Balado de l’ACPM : D’un point de vue pratique

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Écoutez des médecins-conseils experts de l’ACPM discuter d’une vaste gamme de sujets affectant les médecins canadiens et l’exercice de la profession. Ce balado traitera de ce que vous souhaitez savoir (de la réduction des risques à l’amélioration de la sécurité des soins médicaux, en passant par le bien-être des médecins et la façon dont l’ACPM soutient ses membres face à l’évolution rapide du milieu des soins de santé), au moment où vous en avez le plus besoin.

Animateurs : Dr Steven Bellemare et Dre Yolanda Madarnas

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Une médecin qui divulgue un incident à une patiente.

Divulgation d’incidents liés à la sécurité des patients

septembre 2022 | 17 minutes

Les médecins ont l’obligation juridique, déontologique et professionnelle de divulguer les incidents liés à la sécurité des patients (accidents au Québec) aux patients eux-mêmes ou à leurs proches aidants. Menées adéquatement, les conversations concernant la divulgation facilitent le dialogue au cours du processus de gestion de l’incident et contribuent à renforcer le lien de confiance médecin-patient. Dans l’épisode de ce mois-ci, les Drs Bellemare et Madarnas traitent des meilleures façons de s’y prendre pour divulguer un incident lié à la sécurité des patients; ils abordent aussi l’importance de communiquer efficacement pour répondre aux besoins des patients tout au long du processus.

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Animateur : Vous êtes à l’écoute de l’ACPM, d’un point de vue pratique.

Dr Steven Bellemare : Bonjour tout le monde, ici, Steven Bellemare.

Dre Yolanda Madarnas : Bonjour à tous, Yolanda Madarnas

Dr Steven Bellemare : Aujourd’hui, notre balado parle de divulgation.

Dre Yolanda Madarnas : Steven, as-tu déjà eu l’occasion d’entendre un collègue passer un commentaire, genre : « Voyons donc, il pensait à quoi? ».

Dr Steven Bellemare : Oui, absolument ou disons : « Eh bien, voyons donc, pourquoi est-ce qu’ils ont fait ça? Ils ont manqué le bateau. »

Dre Yolanda Madarnas : « Ils n’auraient pas dû faire ça. »

Dr Steven Bellemare : Malheureusement, c’est les commentaires qu’on entend une fois de temps en temps en clinique et qui sont dangereux et qui même, peuvent causer des torts à nos patients.

Dre Yolanda Madarnas : Et ça mène, souvent, à des situations où un médecin a à faire le ménage d’une divulgation mal-faite ou d’une divulgation non-faite.

Dr Steven Bellemare : Et dans ce cas-là, on se ramasse, souvent, mal préparé à gérer une conversation avec un patient qui est mêlé, choqué et puis c’est difficile.

Dre Yolanda Madarnas : Et on reconnait, aussi, que ces des circonstances qui mènent à des plaintes et des poursuites, suite à des malentendus basés sur des commentaires de gens qui ne connaissaient qu’une partie de l’histoire.

Dr Steven Bellemare : Oui. Quand on découvre, de façon inattendue, une situation, on peut se ramasser à patiner quand même assez vite pour essayer de trouver les bons mots. Ces situations-là, ça peut être un évènement à propos duquel le patient n’est même pas au courant.

Dre Yolanda Madarnas : Ou bien un évènement à propos duquel le patient était au courant, mais le médecin ne l’est pas encore.

Dr Steven Bellemare : Ou même, encore une situation où on pense qu’il s’est, peut-être, passé quelque chose, mais on n’a pas encore assez d’informations pour le déterminer.

Dre Yolanda Madarnas : Et sur ça, il y a déjà beaucoup de matériels publiés…

Dr Steven Bellemare : Oui.

Dre Yolanda Madarnas : … de l’ACPM et d’autres organisations qui présupposent que c’est vous qui êtes impliqué dans l’évènement, dans l’incident, dans l’accident et que c’est vous qui allez faire la divulgation.

Dr Steven Bellemare : On repasse pas ça à travers ce balado-là.

Dre Yolanda Madarnas : Non, mais c’est dans des circonstances où c’est vous qui découvrez quelque chose qui a eu lieu sous les soin de quelqu’un d’autre.

Dr Steven Bellemare : Oui, en effet.

Dre Yolanda Madarnas : Par exemple, une erreur de médicaments ou une radiographie avec une trouvaille clinique significative qui n’a pas eu de suivi nécessaire.

Dr Steven Bellemare : Donc, dans notre balado, finalement, on veut discuter de : comment amener un support approprié à un patient lorsqu’on découvre qu’il s’est potentiellement passé quelque chose sous les soins de quelqu’un d’autre.

Dre Yolanda Madarnas : Donc, à nouveau, on ne va pas s’attarder sur le qui, le comment de la divulgation, mais plutôt les conversations difficiles pour les cliniciens qui découvrent un incident qui a eu lieu en amont de leurs soins. Partons de la base. On sait que les médecins ont une obligation éthique, légale et professionnelle de divulguer.

Dr Steven Bellemare : Oui et l’ACPM encourage toujours ses membres de, bel et bien, divulguer les incidents aux membres de la famille ou aux patients comme ce l’est approprié, mais habituellement, ces conseils-là, sont dirigés au médecin traitant, au médecin le plus responsable. Malheureusement, dans certaines situations, c’est quand on est le nouveau médecin traitant ou un médecin qui est moins responsable, si on peut dire, qu’on a à faire ces divulgations-là.

Dre Yolanda Madarnas : Et ça se peut, aussi, que ça soit une situation dans laquelle il n’y a même pas eu d’incident comme tel, mais qu’on perçoit qu’il y a eu un incident.

Dr Steven Bellemare : Ça, c’est un point crucial, Yolanda, parce que le patient qui a souffert un préjudice ou qui pense avoir souffert un préjudice, va vraiment se fier à nos mots, à nos paroles pour décider comment procéder dans le futur.

Dre Yolanda Madarnas : Il faut reconnaitre que le concept de préjudice est très complexe.

Dr Steven Bellemare : En effet. Le préjudice peut subvenir dans plusieurs situations. Ça peut être en raison de l’évolution de la condition ou de la maladie du patient.

Dre Yolanda Madarnas : Ça peut être un incident qui est relié à un risque connu ou une complication connue d’une intervention ou d’un traitement.

Dr Steven Bellemare : Ou même, en relation, à un problème de système ou un problème de performance personnel d’un individu qui a prodigué des soins. C’est souvent des combinaisons de tous ces éléments-là qui vont donner lieu à des préjudices.

Dre Yolanda Madarnas : Mais, c’est aussi nature-humaine lorsqu’on fait face à un incident. Surtout un incident qui implique un de nos patients, de vouloir comprendre : qu’est-ce qu’il s’est passé?

Dr Steven Bellemare : Ou, eh bien… puis, c’est naturel, aussi, de vouloir ou d’avoir tendance à vouloir blâmer quelqu’un. Donc, de trouver les raisons, de décortiquer toutes les raisons pour lesquelles un évènement s’est produit, mais ce n’est quand même pas facile.

Dre Yolanda Madarnas : C’est d’autant plus compliqué lorsque l’évènement a eu lieu sous les soins de quelqu’un d’autre.

Dr Steven Bellemare : Eh bien, oui. Donc, si on fait des commentaires, même si ce sont des commentaires qui sont bien-intentionnés, il faut réaliser qu’il peut y avoir des répercussions et qu’on risque de faire des commentaires qui ne sont pas professionnels ou qui sont perçus comme n’étant pas professionnels si on ne connait pas toute l’information.

Dre Yolanda Madarnas : En effet, Steven, et je pense que les données de l’ACPM, lorsqu’on étudie nos cas ou nos cas médico-légaux, lorsqu’un élément a été découvert chez le professionnel de la santé, plutôt qu’un problème systémique ou un problème d’autres professionnels de la santé ou de l’équipe…

Dr Steven Bellemare : Oui.

Dre Yolanda Madarnas : …des allégations de comportements inappropriés ou non-professionnel de la part du médecin, surviennent dans presque un quart de ces cas-là.

Dr Steven Bellemare : C’est quand même assez important comme chiffre.

Dre Yolanda Madarnas : Extrêmement.

Dr Steven Bellemare : Okay. Donc, les messages clés pour notre balado, Yolanda, le numéro un : la divulgation, puis c’est un devoir éthique, légal, professionnel.

Dre Yolanda Madarnas : Si vous découvrez un incident qui a eu lieu sous les soins de quelqu’un d’autre, soyez judicieux avec votre choix de mots.

Dr Steven Bellemare : Et justement, le troisième point important, le choix de mots est tellement important. De mal choisir ses paroles peut, en fait, perpétuer le préjudice pour un patient.

Dre Yolanda Madarnas : Okay, Steven. Partons de l’obligation professionnelle, éthique et légale de divulguer. Le médecin qui fait face à la découverte d’un incident qui a eu lieu sous les soins de quelqu’un d’autre, fait face, aussi, à un dilemme : divulguer ou ne pas divulguer.

Dr Steven Bellemare : Eh bien, en effet. D’un côté, on est au courant de notre obligation professionnelle de favoriser une divulgation, mais d’un autre côté, on ne veut pas, non plus, errer dans une discussion qui est, peut-être, un petit peu trop hâtive, qui pourrait malheureusement tourner vers le blâme un peu trop vite.

Dre Yolanda Madarnas : En même temps, on veut promouvoir les droits de notre patient à recevoir de l’information, surtout si l’on perçoit qu’il a été l’objet de quelque chose qui n’aurait pas dû avoir lieu.

Dr Steven Bellemare : Oui, mais d’un autre côté, non plus, on ne veut pas nécessairement prendre la place du médecin qui, selon nous, devrait être celui ou celle qui devrait faire la divulgation.

Dre Yolanda Madarnas : Mais on veut aborder la situation de façon judicieuse et avec la vérité.

Dr Steven Bellemare : Sans pour autant avoir l’air évasif ou avoir l’air de vouloir cacher des choses.

Dre Yolanda Madarnas : On pense peut-être savoir qu’est-ce qu’il s’est passé, on veut l’expliquer.

Dr Steven Bellemare : Mais d’un autre côté, on veut faire attention à la réputation de notre collègue et ne pas, non plus, les garocher sous l’autobus, proverbial.

Dre Yolanda Madarnas : Il faut se souvenir que ce n’est pas à nous de décider de la responsabilité dans le contexte d’un évènement. c’est à la cours, aux administrateurs des hôpitaux, aux collèges d’effectuer ça.

Dr Steven Bellemare : Oui. Il faut se souvenir, aussi, que la plupart du temps, quand on n’est pas impliqué, quand on n’était pas impliqué dans l’évènement, ça va être difficile, pour nous, de distinguer entre ce qui est vraiment un incident…

Dre Yolanda Madarnas : Un incident.

Dr Steven Bellemare : … ou un accident, versus la perception d’un incident ou d’un accident. Puis, c’est une conversation qui est très différente dans les deux situations.

Dre Yolanda Madarnas : Surtout si on ne possède pas tous les éléments d’information, mais en même temps, il faut s’attendre que quelqu’un fasse cette divulgation, mais il y a plusieurs façons d’aborder la situation.

Dr Steven Bellemare : Bon, eh bien ça, je pense que ça nous amène très bien à notre deuxième point. Le point qui a à faire avec le choix de nos mots. Je vais te donner un exemple, Yolanda. Je me souviens d’un cas où on avait une dame de 32 ans qui est allée voir son gynécologue parce qu’elle avait des symptômes de ménopause prématurés et puis, elle était assez anxieuse par rapport à la situation et elle raconte à son gynécologue que l’année d’avant, elle avait eu un enfant, elle avait accouchée et puis que ça l’avait mal tourné, malheureusement, qu’elle s’était ramassée aux soins intensifs avec une crise de prééclampsie et puis, on lui avait fait un curetage pour s’assurer qu’il n’y avait pas de fragments placentaire et puis, elle a développée une septicémie et puis, une thrombophlébite septique pelvienne. Oui, donc très malade la dame…

Dre Yolanda Madarnas : Oui.

Dr Steven Bellemare : … mais elle s’en était sortie et puis là, eh bien, à ce moment-là, le gynécologue l’a regardé et puis, il a dit : « Eh bien, voyons donc. C’est bien certain que vous êtes malade, c’est à cause de ce qu’ils vous ont fait à l’hôpital. »

Dre Yolanda Madarnas : Ah. J’imagine que ça a déclenché…

Dr Steven Bellemare : Une plainte au collège et en effet… mais vois-tu, dans cette situation-là, le collège n’a eu aucune critique par rapport aux soins obstétricaux et aux soins critiques qu’elle avait reçue, cette madame-là. Donc là, la dame, elle, s’est ramassée avec une plainte qui n’a pas été retenue. Dans le fond, qu’est-ce que ça fait, ça l’a seulement perpétué ses douleurs, si on peut dire.

Dre Yolanda Madarnas : Steven, ton exemple est excellent. Il met en évidence le point lorsque le patient entend notre commentaire. Surtout si les commentaires s’enligne avec leur perception des évènements, ça risque de devenir leur réalité, leur vérité, même si c’est des commentaires complètement à côté de la vérité.

Dr Steven Bellemare : Et ça, ça fait en sorte que les patients peuvent déposer des requêtes introductives d’instance, des plaintes aux collèges, des plaintes aux médecins examinateurs à l’hôpital, avec la croyance que ça va mener quelque part, mais en fais qui risque de ne pas être retenue.

Dre Yolanda Madarnas : Ce qui nous mène à notre troisième point, Steven, celui que des commentaires mal-placés peuvent, en soit, être une source de préjudice pour nos patients.

Dr Steven Bellemare : Les patients sont mal servit par de l’information incomplète et de la spéculation.

Dre Yolanda Madarnas : Quoi que c’est important de promouvoir les droits de nos patients en posant des questions, en cherchant à obtenir de l’information concernant les soins des autres. C’est important, aussi, de laisser à nos collègues la courtoisie professionnelle d’expliquer leurs propres soins, eux-mêmes.

Dr Steven Bellemare : C’est normale Yolanda de vouloir s’aligner avec le patient et puis de faire en sorte qu’il puisse connaitre la vérité, mais en faisant ca de façons mal planifier on augmente beaucoup les chances en faits de ce ramasser avec un rôle proéminent dans les recours juridique qui pourrait avoir lieux après.

Dre Yolanda Madarnas : Oui, eh bien, il faut se comprendre, les actions légales, les plaintes ont leur place.

Dr Steven Bellemare : Oui puis en effet les conversations de divulgation devraient être bien planifier, puis le buts de ça c’est de préservé la confiance en la profession et la confiance dans le professionnelle de la santé en question.

Dre Yolanda Madarnas : On doit se souvenir, aussi, que lorsqu’on fait face à des évènements qui ont eu lieu en amont de nous, même des évènements qui semble abracadabrants, on doit tenter de ne pas miner la confiance du patient en les professionnels de la santé qui nous ont précédé, ni en le système.

Dr Steven Bellemare : Justement Yolanda, en parlant de confiance, ça me fait penser à un autre exemple. C’est l’exemple d’un enfant, d’un bébé qui est né à terme, à 39 semaines, par césarienne planifiée. L’obstétricienne avait fait les ultrasons, les échographies je devrais dire, pour vraiment s’assurer des dates de cette patiente-là qui connaissait, même, très bien sa date de dernière menstruation. Le bébé, malheureusement, n’était pas bien. À la naissance, il avait besoin de réanimation et puis, le pédiatre, s’est exclamé devant tout le monde, incluant la mère : « Eh bien, voyons. C’est bien certain que cet enfant-là ne va pas bien. Il a juste 37 semaines en le regardant. » Il s’est basé sur son inspection visuel, a fait un commentaire spontané, comme ça, ne sachant pas, vraiment, que les dates étaient absolument certaines, basées sur les dates de dernière menstruation avec l’ultrason. Le résultat de ça, c’est qu’il y a eu une plainte au collège et la patiente n’avait plus confiance en son obstétricienne et ça, malgré le fait que le pédiatre n’avait pas raison, du tout, que son évaluation clinique, c’était elle, dans le fond, qui était problématique, que le bébé avait 39 et non 37 semaines.

Dre Yolanda Madarnas : Donc, des commentaires mal-placés qui ont miné la confiance de la patiente.

Dr Steven Bellemare : Puis dans ce cas-là, c’est de la confiance qui n’est jamais revenue.

Dre Yolanda Madarnas : Non. On ne peut pas récupérer ça. Ça me fait penser que c’est un bon moment de faire référence à l’article du The New England Journal of Medicine par Gallagher et al. qui sera disponible, la référence sur notre site web, qui stresse ou souligne l’importance avant d’entamer une conversation concernant un incident ou une erreur possible, de s’assurer d’obtenir tous les faits et de se rappeler que nos collègues méritent la chance de pouvoir expliquer leur propre soin. Donc, c’est certainement une situation où la façon de transmettre cette information de la part du médecin de famille pourrait laisser l’impression qu’il y a eu une erreur, quand finalement, ce n’est pas le cas.

Dr Steven Bellemare : C’est ça. Donc, on ne veut pas faire penser à nos patients que le radiologue, dans mon exemple, a fait une erreur et la façon dont on en parle, les mots que l’on choisit vont vraiment faire la différence ici. Donc, c’est important de ralentir et puis, de penser à ce qu’on va dire, de réaliser qu’il y a, potentiellement, pas mal plus d’informations de disponibles que ce qu’on peut voir en ce moment et puis, de se souvenir que c’est bien de donner l’occasion aux autres professionnels de la santé de participer à la divulgation ou à la discution qui pourrait avoir y lieu pour être capable de faire ressortir leur point de vue ou leur côté de l’histoire.

Dre Yolanda Madarnas : Oui, parce que les médecins non-cliniciens, pensons aux spécialités de laboratoire ou de radiologie, par exemple, ont le même devoir professionnel, éthique et légal de divulguer, mais il y a plusieurs façons de songer à les inclure dans ces conversations-là. Je pense à un cas, des miennes par exemple, où j’ai eu à divulguer, chez une patiente avec un cancer du sein, un changement à son rapport de pathologie. J’étais face-à-face avec la patiente, mais le pathologiste était au téléphone, en télé-conversation avec nous et il a eu la chance de donner des explications à la patiente et ça c’est très bien passé.

Dr Steven Bellemare : C’est excellent comme exemple. Yolanda, j’aimerais ça qu’on discute de la situation, encore une fois, où il y a plus d’informations disponibles, mais on n’en est pas au courant. L’exemple que je voudrais t’amener, c’est l’exemple d’un médecin à l’urgence qui voit un patient avec une embolie pulmonaire et qui, en passant au travers le dossier médical antérieur, remarque quelques électro qui démontraient une fibrillation auriculaire évidente à quelques reprises et puis qui dit au patient : « Eh bien, ils ont manqué que vous étiez en fibrillation. Ils auraient dû vous anti-coaguler. C’est bien certain que vous avez fait une embolie. »

Dre Yolanda Madarnas : Mais il faut faire attention.

Dr Steven Bellemare : Eh bien, de ne pas sauter, justement, à ces conclusions-là parce que dans notre cas, le patient en question avait un risque de saignement très élevé et avait entretenu une discution avec son médecin par rapport au pour et au contre d’être anti-coagulé et finalement, avait fait la décision de ne pas être anti-coaguler, mais ça, ce n’était pas clair au dossier.

Dre Yolanda Madarnas : De la l’importance de documenter des circonstances dans lesquels on dévie de la norme, où on entreprend des démarches qui ne sont pas habituelles.

Dr Steven Bellemare : Donc, dans une situation comme ça, je pense que c’est toujours important de soulever, c’est correct de soulever une préoccupation clinique, de dire au patient : « Je me demande pourquoi vous n’étiez pas anti-coagulé. » par exemple, mais pas de dire : « Vous auriez dû être anti-coagulé, à quoi l’autre médecin pensait. », mais plutôt de dire : « Il y aurait de l’information à obtenir, à découvrir. Je peux vous aider à découvrir cette information-là si vous voulez. »

Dre Yolanda Madarnas : Donc, entre l’importance d’entreprendre une enquête et ne de pas ignorer les faits. Donc c’est correct de reconnaitre de qu’on ne comprend pas qu’est-ce qu’il s’est passé, mais aussi de s’engager à obtenir de l’information additionnelle.

Dr Steven Bellemare : C’est ce que Gallagher réfère : explorer et non ignorer.

Dre Yolanda Madarnas : On peut encourager le patient, d’aller à la recherche de l’information, lui ou elle-même, en entamant des discutions avec les professionnels de la santé en amont de nous, ou bien on peut l’entreprendre nous-même, alors non, on pourrait faire.

Dr Steven Bellemare : L’important, là-dedans, c’est de toujours se souvenir qu’on n’a peut-être pas tous les faits devant nous et de se garder une petite gêne avant de faire un commentaire par rapport au soin que quelqu’un d’autre aurait prodigué.

Dre Yolanda Madarnas : Oui, parce qu’il se peut que les décisions prises, à ce moment-là, était correct en fonction du contexte.

Dr Steven Bellemare : Eh bien, comme on l’a vu dans notre exemple.

Dre Yolanda Madarnas : Exactement.

Dr Steven Bellemare : Mais comment le médecin de l’urgence aurait fait pour le savoir, c’est plus difficile parce que, Yolanda, on va se dire la vérité, les notes au dossier ne sont pas toujours aussi bonnes qu’elles devraient l’être. C’est certain que s’il y avait une note quelque part, par rapport à la conversation de consentement en lien avec l’anticoagulation. Oui, peut-être que le médecin de l’urgence l’aurait vu, mais, encore une fois, c’est d’aller trouver cette information-là au moment où on a un patient devant nous, ce n’est pas très facile.

Dre Yolanda Madarnas : Ce qui nous mène à la fin de notre balado, puis nos perles.

Dr Steven Bellemare : Ah, déjà le temps des perles. Bon et bien, écoutez…

Dre Yolanda Madarnas : Une perle de documentation, Steven.

Dr Steven Bellemare : Une perle de documentation… Moi, je devrais vous dire : demeurez objectif dans votre documentation. Gardez vos commentaires et vos notes au dossier, pertinente au fait et aux observations que vous connaissez, sans éditorialiser, si on peut dire, avec des commentaires par rapport aux opinions que vous auriez par rapport aux soins qui ont été prodigué. Donc ça, c’était la perle de documentation. Yolanda, est-ce que tu en aurais une pour la communication ?

Dre Yolanda Madarnas : De se forcer, de résister, le réflexe d’offrir des commentaires spontanés, sans avoir toute l’information. Tenez-vous au fait que vous connaissez et engagez-vous à entreprendre la recherche d’autres informations.

Dr Steven Bellemare : Il y a moyen de supporter un patient sans nécessairement…

Dre Yolanda Madarnas : Accuser.

Dr Steven Bellemare : … accuser ou…

Dre Yolanda Madarnas : Pointer du doigt, etcetera.

Dr Steven Bellemare : Justement.

Dre Yolanda Madarnas : Steven, avant de se quitter aujourd’hui, j’aimerais rappeler à nos auditeurs et les invités à nous envoyer les sujets qu’ils aimeraient avoir lors de balados futurs, ainsi que leurs questions.

Dr Steven Bellemare : En effet, notre adresse courriel est assez facile : [email protected]. Là-dessus, je suis Steven Bellemare.

Dre Yolanda Madarnas : Ici, Yolanda Madarnas.

Dr Steven Bellemare : Souvenez-vous, lorsqu’on regarde les choses autrement…

Dre Yolanda Madarnas : On perçoit les choses autrement. Aurevoir et bonne journée.

Dr Steven Bellemare : Bonne journée.

Animateur : Ce matériel éducatif est fourni uniquement à des fins éducatives générales; il ne constitue pas des conseils professionnels de nature juridique ou médicale ni une « norme de pratique » pour les professionnels de la santé canadiens.


Prise d’une décision partagée entre une médecin et sa patiente.

Miser sur les décisions des patientes et des patients pour favoriser la prise d’une décision partagée

août 2022 | 20 minutes

Les outils d’aide à la décision visent à favoriser la prise d’une décision partagée et la participation des patientes et des patients aux décisions qui concernent leurs soins de santé. En effet, les patientes et les patients qui participent activement au processus décisionnel et qui comprennent les attentes à leur égard sont plus susceptibles de respecter le plan de traitement. Pour qu’un processus décisionnel partagé et efficace soit établi, les médecins doivent tenir compte des circonstances ainsi que des valeurs et des préférences de leurs patientes et patients. Dans l’épisode de ce mois-ci, on aborde le rôle important que jouent les outils d’aide à la décision pour les patients pour surmonter les défis communicationnels et établir une relation thérapeutique solide.

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Annonceur : Vous êtes à l’écoute de l’ACPM, d’un point de vue pratique.

Dre Yolanda Madarnas : Bonjour tout le monde, bonjour Steven.

Dr Steven Bellemare : Bonjour Yolanda, ça va bien?

Yolanda : Ça va bien merci. Commençons aujourd’hui avec une vérité transcendante, Steven.

Steven : C’est sérieux ton affaire. Okay.

Yolanda : Il est bien reconnu que la communication avec nos patients et leur famille présente parfois, des défis.

Steven : Alors okay. Je pense que je ne peux pas argumenter avec ça, c’est certain que c’est transcendant, ça, comme vérité. En effet, même les plus étoffés d’entre nous peuvent trouver ça difficile de bâtir une relation solide, surtout quand on a juste un peu de temps.

Yolanda : Exactement et surtout, dans un contexte où les profils démographiques, chez les médecins et chez les patients, sont en évolution et où s’ajoutent, parfois, des enjeux culturels et linguistiques.

Steven : Oui ou avec des patients qui sont de plus en plus engagés et mieux, ou peut-être moins, bien informés et avec des limites qu’on ressent quand on manque de temps auquel on fait face en tant que médecin.

Yolanda : Ce qui explique l’observation que des reproches visant les aspects de la communication reviennent à répétition dans nos dossiers.

Steven : Et puis, ce n’est pas juste dans nos dossiers, Yolanda, c’est dans la littérature médicale.

Yolanda : Oui.

Steven : Partout, on voit que la communication avec les patients c’est un élément difficile. Dans nos dossiers, il y a plusieurs thèmes qui font surface par rapport à ça. Par exemple, l’établissement du rapport avec les patients, de communiquer de façon claire, honnête et directe, de vérifier la compréhension des patients quant à leur diagnostic ou aux options de traitements qu’on leur offre.

Yolanda : Mais il ne faut quand même pas se décourager. Il y a des approches pouvant appuyer nos échanges avec nos patients. Par exemple, et en particulier, l’utilisation d’outils d’aide à la décision.

Steven : Oui, en effet. Quand on dit…

Yolanda : Quant au sujet de notre balado aujourd’hui…

Steven : Eh bien, oui. Je partais pour dire quand on dit « outils d’aide à la décision», on parle d’outils d’aide au patient, quelque chose qu’on utilise avec les patients pour faire avancer la discussion et promouvoir leur compréhension des faits. Il ne faut pas mêler ça avec les outils d’aide au diagnostic qui peuvent faire partie d’un dossier médical électronique et qui sont là pour nous aider à identifier des diagnostics différentiels pertinents considérés.

Yolanda : L’aspect médical. Donc, ces outils sont utiles dans le contexte de processus décisionnels, plutôt complexes, qui nécessitent beaucoup d’informations ou beaucoup de détails et par conséquent, une considération accrue de la part du patient.

Steven : Oui. Ces décisions complexes là comportent, souvent, plusieurs options que les gens vont valoriser de façon différente et parfois, les données scientifiques sont limitées, donc la valeur personnelle qu’on ajoute à un argument, versus un autre, vient à jouer un grand, grand rôle dans la prise de décision.

Yolanda : Évidemment, oui. Donc le choix, on le reconnait, appartient ultimement au patient, visant à respecter ses valeurs vis-à-vis les risques, les bénéfices et cette incertitude scientifique, mais le but ultime de ces outils, c’est d’appuyer et d’optimiser le processus décisionnel à travers lequel passe le patient.

Steven : Et la qualité des décisions prises dépend, en fait, de la mesure selon laquelle le patient va ressentir avoir pris une décision qui est en accord avec ses valeurs.

Yolanda : On pourrait, peut-être, facilement, concevoir qu’un patient serait prêt à accepter des compromis vis-à-vis un choix versus un autre.

Steven : Et ça, eh bien, c’est entièrement leurs choix, justement.

Yolanda : Avec raison.

Steven : Mais, le fait d’utiliser un outil d’aide à la décision, ça peut être utile aux médecins aussi, Yolanda.

Yolanda : Oui.

Steven : Ça peut aider à structurer une discussion et à la compléter en permettant au patient de donner son point de vue. Donc en fait, ça aide à créer un dialogue, dans le fond.

Yolanda : Effectivement et dans ce contexte, maintenant, on vous propose trois messages clés pour le balado d’aujourd’hui.

Steven : Donc, le premier, c’est que quand on parle de traitements ou de dépistages, la prise de décision partagée augmente l’engagement et la satisfaction des patients.

Yolanda : Et, par conséquent, pourrait, peut-être, réduire, aussi, le risque médico-légal.

Steven : Eh bien, c’est des nouvelles considérations, alors Yolanda, peut-être. En fait, améliorer la communication entre un patient et un médecin, ça ne peut pas faire de tort, mais d’utiliser les outils d’aide à la décision va nécessiter un investissement de temps et d’énergie de votre part, c’est certain.

Yolanda : Oui, mais soyons, aussi, conscients que l’utilisation d’un tel outil ne mène pas à une décision instantanée ou immédiate. Il faut tenter de bien gérer nos attentes et celles de nos patients, vis-à-vis ces outils.

Steven : Oui.

Yolanda : Ce qui nous mène à notre deuxième message clé, qui serait l’usage des outils d’aide à la décision, représente une technique qui pourrait faciliter le processus décisionnel partagé ou conjoint.

Steven : Oui et finalement, le troisième message: la prise de décision partagée, mais, c’est le lien entre les soins centrés sur la personne et le consentement éclairé. Donc Yolanda, pourquoi on n’utiliserait pas un exemple fictif pour explorer nos trois messages clés?

Yolanda : Bien sûr. Prenons, par exemple, le cas de Paul, un homme de 55 ans, qui a entendu parler du test l’APS, l’antigène prostatique spécifique, et qui veut le test parce qu’il a peur d’avoir le cancer de la prostate. Cependant, Paul, n’a pas d’histoire familiale et n’a pas de symptômes reliés à sa prostate, qu’est-ce que tu vas lui dire?

Steven : Eh bien, je pense qu’on pourrait juste lui dire:«Okay, allons-y.» et laisser ça comme ça. C’est ce qui serait le plus facile.

Yolanda : Oui, ça serait le chemin de moindre résistance, ça pourrait bien nous tenter, mais ce n’est pas nécessairement dans le meilleur intérêt de Paul et pourrait, même, être perçu comme étant paternaliste comme approche de notre part.

Steven : Oui.

Yolanda : Donc le but de notre balado, aujourd’hui, est plutôt de discuter de diverses façons d’aborder le processus décisionnel partagé avec l’utilisation de ces outils d’aide à la décision.

Steven : Et tout ça, ça me fait penser, Yolanda, s’il était plus jeune, Paul, et qu’on répond:«Eh bien, voyons donc, ce n’est pas nécessaire.» Eh bien, ça ne serait pas mieux, non plus.

Yolanda : C’est aussi paternaliste. Il manque le dialogue à propos du pourquoi, appuyant la médecine, que ce soit l’APS, que ce soit une mammographie, que ce soit une IRM, quelque soit le test qui dévie des soins centrés sur le patient.

Steven : Justement, Yolanda, il y a une étude qui a été publiée dans le journal de l’association médicale canadienne en 2019 et cette étude-là a démontré que les patients plus vieux, qui font partie d’une minorité visible, qui vivent en milieu rural et qui vivent au Québec, en particulier, perçoivent un niveau qui est significativement plus bas de prise de décision partagée.

Yolanda : C’est intéressant. Qu’est-ce que tu penses pourrait expliquer une telle observation, Steven?

Steven : J’imagine que ça veut dire que soit ce n’est pas fait ou soit que ce n’est pas fait comme il faut. La littérature nous dit qu’il y a des embuches. Certaines de ces embuches-là, par exemple, c’est un manque de connaissance, de la part des médecins, à l’égard de quelles situations, de quels patients sont propices à cette approche de prise de décision partagée ou, même, de penser que ça prend trop de temps le temps que…

Yolanda : Oui, ça ne vaudrait pas la peine d’investir ce temps. Donc, le message clé ici, était que le processus décisionnel partagé augmente la satisfaction et l’engagement des patients vis-à-vis leurs soins et l’adoption de tels outils. On reconnait, aussi, les variables selon le domaine de la médecine. Il y a des domaines dans lesquels ces outils sont utilisés avec une très grande fréquence. Par exemple, mon domaine, en oncologie, on les utilise très souvent.

Steven : Eh bien, justement et on peut penser qu’on promeut, des fois en effet, un processus de décision partagé, mais on a tous nos angles morts, si on peut utiliser cette analogie-là…

Yolanda : Oui.

