Cadre : Deux médecins se tenant debout et faisant face à la caméra.
Dre Katherine Larivière : Bonjour et bienvenue au webinaire de l'ACPM sur les rencontres cliniques difficiles et les stratégies pratiques pour en assurer la gestion. Nous espérons que vous y trouverez des conseils utiles pour votre pratique.
Je souhaite maintenant prendre un moment pour reconnaître le territoire où Christine et moi et l'équipe de l’ACPM nous trouvons aujourd'hui. Les bureaux de l’ACPM, situés à Ottawa, se trouvent sur le territoire non cédé et non abandonné de la nation algonquine Anishinaabe, dont la présence ici remonte à des temps immémoriaux. Je tiens à rendre hommage à cette terre ainsi qu'à l'ensemble des Premières Nations, des Inuits et des Métis de l'île de la Tortue.
Alors, qui sommes-nous? Moi, je suis Katherine Larivière, je suis médecin de famille, et médecin-conseil à l’ACPM, et Christine aussi, médecin de famille et médecin-conseil à l’ACPM.
Dre Christine De Maria : Bonjour tout le monde.
Katherine : Alors, Christine et moi sommes employées de l’ACPM et nous travaillons donc pour vous en tant que membre. Nous n'avons aucun autre conflit à déclarer que nous croyons aurait influence sur cette présentation.
Pour développer ce programme, nous avons aussi suivi un processus qui a servi à aider à réduire notre risque de biais de façon plus générale.
Christine : Oui, voici les objectifs du webinaire. Nous allons discuter du lien entre une communication efficace et la sécurité des patients, puis parler d'outils pour faciliter la communication, l'engagement et désamorcer les conflits. Mais avant de commencer, nous allons faire apparaître un sondage.
Si vous regardez l'enregistrement, il suffit de noter votre réponse sur un morceau de papier. J'ai confiance en ma capacité à gérer les rencontres difficiles avec des patients.
- Pas du tout;
- assez;
- tout à fait.
Katherine : Alors, commençons avec la question : c'est quoi une rencontre difficile, au fait? Alors, nous considérons qu'une rencontre difficile est une rencontre qui empêche l'établissement ou bien la poursuite d'une relation thérapeutique. C'était important de le mentionner parce que, comme on va le voir plus tard, les rencontres difficiles nuisent à notre capacité à prodiguer des soins. Les études menées avant la pandémie révélaient qu'environ 15 % des rencontres avec des patients étaient considérées comme difficiles.
On sait aussi que ces rencontres problématiques sont aujourd'hui plus fréquentes et plus intenses.
Christine : C'est vrai, Katherine. Les études démontrent que les rencontres peuvent être difficiles pour une multitude de raisons. Il arrive qu'une rencontre se déroule mal parce qu'on sent un décalage entre nos propres croyances et valeurs, et celles de nos patients. C'est aussi le cas quand on n'a pas les mêmes priorités qu'eux. Il y a aussi des rencontres où les émotions sont à vif et celles-là ne sont pas évidentes non plus.
À l’écran : liste de réponses à la question « Qu’est-ce qui rend une rencontre difficile? » : Demandes de formulaires, de tests ou consultations inutiles; Violence verbale ou physique; Attentes irréalistes; Non-adhésion au traitement; Membres de la famille hostiles.
D'ailleurs, ces temps-ci, il y a beaucoup de facteurs qui favorisent ce genre de situations.
Nos patients ne l'ont pas eu facile ces derniers temps. Ils ont dû composer avec le manque d'accès aux soins ou la hausse des temps d'attente, avec la politisation de la médecine et la polarisation des opinions sur la vaccination.
Tous ces enjeux alourdissent le fardeau qui pèse sur les épaules des cliniciens, de notre personnel et de nos patients.
Katherine : Et de nombreuses données probantes témoignent du lien qui peut être établi entre les rencontres difficiles et leur effet sur les soins aux patients. Quand des patients sont considérés comme difficiles dans leurs interactions avec les professionnels de la santé, ils finissent souvent par être stigmatisés. Ils sont exposés à diverses formes de disparité dans les soins et à un risque accru d'erreurs de diagnostic. Les soins qu'ils reçoivent sont souvent fragmentés, ce qui accroît la morbidité et la mortalité.
