de l’effectuer en toute sécurité;
- la délégation était inappropriée dans le cas particulier de cette patiente ou de ce patient;
- la délégation manquait de précision;
- la supervision était insuffisante.
Il est possible de réduire les risques médico-légaux en évaluant avec soin s’il convient de déléguer un acte dans une situation donnée. On encourage les médecins à revoir les politiques et les normes de leur Collège ainsi que toutes les lois qui s’appliquent dans leur province ou territoire en matière de délégation.
Délégation et étendue de l’assistance de l’ACPM
Les médecins et les membres de leur personnel peuvent être nommés dans des actions en justice découlant de tâches ayant été déléguées. Les membres de l’ACPM sont généralement admissibles à l’assistance de l’ACPM lorsque des actions en justice sont intentées contre eux pour des actes ou des omissions de leur personnel. Cependant, les membres du personnel des médecins ne pourront bénéficier de l’assistance de l’ACPM que s’ils ont respecté les principes de l’assistance aux cliniques et aux établissements privés.
Suggestions de lecture
Remarque
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Les termes utilisés pour désigner les activités ne pouvant être réalisées que par des professionnelles et professionnels de la santé particuliers varient d’une province et d’un territoire à l’autre. Par exemple, si le terme « acte autorisé » est utilisé en Ontario, on utilise plutôt celui d’« activité réservée » au Québec. Les mêmes principes s’appliquent toutefois, sans égard au terme employé.