Steven : … et parfois, de demander une rétroaction à un collègue, ou même à nos patients, par rapport à nos habiletés de promouvoir l’utilisation d’un processus décisionnel partagé, ça peut être un excellent point de départ pour améliorer notre pratique.

Yolanda : Absolument et ça serait, aussi, un sujet extrêmement propice pour une formation médicale continue de haute valeur.

Steven : Oui.

Yolanda : Celle qui donne beaucoup de crédits.

Steven : Oui, les activités d’autoévaluations…

Yolanda : Oui.

Steven : … où on incorpore la rétroaction de quelqu’un.

Yolanda : Oui.

Steven : On se cherche toujours des activités comme ça. C’est une excellente idée, c’est sûr. Donc, de s’appliquer à devenir un meilleur communicateur, ça peut contribuer énormément à notre satisfaction personnelle au travail. Dans le fond, le processus décisionnel partagé, c’est une belle façon de devenir un meilleur communicateur et un allié pour ses patients. C’est une conversation entre un médecin et son patient, où le médecin partage de l’information médicale pertinente. Le patient, lui de son côté, partage son point de vue, ses valeurs, ses préférences. Puis ensuite, ensemble, ils arrivent à une décision complète.

Yolanda : Revenons, donc Steven, au cas de Paul.

Steven : Okay.

Yolanda : Si on lui demande de verbaliser ses valeurs, il ne va peut-être pas comprendre ce qu’on lui demande, mais par contre, si on lui demande, disons par curiosité, qu’on veut comprendre: pourquoi il s’intéresse à ce test maintenant ? Cela pourrait, peut-être, mener à une discussion plus approfondie qui nous permettrait de mieux comprendre ses besoins et de les combler.

Steven : Oui. C’est certain que… Je pense que si on demandait à n’importe quel patient:«Quelles sont vos valeurs ?», il resterait un peu bouche bée. Il se demanderait:«Qu’est-ce que vous voulez dire ?». Donc, c’est certain que les mots qu’on choisit, mais le ton qu’on utilise aussi, Yolanda, sont tellement importants, ici, parce que quand on demande à un patient:«Eh bien, pourquoi vous voulez ce test-là ?», tout dépend de la façon dont on le dit. Donc, on ne veut pas que nos patients pensent qu’on les critique.

Yolanda : Oui.

Steven : Il y a des scénarios, qui sont disponibles si ça vous intéresse, si vous n’êtes pas confortable, si vous ne savez pas, exactement, quoi dire dans une certaine situation, il y a des dialogues qui existent, qui sont publiés, qu’on peut utiliser, un peu, comme gabarit. Je pense, ici, spécifiquement aux conversations difficiles autour de l’utilisation des opiacés.

Yolanda : Oui.

Steven : Il y a des textes là-dessus, il y a des textes qu’on peut utiliser. Donc, vous pouvez toujours chercher ça, dépendamment du sujet qui vous intéresse.

Yolanda : Donc, le but finalement, c’est de comprendre ce que le patient veut et cherche, ce que le patient pense, ce qui se passe dans leur vie, maintenant, ce qui les inquiète, maintenant, tout ça dans le but de mieux les aider.

Steven : Okay, Yolanda, la prise de décision partagée, ça prend du temps. Parlons franchement, et ça, je suis certain que ça va en préoccuper plusieurs.

Yolanda : Mais ça vaut la peine d’investir ce temps.

Steven : Oui.

Yolanda : C’est du temps qui a une grande valeur et un rendement énorme sur le long terme. Ce qui mène, aussi, à une plus grande satisfaction de la part du patient avec les soins reçus et un lien thérapeutique de meilleure qualité entre nous et notre patient.

Steven : Puis, tu sais, on en a déjà parlé dans nos autres balados…

Yolanda : Absolument, oui.

Steven : … que le temps qu’on investit avec notre patient est, probablement, beaucoup moins que le temps qu’on va investir à répondre à une plainte au Collège.

Yolanda : Exactement.

Steven : Si le patient en venait à être insatisfait.

Yolanda : Oui.

Steven : Donc, c’est un choix.

Yolanda : Tout à fait et pour ceux qui s’intéresse à approfondir, un peu plus leurs lectures sur ce sujet, l’article de perspective, auquel le balado d’aujourd’hui fait allusion, a plusieurs références à des articles à ce sujet.

Steven : Yolanda, tu sais, il y a des patients qui ne sont pas habitués, par contre, à la prise de décision partagée et ça se peut qu’on ait, un petit peu, à les habituer au concept.

Yolanda : Oui, eh bien, c’est vous le médecin. Dites-moi donc quoi faire.

Steven : C’est ça. Leur médecin précédent, ou même les autres médecins qui leur offrent des soins ne se servent peut-être pas de cette technique-là et ça peut être un peu mêlant pour un patient de dire: «Eh bien là, avec ce médecin-là, on me dit quoi faire et avec ce médecin-là, il faut qu’on en parle, il faut qu’on en discute.»

Yolanda : Oui, mais c’est justement la raison d’être d’un outil d’aide à la décision. Ça nous permet de mettre en évidence les valeurs du patient et on comprend mieux, par conséquent, leurs besoins et on peut les combler mieux. Donc, c’est de guider le patient à travers ce processus, qui n’est pas nécessairement intuitif.

Steven : Oui et vous savez, si vos patients n’ont pas l’air à comprendre, c’est correct. Dans un contexte de conversation clinique, c’est une occasion d’apprentissage mutuel.

Yolanda : Steven, dans la littérature médicale, on retrouve de nombreux modèles qui utilisent le processus décisionnel partagé, mais à la base, ils ont tous en commun 2 fondements essentiels. Celui de la communication du risque et la précision et compréhension des valeurs de notre patient.

Steven : Oui. Essentiellement, la prise de décision partagée, c’est à propos du choix, des options et des décisions.

Yolanda : Dans un premier lieu, on introduit un choix entre diverses options et on suit avec une description approfondie des différentes options.

Steven : Et c’est là, qu’intégrer un outil d’aide décisionnel peut être, vraiment, utile.

Yolanda : Pour nous permettre, finalement, d’aider à notre patient à examiner les préférences, selon il ou elle, dans le but d’arriver à une décision.

Steven : Donc alors, avec Paul, à l’étape 1, on introduit le choix de tester ou non pour l’antigène spécifique de la prostate et d’autres options qui sont pertinentes, au besoin.

Yolanda : Et dans la deuxième étape, on décrit les options. Par exemple, on pourrait offrir des statistiques dans chacun des scénarios, le pourcentage d’hommes avec un test négatif ou le pourcentage d’hommes chez qui on découvre un cancer de la prostate de façon précoce, suite au test de dépistage.

Steven : Oui et là, eh bien Paul, il va peut-être réaliser que le test, ce n’est peut-être pas qu’il pensait que ce serait. Alors là, à l’étape trois, on discuterait des valeurs de Paul, des préférences de Paul, en lien à cette décision informée. Par exemple, quels risques lui importent le plus ? Est-ce qu’il préfère tester et risquer un faux positif et tous les potentiels problèmes que peuvent entrainer les tests et les traitements ? Ou, est-ce qu’il préfère ne rien faire, sachant que faire le test, ça ne changera probablement rien pour lui, de toute façon ?

Yolanda : Et l’incertitude.

Steven : En effet.

Yolanda : On reconnait, il y a des risques et des bénéfices dans chacune de ces approches. L’approche, que l’on vient de décrire, offre une valeur ajoutée, versus l’approche:«Bien sûr, Paul. On peut faire le test,» ou bien: «Non, tu n’as pas besoin de ce test.»

Steven : Oui, c’est ça. Donc, quand cette approche partagée, dans le cas où on utilise l’outil de support décisionnel, eh bien le patient est tellement plus engagé dans la prise de décision par rapport à ces tests-là. Donc, avant de se quitter, par contre, je pense que c’est important de souligner que les outils de support à la décision ne sont pas tous aussi bons les uns que les autres.

Yolanda : Oui, effectivement. Il y a des normes pour l’évaluation de tels outils d’aide à la décision. Il y a une association internationale et pardonnez, je vais le dire en anglais, the International Patient Decision Aid Standards Collaboration, qui publie ces principes, ces normes-là, mais en général, les choses qu’on cherche à voir chez un bon outil, seraient qu’ils incluent les conséquences tant positives comme négatives associées à un choix A ou B, ainsi que les probabilités d’une issue. En deuxième lieu, que l’outil décrit les options disponibles, en sorte que le patient puisse imaginer l’issue de chacune de ces options et les évaluer en fonction de ses propres valeurs et en troisième lieu, que l’outil établit un lien entre la littérature scientifique et le processus de synthèse qui a mené à la création de cet outil.

Steven : Donc dans le fond, ce qu’on dit, c’est que c’est important de regarder ces outils-là avec un œil critique, tout comme on a appris à le faire à l’école de médecine, avec la littérature médicale, dans le fond.

Yolanda : Effectivement. Il faut se rappeler, aussi, que non seulement, il y a ces standards ou ces normes internationales, mais il est vraiment possible que votre institution ou votre lieu de pratique aient leurs propres outils et c’est utile de vous familiariser avec ceux-ci.

Steven : Et puis ça, eh bien ça ramène encore le concept de la règle de l’art, dont on a déjà parlé dans d’autres balados, il faut être au courant de la règle de l’art dans notre contexte local.

Yolanda : Les normes de pratique, oui.

Steven : Justement. Bon, eh bien, Yolanda, on arrive à la fin et j’ai comme l’impression qu’on n’a pas respecté notre format habituel de discuter chacun de nos messages clés l’un après l’autre.

Yolanda : Oui. Espérons que ça n’a pas été trop mêlant pour vous, mais je pense qu’en effet, on a, quand même, faufilé les messages clés à notre discussion d’aujourd’hui, mais Steven, je me demande: Si… j’imagine que nos collègues le font aussi, si on utilisait un tel outil, est-ce qu’on serait en mesure de mitiger notre risque médico-légal ?

Steven : Eh bien, écoutez, je pense que ce n’est pas l’utilisation de l’outil comme tel. Je pense que c’est plutôt le bénéfice que ça comporte pour votre relation avec le patient. Le concept de la préparation, de la disposition du patient à prendre une décision, c’est la clé d’une relation solide quand on s’embarque vers un traitement ou dépistage.

Yolanda : Oui, et c’est une observation qui revient à répétition dans les dossiers médico-légaux à l’Association. Les problèmes concernant le consentement, le processus de consentement, la sélection du patient de l’intervention et la documentation sont des thèmes qui reviennent à répétition dans nos dossiers.

Steven : Et c’est certain que la prise de décision partagée, ça peut aider dans ce domaine-là, mais il ne faut pas se leurrer, c’est peut-être un peu trop en demander que de s’attendre à ce qu’après une discussion, le patient soit capable de prendre une décision et de faire un choix. Le patient va probablement avoir besoin de retourner chez lui et d’y penser un peu avant de décider.

Yolanda : Et je crois que c’est important de reconnaitre que ce processus décisionnel partagé va bien au-delà d’une seule discussion, comme tu l’as dit, Steven, et en fait, c’est l’intersection entre le concept de consentement éclairé et les soins axés sur la personne.

Steven : Eh bien, c’est ça. C’est profond. C’est tout ce que je peux dire, c’est profond. Ce qu’on recherche, dans le fond, toute blague à part, c’est d’amener le patient à participer à son processus de consentement éclairé. C’est de s’assurer qu’il ait son mot à dire dans ce qui va lui arriver.

Yolanda : Oui et rappelons-nous, aussi, que nous interprétons ces outils avec nos biais, nos connaissances médicales, juxtaposés à notre compréhension et notre interprétation des valeurs et attentes qui nous sont exprimées par nos patients et aussi, qu’il n’y a pas d’outils parfaits et tentons, quand même, d’incorporer une certaine flexibilité à notre approche.

Steven : Oui, c’est certain qu’il ne faut pas être trop rigide.

Yolanda : En effet et Steven, je pense qu’on est rendu au point de notre balado où on cherche à offrir une perle de communication à nos auditeurs.

Steven : Oui, je suis prêt à le faire. Moi, je vous suggèrerais d’utiliser la relecture ou le renseignement. Donc, qu’est-ce que je veux dire par ça ? En premier lieu, on enseigne, on discute d’un concept et après, on demande au patient de nous répéter ce qu’on lui a dit, mais dans ses propres mots. Ça, ça accomplit 2 choses: ça favorise la rétention de l’information parce que là, le patient a à la synthétiser afin de pouvoir la verbaliser et ça permet au médecin d’évaluer s’il y a des lacunes dans la compréhension du patient. Toi, Yolanda, as-tu une perle de documentation ?

Yolanda : Oui. La documentation, ça parait évident et c’est un message qui revient dans toutes présentations de l’ACPM, mais on ne peut vraiment le souligner suffisamment, l’importance d’une bonne documentation. Si vous utilisez un outil d’aide à la décision, documentez-le. Non seulement, la discussion qui a eu lieu, mais mettez une copie de l’outil au dossier, donnez une copie au patient qu’il ramène chez lui pour partager avec ses proches et l’aider avec le processus décisionnel.

Steven : Et l’importance d’en verser une copie au dossier, c’est qu’avec le temps, comme toute chose, les données changent, les directives changent, donc on va être capable de savoir à quel outil on a fait allusion ou à quel outil on a fait référence, à ce moment-là, dans notre pratique.

Yolanda : Et ça permet de définir quelle était la norme de pratique à ce moment-là pour empêcher, disons s’il y a une complication médico-légale, de comparer les soins en 2001 aux soins en 2021.

Steven : C’est ça.

Yolanda : Oui.

Steven : Eh bien là, je pense qu’on est rendu, vraiment, à la fin du balado. On n’a plus de temps. Donc, on vous remercie d’avoir écouté et on vous invite à nous envoyer vos questions, vos suggestions, vos commentaires. L’adresse courriel: [email protected] .

Yolanda : Merci tout le monde. Ç’a été un plaisir de partager ce temps avec vous aujourd’hui.

Steven : Et je vous rappelle, lorsqu’on regarde les choses autrement, …

Yolanda : … on perçoit les choses autrement.

Steven : Bonne journée tout le monde.

Yolanda : Aurevoir.

Animateur : Ce matériel éducatif est fourni uniquement à des fins éducatives générales ; il ne constitue pas des conseils professionnels de nature juridique ou médicale ni une « norme de pratique » pour les professionnels de la santé canadiens.


Un groupe de coureuses et de coureurs se félicitent en se tapant dans la main.

Reprise des activités après une blessure : la sécurité des patients d’abord

juillet 2022 | 17 minutes

Quand des médecins sont appelés à autoriser quelqu’un à reprendre ses activités après une blessure, ils doivent s’assurer d’agir selon la norme de pratique et dans l’intérêt de la patiente ou du patient; pour ce faire, plusieurs éléments sont à prendre en compte. Dans l’épisode de ce mois-ci, les Drs Madarnas et Bellemare discutent des précautions et des responsabilités que médecins et patients doivent prendre pour que la reprise des activités se fasse en toute sécurité. Les Drs Madarnas et Bellemare insistent particulièrement sur l’importance de suivre un processus décisionnel partagé pour créer un cadre efficace.

Pour découvrir le balado : Apple Podcasts / Simplecast / Spotify

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Animateur : Vous êtes à l’écoute de l’ACPM : d’un point de vue pratique.

Dr Steven Bellemare : Bonjour Yolanda.

Dre Yolanda Madarnas : Bonjour Steven, bonjour à tous

Steven : Yolanda, est-ce que tu t’es déjà trouvée dans une situation où tu avais à faire de la paperasse (remplir des papiers, des formulaires) pour un patient?

Yolanda : Absolument, très souvent.

Steven : Qui ne l’a pas été? Est-ce que tu as en tête un genre de situation qui est plus problématique qu’un autre potentiellement?

Yolanda : À part le fardeau administratif que représentent les formulaires, c’est le processus décisionnel derrière ces formulaires, donc la décision de «clearer» un patient, de donner le feu vert pour un retour au travail ou un retour à ses activités, ou le sport par exemple.

Steven : Quoique la plupart de nos patients ne soient pas des athlètes professionnels, les chances sont que la plupart d’entre nous aurons besoin de donner des attestations à nos patients pour retourner au sport après une blessure par exemple.

Yolanda : Donc le balado aujourd’hui arrive comme complément à l’article là-dessus.

Steven : Et pourquoi on devrait s’en faire à ce sujet-là?

Yolanda : Il peut y avoir un souci ou des craintes de la part des médecins vis-à-vis de leurs responsabilités si le patient se blesse ou récidive de sa blessure. Ainsi, il peut avoir la crainte que le patient ne suive pas les consignes.

Steven : Puis, il y a l’inconfort quant à la gestion de l’incertitude, quand on n’est pas trop certain comment procéder. Finalement, il y a les intentions cachées de nos patients ou des parents de nos plus jeunes patients; et les impacts relationnels qui peuvent découler de décisions ou de recommandations qu’on fait qui ne sont pas nécessairement alignées avec leurs attentes.

Yolanda : Tout à fait. Donc, le retour de nos patients à leurs activités normales, leurs activités de loisir, sportives après une blessure ou une absence, quoique satisfaisant pour le médecin et le patient aussi, requiert d’une part qu’on tienne compte de leur motivation de retourner à ces activités et d’autre part la sécurité de le faire.

Steven : C’est une question qui est chargée d’émotions; on peut ressentir de la pression de plusieurs personnes et c’est important, je pense, de s’en tenir au principe de base pour y voir clair.

Yolanda : C’est sûr que c’est un contexte souvent émotif pour les athlètes. Lorsqu’ils sont jeunes, leurs parents les coachent. Et, il peut y parfois avoir du conflit, par exemple, un employeur rigide qui ne collabore pas avec les recommandations requises pour le patient.

Steven : Oui. En plus de ça, il y a les autres membres de l’équipe qui exercent des pressions, les compagnies d’assurance, les employeurs. Donc tout ça peut exercer une pression significative sur les patients et sur vous comme médecin par l’entremise des attentes des patients.

Yolanda : Absolument. Mais sachez que vous n’êtes pas seul et que vous pouvez bénéficier de l’expérience collective de divers professionnels de la santé souvent impliqués dans les soins de votre patient, et ça peut vous aider à gérer le cas.

Steven : Donc, quels sont nos messages clés cette fois-ci Yolanda?

Yolanda : Le premier qui revient (ce n’est pas la première fois qu’on voit ça dans nos balados) : tenez compte du meilleur intérêt de la sécurité de votre patient, c’est le principe de base dans la gestion de ces cas.

Steven : Le deuxième serait de demander de l’aide, de ne pas hésiter à demander de l’aide si on n’est incertain quant aux lignes directrices ou si on est inconfortable avec la condition ou la blessure en question, et de ses implications pour le retour à l’activité.

Yolanda : Et en troisième lieu, les discussions de retour aux activités devraient inclure une discussion de risques à court terme et à long terme de ce retour.

Steven : Bon, donc message clé no 1 : les meilleurs intérêts du patient, qu’est-ce que ça veut dire?

Yolanda : Ça veut dire que ce sont des décisions qui doivent être prises soigneusement. On retrouve souvent dans nos cas médico-légaux des lacunes vis-à-vis la rigueur des évaluations, donc soyez conscient et tenez-vous à votre champ de pratique et à votre expérience avec la condition en question.

Steven : Dans le fond, pour ce faire, il faut savoir de quoi on parle et avoir une approche, que ce soit quelque chose avec un enjeu élevé comme un patient qui fait une syncope en faisant du sport avec des antécédents familiaux de mort cardiaque soudaine, ou quelque chose d’un peu plus «banal» comme une entorse à la cheville, bien les principes sont fondamentalement les mêmes. En ce qui a trait à la prise de décision, il faut agir selon les règles de l’art : faire une analyse, un examen, considérer les risques et les bénéfices et en discuter avec les patients.

Yolanda : Précisons cependant que les médecins ne sont pas tenus à une obligation de résultat, mais plutôt à l’obligation de moyens.

Steven : bien ça, c’est intéressant, je pense que c’est la première fois qu’on en parle dans notre balado. Qu’est-ce qu’on veut dire par ça?

Yolanda : Ça veut dire que les tribunaux et les collèges ne s’attendent pas à la garantie d’un résultat favorable, mais plutôt que le médecin fasse preuve d’avoir pris une approche diligente basée sur les règles de l’art.

Steven : Donc ils prennent les moyens nécessaires pour en arriver au meilleur résultat possible sans garantir le résultat, parce qu’on n’est pas infaillible; ce n’est presque pas possible d’offrir des garanties. La clé est de trouver le seuil sécuritaire. Ça, ça va impliquer un élément de jugement de votre part et de celle du patient en prenant en compte la tolérance pour le risque (patient).

Yolanda : Ce qui représente en effet un processus décisionnel partagé.

Steven : C’est ça. Et je ressens le besoin Yolanda de souligner à quel point il faut faire attention aux situations qui paraissent «banales» ou qui semblent avoir des enjeux moins élevés, parce que c’est là qu’on risque peut-être de déraper un petit peu et de potentiellement exercer notre jugement de façon moins bonne peut-être qu’à l’habitude. Notre approche, et ça, ça veut d’être systématique, c’est vraiment la clé du succès pour faire en sorte qu’on reste diligent et qu’on adhère à ces règles de l’art.

Yolanda : Ce qui amène à notre premier message clé : de garder comme priorité la sécurité et le meilleur intérêt de votre patient, malgré des intérêts parfois divergents.

Steven : C’est certain parce que vous allez probablement ressentir une pression considérable de faire le bon «choix».

Yolanda : Pour qui ?

Steven : Exactement! Un bon choix pour votre patient, ça ne pourrait pas nécessairement s’aligner avec ce qui serait le bon choix strictement du point de vue médical. Il faut prendre en ligne de compte que le patient vit dans un contexte.

Yolanda : Oui, ce que le patient croit être le bon choix n’est peut-être pas ce que le coach croit être le bon choix, ou l’employeur ou l’assureur.

Steven : Tous ces points de vue ne s’alignent peut-être pas avec ce que vous croyez, comme je disais tantôt, avec le bon choix du point de vue médical.

Yolanda : De là l’importance de se tenir à une norme de pratique ou à des critères établis.

Steven : C’est vraiment l’occasion de se ressourcer dans l’expertise collective de la communauté médicale pour voir clair dans le fond, à travers toutes ces priorités divergentes.

Yolanda : Nous avons certainement ou probablement tous fait face à des situations où un patient veut retourner aux activités ou au sport, ou par contre ne veut pas retourner au travail malgré notre recommandation, notre opinion contraire.

Steven : Et ce n’est pas pour dire qu’il faut faire ce que nos patients veulent par contre.

Yolanda : Oui, le patient doit toujours consentir à aller de l’avant, et en fin de compte, a le dernier mot. Mais, lorsque notre opinion professionnelle va à l’encontre de leurs attentes…

Steven : … On a besoin de quelque chose de solide sur laquelle s’appuyer, et ça, ça veut dire suivre les règles de l’art en ce qui a trait à l’évaluation qu’on a faite et les recommandations qu’on a émises.

Yolanda : Oui, par exemple, une approche suivant des algorithmes publiés peut non seulement vous guider dans votre processus décisionnel, mais peut servir aussi d’un outil éducatif extrêmement important pouvant expliquer aux patients le pourquoi de vos recommandations.

Steven : Puis, même de suivre un algorithme en personne avec son patient, qui est sur papier et on le suit avec notre doigt, ça peut aider à bâtir la relation médecin-patient et à démontrer que vous faites un exercice de jugement quand vous émettez votre recommandation.

Yolanda : Un processus décisionnel partagé.

Steven : La littérature, Yolanda, parle du concept des modificateurs de décisions. Par exemple, si on parle de la proximité aux séries éliminatoires ou la présence d’un recruteur universitaire à une partie comme étant des éléments qui augmentent la pression sur les patients de façon significative en ce qui a trait au retour au jeu d’un patient par exemple.

Yolanda : De là l’importance de souligner l’importance de bien documenter le processus décisionnel soutenant vos recommandations.

Steven : Parce que quand il y a ces modificateurs décisionnels, c’est important que quelqu’un puisse comprendre votre état d’esprit par rapport à votre décision. Même le meilleur intérêt du patient, dans ce contexte-là, c’est un concept qui est dans le gris.

Yolanda : Prenons un exemple du sport : votre patient, l’athlète, rêve de se rendre à la Ligue nationale de hockey, mais pour vous, la priorité, c’est d’éviter qu’une blessure aiguë devienne chronique ou que votre patient de 20 ans développe une ostéoporose précoce.

Steven : On en a parlé dans nos autres balados : de prendre le temps d’explorer les sentiments, les intérêts, la fonction, les attentes de nos patients devient vraiment important quand on a à faire des recommandations comme ça.

Yolanda : On pense qu’il y a moyen de préserver cette alliance thérapeutique et de respecter le fait que nous sommes d’accord à être en désaccord.

Steven : C’est ça. Donc, notre deuxième message clé : ne peut hésiter à demander de l’aide.

Yolanda : En effet, très important. Pensez qu’il y a plusieurs professionnels de la santé souvent impliqués dans les soins de nos patients.

Steven : Bien que les patients puissent venir vous voir pour vous faire signer un formulaire de retour à l’activité, il se peut fort bien qu’un orthopédiste, un physiothérapeute, un ergothérapeute, un neurologue soit par contre mieux placé pour émettre une opinion là-dessus que vous.

Yolanda : Ces professionnels de la santé représentent des ressources précieuses qui peuvent vous être très utiles dans la gestion de vos patients.

Steven : Ceci dit, il ne faut pas tout envoyer chez nos collègues par exemple; il faut considérer nos relations professionnelles à long terme.

Yolanda : C’est vrai, personne n’aime se faire domper dessus. Cependant, ce sont des ressources extrêmement précieuses.

Steven : Oui, donc il faut être judicieux quand on envoie quelque chose chez un collègue, c’est tout.

Yolanda : Mais n’hésitons surtout pas s’il y a quelque chose qui nous agace ou qui est à la limite de notre expertise ou de notre zone de confort ou notre champ de pratique. Par exemple, il y a des physiothérapeutes excellents qui ont de l’expertise dans la réhabilitation de la commotion cérébrale qui pourraient vous assister dans un processus d’évaluation et de retour aux activités pour votre patient.

Steven : Quand on dit de prendre avantage de ces ressources, ça ne veut pas nécessairement dire de les envoyer en consulte formelle; les conseils ne sont pas tous officiels ou formels.

Yolanda : C’est sûr, par exemple, un coup de fil à un collègue, un neurologue, un physiothérapeute peut être extrêmement utile.

Steven : Et c’est important de prendre des notes quand on fait ça par contre, parce que même si ce n’est pas «formel», ça fait quand même partie du processus décisionnel, ça fait partie de votre diligence pour avoir pris une décision. Et quel que soit… C’est important de documenter d’où ça vient.

Yolanda : La même chose s’applique lorsqu’un collègue communique avec nous pour des conseils. Il est peut-être tout à fait approprié de donner des conseils téléphoniques dans ces circonstances-là aussi.

Steven : Encore là, il faut prendre des notes au sujet de ces consultations téléphoniques ou informelles, car vous pouvez être certain que la personne qui vous a appelé pour vous demander votre opinion va avoir pris note du fait qu’elle vous a appelé. Puis, vous, vous voulez avoir une note dans votre dossier pour démontrer ce que vous avez pris en ligne de compte lorsque vous avez formulé votre recommandation à cette personne-là.

Yolanda : Donc, revenons maintenant au message clé no 3 : le retour à l’activité, au travail, aux sports, aux loisirs. La tenue et la bonne documentation des discussions avec les risques à court et à long terme : extrêmement importantes.

Steven : La prise de décision partagée avec le patient devrait dans le fond inclure les risques potentiels à long terme de retourner au jeu trop vite par exemple.

Yolanda : Mais en fin de compte, c’est quand même au patient de considérer l’information reçue avec leur priorité pour arriver à une décision éclairée.

Steven : C’est ça. Vous, comme médecin, vous émettez une recommandation, mais ça ne veut pas dire qu’elle va être suivie nécessairement.

Yolanda : Oui. Steven, on entend souvent parler de consolider un patient, mais peut-on vraiment «clearer» complètement quelqu’un?

Steven : C’est une bonne question. C’est une question de décision informée par le patient, basée sur votre recommandation. C’est pourquoi l’article qui accompagne le balado qui mentionne que ce n’est probablement pas une bonne idée de signer un énoncé général qui atteste globalement qu’un patient peut tout faire : qu’il peut prendre l’avion pendant 18 heures sans problème ou qu’il peut partir en dehors du pays pour 3, 4, 5 mois. C’est probablement préférable de décrire la condition du patient, de dire si elle est stable ou non, et de décrire les risques que vous envisagez à ce moment-là.

Yolanda : Même si les risques peuvent paraître minimes, assurez-vous que le patient comprend que c’est sa décision en bout de ligne, mais que vos recommandations tiennent et que vous avez discuté des risques, petits et plus importants.

Steven : Yolanda, on se fait souvent demander, quand le patient m’arrive avec un formulaire et il y a une boîte qui dit «cliquez oui ou non», et on ne sait pas sur lequel cliquer, qu’est-ce qu’on fait?

Yolanda : On peut nuancer notre énoncé et remplir au-delà de la case, disant le pourquoi avec les nuances et précisions nécessaires, parce que c’est gris et non noir ou blanc.

Steven : Dans le cas d’un problème éventuel où on questionne votre décision, ça va être beaucoup plus utile pour démontrer que vous y avez pensé, que vous êtes arrivé là en résultat d’un processus intellectuel plutôt que de juste cliquer «oui» ou «non» de façon peut-être trop rapide.

Yolanda : C’est l’approche, c’est le cadre qui est important.

Steven : C’est ça, c’est votre diligence qui est importante ici. Que ce soit un orteil cassé, une troisième commotion cérébrale, les enjeux peuvent être différents, mais le processus décisionnel…

Yolanda : L’approche, l’encadrement est important.

Steven : Oui, d’établir des habitudes de pratique solides que vous répétez toujours, bien c’est comme ça que vous allez promouvoir des soins médicaux sécuritaires et fiables.

Yolanda : Prenons par exemple l’athlète qui veut donner l’impression d’être en top forme et qui ne veut pas porter l’orthèse recommandée, ou bien veut retourner au jeu avant d’être vraiment prêt. C’est leur choix, mais en cas de blessure ou de récidive, c’est important pour vous de pouvoir démontrer que vos discussions ont inclus le risque de ne pas suivre vos recommandations et d’avoir bien documenté.

Steven : Donc, dans le fond, c’est quoi? C’est ta perle de documentation?

Yolanda : Oui, c’est ma perle de documentation. On arrive à la fin, Steven, mais as-tu une perle de communication?

Steven : Je te dirais qu’il faut réaliser que tout le monde a son mot à dire, le patient certainement, mais aussi parfois les coaches, les employeurs, les professeurs, les compagnies d’assurance. Quoique vous puissiez écouter tout le monde, votre devoir est vraiment envers votre patient. Donc, faites attention au ton que vous utilisez lorsque vous formulez vos recommandations, surtout quand elles ne s’alignent pas avec ce que votre patient désire. Ce genre de situations peut être très chargé d’un point de vue émotif.

Yolanda : C’est une excellente perle Steven, parce qu’en effet, dans beaucoup de nos plaintes au collège, il y a un élément de reproche sur la qualité de communication entre diverses parties. Et on reconnaît que ce sont des situations qui créent énormément de tension dans la relation thérapeutique.

Steven : Donc là-dessus, Yolanda, je crois que c’est le temps de se laisser.

Yolanda : Mon Dieu, le temps file. Au revoir, tout le monde, merci d’être parmi nous aujourd’hui.

Steven : Je vous rappelle, si vous avez des suggestions pour des sujets de balados futurs, envoyez-nous un courriel à [email protected].

Yolanda : Rappelons-nous que lorsqu’on regarde les choses autrement…

Steven : …On perçoit les choses autrement.

Yolanda : Au revoir.

Steven : Bonne journée.

Animateur : Ce matériel éducatif est fourni uniquement à des fins éducatives générales ; il ne constitue pas des conseils professionnels de nature juridique ou médicale ni une «norme de pratique» pour les professionnels de la santé canadiens.


Un assistant en chirurgie tend une paire de forceps à un chirurgien.

Réduire les erreurs de diagnostic en salle d'opération

juin 2022 | 17 minutes

Les chirurgiens consacrent beaucoup d’efforts à la maîtrise des compétences techniques et à l’optimisation de leurs connaissances. D’après les données issues des dossiers médico-légaux de l’ACPM, il semblerait qu’un certain nombre d’événements indésirables impliquant des chirurgiens soient liés à des problèmes de communication plutôt qu’à une mauvaise technique chirurgicale ou à des connaissances insuffisantes. Cet épisode aborde des techniques qui aident les médecins travaillant en salle d’opération à réduire le risque d’événement indésirable.