Christine : Puis, les rencontres difficiles ont aussi des effets importants sur les médecins. La littérature révèle que la précision du diagnostic peut s'en ressentir. Il est moins facile de se concentrer sur le problème du patient ou de la patiente parce que notre énergie mentale est presque entièrement consacrée à gérer la dynamique de la rencontre. Dans ces cas-là, il arrive qu'on tarde à prescrire un traitement ou des examens, ou qu'on n'en prescrive aucun. Il se peut qu'on succombe à la pression de prescrire un traitement ou des examens qui ne sont pas indiqués ou qui peuvent même être problématiques.
Bref, il se peut qu'on agisse avec moins de professionnalisme ou de compassion. Ces rencontres peuvent nous amener à négliger les affaires non urgentes ou à clore une évaluation prématurément.
Il est aussi possible qu'on passe moins de temps avec la patiente ou le patient, ou encore qu'on soit moins réceptif ou sensible à ce que cette personne vit. Toutes ces réactions sont entièrement compréhensibles. Après tout, on est humain et personne n'aime avoir le sentiment d'essayer d'aider quelqu'un en vain.
Katherine : En effet, Christine, ces rencontres difficiles ont des impacts sur nous, non seulement au moment où elles se produisent, mais aussi une fois qu'elles sont terminées. Elles nous minent, peuvent susciter des sentiments négatifs et même parfois nous amener à douter de nous-mêmes.
En plus d'accroître le risque d'erreur de diagnostic, les rencontres difficiles peuvent favoriser l'insatisfaction et l'épuisement professionnel des médecins, ce qui, en retour, augmente encore plus le risque d'erreur.
Alors, qu'est-ce qu'on peut faire pour remédier à la situation?
Christine : Ce qu'on doit chercher à faire, c'est rompre ce cercle vicieux.
Katherine : Alors, si on pense un moment à la perspective opposée. La littérature a établi qu'une communication thérapeutique positive et efficace a un effet favorable sur l'issue clinique. Alors, quand on entretient des relations solides et efficaces avec nos patients, on est plus susceptible d'avoir une attitude positive par rapport à notre travail, de se montrer optimiste et d'être enclin à aider les autres.
Par exemple, on note une meilleure utilisation des tests, des traitements et des consultations, ainsi qu'une augmentation de l'adhérence au traitement et une augmentation de l'engagement des patients. On prodigue donc des soins médicaux plus sécuritaires.
Christine : Aujourd'hui, plus que jamais, on doit développer certaines compétences pour établir, cultiver et consolider nos relations avec nos patients. C'est comme ça qu'on réussira à créer un lien, une alliance avec eux.
D'accord, mais comment améliorer ses relations dans notre travail clinique de tous les jours, quand nous sommes surchargés et que chaque minute compte? Comment est-ce que l'on communique de façon efficace et positive?
Katherine : Alors, c'est ce dont on va discuter maintenant. La bonne nouvelle, c'est que ce sont des approches qui ne sont pas complexes du tout. Mais, il se peut que vous consacriez un peu plus de temps à mettre en place certaines de ces stratégies. On espère que celles-ci vous serviront, par contre, avec le temps.
Alors, tout d'abord, on pose les fondations, c'est-à-dire qu'on essaie de se préparer afin de prévenir autant que possible les situations de conflit. Puis, on va choisir des outils. Il en existe plusieurs. Aujourd'hui, on va brièvement en décrire quelques-uns. On peut se servir de ces outils dans de nombreux contextes, que ce soit dans le cadre d'une prise en charge longitudinale ou bien ponctuellement dans un contexte de soins de courte durée. Ils s'appliquent autant aux spécialistes qu'en médecine familiale, à l'hôpital ou en clinique.
On doit aussi savoir quand déclencher l'alarme d'urgence. Alors, je veux dire par ça d'identifier quand notre sécurité est menacée, et quand un appel à l'aide s'impose.
Enfin, on parlera de récupération après ces situations difficiles.
Christine : Donc, poser des fondations, c'est essayer de prévenir les irritants avant qu'ils ne se produisent. Il y a des choses sur lesquelles on a un certain contrôle et il est utile de se préparer d'avance pour notre approche.
Tout d'abord, élaborer et mettre en œuvre des politiques claires qui définissent la conduite à laquelle on doit s'attendre et les conséquences auxquelles on s'expose quand on enfreint le code de conduite.
