Il est important de ne pas présumer connaître ou comprendre les besoins d’un patient. Demander respectueusement au patient comment il veut (ou préfère) être traité favorise la confiance et l’engagement de sa part. Même si les membres d’un groupe ethnique identifiable peuvent avoir des valeurs communes, il peut y avoir une variété de préférences et d’opinions personnelles au sein de n’importe quel groupe. Il faut veiller à éviter les stéréotypes, qui sont plutôt restrictifs et s’accompagnent souvent d’un jugement négatif.
Les gens ont à propos de leur maladie et des traitements requis une conception différente qui découle de divers facteurs, notamment :
- leur origine culturelle;
- leurs croyances spirituelles;
- leurs expériences antérieures;
- leur niveau de scolarité.
La réponse d’une personne à des recommandations en matière de soins sera déterminée par :
- son expérience du système de santé;
- ses préférences culturelles et personnelles ainsi que ses croyances religieuses;
- sa capacité d’adaptation.
Même au sein d’une famille donnée, il peut y avoir d’importants écarts d’acculturation. Les tensions entre les immigrants de première ou de deuxième génération et des membres de leur famille ne sont pas rares.
Cacher la section
La culture d’une personne peut avoir sur son comportement des effets difficilement compréhensibles par quelqu’un issu d’un autre milieu.
Image de la Terre avec des flèches partant de son centre et pointant vers l’extérieur. À l’extrémité de chaque flèche se trouvent des caractéristiques de la culture. Les caractéristiques qui s’opposent se trouvent sur les côtés opposés de la planète : individualiste par opposition à collectiviste, tâche par opposition à relation, direct par opposition à indirect, égalité par opposition à hiérarchie, futur par opposition au passé, universel par opposition à situationnel, verbal par opposition à non-verbal, et conformiste par rapport à anti-conformiste.
Les différences entre cultures peuvent être conceptualisées en fonction de caractéristiques qui s’opposent, les personnes se situant le long d’un continuum. Par exemple, une personne ayant une mentalité collectiviste sera à l’opposé d’un individualiste. D’autre part, certains appliquent les règles de façon universelle alors que d’autres le font d’une manière adaptée à la situation. Les gens s’expriment très directement dans certaines cultures, et de façon indirecte dans d’autres. Enfin, certaines cultures accordent une grande importance à la hiérarchie alors que d’autres sont plus égalitaires.
Cacher la section
« Traitez les autres comme vous aimeriez être traité » énonce la règle d’or. Toutefois, pour être un guérisseur transculturel efficace, c’est la règle de platine qui prévaut : « Traitez les autres comme ils voudraient être traités. »
Plusieurs aide-mémoire permettent au médecin de se rappeler comment faire preuve de sensibilité culturelle lorsqu’il communique avec un patient.
L’acronyme FIFE permet de connaître la perspective du patient et ainsi de s’assurer qu’il se sent écouté :
- Foires d’émotions – liées à la maladie, en particulier les craintes du patient concernant son problème ou sa maladie;
- Idées sur la maladie – explications sur ce qui ne va pas, sur la cause de la maladie, etc.;
- Fonction – répercussions de la maladie sur les activités quotidiennes;
- Exigences – vis-à-vis de la consultation avec le médecin et du traitement.
Cet aide-mémoire et d’autres tels que CADRE rappellent au médecin de s’assurer que le patient se sent écouté et est en mesure d’exprimer les répercussions de la maladie sur sa vie. Ils peuvent aussi aider le médecin à accorder de l’importance aux questions culturelles qui influent sur la manière dont le patient vit la maladie et qui guident ses décisions concernant le traitement.
La méthode CADRE
- Contexte : « Que se passe-t-il dans votre vie? »
- Affect : « Comment vous sentez-vous face à la situation? » ou « Comment se passent les choses pour vous? »
- Difficulté : « Qu’est-ce qui vous préoccupe ou vous inquiète le plus à propos de la situation? »
- Réponse : « Comment y faites-vous face? » ou « Comment vous y adaptez-vous? »
- Empathie : « Ça doit être difficile pour vous. »
Les aide-mémoire FIFE et CADRE peuvent permettre au médecin de saisir comment le patient comprend sa maladie et ce qu’il souhaite quant au traitement. Cela contribue à des attentes réalistes et à un consentement éclairé.