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Animateur : Vous êtes à l’écoute de l’ACPM : d’un point de vue pratique.

Dr Steven Bellemare : Bonjour, ici Steven Bellemare.

Dre Yolanda Madarnas : Bonjour à tous, ici Yolanda Madarnas.

Dre Yolanda Madarnas : Bonjour à tous, ici Yolanda Madarnas.

Steven : Yolanda, de quoi parle-t-on aujourd’hui?

Yolanda : En chirurgie, on reconnait qu’on met beaucoup d’emphase sur la maitrise des techniques chirurgicales et de nos connaissances. Quoique ces éléments sont importants, les observations de nos dossiers médico-légaux démontrent que la majorité de nos cas sont reliés à des problèmes de communication plutôt qu’à des techniques ou des connaissances inadéquates.

Steven : Donc, vous avez probablement, peut-être, tendance à vous dire : « Je suis une bonne personne. Je suis un bon chirurgien. Je suis une bonne chirurgienne. ». Donc, ce balado n’est pas pertinent pour moi, mais la réalité, c’est que la plupart des chirurgiens, dans nos dossiers, ou des chirurgiennes, ne sont pas nécessairement des individus avec des comportements perturbateurs ou des gens qui n’ont pas du tout d’entregent. Non, au contraire, c’est souvent les problèmes relationnels qui font surface et c’est ceux-là qui peuvent, souvent, résulter en des comportements subtils, qu’on n’identifie pas facilement. Donc, ne partez pas. Restez à l’écoute.

Yolanda : Passons, Steven, à nos messages clés.

Steven : Le premier message clé a rapport à la capacité cognitive individuelle. Cette capacité cognitive-là, elle est limitée. Donc, c’est important d’essayer de tirer profit des réserves cognitives de notre équipe.

Yolanda : Deuxième concept clé serrait de tenter de contribuer à une culture qui facilite l’échange d’information entre les membres de l’équipe.

Steven : Absolument, très important et le troisième a rapport à la documentation qui est, en fait, une forme de communication. C’est important, vraiment, de noter de l’information importante et de la revoir, aussi, soit en pré ou en post-op, selon le cas.

Yolanda : Parlons, un moment, de définitions, Steven. Que faire devant les différentes définitions d’erreurs diagnostiques?

Steven : Oui, eh bien certaines d’entre elles sont basées sur le nom du diagnostic, l’étiquette qu’on donne à une maladie…

Yolanda : D’autres reflètent, plutôt, le concept de « diagnostiquer » traité comme verbe. C’est-à-dire le processus de raisonnement permettant d’arriver à un diagnostic. En effet, la définition du Institute of Medicine reflète ces deux concepts, le définissant comme le défaut d’arriver à une explication exacte et opportune pour le problème de santé du patient, ou bien de communiquer celle-ci au patient.

Steven : Bon, il n’y a pas de définition spécifique d’erreurs de diagnostic en chirurgie, mais à nos fins, le concept s’applique à tout le processus décisionnel en pré, en per et en post-op.

Yolanda : Donc, par exemple, si nous identifions une structure anatomique incorrectement ou on arrive à se persuader qu’il n’y avait pas un problème, cela peut représenter une erreur diagnostique.

Steven : Oui et on a regardé ça, à l’ACPM dans nos dossiers, et la plupart des problèmes prennent place en salle d’op et la plupart, selon les experts qui revoient les dossiers, a posteriori, sont « prévenables ». Donc des fois, il y a de mauvaises choses qui arrivent et il n’y a rien qu’on puisse y faire, mais souvent les évènements sont « prévenables » et c’est ce genre de situation-là qu’on veut explorer dans notre balado aujourd’hui.

Yolanda : Prenons un exemple, Steven. Un cas de cholécystectomie : c’est une chirurgie difficile, il y a beaucoup d’adhérence dans l’abdomen. Le chirurgien voit un liquide verdâtre dans le champ opératoire et dit : « Nous avons probablement perforé la vésicule en l’enlevant. » Le chirurgien opère avec un résident sénior, un R3, qui dit : « Je ne vois pas de perforation dans le spécimen », mais il ne dit rien de plus. Le chirurgien se concentre sur le nettoyage du sang opératoire et à la fin de l’intervention, on ne voit plus de liquide verdâtre. Il est satisfait de son explication. Le R3 ne dit toujours rien. En post-op, le patient se détériore, il est ramené en salle d’op et on découvre une perforation intestinale.

Steven : Oui. C’est quand même, malheureusement, assez typique du genre de cas qu’on peut voir et le message que l’on veut passer ici, ce n’est pas d’essayer plus fort ou de faire mieux la prochaine fois. Non, c’est plutôt que ce genre de situation-là nous prend souvent par surprise et quand on se met des œillères et qu’on développe une vision trop étroite d’une situation et qu’on perd notre conscience situationnelle, on est à risque de ce genre de situation-là.

Yolanda : En effet. Je peux me rappeler d’instances où des membres dans le domaine chirurgical m’ont dit de souhaiter, en rétrospective, que quelqu’un ait contesté leurs hypothèses.

Steven : On se dit souvent, a posteriori, quand qu’il y a une complication qui s’est manifestée, puis que quelqu’un dit : « Oui, j’avais l’impression que… » et on leur dit : « Eh bien, pourquoi tu ne me l’as pas dit à ce moment-là? »

Yolanda : Donc, ça nous amène, peut-être Steven, à notre premier concept clé aujourd’hui.

Steven : Peut-être, surement, absolument. Donc, comme individu, on a tous une capacité cognitive individuelle limitée et les équipes en ont, souvent, plus que nous. Il faut se rappeler que la capacité cognitive, c’est cet espace mental qu’on a dans notre cerveau et il faut se souvenir qu’on peut seulement traiter d’un certain montant d’information à la fois. Quand il y en a trop, quand que la limite est dépassée, bien là, il y a quelque chose qui doit partir pour accommoder.

Yolanda : Oui. On reconnait qu’il y a plusieurs facteurs pouvant influencer nos fonctions cognitives.

Steven : Absolument.

Yolanda : Tels le nombre de personnes et le niveau de bruit présent dans la salle d’op.

Steven : Oui.

Yolanda : Le stress de l’individu.

Steven : Ou même le fait qu’on a faim, qu’on est fatigué ou qu’on est en retard sur notre liste opératoire.

Yolanda : Oui.

Steven : Donc ça, c’est en nommant seulement quelques-uns. Quand que la capacité cognitive baisse, la conscience situationnelle va probablement baisser et puis il faut se souvenir que la conscience situationnelle, c’est cette habileté de percevoir de l’information, de la traiter et puis de pouvoir projeter dans le futur qu’est-ce que ça veut dire pour les soins de notre patient.

Yolanda : Et agir en conséquence.

Steven : Oui.

Yolanda : Donc, il y aurait occasion à s’appuyer sur les membres de l’équipe pour mitiger ce déclin en capacité cognitive.

Steven : Exactement, mais pratiquement, ça veut dire quoi, ça?

Yolanda : On a traité ça dans un autre balado. Les caucus, les debriefings encouragent la collaboration et nous permettent d’être vulnérables, ainsi que d’apprécier le rôle des membres de l’équipe comme notre filet de sécurité.

Steven : Oui. C’est exactement la raison d’être, par exemple, du fameux checklist préopératoire. En fait, c’est un briefingd’équipe pour aider à minimiser le risque d’erreurs prévenables dans la chirurgie qui va s’en venir. En plus, on ne peut pas trop insister sur l’importance de favoriser et de supporter le « parler franchement ». L’habileté de dire ce qu’on pense, ce qu’on voit, on s’entend de façon professionnelle et polie, mais de le dire sans avoir peur des répercussions possibles.

Yolanda : Oui, parce qu’il y a un patient là.

Steven : Bien oui.

Yolanda : Il y a la sécurité d’un patient en jeu.

Steven : Et dans notre cas de vésicule biliaire, par exemple, eh bien le résident avait une préoccupation quant au fait que la vésicule n’avait pas été compromise. Il l’a mentionné, mais juste une fois et encore une fois, peut-être pas nécessairement de façon très efficace. Donc, pourquoi est-ce qu’il n’en a pas reparlé? Pourquoi est-ce que le résident n’a peut-être pas demandé à revoir le spécimen et l’inspecter encore. Il était peut-être inconfortable à le faire, le patron avait peut-être, dans le passé, démontré qu’il n’était pas particulièrement intéressé aux opinions des résidents…

Yolanda : Oui. Qui sait?

Steven : Donc, qui sait? Mais le message, ici, c’est que comme chirurgien, qu’est-ce que vous pouvez faire pour inciter les gens à vous partager leurs préoccupations pour favoriser la sécurité en temps réel et non a posteriori.

Yolanda : Oui, Steven, ça me rappelle, ici, une conversation, il y a quelques années, avec une chirurgienne ayant beaucoup d’expérience qui se brossait pour une intervention chirurgicale avec un externe et l’externe, durant le brossage, lui a fait part d’une discordance droite-gauche entre l’histoire clinique, qu’il avait vérifié au dossier, et la liste opératoire. La chirurgienne quitte le brossage, va consulter le dossier. Ce n’est encore pas clair et fini par réveiller le patient pour vérifier de quel côté on était censé opérer.

Steven : Oui. Eh bien tu parles, ce n’est pas une petite affaire de réveiller le patient. Ça l’a des répercussions sur une équipe au complet puis sur une liste, mais c’est un excellent exemple, par exemple, d’une échappée belle.

Yolanda : Et aussi, un bel exemple d’une culture qui encourage le dialogue.

Steven : C’est exactement ce que je voulais dire tantôt quand je parlais de parler franchement. Ça, ça fonctionne.

Yolanda : Mais il faut écouter, aussi.

Steven : Absolument. Donc, eh bien, je pense que ça, Yolanda, ça nous fait un très bon lien avec notre message clé numéro trois.

Yolanda : Mais on a passé le message clé numéro deux. Mais, en fait, c’est notre balado. On peut faire ce qu’on veut.

Steven : Eh bien, pourquoi pas ? Exactement. La raison que je disais que c’est en lien avec notre message trois, c’est parce que le message trois porte sur la documentation et le fait que la documentation c’est une forme de communication. Donc, quand on écrit de l’information au dossier, c’est important de la revoir puis ce qui est arrivé, dans ton exemple, c’est exactement la raison d’être d’une bonne documentation. Donc, revoir cette information-là en pré ou en post-op ou les deux, selon le cas…

Yolanda : Oui.

Steven : …c’est vraiment une clé pour favoriser la sécurité et minimiser le risque d’erreurs de diagnostic.

Yolanda : Tout à fait. On pourrait envisager qu’un individu n’a pas toute l’information requise pour arriver à une décision correcte et qu’une partie de cette information réside avec un autre membre de l’équipe.

Steven : Oui et on ne peut pas apprécier l’importance de l’information toutes les fois, mais d’autres peuvent, peut-être, être en mesure de le faire et de nous donner un point de vue différent.

Yolanda : De sorte qu’une erreur de diagnostic intraopératoire peut être aggravée par une erreur de diagnostic durant la période post-opératoire.

Steven : Oui.

Yolanda : Et la qualité de la documentation joue un rôle très important…

Steven : Absolument.

Yolanda : …de sorte qu’elle peut perpétuer l’erreur ou bien mitiger l’erreur.

Steven : Donc, le fait de documenter l’incertitude, Yolanda, ça peut être très utile et on peut, peut-être, avoir peur de documenter de l’incertitude parce qu’on ne veut pas avoir l’air incompétent, on ne veut pas… Bon, on peut penser à toute sorte de raisons…

Yolanda : Se tirer dans le pied.

Steven : Mais c’est très utile pour nous et les autres, surtout, par exemple, en post-op. Ça permet de mettre en place une occasion d’avoir, si on peut dire, une deuxième chance, si on veut, de trouver la bonne réponse. Par exemple, si on n’est pas certain à 100 % d’avoir trouvé la bonne explication pour une présentation quelconque, eh bien de l’écrire ou d’inscrire un diagnostic différentiel, par exemple, peut nous aider à repenser à cette explication-là et la reconsidérer en post-op, puis on peut l’avoir oublié plus tard parce qu’on a pensé à autre chose, on a d’autres choses en tête.

Yolanda : Revenons, Steven, à notre cas de la vésicule.

Steven : Oui.

Yolanda : Une note manuscrite au dossier avisant ou notant l’incertitude vis-à-vis la source du liquide bilieux aurait, peut-être, aidé l’équipe post-opératoire à penser à une fuite.

Steven : Oui.

Yolanda : Mais le problème, c’est que, souvent, on arrive à se convaincre que notre explication initiale suffit.

Steven : Ah, eh bien ça, ce n’est pas juste pour les chirurgiens ça.

Yolanda : Non, en effet.

Steven : On voit ça tout le temps. Par exemple, pensez au nombre de fois où vous avez participé à des rondes de M&M où on entend parler de présentations, de problèmes persistants, par exemple, qui en bout de ligne avaient une tout autre explication qui n’avait jamais été envisagée par l’équipe traitante.

Yolanda : Oui, pensons à l’exemple d’une pneumonie qui persiste, mais qui reflète plutôt la présence d’un abcès sous le diaphragme.

Steven : C’est ça. Donc, il faut reconnaitre qu’on est tous enclins à la pensée magique et ça, c’est loin d’être un processus qui est conscient. Il n’y a aucun de nous qui veut croire qu’on est à l’origine d’un évènement indésirable, potentiellement.

Yolanda : Non, bien sûr que non.

Steven : Donc, de reconnaitre qu’on est vulnérable à ce genre de situations, à ce genre de pensées magiques, ça fait partie de la solution.

Yolanda : Et maintenant, on peut se permettre de revenir à notre deuxième point…

Steven : Oui.

Yolanda : …qu’on a passé tout à l’heure. Le fait de contribuer à une culture qui permet l’échange d’information bidirectionnel au sein des équipes.

Steven : Oui, la création d’une sécurité psychologique, c’est tellement important pour créer une équipe de haute performance.

Yolanda : Oui, Steven. Par exemple, moi, je peux percevoir une situation d’une façon, mais les membres de mon équipe la perçoivent d’une autre façon et ensemble, si on partage nos idées, l’image sera plus claire.

Steven : Oui, mais ça, ça marche en autant que quelqu’un puisse parler franchement.

Yolanda : Et qu’on l’écoute.

Steven : C’est ça. En bout de ligne, c’est à propos de l’apprentissage. Ce n’est pas à propos d’avoir raison ou non, d’être le patron ou non, c’est à propos d’arriver à la bonne décision pour ce patient-là parce qu’il y a toujours un patient…

Yolanda : Au sein de la situation.

Steven : Donc, j’ai un collègue, par exemple, qui me disait récemment qu’il faisait une résection du foie. Il avait un excellent résident qui travaillait avec lui, un résident de dernière année, qu’il connaissait bien et il avait de la misère à obtenir une marge de restriction raisonnable et quand ils sont arrivés au dernier point d’attachement, le chirurgien a utilisé une brocheuse coupante, pour diviser le dernier morceau de tissu, puis c’est juste une fois qu’il a eu fini de peser dessus le tissu que le résident a dit : « Eh bien là, pourquoi on coupe la veine cave? »

Yolanda : Oh non.

Steven : Eh bien là, le chirurgien est resté un peu figé puis il a quasiment fait une syncope.

Yolanda : Oh mon dieu.

Steven : Il avait coupé la veine cave sans le réaliser et le résident l’avait regardé faire, tout bonnement. Donc essentiellement, le résident n’a rien dit même s’il voyait qu’il était à veille de se passer quelque chose qui ne devrait pas se passer. Donc, mon collègue m’a dit, en réfléchissant, qu’il y avait deux options. Il aurait pu se blâmer puis se jurer de ne jamais faire la même erreur la prochaine fois, puis de faire plus attention.

Yolanda : Et c’est un réflexe tout à fait normal.

Steven : Absolument, mais il y avait aussi une deuxième option puis ça, c’était de penser à ce qui aurait, peut-être, influencé cette décision de couper la veine cave. Donc, pourquoi il ne l’avait pas reconnu?

Yolanda : Comment sommes-nous arrivés à ce point-là ?

Steven : C’est ça. Chercher à comprendre pourquoi le résident avait hésité à parler et à identifier quel élément avait contribué à sa perte de conscience situationnelle, en fait.

Yolanda : En effet, ce qui nous amène à parler du concept de l’état d’esprit fixe versus l’état d’esprit de croissance.

Steven : Oui, c’est exactement.

Yolanda : Donc par exemple, quelqu’un avec un état d’esprit fixe pourrait avoir tendance à se décourager, à se culpabiliser ou bien à blâmer les autres et c’est des attitudes, à leur tour, qui pourraient miner le processus d’amélioration, pouvant minimiser le risque d’autres erreurs.

Steven : C’est ça. Donc, dans cet état d’esprit-là, on est enclin à penser qu’on devrait tout savoir, qu’on devrait être parfait.

Yolanda : C’est notre faute.

Steven : C’est de notre faute. Tandis que la personne avec un état d’esprit de croissance va voir la situation comme une occasion d’apprendre et de s’améliorer. Elle accepte l’erreur comme étant une caractéristique humaine, mais elle amène la chose à un tout autre niveau dans un esprit d’amélioration de la pratique.

Yolanda : Oui. Par exemple, un debriefing opportun, donnant l’exemple et promouvant une culture juste.

Steven : Exactement. Dans notre cas, par exemple dans le cas de mon collègue, eh bien, ce qu’il a fait après ça, il s’est assis avec son équipe puis il leur a posé la question ouvertement. Il a dit : « Comment j’en suis arrivé à couper la veine cave? » Sans blâmer personne, dans un état d’esprit très ouvert, ils se sont mis à discuter et les gens étaient capables de contribuer leurs idées puis ils ont fini par réaliser qu’à ce moment-là, dans cette chirurgie particulière-là, il y avait beaucoup de va-et-vient dans la salle d’op, il y avait beaucoup de discussions en arrière-plan et que ça avait probablement contribué à sa perte de conscience situationnelle. Donc, ils ont été capables de changer les choses pour faire en sorte que dans le futur, ça soit plus tranquille, surtout aux moments clés dans une chirurgie. Donc, je pense qu’on arrive vers la fin du balado, déjà.

Yolanda : Oui, déjà, mon dieu.

Steven : Une perle de documentation, Yolanda.

Yolanda : Oui. Servons-nous d’une bonne documentation comme outil pouvant empêcher la progression d’une erreur de diagnostic intraopératoire à un incident menaçant la sécurité de notre patient.

Steven : Oui. Eh bien, il faut se souvenir, par exemple, que ça, ça va fonctionner juste si on lit les notes.

Yolanda : En effet.

Steven : Aussi.

Yolanda : Oui et Steven, donne-nous une perle de communication.

Steven : Bien moi, je vous dirais que c’est important d’utiliser les évènements quotidiens comme le checklist chirurgical, les caucus, les briefings pour signaler aux autres qu’on est ouvert à la collaboration, qu’on est conscient du fait qu’on est vulnérable à l’erreur de diagnostic et qu’on apprécie que quelqu’un puisse nous venir en aide en temps réel, et non a posteriori, lorsqu’il nous voit en train ou à la veille de commettre une erreur ou de faire quelque chose qui n’est, peut-être, pas ce qui était planifié ou ce qui devrait arriver.

Yolanda : Eh bien, c’est tout.

Steven : C’est déjà tout.

Yolanda : On vous remercie d’avoir été parmi nous aujourd’hui. Rappelons que vous pouvez nous appeler en tout temps et que vos commentaires, ainsi que vos suggestions pour d’autres balados, sont les bienvenus, par courriel à : [email protected]

Steven : Là-dessus, on vous souhaite une bonne journée. Je suis Steven Bellemare.

Yolanda : Au revoir et à la prochaine. Je suis Yolanda Madarnas et souvenez-vous que lorsqu’on regarde les choses autrement…

Steven : …on perçoit les choses autrement.

Yolanda : Au revoir.

Animateur : Ce matériel éducatif est fourni uniquement à des fins éducatives générales; il ne constitue pas des conseils professionnels de nature juridique ou médicale ni une « norme de pratique » pour les professionnels de la santé canadiens.


Lisez l’article correspondant : Les décisions peropératoires peuvent-elles être des erreurs de diagnostic?

Des professionnels de la santé réunis en caucus pour une séance de débreffage.

Séances de débreffage en équipe : tour d’horizon

mai 2022 | 16 minutes

Le Dr Bellemare et la Dre Madarnas discutent des séances de débreffage en équipe qui ponctuent notre pratique quotidienne. En quoi consistent-elles? Qui devrait y prendre part? Comment devraient-elles être mises en œuvre? Comment peuvent-elles contribuer à améliorer la sécurité des patients en milieu clinique?

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Animateur : Vous êtes à l’écoute de l’ACPM : D’un point de vue pratique.

Dre Yolanda Madarnas : Bonjour tout le monde, ici Yolanda Madarnas.

Dr Steven Bellemare : Et ici, Steven Bellemare. Bienvenue à notre balado.

Yolanda : Steven, tu as l’air à avoir hâte de partager quelque chose avec nous.

Steven : Absolument, Yolanda. J’ai trois situations en tête. Dis-moi ce que tu penses les unis. Donc, la première situation, c’est une césarienne STAT. Deuxième situation, c’est un patient qui se choque dans la salle d’attente parce qu’il pense qu’on l’a trop fait attendre. Troisième situation, c’est un médecin qui décide de déléguer une infiltration articulaire à un résident ou une résidente.

Yolanda : Ouais, c’est pas évident. Tu m’intrigues là, dis-moi.

Steven : Ouais, je pense que t’as raison un petit peu, c’est pas très évident. Yolanda, ce sont toutes des occasions de faire un compte-rendu de la situation, ce qu’on peut appeler plus communément un debriefing, pour en apprendre un peu plus.

Yolanda : Et si j’ai bien compris, c’est un peu, dans un contexte de communication puis on sait que la communication est un aspect très important des soins à nos patients. Puis, on a amplement d’éléments de preuve dans la littérature qui démontrent que lorsqu’il y a une bonne communication parmi les soignants, les soins sont plus sécuritaires.

Steven : Absolument Yolanda. On dit souvent qu’il faut mieux communiquer et c’est un peu simpliste de dire qu’il faut mieux communiquer. Comment on fait pour mieux communiquer? C’est ça, vraiment, la question à se poser. Donc, le debriefing, le compte rendu, c’est une façon, justement, de s’assurer qu’on partage notre information avec les autres professionnels de la santé pour créer une conscience situationnelle commune.

Yolanda : Pour ceux qui ne connaissent pas le principe de conscience situationnelle, c’est une habileté cognitive qui comprend la perception de l’information, l’interprétation de l’information et de projeter cette information de façon à anticiper les répercussions dans le futur.

Steven : Oui, c’est ça. Donc, en maintenant une conscience situationnelle et en portant attention à ce qu’on vient juste de faire, on peut apprendre qu’est-ce qui fonctionne bien, qu’est-ce qui peut être amélioré et ainsi, apprendre de façon continue.

Yolanda : Ce processus d’apprentissage continu, en effet, fait partie du cadre de principe du IHI, aux États-Unis.

Steven : Oui, c’est ça. Ce qu’ils appellent le Framework for improvement, le cadre de l’amélioration des soins de l’institut pour l’amélioration de la santé, IHI. Donc, dans ce balado, finalement, on va discuter, justement, de la façon dont le debriefing peut, justement, promouvoir la sécurité des soins.

Yolanda : Je pense qu’on pourrait partir de trois principes : les debriefs d’équipe sont faciles à mettre en place et on peu d’impact vis-à-vis la charge de travail des membres de l’équipe.

Steven : Ouais, peut-être qu’on va avoir un petit peu de travail à faire pour convaincre le monde de ça…

Yolanda : Peut-être!

Steven : …mais c’est vraiment un principe important. Le deuxième principe, c’est que le debriefing, qui est fait de façon quotidienne, aide les équipes à améliorer leurs performances, leurs communications et puis, ça diminue les barrières au ‘’parler franchement‘’.

Yolanda : Et finalement, pour être efficace, les debriefs doivent suivre une structure avec un but plutôt que de les faire un peu de façon aléatoire.

Steven : Donc, parlons un petit peu de la mise en place de debriefing.

Yolanda : Donc, cette mise en place est plutôt facile, dans le sens que ça ne requiert pas des ressources supplémentaires ni de temps supplémentaire de la part des membres de l’équipe. La partie la plus difficile de cette mise en place, c’est la planification et surtout, l’engagement de la part des membres de l’équipe.

Steven : C’est important de commencer avec ceux-là qui sont intéressés, ceux-là qui veulent le faire et puis, on part de là. Les chances sont que les gens qui vont vous voir interagir, et faire vos comptes rendus, vos debriefings ensemble, vont commencer à dire : « Hey, c’est intéressant ça. Me semble que j’aimerais ça faire ça comme eux. Ça l’air le fun travailler avec Docteure Madarnas quand elle fait ses debriefings. »

Yolanda : Donc, c’est contagieux d’une bonne façon. Une autre difficulté qui pourrait mettre des entraves, c’est de créer un espace où les gens se sentent à l’aise et en sécurité de parler et de sentir que ce n’est pas une perte de temps.

Steven : Oui. C’est certain que le debriefing, ce n’est pas une occasion de ventiler et de discuter de tout ce qui va mal dans un département.

Yolanda : Non. Il y a d’autres occasions pour ça.

Steven : Il faut avoir un but qui est très clair et puis ça, c’est d’apprendre comment améliorer ses soins de façon quotidienne basés, justement, sur les soins qui viennent d’être prodigués. Donc, c’est un peu comme une pleine conscience pour les professionnels de la santé, de réfléchir sur ce qui vient de se passer, avec les gens qui étaient, justement, là, eux aussi.

Yolanda : Donc, c’est l’amélioration de la qualité de l’acte en action ?

Steven : C’est exactement ça. Pour faire des bons debriefs puis, les implantés de façon routinière dans le travail d’une équipe, c’est important, aussi, d’avoir une politique qui les encadre comme il faut, qui les place fermement dans le domaine de l’amélioration de la pratique, de l’amélioration de la qualité, si on veut dire, et puis qui établit que c’est quand même un processus confidentiel, que ce qui est dit, ce qui est discuté par l’équipe qui vient de prodiguer un soin, ça ne sera pas diffusé à tout le monde.

Yolanda : Ce qui est dit ici, reste ici.

Steven : Oui, c’est ça parce que le but, c’est vraiment d’engager des gens qui étaient là à être ouverts les uns avec les autres et à se dire les vraies choses.

Yolanda : De plus, de mettre en place un processus formel pourrait, aussi, éviter des debriefs fait d’une façon, un peu, aléatoire et chaotique, qui ne mènent nulle part.

Steven : Oui, justement. Dans ce processus un peu plus formel. Et puis là, on ne parle pas de protocoles qui prennent des pages et des pages…

Yolanda : Non.

Steven : …mais c’est quand même juste d’établir une clarté d’esprit pour tous les membres de l’équipe, où tous les gens comprennent quelle structure va être utilisée pour faire un debrief, quand est-ce qu’on va les faire et puis, lorsque c’est bien fait et de façon régulière, eh bien, ça peut même commencer à diminuer la charge de travail des gens.

Yolanda : Je pense que ça pourrait, même, augmenter l’efficacité du fonctionnement des équipes multidisciplinaires.

Steven : Justement parce qu’ils vont être capables d’appliquer des changements itératifs, basés sur leur expérience immédiate antérieure pour, justement, améliorer leurs processus de façon très agile.

Yolanda : Parlons de l’impact des debriefs sur l’aspect de communication de l’équipe, la performance de l’équipe et le…

Steven : …le parler franchement…

Yolanda : Oui.

Steven : Donc, justement, de mettre en place un processus de debriefing dans une routine journalière c’est important pour améliorer la culture du travail et promouvoir l’amélioration des soins qu’on donne. Par contre, les gens doivent comprendre que le but d’un debrief, ce n’est pas de critiquer les soins donnés par d’autres ou de blâmer qui que ce soit. Si c’est ce qui va se mettre à arriver dans un debrief, c’est certain que ça ne fonctionnera pas parce que ça ne créera pas…

Yolanda : …le climat…

Steven : …l’environnement, le climat de sécurité qui est nécessaire.

Yolanda : Et parlant de ce climat de sécurité, il y a des études qui démontrent que les équipes qui font des debriefs de façon systématique perçoivent moins d’entraves à la communication, moins de hiérarchies au sein de l’équipe et semble créer une culture de travail favorable à la promotion de soins de santé sécuritaires.

Steven : Tu sais Yolanda, je t’entends parler de la littérature, des études qui ont été publiées, puis ça me fait penser qu’il faut faire une distinction entre le briefing et le debriefing.

Yolanda : Eh bien, c’est de la sémantique, ça.

Steven : Eh bien, non, pas vraiment. Vois-tu, il y a une différence parce que le briefing, c’est ce qui va se passer avant une procédure, tandis que le debriefing va se passer après. Donc, dans le briefing, on se met sur la même longueur d’onde, on s’assure que les gens, qui vont participer à la procédure, aient le même contexte en tête et le même but en tête, on s’assure que les gens ont anticipé les complications, qu’ils sont préparés pour ça ; tandis que dans le debriefing, qu’on fait après, eh bien, on fait essentiellement la même chose, mais là, en rétrospective : Comment ça été? Si ça a bien été, qu’est-ce qu’on devrait continuer à faire?

Yolanda : Qu’est-ce qui aurait pu aller mieux…

Steven : C’est ça, qu’est-ce qui aurait pu aller mieux? Comment on va s’y prendre pour le changer, pour le prochain patient ? Puis, on fait de petits changements itératifs, comme ça, pour essayer d’améliorer notre processus.

Yolanda : Eh bien, je me pose la question, Steven. J’ai entendu l'utilisation du concept de caucus. J’imagine que nos membres se poseront la question aussi. Ça se compare comment à des briefs et des debriefs?

Steven : Eh bien, ça se ressemble beaucoup, mais encore une fois, ce n’est pas, exactement, de la sémantique, mais c’est encore à propos du contexte. Donc le caucus est plus situationnel, et non basé sur une procédure ou un évènement quelconque.

Yolanda : Donc, c’est plus contextuel.

Steven : C’est ça. C’est plus contextuel. Par exemple, au début d’un quart de travail, quand on se rassemble devant la liste de patients, on peut discuter de quel patient est présent sur le département puis savoir, eh bien, quel impact ça peut avoir sur les soins qu’on va donner, mais, souvent, on s’arrête là, on va parler des patients, on va faire un genre de transfert de soins, mais on peut discuter de plus de choses dans un caucus. Par exemple, on peut parler de qui est de garde, de qui n’est pas de garde, qui est malade, combien de lits sont disponibles à l’étage, etcetera. Par exemple, sur une unité d’obstétrique, si on sait qu’il y a une patiente qui va potentiellement avoir besoin d’une césarienne, le caucus, c’est une occasion rêvée, au début d’un quart de travail par exemple, de se mettre au courant du fait que oui, ça, ça va arriver, mais l’anesthésiste va être occupé en salle d’opération, à faire une chirurgie en orthopédie, pour les prochaines 3 heures, eh bien, ça peut aider à changer la priorisation des soins que…

Yolanda : …appeler le deuxième de garde.

Steven : C’est ça. Donc, essentiellement, ça aide à anticiper les problèmes et à mettre en place des mesures pour essayer de diminuer les risques qui peuvent en suivre.

Yolanda : Donc finalement, les caucus, les briefs, les debriefs, ce sont tous des mécanismes qui permettent d’augmenter la conscience situationnelle.

Steven : C’est exactement. Quand on dit qu’il faut mieux communiquer, eh bien, c’est justement comme ça qu’on communique mieux.

Yolanda : Parlons maintenant, comment structurer les debriefs de façon à avoir le maximum de succès.

Steven : Ça, c’est vraiment le concept clé. Il faut, vraiment, les planifier. Donc, je pense que la première étape c’est d’en parler avec les membres de son équipe pour essayer d’avoir une idée du niveau d’intérêt qu’on va susciter et d’avoir une idée de ce que les gens vont…

Yolanda : La résistance.

Steven : Oui, la résistance, justement, qu’on pourrait voir.

Yolanda : On pourrait commencer avec un petit groupe de gens, qui ont déjà un certain niveau d’engagement, au point de vue philosophie, ils sont déjà d’accord avec le processus et leur demander d’identifier quels sont les points principaux qu’ils voudraient durant un debrief.

Steven : Eh bien, c’est ça parce que le debrief qu’on va faire sur une unité X ne sera pas nécessairement le même…

Yolanda : En urgence.

Steven : C’est ça…que sur une unité Y ou Z parce que les besoins sont un peu différents, les gens sont à un différent niveau au point de vue de leur travail en équipe. Donc vraiment, il faut que les debriefs rejoignent un besoin interpersonnel autant qu’un besoin clinique.

Yolanda : Donc, c’est important d’identifier les recommandations, mais plus important que ça, c’est vraiment de les mettre en place.