Bien sûr, si vous travaillez en milieu hospitalier, vous n'avez pas nécessairement l'occasion d'élaborer et de mettre en œuvre des politiques et procédures, mais c'est toujours bon de s'assurer que les patients en sont informés. Ces dernières doivent concorder avec les politiques et lignes directrices du Collège de votre province ou de votre territoire.
Les politiques et procédures sont très utiles quand on fait face à des situations courantes qui peuvent générer beaucoup d'émotions : demandes d'opioïdes, d'exemption à la vaccination ou de rendez-vous urgents, formulaire à remplir, acceptation de nouveaux patients, et cetera. Assurez-vous que le personnel les connaît. Comme ça, on s'assure que tout le monde est prêt à livrer et renforcer le même message.
Le fait de consigner les politiques par écrit leur confère généralement un caractère plus officiel. C'est aussi un bon moyen de rassurer les patients quant à l'équité du traitement qu'ils reçoivent. En adoptant une approche transparente et cohérente, vous les aiderez aussi à comprendre pourquoi vous ne pouvez pas donner suite à une demande quelconque, en leur rappelant que vous avez néanmoins leur intérêt à cœur.
Ensuite, il est important qu'un plan de sécurité soit connu de tous dans l'environnement où vous travaillez, si jamais les choses tournent mal. Par exemple, est-ce que vous pouvez sortir facilement si jamais la personne devient violente? Est-ce que l'équipe sait quand appeler la sécurité ou la police? Quoi faire avec les autres patients? Il est aussi profitable que toute votre équipe soit outillée pour désamorcer les conflits.
Les outils, discutés plus loin, peuvent être aussi utiles pour eux et faire partie de votre plan.
Katherine : Alors, avoir un environnement qui facilite la conversation, ce qu'on veut dire, c'est on parle de notre environnement et des comportements non verbaux qui font une grande différence pour essayer d'éviter les frictions inutiles.
Alors, dans notre environnement, on peut éviter d'avoir, par exemple, un bureau ou un ordinateur qui pourrait prévenir la communication entre le patient et nous. De plus, il est intéressant de noter qu'être assis, versus être debout, fait une différence pour nos patients. Une étude a même démontré que les patients avaient l'impression que les médecins qui s'étaient assis avaient passé plus de temps dans la salle d'examen que ceux qui étaient restés debout pour la consultation.
Alors, on peut de cette façon-là même penser créer du temps dans notre journée. Dans la même idée de changer la perception des patients sans que cela prenne plus de temps, on peut penser à établir un bon contact visuel, d'éviter de regarder trop longtemps l'ordinateur, surtout au début de la visite, où on essaie d'établir cette relation-là, de donner des explications au patient si on doit s'arrêter pour prendre des notes et aussi d'éviter les distractions, comme un téléphone cellulaire qui pourrait sonner durant la consultation.
Passons maintenant aux outils.
Christine : Et de nombreux aide-mémoire qu'on aime utiliser dans nos communications. Aujourd'hui, on va s'attarder sur trois d'entre eux.
Katherine : Alors, pour commencer, vous avez peut-être déjà entendu parler de l'acronyme SIFA, bien connu sous le nom de FIFE en anglais. Vous l'avez peut-être même appris dans votre cours de médecine. Mais c'est vraiment un outil hyper utile dans toutes sortes de situations.
En tant que rappel, il s'explique ainsi : Le S nous rappelle de demander aux patients leurs sentiments liés à la maladie, en particulier leurs craintes concernant leurs problèmes ou leur maladie.
Le I nous rappelle de questionner le patient sur les idées qu'il se fait sur la maladie, comment il s'explique ce qui ne va pas ou quelles seraient les causes du problème.
F c'est pour le fonctionnement. Quelles sont les répercussions de la maladie sur les activités quotidiennes?
Enfin, le A pour attentes. Quelles sont les attentes de la patiente ou du patient par rapport à la consultation ou à la visite médicale?
Je trouve SIFA particulièrement utile et un bon outil à sortir de notre sac à dos de pratique pour me rappeler de chercher à mieux connaître le parcours des patients et particulièrement leurs attentes qu'ils parfois ne nous communiquent pas d'emblée ou qu'ils ne communiquent pas sans qu'on leur demande. On peut s'en servir dans divers milieux de soins : en médecine familiale, en chirurgie, même dans les spécialités.