Cacher la section
Il peut arriver que les obligations légales et professionnelles du médecin concernant la façon de procéder aillent à l’encontre de la démarche thérapeutique souhaitée par le patient. Malgré les différences culturelles possibles, tout médecin qui exerce au Canada est tenu d’être honnête sur tous les aspects des soins, de fournir au patient l’occasion de donner un consentement éclairé, de divulguer les incidents liés à la sécurité du patient (accidents au Québec) et d’aborder s’il y a lieu les questions liées aux soins de fin de vie.
Les patients peuvent avoir des attentes différentes face aux soins selon ce qu’ils ont vécu antérieurement avec des médecins dans d’autres contextes. Il est essentiel d’avoir une mentalité interculturelle – en considérant que les gens peuvent voir les choses différemment et en étant ouvert à la diversité – pour être « délibérément inclusif » et réduire le risque d’être « accidentellement exclusif ».
Une bonne première étape consiste pour le médecin à prendre conscience de ses propres préjugés et à les gérer. Examiner divers points de vue et attentes avec des patients ainsi qu’avec des collègues peut aider le médecin à se rendre compte que certains patients peuvent, par exemple, s’attendre à une manière plus paternaliste de prendre des décisions (« le médecin a raison ») ou préférer qu’une mauvaise nouvelle leur soit annoncée par des membres de leur famille plutôt que par un médecin. De la même manière, comprendre l’importance et la pertinence de dire la vérité selon différentes personnes peut aider le médecin à adapter, par exemple, sa manière d’aborder un diagnostic de maladie en phase terminale et les décisions concernant les soins de fin de vie.
Par ailleurs, la relation médecin-patient peut être favorisée par la compréhension de possibles conflits de valeurs lorsque des cultures comportent des opinions tranchées sur des choses telles que le rôle des femmes, le respect envers les aînés ou le droit d’une personne de décider pour elle-même. L’autonomie, le droit à l’information, l’honnêteté et une démarche centrée sur le patient sont tous des principes centraux de la prestation des soins de santé au Canada. L’accommodement raisonnable est un autre principe important de l’exercice de la médecine au Canada, et une bonne compréhension de ces différentes perspectives peut contribuer à une solide relation médecin-patient, caractérisée par un juste équilibre entre le fait de traiter le patient comme il le souhaite et de respecter les normes de pratique établies par les organismes de réglementation de la médecine (Collèges).
Au Canada, dans la plupart des cas, on considère qu’un médecin peut prodiguer des soins à un patient de l’autre sexe ou genre. Cependant, dans certaines cultures, cette pratique est considérée comme inappropriée ou peut-être même interdite. Il n’y a aucune obligation d’offrir un accommodement absolu à un patient qui demande à voir un médecin d’un sexe ou genre donné, mais on peut faire preuve de sensibilité culturelle et de prudence en s’efforçant raisonnablement de satisfaire à une telle demande.
Dans le cadre d’une pratique de groupe, où les gardes impliquent de répondre aux besoins de tous les patients et où des médecins de tous sexes et genres peuvent assurer des gardes, il est préférable de discuter de cette question au début de l’interaction avec un patient, afin que celui-ci ait le temps de prendre d’autres dispositions. Il peut également être utile de consulter les politiques de l’établissement en la matière.
Si des soins d’urgence ou d’extrême urgence sont nécessaires et qu’aucun médecin du sexe ou genre souhaité n’est disponible, il faut reconnaître le souhait du patient et lui dire avec empathie qu’aucun médecin du sexe ou genre souhaité n’est disponible, en expliquant le cas échéant la nature des horaires de garde. Comme il est toujours possible que le médecin superviseur doive intervenir dans les soins, il est généralement déconseillé de demander à un résident de remplacer un médecin superviseur pour satisfaire à une demande concernant le sexe ou genre du médecin.