Steven : Eh bien ça, c’est probablement le point le plus important. Si on pense au but d’un debrief, c’est d’essayer d’améliorer ses soins. Si on identifie des façons d’améliorer les processus ou les soins et puis que rien n’en est fait, eh bien il n’y a pas meilleure façon de désengager son groupe complètement et puis…

Yolanda : Ça va démontrer, c’est une perte de temps.

Steven : Exactement. Donc, si on s’engage à faire des debriefs, il faut aussi s’engager à s’assurer que les changements qu’on propose vont voir le jour.

Yolanda : Donc, il faut, aussi, créer le climat de sécurité psychologique qui permet aux gens de participer, même les gens qui sont un peu timides ou qui se sentent vulnérables de parler de leurs propres performances, un peu d’anxiété de se sentir jugé ou blâmé.

Steven : C’est certain. Puis, c’est de ne pas amener du jugement, de ne pas blâmer, de ne pas être choqué lorsqu’on fait un debrief. C’est absolument important pour créer le climat de sécurité psychologique dont on a besoin pour apprendre. Donc, c’est ce qu’on appelle un esprit de croissance personnelle plutôt que d’avoir un esprit fixe. Le médecin qui a un esprit fixe va dire, lorsqu’il se passe un évènement : « Ah, c’est de ma faute. Je ne suis pas bon. Je ne suis pas capable. Je suis incompétent. », etcetera. Tandis que le médecin qui a un esprit de croissance va dire : « Okay. Eh bien ça, ça mal été…

Yolanda : Qu’est-ce que je pourrais faire de mieux la prochaine fois? Qu’est-ce que je pourrais apprendre. »

Steven : Et puis l’équipe va avoir le même esprit de croissance aussi. Elle ne sera pas enclin à blâmer les gens. Donc vraiment, ce qu’on peut développer avec un debrief, c’est une attitude de travail où on se dit : « Je suis là pour toi. Je réalise qu’une fois de temps en temps, ma performance ne sera pas optimale qu’une fois de temps en temps, ta performance ne sera pas optimale. Mais ensemble, si on sait bien travailler, on va être capable de s’entraider dans ces moments-là pour faire en sorte que les soins qu’on prodigue, comme équipe… »

Yolanda : « …soit plus sécuritaires. »

Steven : Exactement.

Yolanda : Donc Steven, nous sommes à la fin.

Steven : Déjà?

Yolanda : Oui. Nous sommes à la fin de notre balado d’aujourd’hui puis c’est le temps des perles. Est-ce qu’on peut partager une perle de communication?

Steven : Oui. Je pense que la perle que je choisirais, ça serait de dire que dans le fond, les debriefs, lorsqu’ils sont faits comme il faut et avec un but clair, peuvent être un endroit parfait, très sécuritaire, pour que l’équipe puisse faire surface à ses préoccupations dans un climat qui est sans jugement. Documentation, as-tu une perle de documentation?

Yolanda : J’ai certainement une perle de documentation. Quoiqu’on parle toujours de la documentation à l’ACPM, documentez bien, il y a des problèmes quand vous ne documentez pas assez. Les debriefs, en tant que tel, n’ont pas besoin d’être documenté. Ceci dit, un debrief ne remplace pas la documentation d’un évènement indésirable au sein du dossier du patient et un debrief ne remplace pas, non plus, le processus déclenché par un évènement indésirable. Le processus revu de la qualité de l’acte, etcetera, qui est déclenché par ces évènements-là, donc c’est un complément. Chacun à des rôles différents.

Steven : Oui, c’est ça. Le debrief va avoir lieu beaucoup plus souvent que lorsqu’il y a un évènement indésirable ou une échappée belle parce qu’on va le faire autant lorsque les choses ont bien été, que lorsque les choses ont mal été, puis quand les choses vont mal, ça ne veut pas nécessairement dire qu’il y a eu un évènement indésirable en raison de ça.

Yolanda : Et voilà, c’était notre point de vue pour cet épisode. Ici Yolanda Madarnas.

Steven : Et ici Steven Bellemare. Je vous remercie d’avoir été des nôtres, au nom de l’ACPM et souvenez-vous, lorsqu’on regarde les choses autrement…

Yolanda : …on perçoit les choses autrement. Merci.

Steven : Bonne journée.

Yolanda : Steven, devrait-on faire un debrief?

Steven : Je pense que c’est une bonne idée.

[Yolanda et Steven commencent à débriefer]

Animateur : Ce matériel éducatif est fourni uniquement à des fins éducatives générales ; il ne constitue pas des conseils professionnels de nature juridique ou médicale ni une « norme de pratique » pour les professionnels de la santé canadiens.


Lisez l'article correspondant  : Débreffage de l’équipe : y participer, c’est réduire vos risques médico-légaux

gros plan d'un médecin portant un masque facial, un écran facial et d'autres EPI dans l'unité de soins intensifs.

Planification d’urgence en cas d’absence non planifiée de la pratique

novembre 2020 | 11 minutes

Retraite, congé parental, maladie, changement de cabinet - quelles sont les considérations à prendre en compte lors d'un congé non planifié? Cet épisode examine l’importance de la planification des imprévus, la continuité des soins pour les patients est au premier plan de ces dispositions.

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Animateur : Vous êtes à l’écoute de l’ACPM d’un point de vue pratique.

Dr Steven Bellemare : Bonjour tout le monde. Bonjour Yolanda.

Dre Yolanda Madarnas : Bonjour Steven. Bonjour à tous, ici Yolanda Madarnas

Steven : Et Steven Bellemare.

Yolanda : Bienvenue à notre balado, aujourd’hui, qui sert de complément à l’article récent portant sur l’abandon de la pratique médicale, mais les principes que nous allons développer aujourd’hui vont bien au-delà de la retraite et s’applique, par exemple, à des absences temporaires, tel un congé de maternité, ou un congé de maladie, ou bien un déménagement d’une clinique à une autre, ainsi qu’un départ prévu, attendu, mais qu’on laisse pour la dernière minute à organiser.

Steven : Ben non, parce qu’on ne fait jamais ça, voyons donc. Non, en effet, tous ces scénarios-là mettent en évidence le besoin d’assurer la continuité des soins pour nos patients. Ils sont applicables tant aux omnis tant qu’aux spécialistes, tant en communauté qu’en centre hospitalier. Dans le fond, c’est important pour tout le monde. Il faut se préparer pour l’imprévu. Il ne faut pas jouer à l’autruche.

Yolanda : Non. Donc, aujourd’hui, nous avons trois messages clés à vous proposer. Le premier étant : le transfert et la prise en charge de nos patients durant une absence est important.

Steven : Deuxième point clé : avoir une entente écrite, avant de se joindre à un groupe, peut vous sauver beaucoup de maux de têtes.

Yolanda : Et le dernier point clé, c’est : de partager un esprit de collaboration dès le début avec nos collègues.

Steven : Donc, commençons donc avec la continuité des soins Yolanda.

Yolanda : Oui Steven. Un plan d’action pour l’abandon de la pratique, idéalement, doit être mis en place dès notre arrivé dans un nouveau milieu de pratique.

Steven : Ça, ça peut vous aider, par exemple, à déterminer qui va couvrir vos patients pendant votre absence.

Yolanda : Oui. C’est en particulier, qui va assurer la prise en charge et le suivi de nos patients.

Steven : Parce que je me souviens d’un cas, récemment, au téléphone où on avait un médecin qui devait s’absenter d’un GMF ou ses collègues de GMF…

Yolanda : Bien, ne voulaient pas prendre en charge les patients.

Steven : Et puis, le médecin se posait la question : Eh bien, dans le fond, c’est quoi la raison d’être en GMF si ce n’est pas pour s’entraider ?

Yolanda : Oui, le filet de sécurité.

Steven : Les gens dans le groupe n’avaient pas la même philosophie de partage des tâches. Donc, d’essayer d’avoir cette philosophie partagée-là, c’est très important.

Yolanda : Mais, Steven, une collaboration et un contrat, c’est des concepts bien différents.

Steven : Oui, c’est ça. Donc, d’avoir une entente écrite, ça peut traiter de tous ces éléments-là. Par exemple, qui va s’occuper des dossiers et est-ce que vous allez y avoir accès après votre départ ?

Yolanda : Mais la plupart des membres, avec qui je parle au téléphone, n’ont pas de contrat, ni d’entente en place. C’est même… c’est une entente, entre guillemets, à l’amiable et je peux te dire que ça rend leur départ stressant et, parfois, plus compliqué que nécessaire.

Steven : Mettons les choses au clair : une bonne planification en vaut le coup.

Yolanda : Et oui.

Steven : Ça contribue à notre bien-être psychologique et ça promet, dans le fond, de nous sauver une tonne de temps si on a besoin de partir.

Yolanda : Oui. Par exemple, Steven, imaginons un médecin avec un congé de maternité prévu à partir de 38 semaines de grossesse.

Steven : Okay.

Yolanda : Mais qui doit quitter à 26 semaines, suite à des complications, maintenant, qui requiert un repos total au lit pour éviter un accouchement précoce. Cette docteure pourrait bénéficier d’une entente, à un moment si difficile de sa vie.

Steven : En effet. Donc, négocier des ententes comme ça avec vos collègues, ce n’est pas le domaine de l’ACPM. Par contre, votre association provinciale ou professionnelle peut, potentiellement, vous aider avec ce genre de chose-là.

Yolanda : Avec ou sans entente, un esprit de collaboration est essentiel pour nous aider à prioriser la prise en charge et le suivi de nos patients.

Steven : Absolument. Donc, le suivi des patients peut être assuré par un remplaçant ou un collègue qui peut prendre votre place, mais s’il n’y a pas de succès à ce niveau-là, eh bien, il y a d’autres considérations.

Yolanda : Dans le fond, ce qui prime, c’est de prendre des mesures pour assurer la continuité des soins.

Steven : Donc, si on n’a pas personne pour couvrir notre pratique, au moins, on peut, par exemple, utiliser le bilan cumulatif pour aider au transfert des soins.

Yolanda : Et c’est un geste qui est, sans doute, apprécié par nos collègues et les patients risquent d’en profiter aussi.

Steven : Bon, pour les médecins qui sont en pratique solo ou qui non pas de collègues sur qui s’y fier. Qu’est-ce qu’on peut dire ?

Yolanda : Je pense qu’on peut suggérer que ça vaut la peine de tenter de créer une alliance avec un autre médecin en pratique solo, pour s’entraider, au besoin.

Steven : C’est ça. Donc, quand tu auras besoin de moi, je suis prêt à t’aider si toi en retour, tu es prêt à m’aider quand moi j’aurais besoin de toi.

Yolanda : Exactement.

Steven : La solution de dernier recours, en fait, quand on n’est pas capable de se trouver quelqu’un avec qui former une alliance, ça demeure l’urgence ou le sans rendez-vous, mais dans ce cas-là, l’accès des patients à leur dossier est un enjeu important.

Yolanda : Et c’est un problème qui représente un fardeau important pour le médecin qui est en pratique solo. C’est rarement problématique dans une clinique où une pratique de groupe.

Steven : Oui. Donc, d’avoir un plan de communication aux patients et aux collègues pour leur dire comment avoir accès à leur dossier, comment avoir accès aux soins pendant son absence, c’est vraiment important lorsqu’on travaille seul.

Yolanda : Oui. On pourrait songer à partager avec les patients soit une copie de leur dossier ou une copie de leur profil cumulatif qui servirait lors de soins reçus ailleurs.

Steven : Donc, surtout pour les patients en traitements actifs ou pour qui on est en attente de résultats. Ça c’est, dans ma tête, vraiment, les situations les plus à risques.

Yolanda : Et si on considère nos patients comme faisant partie de l’équipe et pouvant jouer un rôle important de liaison entre les différents contextes de soins qu’ils consultent.

Steven : C’est une bonne idée, mais il faut s’assurer, par contre, de ne pas donner trop de responsabilités aux patients. On a, quand même, cette responsabilité.

Yolanda : On ne peut pas décharger notre responsabilité.

Steven : Oui. Donc, il faut être en mesure de leur fournir leur bilan cumulatif ou une copie de ce bilan-là pour qu’il puisse le transmettre à quelqu’un d’autre. Ça, eh bien, vous ne serez probablement pas capable de vous occuper de ça si vous êtes soudainement malade. Donc, votre personnel doit comprendre, à l’avance, tous ces aspects-là pour être capable de s’en occuper tout seul, sans votre leadership.

Yolanda : Donc, notre personnel administratif peut nous aider à maintenir une continuité durant une absence.

Steven : C’est vraiment eux qui vont être la colle, qui vont garder le tout en place dans votre cabinet en attendant votre retour.

Yolanda : C’est certain qu’il y a des coûts associés à ça, mais, parfois, une assurance professionnelle peut aider à défrayer ces coûts.

Steven : C’est un peu comme de la planification financière.

Yolanda : Oui et c’est un bon investissement.

Steven : Okay, mais qu’est-ce qu’on fait si on ne revient pas en pratique, si on a décidé qu’on met la clé dans la porte et que c’est fini ?

Yolanda : Oui. Donc, il y a deux scénarios. Le médecin est le gardien du dossier ou bien c’est la clinique. Le patient a toujours le droit d’accès à son dossier. Il peut avoir une copie de son dossier, mais l’original doit en tout temps rester avec le médecin lorsque c’est le médecin qui est le gardien du dossier. C’est moins problématique lorsque la clinique est la cessionnaire du dossier.

Steven : Par contre, à ce moment-là, ce qu’il peut devenir problématique, c’est que le médecin qui aurait besoin d’avoir accès au dossier ultérieurement pourrait ne plus y avoir accès, si, encore une fois, il n’y a pas eu d’entente négociée a priori. Il faut que ce soit mieux géré que ça.

Yolanda : Oui. Donc, consultez votre collège pour la période de rétention requise pour les dossiers. Ça varie d’une province à l’autre, mais, en général, c’est de cinq à dix heures et plus longtemps pour les dossiers de mineurs qui doivent être gardés au-delà de l’âge de la majorité. En fait, l’ACPM suggère, si possible, de garder les dossiers de façon indéfini, parce qu’il n’y a pas de période de prescription pour des plaintes au collège et la défense d’un médecin devient très, très, très difficile dans le cas où il n’y a pas de dossier décrivant les soins mis en question lors d’une plainte.

Steven : Oui et on peut penser à des cas, par exemple, où plusieurs décennies après la fin de leur relation médecin/patient, il y a un patient, une patiente, qui continu à avoir des doutes sur la nature de la relation qu’elle a eu avec son médecin qui, finalement, décide de porter plainte et lorsqu’on n’a pas de dossier, eh bien, ça devient très difficile d’établir les faits. Bon, finalement, est-ce qu’il y a d’autres choses à considérer lorsqu’un médecin doit s’absenter pour une période prolongée en raison d’une maladie, par exemple ?

Yolanda : Rappelons l’importance de prendre soin de soi. Il y a des programmes d’aide aux médecins auxquelles on peut accéder, en plus de notre propre professionnel de la santé. On pense, des fois, il pourrait être nécessaire de rapporter une absence prolongée au collège, mais, il faut dire à nos auditeurs, que les scénarios sont multiples, les enjeux beaucoup trop complexes pour couvrir ici et on inviterait à communiquer avec l’ACPM pour discuter de votre cas et de votre situation particulière, très tôt dans le processus.

Steven : Bon, eh bien là-dessus, je pense que c’est l’heure de mettre fin à notre balado. Yolanda, aurais-tu un conseil de communication à leur fournir ?

Yolanda : Oui. Eh bien, de rappeler que le patient est un allié dans leurs soins et en recevant une copie de leur dossier ou de leur profil cumulatif, les soins reçus ultérieurement seront mieux informés. Steven, peux-tu partager une perle de communication ?

Steven : Moi, j’aurais tendance à vouloir parler de la politique écrite. S’assurer d’avoir une politique écrite pour que votre personnel sache quoi faire sans vous. Donc, est-ce qu’ils vont savoir comment informer vos patients, lesquels informer, quels collègues rejoindre, quelles pharmacies, quels hôpitaux, tout en prenant note de qui a été informé, quand et comment. Donc, d’avoir des affiches, des courriels, des messages sur votre boîte vocale, un message sur votre site web, d’envoyer des lettres potentiellement recommandées à des groupes spécifiques, comme les médecins référents, les patients très malades. Ce sont toutes des idées qui sont possibles, mais d’avoir une politique à cette effet-là, ça devient très important.

Yolanda : Donc, avec cela, notre balado prend fin.

Steven : Déjà. Donc, je vous souhaite tous une bonne journée.

Yolanda : Merci à tous. Un petit rappelle que vous pouvez toujours nous rejoindre par courriel pour partager vos questions, commentaires ou vos idées pour des balados futurs.

Steven : Oui, notre adresse est le : [email protected]

Yolanda : Merci Steven. Ici Yolanda Madarnas.

Steven : Et Steven Bellemare qui vous rappelle…

Yolanda : …lorsqu’on regarde les choses autrement, …

Steven : … on perçoit les choses autrement.

Animateur : Ce matériel éducatif est fourni uniquement à des fins éducatives générales; il ne constitue pas des conseils professionnels de nature juridique ou médicale ni une « norme de pratique » pour les professionnels de la santé canadiens.


Lisez l'article correspondant  : Fermer ou quitter une pratique : Conseils pour les médecins de première ligne

Un médecin avec sa main sur la poignée de la porte quitte le bureau.

Exercez-vous en dehors de votre champ d’exercice habituel? Sachez en reconnaître les risques

novembre 2020 | 22 minutes

Il peut arriver que l’on demande à des médecins de fournir des soins médicaux en dehors de leur champ d’exercice habituel. Au cours de la pandémie de COVID-19, par exemple, on a demandé à un plus grand nombre de médecins de pourvoir des postes aux soins intensifs et dans les établissements de soins de longue durée. Quels sont vos droits en tant que médecin? Comment pouvez-vous gérer la situation de votre mieux? Comment assurez-vous la sécurité de vos patients? Cet épisode couvre ces questions, et d’autres, liées aux risques et aux responsabilités auxquels vous vous exposez lorsque vous exercez dans d’autres spécialités.

Avis de non-responsabilité

Au Québec, seuls les actes autorisés en vertu des lois qui encadrent les professionnels de la santé peuvent être accomplis par ces derniers, conformément aux exigences précisées, s’il y a lieu. Par conséquent, les médecins ne peuvent demander à d’autres membres d’une profession de la santé d’accomplir un acte réservé que si ces derniers sont autorisés à le faire en vertu des lois régissant l’exercice de leur profession.

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Animateur : Vous êtes à l’écoute de l’ACPM, d’un point de vue pratique.

Dr Steven Bellemare : Bonjour tout le monde. Bienvenue à notre balado, ici Steven Bellemare.

Dre Yolanda Madarnas : Bonjour Steven, Bonjour tout le monde, ici Yolanda Madarnas.

Steven : Fait plaisir de te retrouver Yolanda.

Yolanda : Toujours. Steven, depuis quelques temps, je reçois beaucoup d’appels de médecins à qui on demande de travailler dans un contexte pour lequel ils ne se sentent pas équipé. On leur demande de prodiguer des soins qui se retrouvent en dehors de leur champ d’exercice habituel.

Steven : Oui. C’est vrai, ça c’est une préoccupation fréquente, en effet.

Yolanda : Et ces membres me demandent : « Ils ont tu le droit de faire ça ? Peuvent-ils m’obliger à travailler dans de telles circonstances ? »

Steven : Oui ou même, est-ce que c’est sécuritaire…

Yolanda : Oui.

Steven : … de le faire ? Donc, parfois, puis on espère pas trop souvent, ça peut devenir nécessaire de prodiguer des soins à l’extérieur de son champ d’expertise.

Yolanda : Et le balado d’aujourd’hui est justement dédié aux considérations médico-légales pour ces médecins qui se retrouvent à exercer en dehors de leur champ d’exercice habituel.

Steven : Il faut comprendre, par contre, que les situations de travail à l’extérieur de son champ d’expertise ou d’exercice ne sont pas toutes égales.

Yolanda : Oui. Nous avons beaucoup entendu parler de cet élément dans le contexte de la crise sanitaire reliée à la pandémie Covid-19 où les médecins étaient déployés aux unités de soins intensifs ou les CHSLD.

Steven : Mais, tu sais, le phénomène n’est pas unique à la pandémie. Il y a eu d’autres crises dans le système de santé. Ça peut arriver, par exemple, dans un contexte de fusion d’hôpitaux ou lorsque des hôpitaux éprouvent des contraintes des ressources humaines ou autre même.

Yolanda : Et, quoique pas tout à fait pareille, mais il y a certainement des parallèles, il y a la situation, par exemple, sur un vol commercial, lorsqu’on entend au haut-parleur l’annonce que le personnel est à la recherche d’un médecin à bord.

Steven : Ah oui, cette fameuse annonce. Oui, toutes ces situations-là, surtout celle-là dans l’avion, ont toutes une chose en commun.

Yolanda : Le stress.

Steven : Oui.

Yolanda : C’est pas mal stressant de se retrouver à prodiguer des soins dans un contexte où on ne se sent pas à l’aise, familier ou même rouillé.

Steven : Donc, ça sera peut-être utile, Yolanda, qu’on définisse un peu qu’est-ce qu’on entend quand on parle d’un champ d’exercice.

Yolanda : Simplement dit, je crois que c’est ceux pour lesquels nous avons reçu une formation ou pour lesquels nous avons été recruté.

Steven : Oui, en effet, c’est, dans le fond, les procédures, les activités, les processus qu’un médecin a le droit de faire ou qu’il a le droit de participer dans le cadre de référence de sa licence professionnel, de son permis d’exercice ou de ses privilèges hospitalier, par exemple.

Yolanda : Et il faut se rappeler que même les médecins, qui sont détenteurs d’un permis de pratique général non restrictif, doivent se tenir à leur champ de pratique. Par exemple, un interniste d’un [inaudible 00 :02 :58], donc quelqu’un qui est en préretraite, n’est probablement pas en mesure de faire du sans rendez-vous en tant qu’omnipraticien, dans les années qui précèdent sa retraite.

Steven : Et, ce, même s’il a cette fameuse licence non-restrictive. C’est clairement un champ d’exercice qui est complètement différent, la médecine de famille et la médecine interne. Donc, de changer son champ d’exercice comme ça, ça peut mettre des patients à risque d’incident ou d’accident et même augmenter le risque médico-légal.

Yolanda : Et le balado d’aujourd’hui ne s’applique pas, non plus, aux consultations de couloirs, où vous partagez des commentaires ou des opinions cliniques, sachant qu’il y a probablement d’autres personnes qui s’y fieront, probablement pour prendre des décisions concernant les soins d’un patient. Il se pourrait que vous ayez un devoir de diligence envers le patient, même si vous ne l’avez pas vu, mais peut importe les circonstances, si vous envisagez un changement de champ de pratique, de champ d’expertise, planifiez. Il serait prudent de communiquer avec l’ACPM en avance pour en discuter, mais revenons au sujet du balado, Steven, parce que là, on partait sur d’autres pistes.

Steven : Oui, c’est ça. J’étais aveuille de sortir mon lasso et aller te chercher. Non, peut-être qu’on va revenir… Commençons avec nos points clés, justement, pour ce balado.

Yolanda : Oui.

Steven : Le premier point clé, c’est que malgré les défis qui sont reliés à une situation d’urgence ont, la société, on s’attend à ce que les médecins agissent de façon professionnel et dans le meilleur intérêt des patients.

Yolanda : Le deuxième point serait de tenter de prévoir quels compétences ou formations ou ressources additionnelles sont nécessaires ou requises pour la tâche.

Steven : Et puis finalement, le troisième point, ça ne sera pas surprenant, c’est un point de documentation. Documentez la raison et le contexte de vos décisions ainsi que le support que vous avez cherché ou sur lequel vous vous êtes basé pour établir le caractère raisonnable de vos gestes au moment où vous les avez posés.

Yolanda : En parlant du premier message clé, que on s’attend que les médecins agissent avec professionnalisme et toujours dans le meilleur intérêt de leurs patients. Ça veut dire quoi, exactement, ça ?

Steven : Eh bien, en règle générale, Yolanda, les collèges nous disent qu’un médecin ne devrait pratiquer à l’extérieur de son champ d’exercice que dans une situation d’urgence et ce, s’il y a trois critères qui sont rejoint. Un, les soins sont nécessaires et urgents ; deux, un médecin plus habilité que lui ou elle n’est pas disponible et trois, le fait de ne pas prodiguer des soins engendrerait, probablement, des pires conséquences que de ne pas prodiguer ces soins-là.

Yolanda : Bon, bref, vaux mieux un médecin moins qualifié qu’aucun médecin.

Steven : Bien, essentiellement. Donc, oui, ce n’est pas nécessairement des plus confortable comme situation, mais je pense qu’il y a moyen de gérer cet inconfort-là et je pense que ça, eh bien, c’est d’être transparent avec le patient.

Yolanda : Oui. Donc, il serait tout à fait justifié de discuter avec franchise du contexte particulier de soins avec votre patient. Cependant, il faudrait de s’assurer de le faire sur un ton collaborateur qui favorise la confiance.

Steven : En effet, quand on dit qu’on veut être transparent avec le patient, on ne veut pas dire de leur dire : « Hey, écoutez, l’hôpital me force à travailler à l’extérieur de mon champ de pratique et ça, ça ne fait pas mon affaire. » Ce n’est pas la place pour laver son linge sale en famille. Donc, les problèmes de communication sont si fréquents dans nos dossier, Yolanda.

Yolanda : Oui.

Steven : C’est donc vraiment important de reconnaître la réalité des choses, mais aussi, de ne pas miner la confiance du patient.

Yolanda : Oui, il faut tenter de garder la confiance tant dans la relation thérapeutique comme dans le système, mais tout en reconnaissant les circonstances exceptionnelles.

Steven : Oui. Prenons l’exemple d’un voyage en avion. Moi, je voyage beaucoup pour mon travail et j’ai déjà fait face à cette situation angoissante quand on entend : « Est-ce qu’il y a un médecin à bord ? », c’est vraiment inconfortable, ça. Surtout quand, moi, comme pédiatre, j’ai à faire face à une personne âgée avec des douleurs thoraciques. Donc, moi, j’approcherais ça en disant : « Bon, écoutez. Je suis pédiatre, ça ne fait pas partie de mon domaine. Je ne gère pas souvent les douleurs à la poitrine, mais je vais faire de mon mieux pour vous, si ça vous va. »

Yolanda : Oui, on se retrouve le seul médecin à bord et on fait de notre mieux. C’est en fait le principe du bon samaritain.

Steven : Oui.

Yolanda : Nous avons, justement, une publication là-dessus pour ceux qui voudraient en savoir davantage.

Steven : Bon, il faut se le dire, par exemple Yolanda, là, on parle du bon samaritain dans un avion. Ce n’est pas du tout la même chose que de travailler à l’extérieur de son champ d’expertise quand l’hôpital nous oblige à le faire dans le contexte d’une urgence quelconque.

Yolanda : On est parti, encore, sur une autre piste.

Steven : Donc, le principe est essentiellement le même, mais on veut vous rassurer, dans le fond, que vous pouvez avoir confiance que l’association va être là pour vous, pour vous protéger s’il y avait un problème médico-légal quelconque qui pourrait découler d’une ou l’autre des situations.

Yolanda : Revenons donc, maintenant, à la réalité pour ceux à qui on impose un champ de pratique élargi afin de combler un besoin.

Steven : Oui, ça arrive assez souvent. Dans ce contexte-là, ce qu’on entends, eh bien, c’est les questions qu’on a soulevées tantôt : « Est-ce qu’ils ont le droit de me forcer ? Est-ce que je peux refuser ? »

Yolanda : Oui et ça représente une réalité à laquelle font face beaucoup de nos collègues dans le contexte actuel de la pandémie ou bien en vertu d’une pénurie aigue surajouté à une pénurie chronique de ressources.

Steven : Oui.

Yolanda : Donc, revenons aux questions de tout à l’heure : Est-ce que je peux refuser ? Pas vraiment. Peuvent-ils m’obliger à le faire ? Essentiellement, oui.

Steven : Oui.

Yolanda : Parce que l’accord de privilèges est en lien avec l’obligation de suivre les protocoles et les règlements hospitaliers sur peine de mesures disciplinaires.

Steven : Bien, c’est ça, les privilèges sont assortis d’un risque de mesures disciplinaires lorsqu’on contrevient aux règlements et aux politiques de l’hôpital.

Yolanda : Mais l’ACPM serait là et vous aiderait généralement dans ces circonstances-là, mais il faut être au courant et conscient de ce risque.

Steven : Bon, donc, ça donne lieu à une autre question ; les hôpitaux, les CISSS ou les CIUSSS, n’ont-ils pas, eux aussi, une responsabilité de supporter les médecins dans des situations comme ça ?

Yolanda : En effet, les institutions sanitaires ont un devoir envers les patients et la population desservie et puis, il existe une jurisprudence qui confirme que les autorités sanitaires ont un devoir de fournir un système sécuritaire qui inclut la coordination de personnels, équipements, ressources et établissements.

Steven : C’est justement. Les hôpitaux ont un intérêt particulier de s’assurer que la politique qu’ils proposent pour la coordination du personnel-médical, est appliqué de façon uniforme, mais aussi de façon conforme aux standards qui existent dans la communauté qu’ils desservent. Donc, ça ne sera pas nécessairement le même standard, la même chose d’une ville à l’autre, ça va dépendre des circonstances auxquelles les hôpitaux font face. Donc, il faut se le dire ; tout ça, c’est en tenant compte des circonstances exceptionnelles qui font surfaces pour nécessiter, en fait, ces politiques-là de coordination du personnel.

Yolanda : Donc, du point de vue pratico-pratique, comme conseil pour les médecins, on pourrait dire que c’est préférable, pour eux, d’adopter une approche de négociation collégiale avec les autorités sanitaires, plutôt que de s’obstiner, n’est-ce pas ?

Steven : Oui, justement et puis là, il y a une perle de leadership ici. C’est très sage d’avoir des conversations avant d’arriver à un point critique, d’avoir un plan, justement, pour redéployer le personnel avant qu’une crise arrive. Ça va être beaucoup plus riche comme discussion et on va avoir beaucoup plus de temps pour explorer différentes avenues.

Yolanda : Donc, une collaboration professionnelle a les meilleurs chances de succès. Communiquez vos inquiétudes vis-à-vis la sécurité des patients, ainsi que, offrez des possibles solutions ou alternatives.

Steven : Justement. On peut, peut-être, négocier, par exemple, l’élargissement d’un corridor de service ou on peut, peut-être, se négocier des cessions éducatives pour se remettre à date et là-dessus, eh bien, les départements de développement professionnel continu dans les université, par exemple, peuvent jouer un rôle très important comme on l’a vu, justement, dans la pandémie de la Covid.

Yolanda : Soulignons aussi, Steven, l’importance de documenter le discours administratif que vous entreprenez. Le papertrail qu’appelle les anglophones. Ce qui mettrait en évidence la diligence de la part des médecins ayant communiqué leurs inquiétudes, ainsi que le fait que les autorités sanitaires furent mises au courant de celles-ci.

Steven : Oui, c’est ça. En fin de compte, vous ne pourrez probablement pas régler le problème. Vous ne pourrez probablement pas ne pas travailler à l’extérieur de votre champ d’exercice. Donc, certainement, vous ne le règlerez pas comme vous voudriez, mais au moins, avec ces documents-là, vous allez avoir mis la table pour justifier vos soins en mettant l’emphase sur votre documentation.

Yolanda : En fait, Steven, nous venons de communiquer notre troisième message clé.

Steven : Ah bien ça.

Yolanda : La documentation des situations auxquelles vous faîtes face.

Steven : On change d’ordre.

Yolanda : Parlons, maintenant, de ce point.

Steven : Eh bien, justement. Ecoutez, quand on fait face à des situations difficiles, c’est important de consigner au dossier les raisons qui justifient nos choix. Par exemple, pourquoi est-ce qu’on n’a pas transféré un patient aux soins intensifs alors qu’ordinairement, on l’aurait fait ou pourquoi est-ce qu’on a choisi un antibiotique qui est sous-optimal ? Si c’est parce qu’il n’y en avait pas de l’antibiotique optimal ce soir-là à l’hôpital, eh bien, c’est important à ce moment-là de le consigner, de façon objective, sans jugements, mais au moins, pour justifier pourquoi on a agi de la façon dont on l’a fait.

Yolanda : Non. Oui. Donc, ça c’est la documentation au point de soins, au dossier du patient, mais quels sont les autres points de documentation possible, Steven ?

Steven : Eh bien, il y a, aussi, les éléments qui font moins affaire avec les choix au chevet du patient, les circonstances, si on veut, plus larges, les influences des directives institutionnelles qu’on aurait reçues, par exemple. C’est important de garder des copies des politiques, des annonces, des directives qui vont affecter vos soins, vos choix, votre habilité de faire ce que vous, vous auriez fait autrement et puis ça, eh bien, collectez-le dans vos papiers médicaux généraux au fur et à mesure quelles changent parce que, comme on l’a vu avec la Covid, par exemple, des fois, ça changeait à tous les jours et, même, des fois, deux fois par jour. Donc, dans le futur, si on demande à un expert d’établir si vous avez rejoins ou non, respecté ou non la norme de pratique. Eh bien, l’expert, il va trouver ça difficile de savoir quel était le contexte dans votre hôpital à ce moment-là.