Et bien que l'utilisation de SIFA peut des fois prolonger un peu nos rencontres, elle finira souvent par faire gagner du temps en diminuant le risque de conflit. En utilisant SIFA, on voit souvent des patients plus satisfaits.
L'aide-mémoire SIFA aussi nous aide à explorer les attentes que les patients ont par rapport à leurs soins et qu'on ne connaissait pas nécessairement. Quand on ne connaît pas les attentes des patients, c'est possible qu'on n’y réponde pas, ce qui peut donner lieu à des conflits ou à de l'insatisfaction envers les soins prodigués.
Les patients jugent parfois avoir besoin d'un traitement qui, dans les faits, n'est pas cliniquement indiqué. Il se peut aussi qu'ils réclament des soins qui ne peuvent leur être prodigués selon les circonstances.
Depuis la pandémie, il est courant que les attentes des patients ne soient pas satisfaites. C'est notamment le cas quand les soins doivent être différés, quand il y a des longues listes d'attente, ou bien quand il n'est pas possible d'offrir des soins, par exemple, quand on devait offrir des soins seulement en virtuel.
Christine : Oui. SIFA est donc un moyen parmi d'autres de mieux cerner les attentes du patient. N'hésitez pas à vous en servir tous les jours, en fait, de façon systématique, dès le début de la rencontre.
Pour répondre aux attentes des patients, il suffit bien souvent d'exprimer de la compassion face aux difficultés qu'ils vivent, de répondre à leurs demandes d'information, ou de prodiguer des soins empreints de respect. Reconnaissez et nommez leurs émotions avec compassion et sans jugement. Souvent, quelques minutes suffisent pour donner des explications, alléger les craintes du patient.
Au final, comme mentionné plus tôt, ça nous fait gagner du temps en évitant que les petits irritants soit montés en épingle.
Katherine : Mais parfois, malgré tous nos efforts, la situation se dégrade et les émotions sont à vif. Lors de ces moments-là, la façon dont on réagit aux problèmes est tout aussi, voire même plus importante que le problème lui-même.
Alors, quand on est aux prises avec des patients irrités ou colériques, c'est utile de prendre un temps d'arrêt et d'accorder toute notre attention à la personne. Prendre quelques grandes respirations, ralentir, rester calme et d'adopter le comportement qu'on aimerait que nos patients aient envers nous. Il faut rester professionnel et éviter de répondre avec colère ou sur la défensive. Il faut essayer de rester objectif et éviter de prendre parti dans des situations de conflit. Gardez à l'esprit que la colère du patient ne vous concerne probablement pas personnellement, mais représente plutôt la situation ou ses propres frustrations. Parfois, penser à garder un esprit curieux plutôt que défensif peut bien servir.
Katherine : Alors, les deux prochains outils peuvent nous aider à se rappeler des éléments importants et de nous aider à gérer les rencontres difficiles.
Christine : La méthode COEURS est une adaptation de la méthode HEART de l'université de Vanderbilt. Elle est très utile pour ressusciter, en quelque sorte, une bonne relation avec un patient ou une patiente qui est contrariée.
À l’écran : description de l’acronyme de la méthode COEURS. C pour compatir; O pour offrir nos excuses; E pour écouter...; U pour …ulcérations; R pour remercier d’exprimer leurs sentiments; et S pour sommaire et solutions.
Donc le C, c'est pour compatir. Donc, montrez de la compassion. Traitez vos patients comme vous aimeriez qu'on vous traite si vous étiez dans la même... dans le même état d'esprit qu'eux.
O, offrir nos excuses. Dans certaines situations, le fait de présenter des excuses peut jouer un rôle primordial. Il faut que les patients sachent qu'on est désolé de ce qui leur arrive.
E pour écouter. Donnez-leur le temps d'exprimer leurs préoccupations et tentez de ne pas les interrompre. On ne peut pas trop insister sur l'importance d'écouter activement l'autre personne, c'est-à-dire sans planifier notre réponse ou votre réplique. Puis, on essaie d'écouter leurs ulcérations. Donnez-leur la chance d'exprimer leurs préoccupations ouvertement.
Le R, en fait, c'est remercier d'exprimer leurs sentiments. Il faut remercier les patients de la confiance qu'ils nous accordent en acceptant de s'ouvrir et de s'exprimer comme ça.