Il se peut qu’un patient refuse tout accommodement ou toute autre disposition, et qu’il choisisse de partir contre l’avis du médecin. Dans un tel cas, un refus éclairé et un plan de congé favorisent des soins sécuritaires et aident le patient à prendre une décision. Voici les bonnes pratiques à adopter en la matière :
- expliquer les risques découlant d’un refus de traitement;
- suggérer au patient de tenter d’obtenir des soins ailleurs, lui indiquer les signes et symptômes d’une évolution ou d’une aggravation de son état de santé, et lui dire quand il doit obtenir une consultation médicale;
- proposer de continuer de traiter le patient jusqu’à ce qu’une autre solution soit trouvée;
- consigner la discussion au dossier médical du patient;
- après avoir exposé les risques découlant d’un arrêt du traitement, envisager de demander au patient de signer un document attestant qu’il a été informé de ces risques et qu’il refuse d’autres soins médicaux.
Trouver un juste équilibre
Le médecin n’est pas tenu d’offrir un accommodement absolu dans toutes les situations, mais plutôt un accommodement raisonnable compte tenu de la diversité culturelle.
- Même s’il reconnaît que les normes professionnelles varient entre les pays et les cultures, le médecin doit connaître et respecter les normes de pratique canadiennes.
- Même s’il est louable de s’efforcer de respecter les origines culturelles de chaque patient et de planifier les soins en fonction des valeurs de celui-ci, le médecin doit rechercher un juste équilibre entre le respect des cultures et la qualité des soins prodigués.
Le médecin peut remplir ses obligations professionnelles sans pour autant manquer de respect envers les traditions culturelles, les croyances ou les souhaits d’autrui. Par exemple, si un patient lui demande de ne pas révéler un diagnostic, le médecin doit expliquer au patient et aux membres de sa famille (s’il y a lieu) pourquoi il doit informer le patient du diagnostic. Le médecin peut en outre s’efforcer d’atteindre un équilibre :
- en offrant de dire toute la vérité à un patient mentalement apte, en écoutant respectueusement les souhaits de la famille, mais en expliquant qu’il a une obligation légale et déontologique d’informer le patient de son état de santé et des options de traitement;
- en déterminant si le patient comprend les risques et les avantages de ne pas être pleinement informé de son état de santé – en vertu du droit canadien, le patient a le droit de prendre ses propres décisions;
- en parlant si possible seul à seul au patient, pour s’assurer que personne ne le force à prendre telle ou telle décision;
- en envisageant le recours à un intermédiaire culturel pour faciliter la compréhension mutuelle. Un intermédiaire culturel peut donner des explications et un contexte culturels à un professionnel de la santé, afin d’aider celui-ci à connaître les principaux enjeux et à favoriser une bonne communication.
Pour donner un autre exemple, dans certaines cultures, toutes les questions liées à la santé mentale, à la sexualité, au VIH, au cancer ou à la réanimation sont taboues. Néanmoins, dans la pratique médicale canadienne, on reconnaît qu’il est approprié d’aborder des questions délicates, dont l’orientation sexuelle, lorsqu’elles sont médicalement pertinentes pour établir un diagnostic ou un plan de traitement.
Voici de bonnes pratiques à adopter pour réduire les risques d’allégation de discrimination et prodiguer des soins adaptés sur le plan culturel :
- expliquer pourquoi il faut aborder des questions potentiellement délicates;
- ne pas s’abstenir de parler de certains aspects de la santé du patient même si d’en parler met le médecin ou le patient mal à l’aise pour des raisons culturelles;
- chercher à éduquer le patient avec respect et sensibilité si ses croyances risquent de l’amener à faire des choix nuisibles à sa santé;
- s’efforcer de donner des conseils au patient et prendre des décisions de traitement qui s’appuient sur des fondements et principes médicaux solides.
Cacher la section