Yolanda : Et souvent, c’est des années plus tard.

Steven : Donc, la documentation de ces directives de ces politiques-là va être infiniment utile pour aider un expert et puis ça, c’est habituellement 2 à 5 ans après fait, pour déterminer si, justement, votre conduite a respecté les règles de l’art, mais il ne faut pas se leurrer, quand ça change souvent, il n’y a pas personne qui va se souvenir sans documentations.

Yolanda : Mais rappelons-nous que, comme médecin, on s’accorde souvent une mission de trouver des solutions et ça découle de notre formation et c’est cet aspect et la frustration qui l’accompagne que j’entend souvent au téléphone. En bout de ligne, les médecins craignent de se retrouver à être celui ou celle qui se retrouve avec la patate chaude.

Steven : Ah oui, la fameuse patate chaude. Eh bien, écoutez. On le comprend. C’est pour ça qu’on enregistre le balado et c’est pour ça qu’on met toujours l’emphase sur la documentation parce qu’on sait, de par notre expérience médico-légale, à quel point elle est importante. On veut vous aider, dans le fond, à être proactif.

Yolanda : Et on veut, aussi, vous rassurer que vous n’êtes pas seul à faire face à ces situations et qu’on sera là pour vous dans l’éventualité de problèmes médicaux légaux, mais revenons, maintenant, à notre deuxième point clé.

Steven : Oui, okay. C’était quoi, justement, notre deuxième point clé ?

Yolanda : Oui, c’est vrai. C’était de tenter de prévoir les compétences, la formation ou les ressources additionnelles qui pourraient être nécessaires ou requises pour accomplir la tâche.

Steven : Ah oui, oui, okay. Dans ce contexte-là, c’est important d’appeler le collège dans la province ou le territoire où vous allez être appelé à prodiguer des soins pour parler, justement, exigence pour obtenir un permis de pratique. Il y a des collèges qui ont été plus flexibles dans leurs octrois de permis de pratique pendant la pandémie de Covid, mais à l’extérieur d’une pandémie comme celle d’une urgence sanitaire, ils ont des règlements à suivre.

Yolanda : Ceci dit, dans une situation d’urgence, telle une crise sanitaire, les collèges estiment, quand même, qu’un médecin a l’obligation éthique d’assister, dans la mesure du possible, à ceux ayant besoin d’aide.

Steven : Oui et ça, c’est parce que les collèges, dans le fond, nous octroient un droit de pratique dans le domaine dans lequel on est éduqué et dans lequel on a de l’expérience. Quoique, les collèges nous disent que oui on peut pratiquer à l’extérieur de notre champ de pratique durant une urgence, quand l’urgence est passé, eh bien, il faut retourner à son champ de pratique habituel et arrêter de pratiquer dans le champ plus étendu.

Yolanda : Il y a, aussi, les situations où un médecin choisi d’élargir ou bien de restreindre son champ d’exercice. Cette décision n’ayant absolument rien à voir avec une situation d’urgence ou une crise sanitaire et dans ce cas, on n’encouragerait les médecins a appelé l’ACPM pour discuter justement de leur situation particulière.

Steven : Oui. Là-dessus, Yolanda, prenons, par exemple, l’exemple d’un médecin de famille qui décide d’étendre son champ d’exercice pour inclure la médecine esthétique ou, même, un médecin de famille qui décide de restreindre sont champ de pratique pour ne pratiquer, uniquement, que des vasectomies en cabinet, par exemple. Chacune de ces situations-là à ses risques pour la sécurité des patients et vous pouvez être certain que le collège va vouloir en être au courant. Ils vont vouloir s’assurer que vous avez l’éducation, les habilités et l’expérience pour faire ce que vous proposez de faire de nouveau. L’ACPM aussi, de son côté, va vouloir être au courant parce que ça peut affecter votre catégorie de protection.

Yolanda : Bon, Steven, la nécessité de participer à une formation professionnelle continue va de soi, mais, en général, nous n’entreprenons pas d’activités dans un domaine autre que le nôtre, soulignant l’importance de consulter avec des collègues qui ont l’expertise ou l’expérience de travailler dans le domaine ou le milieu qui nous n’est pas familier, ainsi que de souligner nos limitations et de préciser les attentes, de nous.

Steven : Oui, c’est ça. Donc, ce n’est pas comme si tous les médecins de famille font du développement professionnel en soins intensif, par exemple.

Yolanda : Du tout, du tout.

Steven : Donc, c’est certain que oui, il faut se trouver des occasions de s’éduquer, d’obtenir des connaissances supplémentaires. Une autre chose qu’on pourrait faire, par exemple, c’est de prévoir des redondances et…

Yolanda : Tu veux dire quoi par ça ?

Steven : Eh bien, des redondances, par exemple, sur les listes de garde, donc d’avoir l’expert en soins intensifs, par exemple, qui de deuxième ou de troisième appel, tandis que c’est le personnel redéployé qui est là sur le plancher durant la nuit. Donc, dans ce contexte-là, ça se peut que l’hôpital et vous, comme membre du corps, du personnel, prévoyez une approche de délégation et supervision à distance, par exemple. Donc, si vous avez un rôle de superviseur, mettons, si vous, vous êtes l’intensiviste qui êtes deuxième ou troisième appel et qui discutez, potentiellement, de cas avec un interniste ou un médecin de famille qui a été redéployé aux soins, eh bien, c’est important d’être au courant des principes à suivre pour une délégation et une supervision sécuritaire et de l’impact que ça peut avoir, justement, sur votre responsabilité professionnelle.

Yolanda : Oui.

Steven : Donc, on a, justement, des documents là-dessus sur notre site web.

Yolanda : … Là-dessus, aussi et c’est un point important, Steven, pour le médecin qui se retrouve à être déployé, d’identifier un collègue-ressource, un mentor ou un superviseur informel qui permet d’établir un filet de sécurité, à nouveau, informel ou formel, mais avant tout, qui aide à appuyer le médecin qui se retrouve à être expatrié.

Steven : Et puis là-dessus, je pense que c’est important de mettre l’emphase sur l’importance d’avoir, par écrit, des directives claires de la part de l’hôpital, à savoir ; si vous êtes redéployé dans une unité quelconque, est-ce que vous êtes là et responsable, entièrement, de vos décisions ou est-ce que vous allez être là, supervisé par un expert dans ce domaine-là ? C’est deux situations qui sont différentes et c’est très important d’avoir cette clarté d’esprit-là.

Yolanda : Oui.

Steven : Un parallèle, dans le fond, peut être fait, entre travailler avec un résident, plus ou moins expérimenté. Donc, la façon dont on va s’y prendre pour les superviser, je devrais dire, et pour documenter cette supervision-là, va être différente, dépendant de la situation.

Yolanda : Et on s’attendrait que tout ça soit documenté dans le discours administratif auquel on a fait allusion, tout à l’heure dans le balado.

Steven : Oui, c’est exactement.

Yolanda : Ça vaut la peine, aussi, de souligner le potentiel pour du positif dans ces situations, Steven.

Steven : Oui.

Yolanda : Pensez à des nouvelles relations interprofessionnelles qui mènent à des nouveaux modes de collaboration, qui peuvent perdurer.

Steven : En effet. Une chose va demeurer certaine, par contre, en bout de ligne, la société va s’attendre à ce qu’un médecin fasse des efforts raisonnables pour se tenir à date et pour identifier ses propres limites et agir en conséquence.

Yolanda : Donc, les médecins auraient avantage à être proactifs ; anticiper quelles habilités et compétences sont essentielles pour exécuter les tâches requises de façon sécuritaire et, à nouveau, cela pourrait faire partie du discours administratif auquel on a fait allusion au début de notre balado. Il serait tout à fait approprié, pour le médecin qui se retrouve dans ces situations, de demander, voir même, organiser une ou des sessions d’enseignements adaptés à leurs besoins. Steven, notre producteur me fait signe qu’on arrive à la fin de notre balado. As-tu une perle de communication pour nous ?

Steven : Oui, j’entend venir la musique de la fin à grand allure. Perle de communication… je te dirais : C’est important d’encourager le parler franchement. Le parler franchement, c’est un état d’âme institutionnel, selon moi. Ça permet de soulever des préoccupation quant à la sécurité des patients et ça, sans jugement ou peur de représailles.

Yolanda : Oui, c’est un processus bidirectionnel. On s’entend, non seulement, que nous communiquons, mais qu’il y aille une écoute active de l’autre part.

Steven : Oui, c’est certain. Toi, Yolanda, ton côté, une perle de documentation ?

Yolanda : On revient, oui.

Steven : Ç ava être une grande surprise.

Yolanda : On en a déjà parlé, mais pour le concrétiser, une documentation sur deux fronts : le discours administratif, dont nous avons parlé tout à l’heure, et la documentation au chevet, au point des soins, qui décrit le résonnement menant aux décision, ainsi que le contexte de soins et les limitations qui nous permettra, éventuellement, de démontrer la raisonnabilité des soins, étant donné les circonstances.

Steven : Eh bien, c’est très bien, Yolanda. Merci beaucoup, encore une fois, pour ta participation.

Yolanda : Merci, Steven. C’est toujours un plaisir d’être ici.

Steven : Si vous avez des questions, des idées pour d’autres sujets à traiter, je vous invite à nous écrire un courriel. L’adresse : [email protected]. Là-dessus, Yolanda, souviens-toi, lorsqu’on regarde les choses autrement, …

Yolanda : … on perçoit les choses autrement. Merci tout le monde, au revoir.

Steven : Bonne journée.

Animateur : Ce matériel éducatif est fourni uniquement à des fins éducatives générales ; il ne constitue pas des conseils professionnels de nature juridique ou médicale ni une « norme de pratique » pour les professionnels de la santé canadiens.


Accéder aux DME : comment éviter de transgresser les règles de protection des renseignements personnels

octobre 2020 | 17 minutes

Quand est-ce que l'accès aux DME est-il jugé inapproprié? Dans cet épisode, le Dr Bellemare et la Dre Madarnas présentent des considérations clés sur la façon d'éviter de transgresser les règles de protection des renseignements personnels lors de l'accès aux dossiers médicaux électroniques. Ils examinent comment les lois sur la protection des renseignements personnels, le cercle de soins, et la garde des dossiers médicaux affectent comment et quand les médecins peuvent accéder aux dossiers médicaux.

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Animateur : Vous êtes à l’écoute de l’ACPM, d’un point de vue pratique. 

Dre Yolanda Madarnas : Bonjour à tous. Bonjour Steven. Bienvenue au balado aujourd’hui. 

Dr Steven Bellemare : Bonjour Yolanda. J’espère que ça va bien. 

Yolanda : Oui, merci. Steven, je me demandais, si le fait d’avoir un compte d’usagé et un mot de passe pour un DME, nous donnent le droit d’accès à toutes informations en tout moment?

Steven : Eh bien, là, j’imagine que si tu me poses la question, c’est parce que tu dois savoir que la réponse est non. Prenons des exemples : une personnalité est admise à l’hôpital, peut-on consulter son dossier pour savoir ce qu’il se passe ? 

Yolanda : Qu’en est-il de l’ami qui vous demande de consulter leur rapport d’IRM parce qu’ils ne veulent pas attendre d’avoir un rendez-vous avec leur médecin ?

Steven : Ou est-ce qu’on a déjà dit à un résident ou peut-être que vous vous êtes déjà fait dire : « Suivons le progrès de ce patient-là dans le dossier, ça va être intéressant ».

Yolanda : Et accéder à un dossier pour nous rappeler de nos soins, dans un contexte de plaintes ou de litiges ? 

Steven : Quel est le lien commun avec tous ces éléments-là.

Yolanda : L’accès non autorisé au DME. 

Steven : Comment déterminer quand un accès est approprié ou inapproprié ? Il y a des exemples clairs, mais il y en a d’autres, comme ceux-là que l’on vient de discuter, qui ne sont pas nécessairement faciles. Il y a une subtilité. On est dans le gris, pas mal. 

Yolanda : Oui. Donc, comme vous pouvez vous imaginer, notre balado d’aujourd’hui sert de complément à l’article de Perspective portant sur l’accès à l’information personnel. 

Steven : Donc, là-dessus, on va parler de nos messages clés. Le premier, étant que les lois de la protection de la vie privée sont conçues pour protéger l’information privée des patients, d’abord et avant tout. Dans ce contexte-là, les objectifs de société qu’on a, comme le contrôle de la qualité, comme l’éducation à travers la lecture de dossiers, passent, vraiment, au deuxième rang. 

Yolanda : Deuxième point, c’est celui du cercle de soins. Ce cercle de soins inclut les professionnels de la santé qui prodiguent des soins aux patients et l’information partagée, dans le cercle de soins, est limitée à ce qui est requis par ces professionnels de la santé pour pouvoir prodiguer leurs soins. 

Steven : Finalement, comme troisième point, il faut que les médecins comprennent qui est le dépositaire ou le propriétaire, si on peut dire, des dossiers. Il faut demander la permission au dépositaire du dossier avant d’accéder au dossier lorsqu’on n’est plus impliqué dans les soins d’un patient. 

Yolanda : Revenons à notre premier point, Steven, celui des lois guidant la protection des renseignements personnels et de la vie privée. Ces lois sont une responsabilité des provinces et des territoires. Donc, c’est important de se familiariser des lois qui s’appliquent dans notre lieu d’exercice. 

Steven : C’est ça, parce que, Yolanda, chaque province ou territoire a des lignes directrices qui sont différentes pour gouverner un, la collecte, deux, l’utilisation et trois, l’accès de l’information de santé personnel et finalement, il y a, aussi, des lignes directrices pour déterminer ce qui constitue une atteinte à la vie privée et, même, comment et à qui les rapporter, dans quel délai. Donc, ça devient très précis, très compliqué assez rapidement.

Yolanda : Oui, puis ce n’est pas… L’intention, ce n’est pas d’être au courant de tout ça par cœur. Cette information est généralement disponible par l’intermédiaire du collège de la province ou du territoire où vous exercez, l’institution, l’établissement où vous exercez et aussi vous pouvez, consulter l’ACPM pour de l’information complémentaire. 

Steven : Et je dirais que ça, c’est vraiment important parce que comme je disais, ça devient compliqué pas mal vite. Prenons, donc, un exemple : un urgentologue, bien intentionné, veut voir ce qu’il arrive à un patient qu’il a vu et admis à l’hôpital, et ce, pour sa propre éducation. Finalement, le médecin, l’urgentologue, veut savoir : «Eh bien, est-ce que j’ai fait le bon diagnostic ? Est-ce que j’ai fait le bon traitement ? Comment il va, mon patient maintenant ?»

Yolanda : Oui.

Steven : Écoute, on l’a tous fait. 

Yolanda : Oui.

Steven : Et, quoique ce soit noble comme intention, ce n’est peut-être pas en règle de le faire. Si l’hôpital venait à vérifier l’accès au dossier de ce patient-là, il faudrait être capable de justifier le fait qu’on a regardé son information. 

Yolanda : Excellent exemple, Steven. Je crois que ceci met en évidence que ces lois furent rédigées dans le but de protéger les renseignements personnels et la vie privée sans considérer les complexités et les nuances de la pratique médicale. 

Steven : C’est ça et puis, ce n’est pas pour critiquer les lois pour protéger les vies privées…

Yolanda : Non.

Steven : C’est juste que c’est la réalité de la façon dont elles ont évolué. C’est comprenable parce qu’on est maintenant dans une ère de communications électroniques remplies d’atteinte à la vie privée dans tous les domaines.

Yolanda : Oui. Donc, l’accès au DME tel que décrit, quoique bien intentionné et justifiable, pourrait constituer un bris de confidentialité ou un accès non autorisé à l’information personnelle. 

Steven : Ceci dit, Yolanda, il y a certaines lois qui permettent l’accès à l’information de santé personnel pour des fins de contrôle de la qualité. Bon, est-ce que l’éducation est couverte par cette provision- là ? Et ça, c’est matière à interprétation et il faut regarder la loi spécifique dans la province ou le territoire en question. Donc, de demander à son hôpital d’élaborer une directive ou une politique claire quant à l’accès à ces dossiers-là pour des fins éducatives et de développements perfectionnant professionnels, ça en vaut la peine. C’est important, par contre, d’être à l’affût des lois applicables avant de pouvoir, même, commencer à élaborer ces politiques-là. 

Yolanda : Oui. Donc, c’est un bon moment pour revenir, maintenant, à notre deuxième point, celui du cercle de soins. 

Steven : Oui. Les médecins peuvent généralement se fier au consentement implicite du patient pour accéder à leurs informations de santé lorsqu’ils font partie du cercle des soins. Donc, par exemple, moi, comme pédiatre, je peux te consulter, toi, comme oncologue par rapport aux soins d’un patient qu’on partage ensemble sans nécessairement demander la permission explicite aux parents de mon patient pour le faire. Ceci dit, l’accès est limité. Par contre, à ce qui est nécessaire pour pouvoir prodiguer les soins. 

Yolanda : Donc, dès que le médecin quitte le cercle de soins, il n’est plus responsable de prodiguer des soins au patient. Donc, s’il considère un accès au DME par la suite, il faut savoir : est-ce que ça lui est permis et a-t-il l’autorisation du dépositaire du dossier ?

Steven : Oui, en effet, mais à quel point est-ce qu’on ne fait plus partie du cercle des soins ? Est-ce que ce n’est pas de la bonne médecine de vouloir suivre l’évolution clinique d’un patient ?

Yolanda : Mais, le concept de cercle de soins a des limites. Quoique ça représente de la bonne médecine, de faire un suivit, il faut se rappeler que le médecin ne peut accéder à des renseignements personnels que dans le but de prodiguer des soins et seulement l’information nécessaires pour ceci. 

Steven : Donc, par exemple, si j’ai traité un patient avec une appendicite, je ne devrais pas avoir une raison d’accéder aux notes ambulatoires en psychiatrie, par exemple, à moins que ça soit pertinent aux soins que j’ai besoin de donner durant mon épisode de soins. 

Yolanda : Oui, c’est le gros bon sens, mais qu’en est-il du médecin qui a prodigué des soins, qui a transféré un patient à un collègue ou à un autre service ou à un autre établissement et qui veut faire un suivi de l’évolution du patient ? Strictement parlant, ce médecin, il ne fait plus partie du cercle de soins et ne devrait pas accéder à l’information dans le DME sans autorisation. 

Steven : Wow. C’est toute une considération-là ça. Je sais qu’il y a plusieurs médecins qui se préoccupent de la qualité de leurs soins. Ils vont réfléchir par la suite. Ils vont se demander parfois : «Bon, est-ce que j’ai fait la bonne chose ? » Et puis, ils vont vouloir se tourner vers le dossier médical électronique pour apprendre, pour évaluer leur pratique, mais ça peut être un problème, alors, du point de vue de la protection de la vie privée. Ça pourrait être, même, dans un contexte, par exemple, de sans rendez-vous où l'on voit un patient qui ou on a vu un patient qui n’est maintenant plus à la clinique, et puis on est mis au courant d’un évènement indésirable, techniquement, on n’aurait pas le droit de regarder le dossier. C’est vraiment le fait d’avoir quitté le cercle des soins qui est le point culminant, d’abord. 

Yolanda : Absolument. Donc, nous avons des dossiers, à l’ACPM, où un tel accès fut détecté par des examens de contrôle du DME par l’établissement et le médecin en question a été accusé d’un bris de confidentialité. 

Steven : Oui, en effet. Donc, c’est ce qu’on veut éviter. Il y a peut-être des pistes de solutions pour gérer ce problème-là. Donc, on pourrait, par exemple, inclure le fait de demander le consentement du patient pour effectuer un suivi à des fins d’apprentissage. Si on fait ça, c’est aussi important, à ce moment-là, de documenter la discussion de consentement au dossier, mais, aussi, de documenter lorsqu’on accède au dossier pourquoi on a fait cette visite pour établir de façon très transparente, dans le fond, qu’on n’est pas en train d’épier dans le dossier du patient. 

Yolanda : Donc, de le documenter de façon contemporaine…

Steven : Oui.

Yolanda : … au lieu de s’expliquer, après le coup, le pourquoi, on l’a fait. 

Steven : Absolument. 

Yolanda : Donc, ces stratégies ne garantissent pas qu’il n’y aura pas de problème, mais, au moins, nous avons fait preuve de transparence. 

Steven : Oui. Bon et bien, c’est peut-être le moment opportun de passé au troisième message clé : le concept du dépositaire du dossier. Pourquoi est-ce que c’est important ça, Yolanda ?

Yolanda : Eh bien, en tant que médecin, on peut avoir tendance à considérer qu’on a le droit à toutes sortes d’informations tout au long du parcours clinique du patient, ou pour l’enseignement, ou pour la recherche, mais il faut se rappeler que le patient a toujours le droit de préciser qui accède à leurs renseignements personnels et dans quelles circonstances. 

Steven : Dans le fond, c’est que le patient est le propriétaire de l’information. L’information lui appartient, à lui ou à elle. Le dossier papier, le système de dossiers médicaux électroniques appartient aux médecins, à la clinique, à l’hôpital, mais l’information appartient aux patients. C’est une distinction qui est importante. 

Yolanda : Effectivement. Donc, dans un hôpital ou une pratique de groupe, c’est l’établissement qui est le dépositaire du dossier, mais le patient est le propriétaire de ses informations personnelles, mais c’est l’établissement qui gère l’accès au dossier et le médecin devrait obtenir l’accès et l’autorisation via les archives de l’institution, de l’établissement et, aussi, divulguer la raison qui motive son accès au dossier.

Steven : Oui et puis ça, ce n’est pas vraiment pour être pointilleux. C’est vraiment à cause de la responsabilité légale qu’à l’hôpital, la clinique, le dépositaire du dossier, d’assurer la confidentialité de l’information qu’il contient. C’est pour ça, dans le fond, qu’ils font des vérifications. 

Yolanda : Donc, sachant, Steven, qu’on se répète un peu, le médecin peut présumer qu’il a le consentement implicite d’un patient pour le partage de ses informations personnelles dans le contexte de recevoir des soins, mais lorsqu’on envisage l’accès au DME dans un but autre que de prodiguer des soins, il faut obtenir le consentement explicite du patient ou bien consulter le dossier dans un contexte législatif qui ne le permet sans aller chercher le consentement. 

Steven : Et ça, tout dépendant de la province ou du territoire où on exerce, eh bien il peut être possible de travailler avec l’hôpital pour établir une politique ou une procédure qui sont claires, qui donnerait accès au dossier pour des fins éducatives et de suivis, même si on a, techniquement, quitté le cercle des soins. 

Yolanda : Donc, pour réitérer les principes clés, Steven, il faut le consentement du patient pour accéder à ses renseignements personnels pour des raisons autres que de lui prodiguer des soins. 

Steven : Oui.

Yolanda : Et il faut consulter le cessionnaire du dossier, généralement l’établissement, pour tout accès au dossier lorsque nous avons quitté le cercle de soins.

Steven : Même plus que consulter, il faut obtenir leur permission, essentiellement. 

Yolanda : Exactement. 

Steven : Donc, c’est pour ça que c’est problématique d’accéder au dossier pour se rafraîchir la mémoire après avoir été mis au courant, par exemple, d’une plainte, d’une action en justice ou d’un incident relié à la sécurité des patients. 

Yolanda : Donc, vous avez certainement le droit de consulter le dossier dans ces circonstances-là. Il faut juste le faire comme il faut.

Steven : Il faut suivre les règles du jeu. Voici un exemple parfait. Ce n’est pas parce que je l’ai inventé, mais je pense que ça se porte bien à ça. Ça n’a pas vraiment rapport à une plainte ou à une action en justice, mais vous êtes patron à l’hôpital et puis votre enfant subit une radiographie pulmonaire et vous voulez voir le résultat. Donc, vous décidez de le regarder dans le dossier médical électronique. C’est un bénéfice de travailler à l’hôpital, non? 

Yolanda : Eh bien, oui. Je suis le parent. C’est moi qui donne le consentement pour mon enfant mineur. Je ne vois pas de problème. 

Steven : Eh bien, le problème, c’est que l’hôpital ne vous a pas donné l’accès au dossier médical électronique pour ces raisons-là et vous n’avez pas été ou n’avez jamais été et ne serez pas dans le cercle des soins. Donc, techniquement, vous n’avez pas la raison, la permission d’aller vérifier ce résultat-là, même si vous y avez droit. 

Yolanda : Donc, même si j’ai un profil d’usagé et un mot de passe, je n’ai pas carte blanche pour l’accès au dossier. 

Steven : Exactement.Il faut vraiment passer par les bons chemins. On a accès à l’information, bien sûr, mais c’est à propos du chemin qu’on prend. 

Yolanda : Et c’est de cette façon, en fait, que les vérifications périodiques du système détectent l’accès au dossier par quelqu’un portant le même nom de famille, par exemple, qu’un patient ou bien tout accès à un dossier d’une vedette ou d’un VIP.

Steven : C’est certain qu’une personnalité ou une vedette, ça va faire l’objet d’une piste de vérification et on les a vu ces cas-là à l’ACPM. 

Yolanda : Absolument, oui. 

Steven : Okay. Donc, on repasse nos exemples pour terminer ?

Yolanda : Oui. Qu’en est-il de notre ami qui veut savoir le résultat de son IRM, mais qui ne veut pas attendre au rendez-vous avec son ami ? 

Steven : Eh bien, c’est bien de valeur, mais la réponse c’est non. Même avec le consentement du patient, vous ne faites pas partie du cercle des soins et vous ne devriez pas avoir accès au dossier, sauf en passant par les voies officielles en demandant les permissions aux archives, à ce moment-là, eh bien, le patient est aussi bien de le faire lui-même. 

Yolanda : Exactement et lorsqu’on a un résident, et puis on lui demande de faire le suivi du patient et de l’évolution à l’étage, une fois qu’on l’a congédié de l’urgence ?

Steven : Eh bien, ça, encore une fois, c’est une situation difficile qui, techniquement, ne devrait pas se passer. Encore une fois, le résident, l’étudiant en médecine a quitté le cercle des soins, mais il faut être réaliste parce que ça pourrait avoir un gros impact sur la façon dont on prodigue des soins, la façon d’éduquer nos apprenants. Est-ce qu’on n’a pas une obligation d’effectuer un suivi des examens, par exemple …

Yolanda : Absolument. 

Steven : … même si on n’est pas assez… même si on n’est plus dans le cercle des soins ? 

Yolanda : Absolument. Le médecin requérant reste, demeure responsable de s’assurer du suivi de toutes investigations qu’il a demandé, mais on pourrait argumenter que ça fait encore partie des soins prodigués, d’assurer ce suivi. Donc, en principe, il est encore dans le cercle de soins. 

Steven : Ah, okay. 

Yolanda : Le problème découle de l’accès dans un but purement éducatif ou de vérification. 

Steven : Oui, c’est ça. Donc, c’est vraiment à propos de la raison. Si c’est pour prodiguer des soins versus pour regarder et lire. Okay. Finalement, qu’en est-il d’accéder au DME après avoir reçu une plainte ou une action en justice ?

Yolanda : Eh bien, non. En fait, dans cette circonstance, on consulterait le dossier pour une raison autre que de prodiguer des soins. On demeure encore, peut-être, dans le cercle de soins, mais là, la consultation, ce n’est pas dans le but de prodiguer des soins. Donc, quoiqu’on ait le droit de le consulter pour une défense dans un litige ou une plainte, il faut le faire par les mécanismes appropriés.

Steven : Okay. C’est le temps pour une perle de communication, je pense. 

Yolanda : Donc, comme perle de communication : songez à communiquer avec l’administration de l’établissement pour vous familiariser avec les protocoles en vigueur et pour développer des lignes directrices gérant l’accès aux renseignements personnels dans un but éducatif ou d’amélioration de la qualité de l’acte. Steven, une perle de documentation ?

Steven : Eh bien, pour ma perle, je voudrais mettre l’emphase sur le fait que les dossiers médicaux électroniques sont dotés d’une fonction de vérification qui détecte chaque fois que quelqu’un a accès à un dossier. Ça, c’est qui a eu accès, pendant combien de temps, à quelle heure, à quel élément, qu’est-ce qui a été rajouté, qu’est-ce qui a été modifié, qu’est-ce qui a été enlevé. Tout ça, c’est documenté dans le background, si on peut dire. Donc, il faut vraiment être préparé à justifier tout accès non requis par les soins. Donc, de laisser une note au dossier lorsqu’on y a accès pour faire un suivi, par exemple, ça crée une transparence qui est importante.

Yolanda : Donc, de le faire de façon contemporaine, plutôt que de le faire lorsqu’on se fait prendre, pour ainsi dire, ayant consulté. 

Steven : Oui, c’est ça et toujours, nécessairement, avec le consentement du patient. Donc, finalement, j’aimerais bien vous inviter, nos auditeurs, à nous envoyer vos suggestions pour des sujets futurs. Vos questions peuvent être envoyées par courriel. L’adresse : [email protected]

Yolanda : Au revoir, tout le monde, et rappelez-vous, lorsqu’on regarde les choses autrement…

Steven : … on perçoit les choses autrement. 

Yolanda : Au revoir.

Steven : Bonne journée. 

Animateur : Ce matériel éducatif est fourni uniquement à des fins éducatives générales; il ne constitue pas des conseils professionnels de nature juridique ou médicale ni une « norme de pratique » pour les professionnels de la santé canadiens.


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COVID-19 : Gérer les temps d’attente

septembre 2020 | 22 minutes

Les inquiétudes concernant les temps d’attente dans la prestation de soins de santé ne sont pas nouvelles, mais la pandémie de COVID-19 a suscité d’autres inquiétudes en raison du report des procédures non urgentes. La Dre Guylaine Thériault, co-responsable des soins primaires de Choisir avec soin et impliquée dans la campagne Choisir avec soin Québec, se joint aux animateurs pour discuter de conseils sur la gestion sécuritaire des temps d’attente afin de promouvoir des soins médicaux sécuritaires et de réduire les risques médico-légaux pour les médecins.

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Audioscript

Animateur : Vous êtes à l’écoute de l’ACPM : D’un point de vue pratique. 

Dre Yolanda Madarnas : Bonjour tout le monde, ici Yolanda .

Dr Steven Bellemare : Et ici, Steven. Bonjour Yolanda. 

Yolanda : Allo Steven. Dis-moi, de quoi on parle aujourd’hui?

Steven : Aujourd’hui, on a pensé traiter du sujet de la gestion des temps d’attente et des ressources. Et puis là, on ne parle pas seulement à l’urgence, les temps d’attente d’urgence, mais bien du temps d’attente pour les consultations, pour les chirurgies, pour les tests diagnostiques, le tout. 

Yolanda : C’est un sujet, je pense, qui arrive à point, mais ce n’est pas un nouveau sujet pour les médecins. 

Steven : Non. 

Yolanda : Mais, il y a un nouvel intérêt, étant donné la remise à plus tard de tellement de soins électifs, en lien à la Covid-19. 

Steven : Absolument. Et on sait que la gestion des ressources, ça l’a un impact sur les patients, sur les médecins, ainsi que sur le système.

Yolanda : Et, aujourd’hui, on espère pouvoir partager avec vous des idées quand à la gestion sécuritaire des patients en attente. 

Steven : Mais avant d’aller plus loin, Yolanda, j’ai une petite surprise. 

Yolanda : Ah, dis-moi. 

Steven : Et bien, on a une invitée. J’ai une invitée pour ce balado. 

Yolanda : J’aime les surprises. Qui est notre invitée?

Steven : Et bien, écoutons. Elle va se présenter. 

Dre Guylaine Thériault : Bonjour, je suis Dre Guylaine Thériault. Je suis médecin de famille en Outaouais. Je suis, aussi, co-responsable des soins primaires pour Choisir avec soin Canada et impliquée dans la campagne, Choisir avec soin Québec.

Yolanda : C’est intéressant, ça, l’idée de marier Choisir avec soin avec le concept des temps d’attente. 

Steven : Et de la gestion des ressources en tout. Donc, oui, on n’est rien sinon créatif. Donc, on a parlé avec Dre Thériault, il y a quelques jours, via une plateforme virtuelle et puis, on espère que vous allez voir la pertinence du message de Choisir avec Soin Canada par rapport à notre sujet du temps d’attente et de la gestion des ressources. 

Yolanda : Et, ça s’aligne très bien avec nos objectifs de promotions de soins sécuritaires.

Steven : Oui.

Yolanda : La gestion des liste d’attente, Steven :, ce n’est pas un sujet nouveau. Ce qui est nouveau, c’est l’étendu du problème. 

Steven : Absolument. Dans un monde post-Covid-19, on s’attend à un retour graduel vers un niveau de service pré-pandémie, quel qu’il soit dans le futur, mais on entend de plus en plus de préoccupations de la part de nos membres par rapport aux listes d’attente immenses qui ont été engendrées par tous les soins qui ont été cancellés et la peur quant à la difficulté de gérer ces grandes listes d’attente. 