Et, finalement, S pour sommaire et solutions. Tentez de résumer ses préoccupations. Vous pouvez prendre des notes, tant que vous arrivez à maintenir un contact visuel.
Collaborez avec le patient pour trouver des solutions aux problèmes et aux préoccupations qu'il a soulevés. Impliquez-le dans le processus de prise de décision et cherchez ensemble des moyens pour améliorer la situation.
Katherine : Voici maintenant un autre outil, un troisième outil, qui est similaire à COEURS que nous venons de voir, et c'est l'aide-mémoire VEXÉS. C'est notre version en français de APE pour ceux qui le connaissent ou qui l'ont vu sur d'autres de nos webinaires. C'est aussi une méthode très utile pour désamorcer les situations conflictuelles.
Alors, on commence par V, valider les sentiments exprimés par les patients. Par exemple : « Je vous comprends, c'est très frustrant d'avoir à attendre. » Trouvez un point sur lequel vous serez d'accord. « C'est vrai que c'est difficile de trouver du stationnement ici. »
Le E, c'est pour empathie. Alors, restez empathique devant la situation que présente le patient.
Le X, c'est pour excuse. Alors, s'il y a lieu, présentez vos excuses pour le problème que la personne éprouve ou que la personne croit éprouver. Par exemple : « Je m'excuse de vous avoir fait attendre » ou bien « Je suis désolé que vous m'ayez trouvé impoli. C'était vraiment pas mon intention. »
Le É, c'est pour écouter. Comme on l'a déjà évoqué dans COEURS, laissez la personne parler sans l'interrompre pour expliquer la façon qu'elle se sent.
Enfin, le S, c'est pour sommaire et solution. Finissez par un résumé de la situation et proposez un plan. Par exemple : « Voyons si je comprends bien ce que vous me dites, question de m’assurer que j’ai l’heure juste. »
Explorez, si possible, quelques options avec les patients de manière à ce que l'accent soit mis sur la recherche d'une solution. Il peut aussi être judicieux de demander un temps de réflexion avant d'explorer les options possibles et de chercher des solutions. Ça nous donne un délai pour nous remettre de nos émotions et pour penser un peu à des solutions potentielles.
Christine : Nous avons discuté d'outils pour favoriser de bonnes relations patient-médecin et pour vous aider lorsque les rencontres ne vont pas bien. Et si au lieu de s'améliorer, Katherine, les choses empirent. Qu'est-ce que l'on fait si la désescalade ne fonctionne pas?
Katherine : Ah, Christine, c'est toujours difficile. Puis, à ce moment-là, ça va être le temps d'activer notre plan de sécurité. Alors d'abord, il faut écouter notre instinct. Certains comportements sont clairement menaçants, notamment quand on est témoin de propos offensants ou de menaces de violence. D'autres sont plus subtiles, comme les signes non verbaux qui nous rendent mal à l'aise. Alors, pour des raisons de sécurité, il est toujours préférable, on vous le rappelle, de ne pas se retrouver dans un lieu sans issue quand on est en consultation, et de se prévoir une porte de sortie.
Face à un comportement qui est de plus en plus menaçant, on peut prendre les stratégies suivantes dans l'immédiat. Tout d'abord, rappeler à la personne concernée que son comportement est inadmissible, et lui décrire les conséquences auxquelles elle s'expose si elle maintient ou répète ce comportement.
Mais, cela étant dit, si nous ou notre personnel voyons poindre de la violence, si vraiment on se croit à risque ou en danger, la première chose à faire, c'est d'assurer notre protection, celle de nos patients et celle de notre personnel, et d'appeler à l'aide. Ça peut vouloir dire appeler la sécurité, d'appeler un ou une collègue ou même appeler la police, si on le juge nécessaire. Notre sécurité est primordiale.
Si on appelle la police, il faut se rappeler, même dans le feu de l'action, de ne divulguer que l'information dont les autorités ont besoin pour réagir à la menace, comme le nom de la personne et la nature de l'incident. On devrait éviter de commettre une atteinte à la vie privée en divulguant des renseignements personnels sur la santé.