Yolanda : Et, ça va revenir à nous, les médecins, de déterminer quels services médicaux seront réintroduis et comment prioriser les soins dans nos pratiques. 

Steven : Et ça, ça ne reviendra pas, nécessairement, juste à nous, comme médecin. On va se faire dire quoi faire, jusqu’à un certain point par les autorités de santé publique, les hôpitaux, les réseaux de soins comme les CISSS et les CIUSSS, par exemple. 

Yolanda : Mais, pour les médecins, il y aura, probablement, un élément de responsabilité, et pour le médecin référent, et pour le médecin consultant à ce qui attrait à la gestion du temps d’attente et les ressources utilisées pour rendre les soins aussi sécuritaires que possible.

Steven : Oui.

Yolanda : Ce qui nous amène à nos trois messages clés d’aujourd’hui. Le premier serait d’être au courant des directives des ministères de santé, des autorités de santé comme les CISSS et les CIUSSS, de notre collège, ainsi que des institutions dans lesquelles on exerce. 

Steven : Le deuxième, et bien, c’est de garder les voies de communication ouvertes avec nos patients pour pallier à leurs préoccupations et pour garder un œil sur leurs conditions. 

Yolanda : Et le troisième serait de collaborer avec nos collègues médecins et administrateurs pour tenter de gérer les ressources et les temps d’attente de façon appropriés. 

Steven : Yolanda, en général, on s’attend à ce que les médecins considèrent ce qui est dans le meilleur intérêt de leurs patients. Le contexte de la situation dans laquelle on va se trouver, c’est certain que c’est une considération importante qui va avoir un impact sur la prise de décision.

Yolanda : Et, ça peut vouloir dire que prendre des décisions qui sont proportionnelles à la capacité du système tout en essayant, du mieux que l’on peut, pour minimiser le risque d’accident ou d’incident. 

Steven : Donc, allons-y avec le message clé numéro un. L’importance d’être au courant des directives des ministères de la santé, des autorités de santé, des collèges, des institutions. 

Yolanda : Et bien, c’est certain que c’est important de rester au courant de ce qu’il se passe dans notre domaine. Les autorités de santé ou les ministères ne nous dirons pas quoi faire en premier. Il va falloir que l’on détermine ça nous-mêmes, mais, dans une certaine mesure, on peut se tourner vers nos sociétés de spécialité, nos collègues pour la recherche de la bonne façon de procéder. Un consensus, si l’on veut. 

Steven : Oui, c’est ça. En grande partie, Yolanda, ça va être basé sur le gros bon sens.

Yolanda : En effet, le problème, de temps d’attente, ce n’est pas nouveau et ce n’est pas propre à la Covid. 

Steven : Non, pas du tout. 

Yolanda : C’est juste que ça refait surface à cause de ça. Ça va être important d’avoir les critères justes et universels pour décider comment faire le triage des patients.

Steven : Et, je dirais même, de les communiquer clairement aux patients et aux médecins référents pour qu’ils soient au courant de sur quoi on se base pour décider qui est vue en premier, qui est vue en deuxième, etc. 

Yolanda : Et avec ça en tête, par contre, on sait que comme médecin, on demande, parfois, des investigations, par exemple, qui ne sont pas nécessairement indiquées et la Dr. Thériault nous explique, maintenant, un peu, comment on en arrive là. 

Guylaine : Et bien, je pense que, les médecins, on reste des êtres humains. Alors, des fois, c’est… on va agir par habitude ou on va agir parce que c’est comme ça qu’on n’a eu… c’est l’enseignement qu’on a eu quand on a fait notre formation. Des fois, aussi, on ne sait pas que cette recommandation-là existe. Alors, ça peut être, aussi, un des facteurs. Souvent, on va, aussi, agir parce qu’on pense que c’est ce que le patient désire et choisir avec soin suggère, beaucoup, d’avoir une conversation avec le patient parce qu’on se rend compte, assez souvent, que, finalement, ce que le patient désirait, c’était de bien comprendre qu’est-ce qu’il se passait, et non pas, nécessairement, le test ou l’investigation. Donc, je dirais que la dernière chose qui faire que, des fois, on a de la misère à adhérer aux recommandations, c’est cette peur de l’incertitude. Pourtant, la médecine, il y a de l’incertitude un peu partout, mais c’est difficile de vivre avec ça. Ça peut nous faire peur un peu et il faut, toujours, faire attention quand on a une petite voix dans la tête qui nous dit : << Je vais faire ça au cas où… >>. Là, il faut, vraiment, faire attention à ça. C’est sûr que dans le contexte actuel de Covid, quand on était en virtuel et, surtout, parce qu’on n’était pas habitué d’être en virtuel, là, on perdait nos repères et il y a des médecins qui ont donnés plus d’antibiotiques ou qui ont fait plus d’investigations pour certains symptômes, mais je crois que ça va pouvoir redevenir comme ça devrait être quand on va être plus familier avec cette façon de pratiquer.

Yolanda : Le succès de Choisir avec soin est axé sur les choix prudents de chacun d’entre-nous. Autrement, le système ne peut fonctionner de façon optimale. 

Steven : C’est vrai et c’est aussi naturel qu’un patient, qui attend, soit anxieux. 

Yolanda : Et nous aussi. 

Steven : Oui, absolument. Les patients vont se demander : << Est-ce qu’attendre longtemps comme ça, ça va être mauvais pour ma santé? >>. Alors, c’est important de discuter de ça, ensemble. 

Yolanda : Oui, ça vaut vraiment la peine d’en discuter avec les patients, leur famille. De leurs demander : << Qu’est-ce qui vous préoccupe le plus à propos de cette attente? >> et, en écoutant ce qu’ils ont à dire, on va trouver des façons de les rassurer et de discuter des options disponibles.

Steven : La pire chose, c’est de ne pas avoir des conversations parce que ça, ça va laisser les patients anxieux et avec un sentiment d’abandon. 

Yolanda : Et ça nous amène au message clé numéro deux : << Gardons les lignes de communication dynamiques avec nos patients et ça va nous permettre de gérer leurs inquiétudes, ainsi que de suivre leur condition clinique. 

Steven : Ici, on parle de ce qu’il se passe avant que vous rencontriez le patient, mais après qu’il ai été placé sur votre liste d’attente, si on est consultant, et de ce qu’il va se passer après avoir envoyé la consultation, mais avant que le patient soit vu, quand on est médecin référent. C’est important de communiquer. Donc, non seulement entre les deux médecins, mais, aussi, avec les patients qui sont, justement, sur la liste d’attente parce que c’est important qu’ils soient au courant de ce qu’il se passe et comment on fait pour gérer leur attente. 

Yolanda : Donc, une communication presque tri-directionnelle. 

Steven : Oui.

Yolanda : Entre ces différentes entités. 

Steven : Exactement.

Yolanda : Il est fort probable que nos patients soient de plus en plus conscients des temps d’attente après la pandémie et on pourrait concevoir qu’ils vivent un sentiment d’abandon. De là l’importance d’aborder le sujet de façon pro-active et agile de la part du médecin. 

Steven : On veut, vraiment, que le patient évite de se sentir abandonner. Donc, il faut se rappeler qu’on a, probablement, un devoir de diligence envers ses patients. 

Yolanda : Oui et de partager l’information avec le patient qui va lui permettre d’identifier les signes et les symptômes qui lui permettraient de reconnaitre la nécessité d’une réévaluation. 

Steven : C’est ça, exactement. On va vouloir s’assurer, dans le fond, si les consultations n’ont pas encore été triées, que l’information qu’on a reçue, il y a, peut-être, trois ou six mois, par exemple, est toujours correcte. 

Yolanda : Assurons-nous que notre patient à, non seulement, assez d’informations et d’instructions pour savoir reconnaitre la nécessité d’une réévaluation, mais savoir quoi faire si sa condition change et cela peut impliquer une communication, non seulement avec le patient, mais avec sa famille, avec d’autre professionnels de la santé, avec le médecin référent, avec le médecin consultant. 

Steven : Dans le fond, on veut, vraiment, éviter de ne pas être au courant des signes et symptômes qui sont importants et d’être pris au dépourvu, si on veut, par un cas. 

Yolanda : En effet, cet échange d’informations est pertinent en tout temps et dans toutes circonstances et pas, seulement, dans les circonstances de remises de divers investigations chirurgie, etc., due à la Covid, mais on va avoir besoin d’utiliser une approche modifiée, qui sera influencée, peut-être, par les directives ministérielles, des établissements, des différentes organisations pour gérer ces temps d’attente. 

Steven : Donc, tu sais, en fin de compte, si la ressource est limitée et que l’on doit différer des visites plus longtemps qu’on aimerait, et bien, c’est certain que ça ne serait, quand même, pas facile à faire. 

Yolanda : C’est sûr que ça ne sera pas facile et tenter de gérer ces ressources en mettant d’un côté le meilleur intérêt de nos patient et de la nécessité de gérer les ressources de façon à tenir compte des besoins sociétaux, n’est pas facile. 

Steven : On en a parlé, justement, avec Dr. Thériault et on lui a demandé s’il y avait des commentaires à savoir si on devrait discuter de la limitation des ressources avec les patients et voici ce qu’elle avait à dire là-dessus : 

Guylaine : La gestion responsable des ressources, c’est une responsabilité des médecins, c’est une responsabilité du corps médical, je dirais, mais c’est rarement quelque chose que j’aborde avec un patient quand je suis en processus de soins. Si je rencontre un patient parce qu’il a une problématique, je n’aborde pas ça. Je me concentre sur le patient pour donner ce qu’il est important pour ce patient-là, en termes d’investigations de traitements ou d’informations. Tout simplement. Choisir avec soin mentionne 4 questions qui sont importantes à se rappeler tout le temps. Autant pour nous, que pour le patient. Oui, le patient peut nous poser ces questions-là, mais, nous aussi, on devrait se poser ces questions-là. J’ai vraiment de besoin de ce traitement ou de cette intervention. C’est quoi les côtés négatifs de ce que je propose en ce moment? Est-ce qu’il y a des options qui sont plus simples, plus sécuritaires? Et, qu’est-ce qu’il se passe si je ne fais rien? Et souvent, une des armes qu’on a et qu’on n’utilise peu, c’est le temps et, souvent, on peut attendre un peu et voir l’évolution d’une problématique avant d’intervenir de façon direct sur le problème. Donc, je pense que c’est important de prendre soin du patient qui est devant nous, mais ça ne veut pas dire qu’on ne réfléchit pas à ça. On peut réfléchir à la gestion responsable des ressources avec nos collègues. On peut en parler dans nos cliniques, dans nos hôpitaux, pour prendre des actions, surtout là, avec ce qu’il s’est passé avec l’épidémie de Covid, et bien, il va avoir beaucoup de retard dans beaucoup de domaine. Alors, comment on fait pour prioriser tout ça? Et encore là, je pense qu’il faut prioriser les choses qui donnent le plus de valeur pour les patients. 

Yolanda : Cela me fait, aussi, penser à l’importance, non seulement de bien gérer les attentes de nos patients et leurs familles, mais, aussi, des autres professionnels de la santé. Ce qui m’amène au troisième message clé aujourd’hui, qui est de collaborer avec les autres professionnels de la santé, les gestionnaires dans le système de santé qui nous permettra de bien gérer les ressources limitées, ainsi que les temps d’attente. 

Steven : C’est ça. S’il n’y a pas de direction claire pour le travail que l’on fait, et bien, on peut être un participant actif dans le processus, d’en créer et de participer au développement d’un consensus entre nos collègues. 

Yolanda : Et d’être un participant actif dans la communauté pour faire une utilisation judicieuse des ressources, c’est, non seulement, bon pour nos patient, c’est bon pour les soins sécuritaires, mais ça peut nous faire du bien, à nous, aussi. 

Steven : Oui, c’est bon pour le moral. 

Yolanda : Oui.

Steven : De prendre le contrôle de quelque chose que l’on peut, en effet, contrôler, c’est vraiment bon pour le moral. Ça fait en sorte qu’on réalise que, dans le fond, c’est possible d’avoir un impact positif…

Yolanda : Tout à fait. 

Steven : … pour les soins de nos patients et ce, malgré le fait que les ressources soient limitées. 

Yolanda : Et rappelons-nous que, en fin de compte, nous sommes experts dans les besoins de la population des patients qui…

Steven : Qui nous appartiennent…

Yolanda : …qui nous appartiennent et cette expertise pourrait être utiliser pour influencer la gestion des ressources et on pourrait tenter de développer des protocoles en participant et en ayant des échanges avec les gestionnaires du personnels qui sont impliqués dans le processus décisionnel et qui pourrait amener des solutions intéressantes. 

Steven : Mais, tu sais, Yolanda, le secret, c’est dans la façon de faire. La sensibilisation aux besoins des patients, lorsque c’est bien fait, ça peut aller loin. Le problème que l’on voit, c’est parfois, à l’ACPM, souvent, quand c’est fait avec un petit peu trop de passion, ça agace le monde plus que d’autre chose et le message ne passe pas. On fini par avoir l’air de quelqu’un qui est perturbateur, plutôt que quelqu’un qui est collaborateur. 

Yolanda : Mais, l’identification de solutions innovatrices pourraient amener à une redistribution des ressources au sein d’un système qui devient, alors, plus efficace. Ce qui est bon pour le système et pour nos patients.

Steven : C’est ça. 

Yolanda : Voyons ce que la Dr. Thériault avait à dire à ce sujet. 

Guylaine : Alors, il faut toujours se rappeler que les recommandations de Choisir avec soin viennent de la base. En fait, ils viennent des médecins, eux-mêmes, et qu’il sont basées sur la science. Dans notre société, nous avons, quand même, une limite. Nous avons un nombre maximal d’appareils. Nous avons un nombre maximal d’heures de techniciens. Par exemple, si on pense à l’IRM, il y a quand même, juste, 24 heures dans une journée, il y a, quand même, tant d’appareils qui sont disponibles. Donc, si je prends les plages horaires pour faire des tests qui ne sont pas recommandés, par exemple, pour quelqu’un qui a mal au dos, sans avoir de signaux d’alarme, quand j’arrive avec mon patient qui aurait vraiment besoin de ce test-là, et bien, des fois, je n’ai pas la capacité de pouvoir répondre à ce patient-là. Il faut prioriser les gens pour lequel il y a le plus de potentiel. Ça va changer quelque chose dans les essais cliniques. Il faut, certainement, faire attention de ne pas faire des test, encore là, on dit par habitude, chez des personnes dont on sait que ça ne pourra pas influencer les essais cliniques. Donc, quand on voit comment on fait faire les chirurgies, faut bien réfléchir à savoir quel patient bénéficie de ces tests-là et la plupart du temps, il va avoir beaucoup de patient qui n’en bénéficieront pas. Donc, il ne faut pas simplement retourner à ce qu’on faisait, mais il faut profiter de ce qu’il s’est passé comme d’une opportunité pour réfléchir à ce qu’on doit faire pour les patients et à ce qu’on ne doit pas faire. 

Steven : En bout de ligne, le message ce n’est pas qu’il ne faut pas utiliser une ressource, elle est là pour qu’on l’utilise, mais, pour éviter de congestionner le système, il faut l’utiliser judicieusement et pour les patient qui sont vraiment aptes à en bénéficier, qui sont vraiment aptes à en tirer le plus de valeurs. 

Yolanda : Il faut, aussi, éviter les décisions unilatérales basées sur de l’informations imparfaites ou incomplètes. Par contre, une approche unifiée à une ressources, nous permet d’en optimiser le rendement. 

Steven : Et là-dessus, Dr. Thériault avait des commentaires. On parlait avec elle de comment, dans le fond, discuter de ça avec le patient et de comment réfléchir à l’utilisation des ressources pour en tirer une bonne valeur. Écoutons-la. 

Guylaine : À chaque fois que l’on prend soin d’un patient, les soins doivent être adaptés au patient qu’on a devant nous. Toutefois, il faut faire attention de ne pas, juste, donner des soins par réflexe et toujours réfléchir. Alors, souvent, ça demande de se mettre à jour. Moi, j’enseigne et, puis, des fois, les résidents m’amènent des choses et je dis : « Ah, c’est intéressant. » Alors, on change, un peu, la façon dont on voit les problématiques et vice versa. Des fois, c’est moi qui vais leur amener des données. Par exemple, il peut avoir des patients qui vont faire des demandes qui vont nous paraître excessives comme des prises de sang à chaque année. Ça n’existe plus cette examen annuel-là. Alors, il faut être capable de parler avec le patient. Il y a deux choses qui sont importantes à faire pour parler avec un patient. Je pense que c’est important, premièrement, de les écouter, d’élucider leur rationnel : Pourquoi ils s’attendent à avoir ces tests-là? Et puis, après ça, on peut valider leurs inquiétudes ou leurs priorités et, juste après, on devrait expliquer pourquoi, en fait, on n’a pas besoin de ce test ou ce traitement-là et non, ça ne devrait pas être, au départ, la première chose à faire avant d’écouter le patient. 

Yolanda : Donc, de réfléchir et de faire une utilisation judicieuse de nos ressources, nous aide à faire en tant que cliniciens, en augmentant la probabilité que la ressource soit disponible quand notre patient en a besoin et diminue, aussi, le stress sur le système. 

Steven : Je pense que l’important, aussi, à se souvenir de ce que Dr. Thériault disait, c’est qu’on a beau y réfléchir et y penser autant que l’on veut, c’est aussi important de le communiquer à nos patients que ce que l’on fait, ça donne une valeur ajouter à leurs soins, quand on pense à la pandémie de la Covid-19 et du concept de la valeur ajoutée, qu’on avait des préoccupations face au manque potentiel d’équipements de protection personnels. Ce qu’on a fait, dans le fond, c’est de choisir comment s’en servir. On a choisi avec soin parce qu’on avait peur d’en manquer si on ne s’était pas forcer à choisir de cette façon-là. 

Yolanda : Mais, en fait, il n’y avait pas une recommandation Choisir avec soin formelle pour l’équipement de protection personnel. 

Steven : Non.

Yolanda : Mais le principe était là et c’est une belle analogie qui s’applique, aussi, au temps d’attente et aux ressources limitées.

Steven : En fin de compte, on sait à quel point c’est onéreux de gérer les ressources limitées. 

Yolanda : Oui, mais c’est notre responsabilité d’être au courant des diverses recommandations et d’en tenir compte dans tous nos processus décisionnels. Notre approche devra tenir compte des lignes directrices, des normes de pratique ainsi que de notre contexte local et de notre propre expertise. 

Steven : Et ça, et bien, c’est les quatre prismes à travers lesquels on peut considérer les données probantes et de prendre de bonnes décisions. 

Yolanda : Donc, c’est les principes qui s’appliquent et l’encadrement du processus décisionnel et non des règlements stricts. 

Steven : Tout en essayant, tout de même, de balancer les besoins des patients et de la population en entier qui se sert du système. 

Yolanda : On arrive à la fin, Steven :.

Steven : C’est déjà le temps?

Yolanda : Le temps d’une perle de communication. 

Steven : Et bien, moi, je vous dirais que ma perle, ça serait de communiquer délibérément. Ça, ça veut dire de clarifier les rôles, votre rôle, celui de l’autre médecin lorsque les patients sont sur une liste d’attente. Il faut aller plus loin que de s’arrêter à envoyer ou à recevoir une consultation. Il faut se parler. Ça aide à éviter les évènements indésirables. Toi, Yolanda, est-ce que tu aurais une perle de documentations?

Yolanda : Oui. Pour ce qui est d’une perle de documentations, documenter à travers de quel prisme vous avez établi, la raisonnabilité. 

Steven : C’est bon ça. Oui, j’aime bien. D’établir : Qu’est-ce que avez pris en ligne de compte, dans le fond, quand vous avez décidez de faire quelque chose. 

Yolanda : Exactement. Bon, là, vraiment, on est à la fin. 

Steven : On est à la fin. On est un petit peu long. Merci beaucoup à la Dr. Thériault d’avoir participée à notre balado et merci à toi, Yolanda.

Yolanda : Merci Steven.

Steven : Et je vous remercie, vous, nos auditeurs et je vous rappelle, lorsqu’on regarde les choses autrement…

Yolanda : On perçoit les choses autrement. 

Steven : Bonne journée. 

Yolanda : Aurevoir. 

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COVID-19 : Soins virtuels

mai 2020 | 19 minutes

En raison de la pandémie de COVID-19, les médecins ont dû rapidement adapter leur pratique à la prestation de soins virtuels. Cet épisode aborde la façon de tenir compte de facteurs tels que le jugement clinique, la norme de pratique, le consentement éclairé et la protection des renseignements personnels pour pouvoir prodiguer les meilleurs soins virtuels possible.

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Dre Yolanda Madarnas : Bonjour tout le monde. 

Dr Steven Bellemare : Bonjour. Ici Docteur Steven Bellemare, directeur de l’amélioration de la pratique.

Yolanda : Yolanda Madarnas, médecin conseil dans le service de consultation aux membres.

Steven : Aujourd’hui, dans notre quatrième balado sur la Covid-19, on a pensé parler de soins virtuels. Durant la pandémie, la communauté médicale, Yolanda, a fait preuve, je pense, de beaucoup d’agilité en pivotant vers les soins virtuels.

Yolanda : Oui, mais je pense que, aussi, ce n’est peut-être pas tout le monde qui se sent tout à fait agile. Sachant en ayant parlée aux membres au téléphone, il y en a qui ont trouvé ça pas mal difficile.

Steven : Oui. C’est certain, mais il faut quand même se donner du crédits. La grande majorité des membres auxquels on parle, nous disent qu’ils parlent à leurs patients au téléphone, et ça, et bien c’est agile. C’est des soins virtuels de parler au téléphone.

Yolanda : C’est vrai. L’usage du téléphone est en fait des soins virtuels. Les soins virtuels, ce n’est pas seulement des plateformes vidéo, des plateformes de télésanté formelles. 

Steven : En fait, les soins virtuels, en grande ligne, c’est de prodiguer des soins médicaux en utilisant un technologie quelconque lorsque le patient et le médecin sont physiquement séparés.

Yolanda : Dans notre balado aujourd’hui, on va tenter d’aborder quelques considérations médico-légales pour les médecins prodiguant des soins virtuels. 

Steven : Yolanda, il y a plusieurs collèges qui ont établis des standards pour les soins virtuels. C’est important pour les membres de prendre connaissance des attentes des collèges et d’être au courant des ressources qui sont disponibles pour les aider à mettre en place des soins virtuels qui sont sécuritaires. 

Yolanda : En effet. Ces guides, ces standards soulignent l’importance des principes tel le consentement, la documentation, les limitations aux soins et le respect de la vie privée, de la confidentialité.

Steven : Donc, on a trois messages clés pour vous aujourd’hui. 

Yolanda : Le premier serait, peut-être un peu évident, que les soins virtuels ne peuvent pas remplacer complètement un entretien face à face. On doit, quand même, utiliser notre jugement clinique afin de déterminer quel patient requiert une rencontre face à face. 

Steven : Notre deuxième point, c’est que dans un contexte de soins virtuels, c’est important de ne pas compromettre indument les règles d’or. Certaines conditions ne se prêtent pas aux soins virtuels et les patients vont avoir besoin d’être vu et rediriger ailleurs pour être vu en personne. 

Yolanda : Et le troisième point, c’est de se rappeler que les plateformes virtuelles n’offrent pas toutes le même niveau de protection et de sécurité vis-à-vis l’information personnelle. Le clinicien doit veiller à ce que le patient comprenne ceci et confirme son consentement avant de procéder avec une rencontre virtuelle. 

Steven : Donc, commençons avec le premier point clé. Le fait que les soins virtuels ne peuvent pas complètement remplacer les visites en personne. 

Yolanda : Et bien, ça va de soi. Une rencontre virtuelle n’équivaut pas à une rencontre face à face et ce, à plusieurs niveaux.

Steven : Oui, c’est certain. Surtout lorsque, par téléphone, les évaluations sont dépourvues d’éléments clés. Par exemple, l’examen physique, la communication non verbale, qu’on perçoit de façon instinctive sans même à avoir à y penser quand on est en personne.

Yolanda : Ce qui rend la collecte et la diffusion d’information beaucoup plus importantes. 

Steven : Oui.

Yolanda : Donc, quoique la médecine demeure la même, l’entretien virtuel requiert un peu plus d’attention à certain aspect de l’anamnèse, tels les négatifs et les positifs pertinents, ainsi que nos instructions au départ. 

Steven : Et par ça, tu veux dire… 

Yolanda : Et bien, la précision de notre diagnostique différentiel, Steven, et notre plan de traitement reposent entièrement sur la qualité de l’information obtenue lors de notre entretien virtuel. 

Steven : Oui. Donc, ce qui sort équivaut à ce qui rentre. Garbage in, Garbage out, comme on dit en anglais. 

Yolanda : Exactement. Et de la même façon, les instructions au départ devraient être très explicites, voir même directives vis-à-vis l’urgence et le format d’un retour à consulter. Soit une rencontre virtuelle PRN, versus une rencontre face à face, versus une consultation à l’urgence. 

Steven : Mais, tu sais Yolanda, les membres nous disent que les soins virtuels ne font pas l’unanimités. Tu en faisais allusion au début du balado. Certains membres trouvent ça un peu maladroit, gênant, même bizarre. 

Yolanda : Mais la réalité, c’est que c’est un outil qui peut être de grande valeur. Sachant tenir compte des limitations.

Steven : Ça c’est vrai. Les soins virtuels ne peuvent pas remplacer les face à face, c’est certain dans tous les cas, mais il y a quand même plusieurs situations qui peuvent être gérées de façon sécuritaire, de façon virtuelle. 

Yolanda : Mais ça requiert un jugement de clinique qui détermine quelles circonstances se prêtent à être gérées par cette modalité. Ce qui nous mène au point numéro deux : la norme de pratique.

Steven : En effet. Les collèges et les tribunaux s’attendent à ce que les médecins ne compromettent pas indument les règles de l’art. Ils vont tenir compte du contexte dans lequel les soins ont été prodigué, par contre et, dans le contexte de la pandémie, pourraient offrir une certaine attitude aux soins virtuels qu’ils n’offriraient peut-être pas dans un contexte, soi-disant, ordinaire. Le contexte est important. 

Yolanda : Oui. Donc, quoiqu’on puisse s’attendre à avoir un peu plus de l’attitude, étant donné les circonstances extraordinaires que nous vivons. Il incombe, quand même, au médecin de juger si c’est bon d’utiliser une plateforme virtuelle dans un contexte particulier. 

Steven : Et si vous avez besoin d’un examen physique, par exemple, vous aurez peut-être à voir le patient en personne. 

Yolanda : Oui. À l’aide d’une caméra web, on pourrait vraisemblablement évaluer une éruption cutanée ou l’amplitude de mouvement d’une articulation, mais, évidemment, on ne peut pas palper un abdomen. 

Steven : Et donc, de façon générale, le téléphone, c’est un bon point de départ. Ce n’est peut-être pas nécessaire de se compliquer la vie avec une plateforme virtuelle plus compliquée. Ça dépend, vraiment, de notre type de pratique, du genre de patient que l’on voit, du genre d’examen clinique ou de rencontre clinique qu’on a besoin de faire. 

Yolanda : Et puisque chaque pratique médicale est unique, on doit toujours se poser la question et se demander à quel point une rencontre virtuelle est appropriée.

Steven : Et ne pas hésiter, si la condition du patient ne s’y prête pas, à les faire venir en personne, soit avec nous, avec un collègue ou même dans une salle d’urgence. 

Yolanda : Rappelons que la norme de pratique ne doit pas être indument compromise par les soins virtuels. Rappelons toujours que la médecine est la médecine et notre devoir, est de prodiguer les meilleurs soins possible en fonction des circonstances. 

Steven : Et ça, bien, les collèges le savent. Plusieurs d’entre eux ont même dit que leur évaluation des plaintes prendrait en ligne de compte le contexte dans lequel les soins ont été prodigués. 

Yolanda : Je pense, Steven, spécifiquement à deux exemples qui pourraient poser des risques. Par exemple, un patient qui insiste d’être vu face à face lorsqu’une rencontre virtuelle serait tout à fait adéquate pour le contexte clinique et, aussi, l’exemple d’un contexte clinique pour lequel le médecin recommande une rencontre en personne, mais notre patient refuse de venir. 

Steven : En effet. Bien que l’on puisse être préoccupé que nos patient ne soient pas satisfait d’une visite virtuelle, la rapidité avec laquelle ce genre de soins-là a été accepté, suggère autrement. Je pense que le plus gros problème, en fait, c’est ta deuxième situation. Celle où les gens refusent de se présenter en personne lorsqu’un médecin leur en indique le besoin.

Yolanda : C’est probablement vrai Steven, mais je pense que dans les deux situations, il serait important, quand même, de tenter de comprendre le point de vue de notre patient.

Steven : Oui, en effet.

Yolanda : Dans le premier exemple, y a-t-il des besoins qui ne sont pas comblés? Est-ce qu’il y a des attentes irréalistes? Peut-être qu’on pourrait encadrer le patient vis-à-vis ses attentes et lui expliquer le risque non justifié d’être exposé au virus en venant pour une rencontre face à face lorsqu’une rencontre virtuelle suffirait. 

Steven : Oui. Dans un même ordre d’idée, quand on a besoin de voir quelqu’un en personne pour une évaluation plus approfondie et que cette personne-là refuse, par exemple, de prendre le temps d’explorer avec elle les raisons sous-jacentes. Encore une fois, c’est une bonne première intervention.

Yolanda : Tout à fait, parce qu’il pourrait s’agir d’une perception exagérée du risque d’exposition au virus. 

Steven : Et puis ça, en effet, on en a entendu parler. Il y a plusieurs salles d’urgence qui ont vu une baisse d’achalandage importante parce que les gens ont peur de se rendre. Le problème que l’on voit, dont le (00:08:19 inaudible) nous parle, c’est que les gens se présentent dans des états beaucoup plus critiques qu’avant, maintenant. 

Yolanda : À cause des délais, de la peur, peut-être. 

Steven : C’est ça. Donc, dans ces cas-là, c’est important de documenter les conseils qu’on a donné et les plans qu’on a mis en place pour justement respecter les règles de l’art. 

Yolanda : Ce serait un exemple de refus informer. Un patient peut refuser d’être vu, peut refuser de suivre nos recommandations, en autant qu’on soit satisfait et qu’il ait compris le risque. Donc, passons maintenant au point numéro trois Steven. 

Steven : Ok. Le consentement éclairé. C’est ça?

Yolanda : Oui.

Steven : Donc, le consentement, autour des risques inhérents à la sécurité de l’information de santé personnelle, c’est vraiment ça dont on veut parler ici.

Yolanda : Oui. On ne devrait pas présumer un consentement implicite par le fait que le patient participe à une rencontre virtuelle. On devrait s’assurer que notre patient comprend le risque à la sécurité de la protection de son information personnelle qu’utilise la plateforme virtuelle. Que ce soit téléphone, télémédecine, vidéo-conférence, courriel…

Steven : La sécurité, c’est un sujet énorme, Yolanda. On pourrait passer plusieurs balados à en discuter. La préoccupation primaire ici par-contre, c’est le potentiel d’interception de cette information de santé personnelle-là. 

Yolanda : Donc, le chiffrement ou le cryptage de cette information serait important.

Steven : De façon simpliste, l’information, quand elle est chiffrée, quand elle est cryptée, elle est toute gribouillée. Elle est indéchiffrable pour quiconque n’a pas la clé ou le mot de passe essentiellement.

Yolanda : Et, en particulier, le concept de cryptage de bout en bout.

Steven : Oh mon doux!

Yolanda : Oui. C’est compliqué. Puis je vais faire mon possible pour expliquer ça.

Steven : Ok. On y vas.

Yolanda : Donc, une plateforme encryptée ou chiffrée ne permet que les deux usagers de voir les données. Les données sont gribouillées durant le transit entre les deux personnes, mais sur le serveur de la compagnie qui nous a offert la plateforme, l’information n’est pas chiffrée, ce qui permettrait un tiers d’aller voir cette information jusqu’à un certain point. 

Steven : Oui. 

Yolanda : Donc, sans le chiffrement de bout en bout, on pourrait théoriquement avoir accès à de l’information, par exemple, que je suis oncologue médicale, que je me spécialise en cancer du sein, que j’ai vue des patients de trois régions différentes entre neuf heures et trois heures aujourd’hui et leur permettant d’établir un profil de ma partie. Pas nécessairement l’information individuelle, mais de l’utiliser pour des buts qui n’appartiennent pas aux soins.

Steven : Et c’est là le rôle du chiffrement ou du cryptage de bout en bout. Être chiffré de bout en bout, ça veut dire que la compagnie, qui vous a vendu la plateforme virtuelle, ne peut pas avoir accès, même, à ce genre d’information-là. C’est certainement plus sécure et ce genre de notion est habituellement décrite dans le texte en petits caractères fins, à la fin des contrats.

Yolanda : Oui. C’est des chose pour lesquelles on n’a pas nécessairement reçu de l’enseignement, de l’entrainement durant nos cours de médecine, voir même au moment d’entrer en pratique. C’est effectivement compliqué, mais, heureusement, plusieurs associations médicales provinciales, les collèges et les autorités se sont prononcées sur les plateformes virtuelles qui possèdent les caractéristiques nécessaires. 

Steven : Donc, c’est important de vérifier dans la province où vous êtes ce que votre collège, votre…

Yolanda : Appuis…

Steven : Ministère…

Yolanda : nous recommande. 

Steven : Oui.

Yolanda : On sait qu’il y a même des provinces, des autorités de santé, qui ont achetés des licences d’usagers pour tous les médecins de la province. 

Steven : Donc, Yolanda, si je travail pour une autorité de santé comme ça, une clinique, un hôpital, qui m’a acheté une plateforme ou qui me donne accès à une plateforme de soins virtuels et qu’elle a un problème, au point de vue de la sécurité, est-ce que moi, comme médecin utilisateur, je pourrais être tenu responsable d’une atteinte à la vie privée potentielle?

Yolanda : C’est une excellente question, Steven. En général, le médecin pourrait se fier sur les systèmes fournit par l’établissement, la clinique, l’employeur.

Steven : Mais, ceci dit, c’est toujours une bonne idée de soulever vos préoccupations quant à la protection de l’information qu’offrent vos systèmes. Si, en fait, vous êtes au courant ou si vous doutez qu’il pourrait y en avoir une, encore mieux, faites-leur par écris pour vraiment démontrer votre diligence. 

Yolanda : Effectivement. En plus, il y a du personnels dans les institutions, dans les établissements, qui sont responsables de la gestion des instances de vie privée. 

Steven : Oui. Donc, on ne peut pas se servir du consentement du patient pour utiliser une plateforme virtuelle pour se laver les mains, si on peut dire, des préoccupations de sécurité s’il y en a. En fait, il y a un autre facteur à considérer, Yolanda. Si vos patients se servent d’ordinateurs qui appartiennent à d’autres personnes, par exemple à leurs employeurs, il se pourrait que certains des éléments de leurs visites virtuelles avec vous puissent être découvert par ce tiers-là, de par le fait des cookies internet, qui sont placés sur des ordinateurs.

Yolanda : Oui. Donc, c’est un bon point ici pour parler de consentement. Donc, on doit s’attendre à ce que les médecins cherchent à obtenir le consentement du patient pour chaque visite virtuelle.

Steven : Et bien, ça sera certainement la chose prudente à faire.

Yolanda : Et ça veut dire qu’on doit le faire à chaque fois, même pour le même patient ou est-ce qu’on peut le faire juste la première fois?

Steven : Tu vas me voir venir ici. Idéalement, on devrait le faire à toutes les fois et ça, c’est parce que les choses changent d’une visite à une autre. Les sujets traités peuvent variés, en termes de sensibilité de la visite. Les préoccupations de sécurité peuvent être moindre pour un type de problème plutôt que pour un autre aux yeux du patient. 

Yolanda : Donc, en général, je pense que c’est prudent de présumer que les patients n’ont même pas considérés ces éléments de sécurité associés aux visites virtuelles. Donc, ça serait prudent de la part du médecin de les mettre en évidence et d’en discuter.

Steven : C’est ça. À toutes les fois idéalement, aussi.

Yolanda : Oui. Chaque fois. Les gens oublient, les gens changent, les circonstances changent et il y a plus d’éléments au concept de consentement que la sécurité de la plateforme. Un autre aspect, c’est les limitations qu’impose les soins virtuels. 

Steven : Oui. Tu as raison. Le patient faut aussi qu’il comprenne que son problème, à lui ou à elle, pourrait ne pas être gérable via soins virtuels.

Yolanda : Et si on estime qu’un examen physique est nécessaire et que ça soit important de reprendre un rendez-vous pour une visite face à face ou bien de se présenter à l’urgence, selon les circonstances.

Steven : C’est ça. La bonne nouvelle par apport à tout ça, Yolanda, c’est que le consentement peut être délégué à quelqu’un. Ce n’est pas vous qui avez besoin de faire ça nécessairement, à toutes les fois?

Yolanda : Oui. Ça peut être délégué à une infirmière, une assistante, une adjointe administrative. L’important, c’est que nous soyons confiants qu’ils ont l’information nécessaire pour pouvoir expliquer les choses biens et répondre aux questions du patient. 

Steven : Et puis, on ne peut pas insister là-dessus plus. Ça implique qu’il faut qu’on entraine son personnel. On ne peut pas juste dire : Regarde c’est le consentement sans leurs parler de ce que c’est et des implications pour vraiment qu’ils comprennent, pour qu’ils puissent faire comprendre aux patients. De cette façon-là, si votre infirmière, votre personnel administratif, a obtenu ce consentement-là; vous, au début de votre visite virtuelle, vous n’avez qu’à confirmer, dans le fond, que le patient consent et vous pouvez faire ça lorsque vous vérifiez son identité, par exemple. 

Yolanda : C’est vrai. C’est un autre point important ça. Il faut vérifier qu’on parle à la bonne personne, n’est-ce pas?

Steven : Oui. C’est ça. Ce n’est peut-être pas un aussi gros problème si on fait beaucoup de suivis avec des gens qu’on connait, mais c’est certainement plus important si on voit des gens pour la première fois. Donc, c’est une bonne idée de vérifier qu’on parle ou qu’on voit la personne qu’on pense voir ou à qui parler. 

Yolanda : Oui. Ça peut être aussi simple que de leur demander de nous montrer leur carte-soleil sur l’image vidéo ou bien leur demander leur adresse, leur date de naissance, pour être sûr que ça correspond à l’information que nous avons au dossier. 

Steven : C’est ça. Et pour les membres à l’extérieur du Québec, la carte-soleil, dans le fond, c’est la carte de santé. Donc, une autre chose à considérer, Yolanda, c’est l’intimité de l’endroit où vous travaillez. 

Yolanda : Oui. C’est sûr, plusieurs d’entre-nous, on offre des soins virtuels de notre maison et ça serait important d’éviter que nos conjoints, nos enfants, par exemple, n’aillent pas la possibilité d’entendre ce qu’on dit ou bien de voir l’écran durant nos consultations. 

Steven : Pas aussi facile qu’on le pense par contre. 

Yolanda : Oui, mais il faut quand même faire ce qu’on peut, vraiment mettre nos efforts, puis faire notre diligence. Évidemment, la table de la cuisine, ce n’est peut-être pas la meilleure place pour nos soins virtuels.

Steven : On peut peut-être penser s’enfermer dans une chambre quelconque. 

Yolanda : Oui.

Steven : J’ajouterais que c’est aussi sage de demander au patient, de son côté, de son bout, s’il y a quelqu’un qui écoute ou qui regarde aussi parce que ça, ça va vous être très utile pour choisir vos mots, choisir vos explications.

Yolanda : C’est peut-être quelqu’un, aussi, qu’on peut inclure dans nos instructions au départ ou les instructions au patient, aussi, mais c’est important de documenter qui est présent du côté du patient. 

Steven : Absolument. Écoutez, il y a tellement de territoires à parcourir là-dessus, Yolanda. Je pense qu’il va falloir qu’on mette fin à ce balado.

Yolanda : Oui, mais on s’amuse tellement une fois qu’on part. 

Steven : Quand on est parti, ça va bien. Un message final pour les gens qui nous écoutent et qui veulent explorer les soins virtuels?

Yolanda : Comme tout. On rappelle l’importance de la communication. Prenez le temps de tenter de bien comprendre les attentes et les inquiétudes de vos patients. 

Steven : Posez des questions. Laissez les patients poser les leurs. C’est facile de s’interrompe et de se piler sur les pieds virtuellement, si on veut dire. 

Yolanda : Donc, les soins virtuels peuvent, en fait, éliminer quelques-uns ou tous les éléments nuancés, non-verbaux, qui nous aident normalement à mieux comprendre l’interaction face à face. Donc, on doit faire un effort pour utiliser une communication encore plus explicite pour remplir ces trous, ces vides, si vous voulez. 

Steven : Il ne faut rien prendre pour acquis. On est tous à risque de remplir les espaces vides selon nos propres biais.

Yolanda : Absolument.

Steven : Penser que quelque chose est réglée ou bien compris, quand, en fait, ça ne l’est pas. 

Yolanda : Oui. Donc, le balado ne tente pas de couvrir le tout sur le sujet de soins virtuels.

Steven : Absolument pas.

Yolanda : N’hésitez pas à nous appeler pour en parler, au besoin, de vos circonstances particulières.

Steven : Ou allez visiter le carrefour Covid-19 sur le site web de la CPM.

Yolanda : Oui.

Steven : Si vous vous posez une question, les chances sont que quelqu’un d’autre se l’ai déjà posé, ça ce peut fort bien que ça soit sur notre carrefour, mais encore une fois, même si c’est là, appelez-nous, ça va nous faire plaisir de vous parler. Aurevoir tout le monde.

Yolanda : Aurevoir tout le monde

Animateur : Ce matériel éducatif est fourni uniquement à des fins éducatives générales; il ne constitue pas des conseils professionnels de nature juridique ou médicale ni une « norme de pratique » pour les professionnels de la santé canadiens.


COVID-19 : Directives préalables

mai 2020 | 20 minutes

Pendant la pandémie de COVID-19, certains médecins pourraient être affectés à des unités cliniques qui ne leur sont pas familières et être tenus d’avoir des discussions difficiles sur les objectifs thérapeutiques auxquelles ils n’ont pas l’habitude de participer, peut-être même avec des patients qu’ils ne connaissent pas. Cet épisode aborde les messages clés qui pourraient vous aider à offrir un soutien efficace aux patients et à leur famille qui doivent prendre des décisions en matière de plan de traitement en raison d’une maladie grave liée à la COVID-19.

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Dre Yolanda Madarnas : Bonjourtout le monde. Bonjour Steven. 

Dr Steven Bellemare : Bonjour Yolanda. Merci de vous joindre à nous pour ce troisième balado dans notre série spéciale sur la Covid-19. 

Yolanda : Oui. Donc, Steven, on reconnait que dans le contexte de la crise sanitaire Covid, qui est constamment en évolution, nous nous retrouvons souvent à avoir plus de discutions avec des patients qu’on connait peu ou qu’on connait pas du tout, vis-à-vis les niveaux de soin, leur but de soin. 

Steven : Oui. Et en plus, de par le fait qu’on soit déployé dans des environnements où on n’est pas habitué de travailler, on peut finalement se ramasser sur une unité de soin dans laquelle on n’a pas beaucoup d’expériences, mais on peut avoir besoin d’avoir des conversations auxquelles on n’est pas vraiment habitué de participer. 

Yolanda : Et on reconnait que ça peut être difficile, voire même intimidant.

Steven : Bien oui en effet, c’est difficile même dans les meilleurs conditions.

Yolanda : Oui. Le fait de ne pas avoir ses conversations tôt dans le décor, peut-être même avant qu’elles deviennent nécessaires, prive nos patients de contrôle et de choix qui pourraient mener à une insatisfaction avec leurs soins ou de recevoir des soins qui ne reflètent pas nécessairement ce qu’il leurs est le plus important. 

Steven : Oui. Donc, dans ce balado, ce qu’on suggère faire, c’est de vous faire un survol, dans le fond, des concepts qui font surfaces dans nos comédies collégos, surtout en ce qui attrait aux choix de fin de vie dans les maladies critiques et pour vous aider à identifier : comment être efficace dans ces conversations-là. Des conversations qui sont axées sur les buts de soins, sur les niveaux de soins, dans un contexte de maladie critique comme la Covid.

Yolanda : En partant, si on tente d’utiliser une approche qui est centrée sur la personne, qui inclus non seulement le patient, mais leurs familles, les êtres aimés et l’équipe de soin. Ça peut aider aux médecins de se sentir qu’ils ont vraiment assistés le patient à arriver aux décisions les plus appropriées possibles. 

Steven : Donc aujourd’hui, on a trois messages clés pour vous. Le premier, c’est de communiquer avec la famille ou les patients de bonne heure. Je ne veux pas dire de bonne heure, tôt le matin durant la journée, mais je veux dire dans le contexte ‘’ sans délais ‘’. De bonne heure dans la condition si on peut dire. De façon efficace, de façon routinière et de façon répété. 

Yolanda : Oui. Le deuxième point serait d’adopter une approche pour demander à nos patients qu’elles sont leurs buts vis-à-vis leurs soins. Le fait d’avoir une approche augmente la probabilité d’entreprendre ces discutions importantes avec nos patients. 

Steven : Finalement, notre troisième point, c’est l’importance de normaliser les discutions. Ça c’est pour, en fait, réduire les malentendus, la peur, l’inconfort et même l’insatisfaction.

Yolanda : En fait, des discutions de fin de vie feraient parties, en théorie, de la tâche de tous médecins, mais les conversations de fin de vie dans les situations d’une maladie critique, la communication est, quand même, difficile. Même pour des médecins qui font ça à tous les jours et qui ont beaucoup d’expériences. 

Steven : Donc, le fait d’être préparé et d’utiliser un outil pour ouvrir la conversation pour la structurer, même, peut nous aider à diminuer notre propre inconfort, et même faire en sorte qu’on est plus apte à avoir ces conversations-là. 

Yolanda : Donc rappelons qu’une communication planifiée, à un moment opportun, axé sur la personne, peut, non seulement rendre le processus décisionnel plus facile pour nos patients, mais peut aussi réduire notre risque médico-légal.

Steven : Puis, on sait finalement, Yolanda, que les patients et les familles vont être plus aptes à être satisfaits s’ils se sont sentis inclus et entendus dans la prise de décisions. 

Yolanda : En effet. Ça me fait penser, Steven, à un exemple qui met en évidence cette idée provenant de nos exemples de plaintes aux collèges. 

Steven : Ok. 

Yolanda : Prenons une situation d’un patient qui est hospitalisé pour une condition quand même réversible, mais qui mène une menace à la vie. Ce patient nous avait dit, au préalable, qu’il ne voulait pas des mesures de réanimations, des mesures très intensives, à moins que la condition soit vraiment réversible, et sa famille était d’accord. Donc, sa condition se détériore. On ne considère pas que le pronostic est bon et réversible, et en tenant compte des buts de soins que le patient nous avait communiqué, le patient décède d’une façon confortable. Par contre, après le décès, la famille dépose une plainte contre le médecin, à l’égard des soins négligents. Le collège n’avait aucune critique vis-à-vis la médecine comme tel, mais à quand même reproché au médecin de ne pas avoir communiquer assez bien, assez tôt avec la famille lorsque la condition du patient avait changé. 

Steven : C’est justement dans la plupart de nos cas, qui ont rapport aux soins de fin de vie, dans les maladies critiques comme ça, ce n’est pas la médecine qui est problématique, c’est la communication. Ça démontre vraiment l’importance de tenir les joueurs au courant des développements et ça souligne comment les décisions qu’on prend, dans notre tête, peuvent être alignées avec les niveaux de soins, les buts de soins des patients, mais ce n’est pas nécessairement clair pour tout le monde. 

Yolanda : Ce qui souligne vraiment l’importance d’avoir des mises à jour fréquentes du ces hospitalisations-là et, surtout dans le contexte Covid, on doit peut-être avoir ces discutions, non seulement vis-à-vis la condition du patient, mais aussi quelles sont les ressources, les traitements qui sont disponibles et pas disponibles. Quels sont les éléments de la prise en charge qui seront possible et non, selon la disponibilité des ressources qui pourraient peut-être être différentes des attentes du patient ou de la famille.

Steven : Absolument. On sait que ce n’est pas quelque chose qui est facile à faire, mais ce qu’on entend souvent, de la part des patients, des familles, c’est que le médecin traitant n’est pas disponible ou n’était pas disponible pour avoir des discutions avec eux-autres. Donc, les patients ont besoins, leurs familles aussi, et ce sont souvent les familles qui sont laissés derrière, ont besoins de comprendre la situation, ont besoins d’explications, ont besoins d’en discuter et c’est avec le médecin traitant qu’ils veulent le faire. 

Yolanda : Donc, quoi qu’on prodigue des soins en équipe, on délègue beaucoup au sein de l’équipe. Le médecin traitant devrait vraiment prendre cette occasion-là, l’opportunité de revoir la situation, de revoir la chronologie de l’hospitalisation avec le patient et sa famille, pour mettre en évidence le processus décisionnel et comment les soins prodigués sont concordants avec les attentes du patient. 

Steven : Ça c’est d’autant plus important dans un contexte potentiel de ressources illimitées. On peut manquer de médicaments, on peut manquer d’équipements, on peut manquer de personnels ou même d’infrastructures ou de chambres appropriées.

Yolanda : Il se peut que vous n’ayez jamais à avoir ces discutions-là concernant les ressources limitées dans le contexte de vos discutions de fin de vie ou de buts de soins de vos patients, mais de garder cet élément en tête peut être important pour vous aider à être préparé si l’occasion survient. 

Steven : Donc, c’est peut-être le bon moment pour parler de notre premier message clé. 

Yolanda : Oui. C’est le temps. 

Steven : Et ça c’était que c’est important de communiquer tôt dans la situation de façon efficace, de façon routinière et de façon répétée. 

Yolanda : Et on a utilisé un peu le terme de fin de vie. C’est peut-être un peu incorrect ou imprécis. Ce n’est pas nécessairement qu’on attend au moment où le patient est à la fin de vie pour avoir ces discutions.

Steven : C’est ça. 

Yolanda : Des maladies critiques, des évènements soudains dans une maladie chronique, pourraient portées une occasion de mettre en évidence les buts de soins d’un patient face à une maladie grave. 

Steven : Donc, entretenir ces conversations-là lorsque la menace n’est pas éminente ou encore lorsqu’elle n’est qu’une possibilité théorique, ça peut rendre la chose beaucoup plus facile.

Yolanda : Absolument. En fait, c’est mon expérience avec ma clinique d’oncologie, mes patients d’avoir ces discutions lorsque ce n’est pas éminant. Au tout début de leur maladie et très important et pas aussi difficile qu’on aurait pensée. 

Steven : Oui, c’est cela. Donc, on ne suggère pas qu’il faut que vous appeliez vos patients et arriver comme un cheveu sur la soupe et dire : Bon, qu’est-ce que vous voudriez faire si vous attrapiez la Covid? Non. Il faut, quand même, avoir un certain contexte. 

Yolanda : Non, c’est sûr. Mais, ça serait quand même prudent d’ouvrir la porte à avoir ces discutions lors des visites pour d’autres raisons. Surtout, dans un contexte de maladies chroniques ou de comorbidités chez nos patients qui pourraient les mettre à plus hauts risques de complications ou de mauvais pronostiques dans un contexte d’une infection à Covid. 

Steven : Oui. Et dans ce sens-là, même si vous ne finissez pas par être la personne qui va s’occuper de votre patient, s’il développait la Covid et avait besoin d’être admis à l’hôpital, et bien, vos efforts à avoir soulevé le sujet avant fait, auront au moins préparé le patient à considérer les implications cliniques de leurs diagnostiques et de leurs comorbidités sur les soins qu’ils pourraient attendre à recevoir. 

Yolanda : Il y a probablement plusieurs de nos patients, en perte d’autonomie, d’un certain âge, qui pourraient préférés la qualité de vie plutôt que de mesures agressives en fin de vie. Dans le but, peut-être, de pouvoir dire aurevoir à leurs familles. 

Steven : Mais ça, on ne le saura pas, à moins d’en parler. D’où l’importance de la communication franche et tôt dans le cheminement clinique d’une personne. 

Yolanda : Oui. Donc, d’ouvrir la porte à expliquer l’impact de leurs comorbidités, de leurs maladies chroniques, sur le pronostique d’une maladie à Covid, ou même toutes autres maladies sérieuses ou critiques, pourrait leurs permettre ou faciliter un choix informé vis-à-vis leurs niveaux de soins, quelque-soit leurs décisions. Au moins, ça va leurs permettre de mieux comprendre le processus et, espérons, se sentir entendus.

Steven : Et inclus. Les patients… Écoutez, on sait que les patients écoutent les nouvelles et le savent que la Covid-19 a souvent une issue qui est défavorable, pour les patients qui ont beaucoup de comorbidités je veux dire. Donc, de voir ça, non comme une chose inconfortable à soulever, mais plutôt comme une occasion d’offrir des conseils ou de guider le patient par rapport à l’éléphant dans la pièce. Ça peut nous aider, dans le fond, à être plus confortable à gérer la chose. 

Yolanda : En fait, la situation est déjà là. On ne réinvente pas la roue. On fait seulement proposer de nous donner la permission de parler de ça et de participer dans des soins partagés. Un processus décisionnel partagé. 

Steven : Il faut faire attention ici par contre. Le but, ici, ce n’est pas de convaincre un patient de choisir une approche plutôt qu’une autre…

Yolanda : Non. 

Steven : Une approche moins invasive à ses soins. Au contraire, le but c’est de mettre la table pour aider les patients à prendre la bonne décision pour eux. Il ne faut pas éviter la conversation en pensant qu’on va avoir à convaincre un patient de quoi que ce soit. Ça, ça serait trop confrontationnelle. 

Yolanda : Donc, partons en invitant le patient à établir les buts de soins et, par la suite, d’ouvrir la porte à des discutions aux risques potentiels de ressources limitées, comme considération additionnelle, qui doit être tenue en compte lors de ce processus décisionnel, surtout durant la crise sanitaire Covid.

Steven : Donc ça, c’est la partie un. En parler avec un patient pour les porter à penser à ce qu’il voudrait faire avant même de développer la Covid-19.

Yolanda : Et si tout s’enligne comme il faut, vous serez, peut-être même, le médecin traitant lors de l’hospitalisation aigue et c’est à ce moment-là que la deuxième partie entre en jeu. 

Steven : Comme ça, bien c’est d’avoir une discussion pour parler de ce qui est ou de ce qui n’est pas disponible ou possible à ce moment-là. 

Yolanda : Et, on reconnait que c’est extrêmement difficile de planifier le tout, mais ce qu’on a vu dans les huit premières semaines de la pandémie, c’est que l’information disponible, les situations changent du jour au lendemain, d’une façon très rapide. Ce qui était disponible hier, ne l’est peut-être plus aujourd’hui et ce qu’on pensait allait manquer, en fait, est beaucoup moins rare qu’on s’attendait. 

Steven : Donc, pour revenir à notre exemple, Yolanda, l’enjeu c’était que la famille n’avait pas la compréhension du pourquoi des décisions et du comment l’approche aux soins du patient s’enlignait, en fait, avec ses volontés qu’il avait exprimé avant de devenir trop malade.

Yolanda : Revenons à un des points précédent. C’est le fait d’avoir des conversations, des discussions franches, fréquentes et de façon routinières, mais à répétition, non seulement avec les patients, mais avec leurs familles et leurs êtres aimés pour expliquer la situation, les options disponibles à un moment en particulier, peuvent faire toute la différence entre une perception de soins excellents ou de soins négligents. 

Steven : C’est ça et c’est tout dans les relations qu’on bâtit. C’est le sentiment du contrôle, du choix, le sentiment d’avoir été entendu, qui va faire en sorte que le patient et la famille vont se sentir valorisés. 

Yolanda : Et, ça peut aussi réduire notre risque médico-légal. 

Steven : Oui. En autant que les conversations aient été documentés dans le dossier du patient pour démontrer qu’elles ont, en effet, eues lieux. 

Yolanda : Et, c’est important de reconnaitre que quoi que ces discussions puissent être difficiles, surtout lorsqu’on manque de temps, ils vont aussi être plus difficiles si les familles ne sont pas présentes en personne pour nous rencontrer.

Steven : C’est ça. Dans notre contexte de pandémie, la famille ne sera probablement pas là en raison des règles en matière de visites à l’hôpital, par exemple. 

Yolanda : Donc, de tenter de planifier en avance pour avoir ces discussions nous mènent à notre message numéro deux, d’avoir une approche à avoir ces discussions concernant les buts de soins, les niveaux de soins, les peurs, les attentes avec nos patients, nous rendent plus aptes à avoir ces discussions.

Steven : Justement, il y a beaucoup de ressources pour aider les gens à devenir plus confortable avec ça. Des ressources qui offrent des gabarits, par exemple, pour discuter des buts de soins. Il y en a sur notre site web. Il y en a aussi ailleurs. 

Yolanda : Quoique… la CPM n’endosse aucunes approches en particulier, ni n’établit pas les normes de pratiques, on peut vous offrir un site web canadien le planwellguide.com comme une ressource qui vaudrait la peine de consulter.

Steven : Malheureusement, c’est en anglais. Par contre, c’est quand même quelque chose qui est très pertinent aux soins de maladies critiques. 

Yolanda : Mais il y a beaucoup d’autres ressources.

Steven : Oui, oui. Il y en a plusieurs. Il y a des sites qui offrent des vidéos à regarder pour avoir un petit peu de coaching. Il y en a qui offrent des scénarios ou même des cartes de discutions, essentiellement des recettes à suivre pour avoir…

Yolanda : Des algorithmes…

Steven : Oui. Des algorithmes pour ne pas à avoir ces discussions difficiles-là et tout ça, c’est dans le but de nous aider à être plus confortable pour qu’on puisse donner des soins qui rendent les patients et leurs familles plus confortables. 

Yolande : Oui. Donc, avec une recherche Google, vous serez en mesure de retrouver beaucoup de ces ressources.

Steven : Oui. On va finir avec notre troisième point et ça, c’est l’utilisation du langage normatif. L’utilisation du langage normatif qui est là pour mettre les patients plus à l’aise et faciliter le partage de points de vue. 

Yolanda : Par exemple, de parler à la troisième personne. Lorsqu’il y a des personnes qui ont le Covid se détériorent, ils doivent prendre des décisions vis-à-vis leurs niveaux de soins. Ils me disent que c’est moins stressant lorsqu’on a ces discussions plus tôt. 

Steven : Donc, dans ce contexte-là, on enlève un peu l’emphase sur ce patient-là à ce moment-là, puis on dit : on est en train de passer le message (00:16:44 chuchotements inaudibles). Je parle comme ça avec tout le monde, j’en parle avec tous mes patients et voici ce que j’entends. Un autre exemple, par exemple, ça serait de dire quelque chose comme : la plupart des gens me disent qu’ils ne veulent pas que le fardeau de la décision tombe sur le dos de leurs familles sans qu’ils aient eu la chance de discuter de leurs volontés avec eux. 

Yolanda : Et on espère que ces discussions normatives rassurent nos patients et leurs familles. Que nous ne sommes pas en train de les signaler individuellement. 

Steven : Ou de discriminer contre eux. Donc, normaliser les sentiments des familles en disant des choses comme : plusieurs familles se sentent désemparées, dans ce genre de situation-là. Comment vous sentez-vous? Encore une fois, c’est un énoncé qui peut être très…

Yolanda : Général.

Steven : Qui peut beaucoup aider.

Yolanda : Oui. Quoique… la crise sanitaire que nous vivons en ce moment n’a pas vraiment changée la nature des discussions de fin de vie, mais, plutôt, nous offre l’opportunité de les avoir plus souvent, voir même, de façon pro-active. 

Steven : C’est ça. Et en plus, ce qu’il pourrait être différent, c’est que vous, comme médecin, vous ne serez peut-être pas habitué à ce genre de situation-là, de par votre (00:17:51 inaudible) pratique habituelle et que vous pourriez même vous trouvez forcé, à un certain niveau, d’avoir des discussions en raison de la Covid-19, que vous n’êtes vraiment pas confortable à avoir. 

Yolanda : Et nous espérons que les quelques conseils qu’on vous offre dans notre balado aujourd’hui vous aide à diminuer le malaise avec ces discussions qui pourraient avoir un impact positif sur la satisfaction de vos patients et leurs familles et, par conséquent, diminuer votre risque médico-légal. 

Steven : Oui. Yolanda, en bout de ligne, si on avait un seul message à partager pour résumer, je pense que ce serait celui de la puissance de silence. De simplement s’assoir en silence avec un patient ou avec une famille peut avoir un immense pouvoir thérapeutique. (00:18:43 inaudible) inconfortable, surtout si on n’y pense pas à l’avance, mais ça permet au patient et la famille de traiter l’information et de penser à leurs questions. 

Yolanda : Oui.

Steven : Donc, c’est correct de ne pas remplir l’espace vide.

Yolanda : Oui.

Steven : Les gens sentent que ça va avoir l’air beaucoup plus long que ce que ça va l’être en réalité. 

Yolanda : Oui et rappelons que ces silences risquent d’être d’autant plus inconfortables lors d’une discussion téléphonique qui risque d’être la norme avec les familles de patients hospitalisés durant la crise sanitaire.

Steven : C’est vrai.

Yolanda : Donc, de reconnaitre ce silence, de le valider, de tenter de mettre la famille à l’aise avec le silence et leur donner la permission de…

Steven : De pensée…

Yolanda : D’interpréter et de digérer un peu ce qu’on vient de dire est tellement important. 

Steven : Yolanda, on est déjà rendu à la fin. Il va falloir qu’on…

Yolanda : Clore oui…

Steven : Il va falloir clore ce… pas ce débat, mais cette discussion. Merci beaucoup d’avoir passé l’après-midi avec moi

Yolanda : Merci beaucoup Steven. C’est toujours un plaisir. Je veux juste faire un petit rappel pour nos auditeur : de visiter le carrefour Covid sur le site web de la CPM et surtout, de nous appeler au besoin pour discuter de leurs situations uniques et individuelles parce que ces balados n’ont pas l’intention de couvrir le tout sur un sujet.

Steven : Mais bien juste de donner quelques petits conseils qui pourraient vous aider à explorer des pistes de solutions. Là-dessus, merci beaucoup. 

Yolanda : Merci.

Steven : À la prochaine.

Yolanda : Au revoir.

Animateur : Ce matériel éducatif est fourni uniquement à des fins éducatives générales; il ne constitue pas des conseils professionnels de nature juridique ou médicale ni une « norme de pratique » pour les professionnels de la santé canadiens.


COVID-19 : Détresse morale chez les médecins

mai 2020 | 19 minutes

Les médecins sont régulièrement confrontés à des situations et des décisions difficiles. Cet épisode aborde les raisons pour lesquelles il importe de reconnaître et de gérer la détresse morale, ainsi que les diverses stratégies d’adaptation que les médecins peuvent adopter pour rester en bonne santé.

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Audioscript

Dre Yolanda Madarnas : Bonjour à tous et bienvenue à notre deuxième balado portant sur le COVID-19, je suis la docteure Madarnas.

Dr Steven Bellemare : Et je suis docteur Steven Bellemare.

Yolanda : Steven, les médecins font régulièrement face à des situations et des décisions difficiles.

Steven : Oui et puis ça, ça cause une certaine détresse morale, ce qui est encore plus fréquent même dans les situations de crise comme la pandémie COVID-19.

Yolanda : Oui, chaque jour au téléphone, vous nous dites à quel point vous faites face à des situations difficiles, des décisions que vous n’auriez pas eu à prendre dans un autre contexte. C’est important d’apprendre à reconnaître les signes de cette détresse morale.

Steven : Vous nous dites à quel point vous êtes préoccupé par votre sécurité et même celle de vos proches.

Yolanda : Vous parlez de la difficulté à passer d’un cadre éthique qui est axé sur le patient à un cadre qui est maintenant axé sur la santé publique.

Steven : Donc, dans ce balado, ce qu’on veut faire dans le fond, c’est justement de discuter de ces préoccupations-là qui sont très importantes, qui sont très normales et très courantes. Et peut-être vous donner quelques suggestions, quelques pistes de solution pour que vous puissiez prendre soin de vous-même et même aider vos collègues à prendre soin d’eux-mêmes.

Yolanda : Et idéalement tenter de relever des stratégies d’adaptation qui pourraient favoriser le maintien de votre bien-être.

Steven : Donc aujourd’hui, Yolanda, nous recevons un invité très spécial, docteure Caroline Gérin-Lajoie qui est vice-présidente, directrice au département de la Santé et bien-être des médecins à l’Association médicale canadienne.

Yolanda : Caroline est aussi psychiatre à L’Hôpital d’Ottawa. Bienvenue.

Dre Caroline Gérin-Lajoie : Merci beaucoup.

Steven : Vous savez, on est fiers au Canada d’avoir un système qui fait en sorte que chacun a les mêmes possibilités d’accès aux soins que tout le monde.

Yolanda : Ce principe égalitaire est applicable lorsque les ressources sont suffisantes; le dernier balado en parlait.

Steven : Oui, justement.

Yolanda : Dans un contexte de pandémie, nous pourrions être forcés de trier les patients et de prendre des décisions difficiles à propos de quel patient recevra quels soins ou quel niveau de soins et dans quel contexte.

Steven : Bien c’est justement, et puis le fait d’être obligés de prendre des décisions quant à la gestion des ressources, ça devient très stressant pour le personnel en première ligne.

Yolanda : Oui et surtout quand on perçoit n’avoir aucun contrôle sur les circonstances.