Christine : Oui, puis il faut reconnaître que ces rencontres difficiles nuisent réellement à notre bien-être. Même celles qui ne dégénèrent pas en conflits peuvent nous démoraliser. On veut être là pour nos patients, c'est certain, mais il faut aussi être capable de reconnaître qu'on a besoin d'un moment pour récupérer. Il est bon de prendre le temps de se recentrer, de se calmer avant de poursuivre notre journée. Par exemple, on peut tout simplement prendre quelques grandes respirations. Si on a le temps, on peut aussi aller dehors, prendre quelques bouffées d'air frais ou parler avec un ou une collègue. Peu importe, on doit prendre soin de soi, à ce moment-là, pour être mieux disposé à poursuivre nos consultations et pour réduire le risque de vivre une autre rencontre riche en émotions. Prendre une pause, respirer une minute, fermer la porte du bureau et reprendre ses esprits avant le prochain patient.
Et, idéalement, faites un bilan avec votre équipe par la suite. Qu'est-ce qui s'est bien ou mal passé? Quelles leçons peut-on tirer de la rencontre? De quoi devrait-on tenir compte à l'avenir?
Katherine : Alors, on passe à la documentation. Une présentation de l’ACPM n'en serait pas une si on n'en parlait pas.
Alors, les rencontres difficiles, comme n’importe quelle consultation, doivent être consignées clairement dans le dossier médical. Alors, on vous présente quelques conseils de tenue de dossier.
Premièrement, il est bon de consigner par écrit que nos patients sont au courant des politiques et procédures en vigueur à la clinique, en particulier en ce qui concerne les attentes par rapport au code de conduite. On a aussi avantage à prendre note du fait qu'on leur a présenté ces politiques et procédures.
Deuxièmement, si on a eu des conversations avec nos patients au sujet de certains comportements et des conséquences qui pourraient en découler, on doit en prendre note dans le dossier médical.
Troisièmement, quand on prend note d'un comportement contraire aux politiques de la clinique, il est important de s'assurer que la description qu'on en fait par écrit est objective et factuelle. Par prudence, vaut mieux consigner par écrit les efforts qu'on déploie pour désamorcer le conflit et remédier au comportement aussi.
Enfin, quand on consigne quelque chose par écrit, on doit décrire le comportement en se basant sur des faits et non sur l'intention qu'on croit déceler chez la personne. C'est d'ailleurs une très bonne idée d'encourager notre personnel à documenter de la même façon. Parfois, il peut être utile de citer textuellement les propos des patients.
Alors, dans ces cas-là, utilisez des guillemets pour indiquer que les énoncés sont des citations intégrales.
Christine : Puis, une fois la crise passée, il est fort probable qu'on se demande si l'on peut mettre un terme à la relation thérapeutique. La réponse, c'est que oui, c'est possible de le faire, mais en restant conforme aux lignes directrices et aux politiques de notre Collège. C'est une décision à prendre de façon réfléchie, selon les circonstances.
Si les comportements abusifs sont récurrents mais mineurs, il vous revient de déterminer si le lien de confiance est assez fort pour que vous puissiez continuer à prodiguer des soins de qualité ou s'il serait plutôt préférable de mettre fin à la relation thérapeutique.
Même dans des situations de conflit, le meilleur intérêt du patient doit prendre la première place dans nos pensées. Mais, quand il y a un manque de confiance, continuer de traiter le patient n'est peut-être pas dans son meilleur intérêt. Si, toutefois, la conduite du patient ou de la patiente est en décalage avec son comportement habituel, c'est peut-être le signe d'un problème de santé sous-jacent.
Si les comportements abusifs ou violents sont majeurs ou graves, vous jugerez peut-être nécessaire de mettre fin à la relation thérapeutique immédiatement. Rappelez-vous toutefois de suivre les lignes directrices et les politiques de votre Collège à ce chapitre, comme on le disait plus tôt. Si vous avez des préoccupations, n'hésitez jamais à communiquer avec l’ACPM. Nous pourrons vous conseiller si vous faites face à de l'agressivité ou si votre sécurité personnelle est menacée.
Katherine : Alors, en général, une fois prise la décision de terminer la relation, dans le meilleur intérêt du patient, déterminez la meilleure façon d'informer la patiente ou le patient de votre décision de mettre fin à la relation thérapeutique, que ce soit en personne ou par lettre, ou bien les deux. Advenant que vous l'en informiez en personne, faites-lui parvenir une lettre de confirmation si votre Collège l'exige. Dans les deux cas, mettez fin à la relation avec un préavis raisonnable, recommandez à la personne de se trouver un ou une autre médecin, informez-la que vous ne lui fournirez, entre temps, que des soins d'urgence ou d'extrême urgence. Avec son consentement, transférez les copies de son dossier médical, selon leur demande. Enfin, fournissez-lui des renseignements précis liés à son état de santé, afin d'assurer la continuité des soins.