Steven : Bien justement, Caroline qu’est-ce qu’on connaît là-dessus sur ces circonstances-là ?

Caroline : Donc Steven, c’est vrai que pour le triage ou quand on pense au processus d’établir des priorités dans l’attribution des ressources en cas d’afflux soudain de patients, ça devient tellement plus complexe au niveau éthique lors des catastrophes comme ce qu’on vit maintenant avec le COVID-19. Et c’est ce genre de situations-là qui peut mener à de la détresse morale. Une personne, un médecin, quelqu’un qui donne des soins de santé peut éprouver une détresse morale quand elle connaît la bonne action à faire ou le geste éthique à poser, mais qu’on l’empêche d’agir en ce sens-là. Et quand on pense à la détresse morale, il faut penser vraiment à une réponse psychologique; c’est une détresse psychologique, mais qui est reliée spécifiquement à un conflit ou à des contraintes plutôt d’ordre moral. Ces situations-là, ça survient encore plus dans les temps de crise de santé publique, comme celle du COVID-19 et aussi dans d’autres situations là où il pourrait y avoir une pénurie extrême des ressources, et à ce moment-là qui a un impact sur nos patients et aussi sur la sécurité de nos travailleurs de la santé.

Steven : Donc dans le fond, la détresse morale, si je comprends bien, c’est quand une personne doit aller à l’encontre de ses principes parce qu’elle ne peut pas faire ce qu’elle pense ou ce qu’elle croit être la bonne chose.

Caroline : Exactement et c’est ça qui crée un conflit moral, c’est-à-dire que la personne a considère que les gestes qu’elle pose ou même qu’elle ne pose pas sont en contradiction avec ses obligations éthiques, ou bien la personne n’arrive pas à répondre à ses propres attentes au niveau éthique.

Yolanda : Caroline, est-ce qu’il y a des éléments communs ou des signes de détresse morale ?

Caroline : Oui, par exemple, il y aurait l’impression d’être complice dans un acte où on pense que ça pourrait causer du mal à nos patients et de pas pouvoir changer la situation.

Yolanda : Oui.

Steven : Donc, on pense à quelque chose comme avoir l’impression qu’on n’a pas d’influence, qu’on n’a pas le choix.

Caroline : Exactement, et un autre élément commun c’est justement ce manque d’influence là. Donc, quand une personne a une opinion ou des connaissances pertinentes à une situation, mais a l’impression de ne pas être entendue ou prise au sérieux.

Yolanda : Donc, être entre l’arbre et l’écorce.

Steven : Oui, exactement, se sentir entre l’arbre et l’écorce, c’est exactement ce que j’avais en tête. Donc, la détresse morale qui est vécue, Caroline, à différents moments dans différentes situations, est-ce que c’est toujours une chose qui est contenue en elle-même ou est-ce que ça peut s’accumuler ça ?

Caroline : Non, justement c’est possible que ça s’accumule. Les situations répétées de détresse morale peuvent laisser derrière elle, le résidu moral, et ça, ça l’augmente l’intensité de la détresse morale quand on a l’expérience de situations difficiles dans l’avenir.

Yolanda : Donc Caroline, si je comprends bien, même si la situation qui a causé notre détresse morale est passée, on risque de garder une certaine détresse résiduelle, à moins de faire quelque chose.

Caroline : Tout à fait, c’est le résidu que nous trainons tous avec nous, des situations de détresse morale où nous avons eu l’impression d’avoir agi, mais en allant à l’encontre de nos valeurs morales. Et si l’intensité de la détresse morale d’une personne ne résorbe pas ou demeure élevée, elle pourrait être encore plus grande la prochaine fois que la personne fait face à une situation clinique où il y a des enjeux éthiques complexes, et c’est exactement pour ça que c’est si important de traiter cette détresse morale là.

Yolanda : Caroline, ce que tu me décris me rappelle vraiment l’usure de compassion ou compassion fatigue. De là, j’en comprends que cette détresse morale doit vraiment être reconnue et traitée.

Caroline : Oui, vous avez absolument raison, donc la détresse morale peut être reliée au niveau individuel par l’entrefaite de l’épuisement professionnel, par l’usure de la compassion et même de la dépression. Mais ce qu’on sait aussi maintenant, la détresse morale peut avoir un impact sur d’autres niveaux comme les équipes, les départements et aussi sur l’organisation, et on peut ça par l’entrefaite des erreurs cliniques, d’une prise de distance avec les patients et même d’une diminution dans la satisfaction au travail.

Yolanda : Comment pourrait-on aider les médecins à savoir s’ils vivent une détresse morale ? Est-ce que c’est plus qu’un sentiment, un feeling ?

Caroline : Oui et je pense que ce serait important de clarifier que quand on parle de détresse morale, c’est vraiment pas un trouble de santé mentale, sauf que si on ne le gère pas bien, c’est sûr que ça peut entraîner des complications. Et ça, ça peut inclure des symptômes de santé mentale. La détresse morale, il faut se rappeler que c’est différent chez tout le monde. Donc, pour quelqu’un, ça peut être très facilement gérable, mais pour une autre personne, ça peut représenter des difficultés très complexes et qui peuvent même les empêcher de fonctionner. On peut voir différents symptômes aussi, par exemple, on peut voir des symptômes physiques, ça inclut des maux de tête, de la fatigue, des difficultés au niveau du sommeil. On peut aussi voir des symptômes au niveau émotionnel, donc de la colère, de la peur, de l’anxiété et ça peut même mener à des changements au niveau du comportement, donc certaines personnes peuvent adopter des comportements au niveau des dépendances de consommation d’alcool ou de drogue. Mais ça peut aussi changer nos comportements dans nos relations intimes.

Steven : Caroline, en t’entendant parler de ces symptômes-là, je suis porté à croire que probablement plusieurs de nos auditeurs qui vont se reconnaître là-dedans, qui vont s’identifier en quelque sorte à cette description-là.

Caroline : Absolument et vraiment le message clé, c’est tout simplement de savoir que la détresse morale, c’est quelque chose qui existe, et ce qui est important, c’est de pouvoir en reconnaître les signes.

Yolanda : Alors Caroline, que peuvent faire les médecins pour limiter le plus possible les effets de cette détresse morale ?

Caroline : Yolanda, nous savons que malheureusement, ce n’est pas possible d’éliminer toutes les situations qui causent la détresse morale. Par contre, on peut essayer de réduire leurs répercussions, et quand on pense aux causes de la détresse morale, ça touche au moins à trois niveaux. On en a parlé un petit peu tantôt : ça peut toucher l’individu ou le médecin, ça peut toucher l’équipe, le département, mais aussi ça touche le système et l’organisation. Et pour chacun de ces aspects-là, il y a des moyens qu’on peut prendre pour essayer de mieux gérer la détresse morale.

Steven : Notre balado est un petit peu trop court pour qu’on puisse aller en profondeur dans toutes les interventions qu’on pourrait avoir à chacun des niveaux, mais je pense que ça vaudrait quand même la peine qu’on essaie de voir si on peut identifier une ou deux interventions à chacun des niveaux pour faire en sorte qu’on veille sur notre bien-être.

Yolanda : Commençons donc à l’aspect individuel.

Caroline : Donc, pour l’individu, à part des classiques de bien dormir, bien manger et essayer de faire de l’exercice et même ça, c’est difficile dans nos circonstances présentes, je conseillerais aux médecins d’essayer de raconter leur expérience. Puis ça, ça comprend leurs émotions, que ce soit des émotions de détresse ou de culpabilité ou d’injustice, quand ils en ont l’occasion comme lors des réunions d’équipe par exemple ou de partager ce qu’ils sont en train de vivre. Et je recommanderais aussi d’essayer de communiquer avec un éthicien ou une éthicienne pour débrouiller les situations difficiles et des situations qui sont vraiment susceptibles de causer de la détresse morale. Et, pour les médecins qui sont très souffrants, c’est très important de ne pas se gêner et d’aller chercher de l’aide auprès des médecins de famille, auprès des programmes de santé pour les médecins, surtout au niveau provincial. Il ne faut vraiment pas se gêner pour aller chercher de l’aide et je crois qu’un point final que je voudrais glisser, c’est qu’il faut tous faire preuve d’empathie et de compassion envers soi-même. Et surtout quand on parle de détresse morale, c’est tellement important de pouvoir se pardonner.

Steven : Je suis entièrement d’accord, je pense que c’est tellement important de se donner la permission de ressentir ce qu’on ressent et puis d’avoir la chance de prendre la chance d’en discuter avec nos collègues parce que nos collègues comprennent ce qu’on est en train de vivre et sont une très bonne source de support pour tout le monde.

Yolanda : Oui. En effet, ça me fait penser à l’époque où on se réunissait régulièrement avec nos collègues, on bavardait de la journée, on partageait parfois les circonstances comme ça et ça nous manque maintenant.

Steven : Et on se soutenait

Yolanda : Donc, partons maintenant de l’individu à l’aspect de l’équipe. Caroline, de quelle façon est-ce qu’on pourrait prévenir ou aider à mitiger la détresse morale au niveau de l’équipe ?

Caroline : Absolument, donc à ce niveau-là, ça serait si les dirigeants reconnaissaient les répercussions de la détresse morale et vraiment pouvoir trouver des processus pour s’attaquer directement à ce problème-là. Et ça, on peut faire ça par exemple, en utilisant des réunions, en faisant des réunions de service où on encourage et on favorise l’esprit d’équipe. On améliore la communication et on essaie de prendre une prise de décision plutôt partagée, et ça, ça permet aux gens de sentir qu’ils font vraiment partie de l’expérience. On peut aussi créer des opportunités de discuter régulièrement avec le personnel, surtout après un événement difficile du plan moral. Je pense que c’est là qu’il est important de s’asseoir et de se parler en équipe. Et enfin, j’encouragerais aussi l’entraide au sein de l’équipe pour s’assurer que les membres ne s’isolent pas : des fois c’est un réflexe que certaines personnes peuvent avoir et on peut essayer d’empêcher ça en organisant un système de jumelage qui a été utilisé de façon très positive, justement lors de la période COVID-19 chez les médecins.

Steven : Et puis parlant des discussions en équipe, Yolanda, les briefings comme on dit en bon anglicisme, on va en parler dans un balado futur. Mais aujourd’hui, on voit à quel point, c’est important dans plusieurs situations, plusieurs contextes.

Yolanda : Et comme il est parfois difficile de trouver ce temps, de discuter en équipe, c’est peut-être plus facile comme point initial, d’instaurer le système de soutien par jumelage, au moins au début, qu’on pourrait bâtir là-dessus par la suite. Caroline, passons maintenant au dernier point : l’aspect de l’organisation. Que peut-on faire à ce niveau-là ?

Caroline : Justement, il ne faut pas oublier que l’organisation joue un rôle très important, surtout en reconnaissant et en validant les situations où il pourrait y avoir de la détresse morale. Aussi, c’est important pour l’organisation de favoriser la solidarité pour mieux faire face à la pression constante. C’est vraiment de donner le message aux gens qui travaillent, qu’ensemble, nous y arriverons, et que l’organisation est là pour vous. 

Steven : C’est un peu comme le message « Ça va bien aller » avec l’arc-en-ciel et tout ça. C’est important, puis j’ai hâte d’entendre ce que t’as à recommander parce qu’il y a plusieurs de nos auditeurs qui sont probablement des médecins-chefs de file, des médecins en position de leadership qui sont aptes à pouvoir mettre en place ce genre de solutions là, donc je te laisse parler.

Caroline : Bien il y a d’autres petits trucs aussi que les chefs de file peuvent essayer d’utiliser, et ça peut sembler simple, mais quand même très important, par exemple : faire preuve d’honnêteté et de transparence à l’égard de la situation. Ça, ça serait, par exemple, où il y aurait des contraintes en matière de ressource, mais aussi en fournissant aux médecins des directives très claires sur les changements de politique et de procédure et qui arrivent à une vitesse tellement rapide. Enfin, on peut essayer d’adopter des critères très précis pour le triage, et si jamais on devait activer le protocole de triage, ce serait donc important d’accompagner ça avec une stratégie pour aider à atténuer la détresse morale que pourraient éprouver les fournisseurs des soins. Et si je peux vous donner un petit exemple là-dessus, il pourrait y avoir la création d’une équipe de triage, et cette équipe de triage là viendrait séparer les décisions cliniques des décisions de gestion de ressources. Et ça, ça peut limiter les préjugés ou le fardeau moral associé à ces décisions difficiles là pour le médecin traitant. Et enfin, il y aurait des choses au niveau de l’organisation comme établir un guide d’aide pour aider les chefs de file à mieux supporter les gens dans leur équipe, et aussi s’assurer de bien promouvoir les ressources pour le bien-être. Et s’assurer que les gens sont capables d’aller les obtenir ces ressources-là.

Steven : Donc, je pense que les choses, en fin de compte, ne reviendront probablement jamais à la normale, une fois que la pandémie va être finie. Je pense qu’on va vraiment avoir à repenser notre façon de faire les choses.

Caroline : Je suis absolument d’accord avec toi Steven :, même que je pense qu’il va falloir parler d’une nouvelle normale, parce qu’on ne pourra jamais revenir en arrière. Mais ce qui est important, je pense, dans cette période-ci post-COVID, ça sera de vraiment fournir de l’aide et des ressources à tout le personnel pour améliorer le bien-être, mais aussi pour essayer de prévenir la possibilité du résidu moral. Et aussi, il faudrait créer les occasions d’apprentissage pour qu’on puisse vraiment tirer des leçons positives de ce qu’on a appris pendant la période COVID, mais pouvoir les utiliser pour améliorer le système des soins de la santé à l’avenir. On a une obligation éthique de bien se préparer pour la période post-COVID, parce qu’il faut s’attendre à une hausse de problèmes et de besoins au niveau de la santé mentale.

Steven : Je pense qu’on se le doit tous comme professionnel de la santé, de voir à s’entraider dans le futur 

Caroline : Oui et à veiller

Steven : Et dans un esprit d’apprentissage, voir à ce qu’on puisse être en meilleure position la prochaine fois pour la prochaine vague de bien gérer ces situations-là.

Yolanda : Oui, donc merci, Caroline, merci, Steven :. Le balado tire à sa fin.

Steven : Déjà !

Yolanda : Avant de nous quitter, pourrait-on penser à deux points clés à retenir ?

Caroline : Absolument, je crois que ce qu’il est le plus important, c’est de comprendre que c’est normal de ressentir une détresse morale pendant cette pandémie-là et que reconnaître le concept et de reconnaître les signes, c’est vraiment la chose la plus importante. Et ensuite, de songer à adopter peut-être une approche plus redimensionnelle, donc on a parlé du niveau individuel, au niveau de l’équipe, au niveau de l’organisation pour nous aider à mieux vivre et bien gérer la détresse morale.

Steven : Oui, c’est très bien dit. Merci beaucoup pour ces belles idées, ces belles pensées Caroline. Pour en savoir plus, si ça vous intéresse, vous pouvez toujours consulter le carrefour de l’ACPM sur notre site Web, le Carrefour COVID-19 c’est-à-dire. Caroline, est-ce que l’Association médicale canadienne a des ressources elle ?

Caroline : Oui, vous pouvez aller sur le site amc.ca et vous allez retrouver sur la page Web de l’AMC, une belle section sur le COVID-19 avec de l’information et des ressources.

Steven : Bien merci encore une fois, en espérant que le balado vous aura été utile.

Yolanda : On reconnaît que c’est un sujet important et extrêmement complexe et on espère que dans ce court balado, on a pu partager avec vous quelques trucs pratiques pour vous aider à gérer cette détresse morale. Merci tout le monde.

Steven : Au revoir.

Yolanda : Merci beaucoup.

Animateur : Ce matériel éducatif est fourni uniquement à des fins éducatives générales; il ne constitue pas des conseils professionnels de nature juridique ou médicale ni une « norme de pratique » pour les professionnels de la santé canadiens.


COVID-19: Soins raisonnables

avril 2020 | 15 minutes

Lorsque se manifeste une urgence de santé publique, vous pourriez devoir délaisser l’approche du « patient d’abord » au profit de celle du « public d’abord ». Cet épisode aborde le concept de soins raisonnables et la question de l’intérêt des patients pour vous aider à comprendre les demandes inhabituelles que vous pourriez recevoir en raison de la pandémie de COVID-19.

Pour découvrir le balado : Apple Podcasts / SimpleCast / Spotify

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Dr Steven Bellemare : Bienvenue à une baladodiffusion spéciale en relation à la crise de la COVID-19.

Dre Yolanda Madarnas : Bonjour. À l’ACPM, nous reconnaissons que la communauté médicale fait face à un stress inimaginable et à des moments extrêmement difficiles.

Steven : Nous sommes ici pour vous soutenir et pour vous offrir des conseils.

Yolanda : Quoique nous prenons vos questions médico-légales quotidiennement au téléphone.

Steven : Et étant donné que nos programmes éducationnels sont suspendus durant la pandémie de la COVID-19, nous avons développé ce balado spécial.

Yolanda : Bonjour à tous, ici Dre Yolanda Madarnas, médecin-conseil, chef d’équipe au service de consultation pour les membres.

Steven : Et je suis le Dr Steven Bellemare, directeur du service d’amélioration de la pratique. Yolanda, où commencer ? Il y a tellement de questions en relation à la COVID-19.

Yolanda : Steven, les médecins, aujourd’hui, sont appelés à prendre des décisions sans précédent. Nous sommes appelés à pratiquer dans un contexte qui ne nous est pas familier ou en dehors de notre champ de pratique habituel. On nous demande de sortir de la retraite et venir en aide à nos collègues. On nous demande de prodiguer des soins par télémédecine, des soins virtuels.

Steven : Ou on peut même être portés à avoir à changer notre façon de prodiguer des soins pour accommoder les ressources limitées ou pour protéger la santé publique. Nos membres se posent des questions concernant les obligations, leurs droits dans le contexte d’une urgence sanitaire et comment gérer les ressources de plus en plus limitées.

Yolanda : Vous pouvez certainement obtenir des conseils en consultant le carrefour COVID sur le site Web de l’ACPM ou bien en parler à un médecin-conseil, moi-même ou à un de mes collègues. Mais cette baladodiffusion, aujourd’hui, se concentre sur la gestion des ressources limitées.

Steven : Le système canadien de santé est déjà sous pression, mais les circonstances de l’urgence sanitaire à laquelle on fait face nous ont amenés vraiment à l’inconnu.

Yolanda : Notre objectif collectif maintenant est de tirer la meilleure partie des ressources précieuses dans ces temps exceptionnels. Steven, on a deux messages clés dans le balado aujourd’hui.

Steven : En effet.

Yolanda : Agissons toujours dans le meilleur intérêt de notre patient.

Steven : Oui.

Yolanda : Et dans le doute, prodiguons des soins raisonnables.

Steven : Il faut garder en tête que ça, ce sont deux sujets qui sont très complexes et on pourra pas en parler de fond en comble en quelques minutes.

Yolanda : Ce balado n’est pas une discussion en détail des sujets, on veut simplement exposer le sujet dans un sens d’introduction.

Steven : Donc, notre objectif c’est vraiment pas que vous finissiez l’écoute du balado et que vous vous disiez : « Bon bien là, je sais tout ce qu’il y a à savoir là-dessus ». Non, non, pas du tout. Allez à notre site Web et appelez-nous pour en discuter plus en détail.

Yolanda : Bon, bien commençons. Un des dilemmes auquel on fait face, c’est comment prodiguer des soins dans le meilleur intérêt de nos patients sans les ressources nécessaires.

Steven : Absolument. Parlons donc de la notion du meilleur intérêt du patient.

Yolanda : C’est vraiment un sujet extrêmement stressant, lorsqu’on entend aux nouvelles que les médecins en Italie doivent choisir à quel patient allouer un ventilateur. Une telle décision nous semble inconcevable et crée sans doute beaucoup de stress chez les médecins.

Steven : En effet, on apprend même au jour de jour de l’expérience de nos collègues ailleurs dans le monde et la situation est en constante évolution.

Yolanda : Le défi des ressources limitées, c’est pas nouveau, mais avec la pandémie COVID-19, ce problème chronique est devenu hyperaigu.

Steven : Oui, on tient à faire parvenir un message rassurant par contre, et qu’il y a quelques cas de jurisprudence à ce sujet. Et ces cas-là nous montrent que les tribunaux sont ouverts d’esprit. Ils font preuve d’une certaine clémence lorsqu’on fait face à des problèmes reliés aux ressources.

Yolanda : En effet Steven, les tribunaux sont disposés à tenir compte des ressources disponibles aux médecins lorsqu’ils cherchent à déterminer si la norme de pratique a été respectée.

Steven : Il y a un tribunal en Ontario, par exemple, qui a établi ce qui suit, qui dit : « On ne peut pas raisonnablement s’attendre à ce qu’un médecin puisse fournir des soins qui ne sont pas disponibles ou qui sont à peu près impossibles à prodiguer en raison de la rareté des ressources. »

Yolanda : Ce n’est pas pour dire, par contre, que c’est acceptable de jeter la serviette et de se dire bon, bien c’est un problème de système, je peux rien faire. Mais, dans un contexte de ressources restreintes, on s’attend à ce qu’un médecin fasse du mieux qu’il peut avec les ressources disponibles et de faire preuve de raisonnabilité.

Steven : C’est important d’être clair ici par contre, un manque de ressources ne constitue pas une défense à une allégation de faute professionnelle.

Yolanda : OK. Ce n’est pas une défense, mais c’est certainement un facteur déterminant à savoir si les soins prodigués étaient raisonnables.

Steven : Oui, exactement. Ça nous ramène donc à notre premier message clé : le devoir du médecin d’agir dans le meilleur intérêt de son patient.

Yolanda : Mais toujours dans un contexte : on fait du mieux qu’on peut dans des circonstances spécifiques.

Steven : C’est ça, donc le standard, la norme, c’est pas la perfection, mais plutôt le caractère raisonnable des soins qui a été prodigué. Les principes légaux fondamentaux qui guident la décision d’un juge ou d’un collège demeurent inchangés. C’est l’application de ces principes-là qui va changer dans le contexte de la pandémie.

Yolanda : Et il faut se souvenir qu’ici, maintenant, on est dans un contexte d’urgence sanitaire globale, c’est pas comme si de rien n’était.

Steven : En effet.

Yolanda : Le contexte est extrêmement important.

Steven : C’est ça, donc quand les états d’urgence sont décrétés, soit par le fédéral, le provincial ou même les unités de santé publique locales, elles peuvent comprendre des directives, une certaine autorité légale aux médecins qui suivent ces décrets-là de bonne foi même si ça implique que leur pratique ne serait pas la même dans des situations non urgentes.

Yolanda : Bon, prenons par exemple, Steven, la situation d’un patient qui se présente à un hôpital en détresse respiratoire, qui a besoin d’être intubé, mais l’unité des soins intensifs est comblée. Il n’y a pas de lit disponible, il n’y a pas de ventilateur disponible. On peut pas offrir ce qu’on n’a pas, mais c’est pas si simple.

Steven : Donc, il faut se demander ce qu’un médecin ferait dans des circonstances similaires, un médecin raisonnable. Il sera peut-être nécessaire de chercher un autre corridor de service.

Yolanda : Comme un transfert vers un autre hôpital.

Steven : Oui, donc, faire le tour d’autres ressources, plaider avec l’administration hospitalière pour les ressources nécessaires, parler à d’autres chefs de département pour déplacer des patients, bon.

Yolanda : Hum, hum, donc s’il y a un lit disponible ailleurs, un médecin raisonnable effectuerait un transfert vers cette ressource.

Steven : Potentiellement, mais avec la pandémie, tous les hôpitaux vont être débordés et vont dépasser leurs ressources disponibles. Dans ce cas-là, si on en arrive à ce point-là, bien il sera peut-être plus raisonnable de penser à un transfert.

Yolanda : Donc, ça dépend ?

Steven : En effet, le concept de l’effort raisonnable va dépendre des circonstances.

Yolanda : Il faut donc se rappeler de l’importance de bien documenter les limites du contexte au dossier, les éléments qui ont contribué à ces décisions difficiles. Ce qui justifie une action dans un contexte ne pourrait peut-être pas la justifier dans un autre.

Steven : C’est ça, donc dès le début de cette crise sanitaire, les médias ont amplement communiqué au public, la pénurie de ressources, de sorte à ce que les patients et leur famille, ils sont au courant des circonstances impossibles dans lesquelles on se retrouve comme professionnels de la santé. Bon, ils pourraient peut-être comprendre, mais ça ne veut pas dire que des conversations difficiles n’auront pas à avoir lieu quand même.

Yolanda : Donc, de là l’importance de prendre bien note des situations difficiles qui ont influencé nos décisions.

Steven : C’est ça, c’est important de se rappeler encore une fois que les circonstances sont celles d’une urgence sanitaire publique.

Yolanda : Étant donné les risques pour les autres et le fait que les ressources sont limitées, il se pourrait qu’on soit appelés à pratiquer d’une façon qu’on n’aurait jamais considérée autrement. Prenons, par exemple, une directive hospitalière qui oblige le personnel à mettre de l’équipement de protection personnelle avant de procéder à une réanimation cardiorespiratoire pour un patient qui a codé.

Steven : Oui c’est ça, il pourrait, par exemple, sembler pas mal contre-intuitif de pas procéder à une RCR immédiatement lorsque le patient code. Mais là, on va être obligés de se dire : « Non, non, non, attendons un peu là, faut que je mette ma jaquette, mon masque, mes gants. » Puis, c’est tellement contre-intuitif.

Yolanda : Et pourtant, dans le contexte d’une urgence sanitaire, quand une directive ou une ordonnance l’oblige pour protéger la santé publique, c’est justifiable d’adapter une autre norme de pratique.

Steven : Wow, ça c’est vraiment quelque chose à considérer ?

Yolanda : Hum, hum, en effet. On est au courant aussi que plusieurs collèges provinciaux ont déclaré leur ouverture d’esprit et leur flexibilité en ce qui a trait au plein potentiel qui pourrait découler de soins prodigués durant la pandémie.

Steven : Oui, en effet.

Yolanda : Et je crois que le message qu’ils envoient et que quoique c’est important de continuer à prodiguer les meilleurs soins possibles en tout temps, ce n’est pas non plus le temps pour le dogmatisme.

Steven : Oui, heureusement Yolanda, on n’a pas à être seuls dans la prise de décisions difficiles.

Yolanda : Hum, hum. C’est vrai ça, l’utilisation d’un cadre d’éthique pourrait être très utile.

Steven : Oui et ça va enfin assurer que les décisions prises soient uniformes entre professionnels de la santé et aussi basées sur des principes solides.

Yolanda : En effet, il y a plusieurs de tels cadres éthiques en développement dans plusieurs juridictions au moment de cet enregistrement. Ils sont basés sur des principes de justice naturelle et d’autres considérations pratiques, éthiques et légales.

Steven : Ça ne rendra pas les pratiques plus faciles c’est certain, mais l’utilisation d’un cadre d’éthique pourra peut-être nous aider à avoir un certain réconfort si jamais on a à choisir de traiter un patient plutôt qu’un autre.

Yolanda : C’est fort probable que votre hôpital vous fournisse l’accès à un éthicien ou votre hôpital pourrait s’appuyer sur les cadres éthiques en question pour vous aider dans vos prises de décision.

Steven : Ces cadres-là sont vraiment utiles pour uniformiser la prise de décision basée sur des principes qui sont solides.

Yolanda : En fin de compte, malgré tout cet encadrement, ces conversations avec nos patients et leur famille quant à ce qu’on peut et ne peut pas offrir ne seront pas plus faciles.

Steven : Ah ! C’est certain qu’il n’y a pas un cadre éthique qui va rendre ces situations-là faciles à discuter. Et c’est là que notre approche à la communication de la réalité va avoir un rôle tellement important.

Yolanda : Oui, quoiqu’on souhaite tous de ne jamais avoir à faire face à un scénario où on doit dire à quelqu’un qui n’ont pas accès à des soins auxquels ils auraient eu accès si ce n’était pas de la pandémie. Si on est pris avec un tel choix, c’est essentiel de faire de notre mieux.

Steven : Oui, les gens vont oublier ce qu’on leur a dit, mais ils n’oublieront probablement pas la façon dont on les a fait sentir.

Yolanda : C’est vrai. Steven, je pense que les deux messages clés de notre balado sont plutôt entrelacés non ?

Steven : Mais tu as entièrement raison, parce que les soins raisonnables sont souvent très bien alignés avec le meilleur intérêt des patients, mais dans les circonstances telles que la crise sanitaire à laquelle on fait face, ces deux principes-là peuvent commencer à diverger.

Yolanda : Et lorsque c’est impossible d’offrir des soins optimaux, la définition de raisonnable doit changer.

Steven : Nous sommes témoins maintenant des directives à travers tout le système de santé qui annule les chirurgies électives, les soins non essentiels, etc.

Yolanda : Et ça nous ramène, Steven, au cadre éthique dont on parlait tantôt pour gérer les ressources limitées et protéger le public en général. Il faut être clair, ces cadres ont pour but d’assurer que les services ne sont pas alloués de façon aléatoire à la discrétion d’une seule personne. En général, la redistribution de ces ressources et les décisions ne doivent pas être faites à l’aveugle, mais plutôt d’une façon équitable et fondées sur des principes.

Steven : Quoique le principe d’annuler une chirurgie non urgente ou d’avoir à choisir qui aura droit à un ventilateur et qui n’y aura pas droit. Quoique ces concepts-là puissent être difficiles à accepter pour nous qui voulons prodiguer les meilleurs soins possible, il est peut-être raisonnable de le faire dans le contexte où nous avons à nous conformer à une directive hospitalière ou à un ordre provincial de restreindre l’utilisation des services dans l’anticipation d’une montée de besoins médicaux reliée à la pandémie.

Yolanda : C’est bien beau en théorie Steven, mais je suis certaine que ça offre peu de réconfort à nos auditeurs.

Steven : Ah là-dessus, je suis entièrement d’accord. Nous vivons dans des circonstances qui sont inusitées. Une demande si précipitée du soin intensif avec un nombre si grand de patients, on n’a jamais vu ça, et l’impact de la pandémie va beaucoup plus loin que les patients qui sont atteints de la COVID-19 : ça affecte les soins médicaux en entier.

Yolanda : Hum, hum. Et l’ACPM continuera à soutenir nos collègues qui font face à des choix inconcevables; on veut que vous sachiez que l’association est là pour vous soutenir.

Steven : Et si vous tentez d’offrir les meilleurs soins possible, des soins raisonnables étant donné les circonstances.

Yolanda : C’est tout ce qu’une personne peut exiger de votre part : de faire votre possible dans les circonstances.

Steven : Yolanda, je pense qu’on va être obligés de mettre fin à notre balado. Avant de quitter, est-ce que t’aurais une perle de communication à partager avec nos auditeurs ?

Yolanda : Oui, c’est plutôt simple : prenez le temps nécessaire pour établir un rapport avec vos patients, leur famille, démontrez toute l’empathie possible et expliquez-leur les circonstances auxquelles vous faites face et qui motivent vos décisions et vos recommandations.

Steven : Oui. Il ne faut vraiment pas oublier le facteur humain.

Yolanda : Absolument. Steven, peux-tu partager une perle de documentation ?

Steven : Bien moi j’aurais à vous dire que c’est important de documenter vos efforts, si vous recherchez un corridor de service alternatif, documentez-le. Si vous êtes sujet à une directive hospitalière, documentez-le. Si vous travaillez sans personnel de soutien que vous auriez eu autrement, documentez-le.

Yolanda : Mais faites-le toujours de façon professionnelle, factuelle et sans jugement.

Steven : Absolument, c’est vraiment juste pour aider à établir les circonstances dans lesquelles vous avez eu à faire vos décisions difficiles.

Yolanda : Et prenez le temps de documenter ces entretiens difficiles avec vos patients et leur famille. Les mêmes règles de documentation continuent d’être applicables.

Steven : Yolanda, là-dessus, je pense que c’est le temps de se quitter. J’aimerais vous remerciez, vous, nos auditeurs, j’espère que ce balado vous aura été utile. Vous allez trouver d’autres ressources sur notre site Web surtout dans le contexte de la COVID-19. Si vous avez d’autres questions, n’hésitez pas à nous appeler : on est au 1 800 267-6522. On est là pour vous fournir un support, une clarté et des conseils pour vous guider au besoin.

Yolanda : Appelez-nous et bon courage.

Steven : Bon courage tout le monde.

Yolanda : Au revoir.

Animateur : Ce matériel éducatif est fourni uniquement à des fins éducatives générales; il ne constitue pas des conseils professionnels de nature juridique ou médicale ni une « norme de pratique » pour les professionnels de la santé canadiens.


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Cette balado est offerte uniquement à des fins éducatives générales; elle ne prétend pas fournir des conseils professionnels de nature juridique ou médicale, ni une norme de pratique pour les professionnels de la santé canadiens. Si vous êtes membre de l’ACPM et souhaitez obtenir des conseils ou une assistance médico-légale, communiquez avec nous au 1-800-267-6522.