Encore une fois, assurez-vous de toujours consulter les règlements et les politiques de votre Collège avant de procéder, ou bien consultez-nous ici à l’ACPM pour des conseils spécifiques à votre situation, si vous n'êtes pas certain si vous devez ou si vous voulez terminer la relation thérapeutique.
Christine : Pour éviter la confusion au bureau ou à l'établissement, informez votre personnel ou documentez dans le dossier hospitalier que la relation thérapeutique a pris fin. S'il y a lieu, songez à informer les autres membres du cercle de soins que la relation thérapeutique a cessé. Consignez par écrit les motifs de la cessation de la relation dans le dossier médical, en prenant soin d'y noter toute conversation avec la patiente ou le patient ou de conserver une copie de la lettre confirmant que la relation a pris fin. Consignez les étapes que vous suivez afin d'assurer le transfert efficace des soins vers une ou un collègue. Faites preuve de compassion afin d'assurer un transfert harmonieux des soins.
Katherine : En bref, pour créer un environnement propice à des conversations constructives et positives, vous devez tout d'abord poser des fondations solides, vous exercer à utiliser vos outils et savoir quand réagir. Bien que chaque situation et chaque patient soit unique, il existe plusieurs stratégies que l'on peut prendre pour prévenir les conflits.
Pensez aux politiques et procédures en vigueur dans votre pratique. Si vous savez qu'une situation épineuse pourrait survenir, préparez-vous et prenez les devants. Faites un caucus avec votre équipe pour vous assurer que tout le monde a l'heure juste et que tout le monde sait quoi faire.
Christine : Il n'existe pas de formule magique pour faire face à un patient en colère. Mais en faisant preuve d'empathie, de respect et en cherchant des solutions, vous pouvez contribuer à apaiser la situation et à renforcer la relation thérapeutique. Il est important de développer ses compétences, peu importe l'aide-mémoire ou la technique que vous choisirez. N'hésitez pas à vous exercer dans des conversations plus légères. Quand vous parlez du stationnement, par exemple. Vous serez ensuite plus à l'aise quand vous devrez discuter d'enjeux plus cruciaux.
Si vous pensez avoir besoin d'une formation plus poussée, sachez que plusieurs options sont à votre portée et offertes ici à l’ACPM. Parfaire vos techniques de communication va non seulement vous permettre d'optimiser vos compétences en tant que médecin, mais aussi d'améliorer vos relations avec vos patients.
Finalement, si vous avez besoin de conseils, encore une fois, n'hésitez pas à communiquer avec l'ACPM.
Katherine : Alors, avant de terminer, on vous encourage à prendre un moment pour réfléchir à ce que vous avez retenu de notre conversation aujourd'hui. Prenez-en note quelque part. Pensez à une chose ou un outil que vous allez essayer lors de votre prochaine rencontre.
Et on va vous remettre le sondage en ligne, où on vous demande : Le webinaire d'aujourd'hui m'a donné confiance en ma capacité à gérer les rencontres difficiles avec des patients. Vous pouvez indiquer :
- Pas du tout;
- assez;
- ou tout à fait.
Christine : On s'en voudrait de ne pas vous remercier tous pour le travail incroyable que vous faites au quotidien. Nous savons à quel point les dernières années ont été difficiles. Et pourtant, vous avez continué à aller de l'avant, à vous présenter tous les jours pour aider nos patients dans un environnement qui ne cesse de changer, qui ne cesse de nous mettre au défi, et nous vous en remercions.
Katherine : On aimerait aussi vous souligner qu'on a tout plein de ressources supplémentaires sur notre site web pour venir appuyer votre pratique. Vous pouvez aller consulter surtout sur l'onglet Éducation, pour consulter des balados, des activités électroniques. Vraiment, il y a tout plein de choses à voir.
Le texte suivant apparaît à l’écran : N’hésitez pas à donner votre avis sur votre expérience en sélectionnant « Faites-nous part de vos commentaires » à la suite de cet enregistrement.