Risques médico-légaux et interventions esthétiques : ce que les médecins doivent savoir

Sachez quels sont vos risques – Données par spécialité clinique

Médecin discutant de chirurgie esthétique avec une patiente.

8 minutes

Publié : janvier 2025

Des médecins de différentes spécialités pratiquent des interventions esthétiques1: chirurgie plastique, médecine de famille, dermatologie et ophtalmologie, notamment. Le présent rapport décrit les observations issues de 644 dossiers médico-légaux conclus à l’ACPM entre 2019 et 2023 et impliquant des médecins ayant pratiqué des interventions esthétiques.

Des médecins de quelles spécialités étaient impliqués dans les dossiers médico-légaux portant sur des interventions esthétiques? (n = 644)

Parmi les autres spécialités figurent la consultation ou l’assistance chirurgicale, l’obstétrique et la gynécologie, la pédiatrie et l’anesthésiologie. Dans un très petit nombre de dossiers, des interventions esthétiques ont été pratiquées par des membres d’autres professions de la santé (personnel infirmier autorisé, techniciennes ou techniciens).

Quelles sont les interventions les plus courantes et les critiques le plus couramment formulées par l’expertise médicale2?

Chirurgie plastique (n = 319)

  • Augmentation ou réduction mammaire
  • Abdominoplastie
  • Remodelage du corps
  • Redrapage du visage
  • Blépharoplastie
  • Rhinoplastie

Médecine familiale ou médecine générale (n = 101)

  • Redrapage du visage
  • Greffe de cheveux
  • Traitement des varices (laser, sclérothérapie)
  • Abdominoplastie

Ophtalmologie (n = 65)

  • Kératoplastie réfractive (LASIK, PRK)
  • Blépharoplastie
  • Redrapage du visage
  • Redrapage des sourcils

Otorhinolaryngologie (n = 41)

  • Redrapage du visage
  • Rhinoplastie

Chirurgie générale (n = 39)

  • Abdominoplastie
  • Augmentation ou réduction mammaire

Dermatologie (n = 37)

  • Redrapage du visage
  • Greffe de cheveux

Les critiques le plus couramment formulées par l’expertise médicale à propos de ces interventions sont les suivantes :

  • Processus de consentement éclairé inadéquat
  • Tenue de dossiers inadéquate
  • Évaluation déficiente
  • Procédures administratives inadéquates
  • Connaissances ou compétences insuffisantes

Dans 74 dossiers, des personnes ont subi un préjudice dans le cadre de l’intervention. Par exemple :

  • Aucun test épicutané n’a été fait avant un traitement par lumière pulsée intense (LPI). Ce traitement n’aurait pas dû être pratiqué compte tenu du type de peau de la personne soignée, même si le manuel du fabricant de l’appareil indiquait le contraire. Le traitement par LPI a provoqué des brûlures au deuxième degré.
  • Des seringues à injection ont été mal étiquetées par le personnel. Le médecin a donc injecté par erreur du Botox au lieu d’un anesthésique local en voulant pratiquer une anesthésie par blocage nerveux, ce qui a causé une paralysie musculaire.
  • Avant de procéder à un redrapage du visage et des sourcils, la médecin a préparé la peau à l’aide d’une solution nettoyante toxique. Une partie de la solution a coulé dans l’œil de la personne soignée, ce qui lui a causé une kératite et une perte de vision. 

Quelles sont les plaintes le plus souvent émises par les personnes soignées et les critiques le plus couramment formulées par l’expertise médicale? (n = 644)

Issue Allégations par des patient·es (%) Critiques formulées par l’expertise médicale (%)
Évaluation déficiente 42 11
Processus de consentement inadéquat 38 23
Connaissances ou compétences insuffisantes 24 8
Surveillance ou suivi inadéquats 16 6
Préjudice associé à la prestation de soins de santé 15 7
Procédure administrative inadéquate 15 10
Problèmes de communication médecin-patient·e 14 7
Inconduite professionnelle 13 6
Processus décisionnel inadéquat en matière de prise en charge 12 6
Comportement non professionnel 11 2

Les plaintes reflètent le fait que, du point de vue des personnes traitées, un problème est survenu au cours de la prestation des soins. Ces plaintes ne sont pas toujours appuyées par l’opinion de l’expertise médicale. Il arrive que l’expertise n’ait pas de critiques à formuler quant aux soins prodigués, ou que ses critiques ne soient pas en lien avec les allégations des personnes soignées.

Un processus de consentement inadéquat est souvent à l’origine de plaintes par les personnes traitées et de critiques de la part de l’expertise médicale. Par exemple :

  • Une patiente ayant subi un retrait d’implants mammaires et un redrapage mammaire a allégué que les résultats de l’intervention étaient de piètre qualité et non conformes à ce qui avait été convenu. De l’avis du Collège, la tenue de dossiers de la chirurgienne plasticienne était globalement exhaustive et les formulaires de consentement, détaillés. Le Collège a cependant fait valoir que dans le cadre de la discussion visant à obtenir le consentement, la chirurgienne plasticienne aurait idéalement dû consigner clairement par écrit les attentes de la patiente, pour éviter tout malentendu.
  • Un patient a allégué que son dermatologue avait négligé de l’informer préalablement des risques et des effets indésirables potentiels d’un traitement cutané. Le Collège a cautionné les soins et la tenue de dossiers du dermatologue, en précisant toutefois qu’il s’attend à ce que la discussion entourant le consentement soit consignée par écrit. Le Collège a ajouté que cette tenue de dossiers devait comprendre une description des effets indésirables courants et des complications graves, mais rares.
  • Une patiente s’est plainte au Collège que son médecin de famille avait omis de l’informer du nombre de seringues d’agent de comblement nécessaires pour obtenir le résultat souhaité, du temps requis pour obtenir le résultat en question et des complications possibles. Selon l’expertise médicale, la tenue de dossiers du médecin de famille était complète et comportait tous les détails requis : discussion visant à obtenir le consentement, coût et nombre total d’unités de Botox à injecter.

Quels sont les principaux facteurs associés à un préjudice grave3 dans les dossiers médico-légaux? (n = 644)

FACTEURS ASSOCIÉS À UN PRÉJUDICE GRAVE POUR LES PATIENT·ES

Facteurs liés aux patient·es4

  • Obésité
  • Présence de complications d’une chirurgie antérieure
  • Non-respect des consignes médicales (p. ex. apparition de séromes chez quelqu’un qui ne restreint pas ses activités après une abdominoplastie)
  • Complications d’un traitement ou d’une chirurgie :
    • Infection, nécrose tissulaire, gangrène
    • Asymétrie mammaire, contractures capsulaires
    • Séromes
    • Cicatrices

Facteurs liés aux médecins5

  • Connaissances ou compétences insuffisantes
  • Processus décisionnel inadéquat en matière de prise en charge (p. ex. pratiquer une chirurgie malgré certains facteurs de risque : antécédents de chirurgie majeure, diabète, obésité et tabagisme, notamment)
  • Choix de médicament sous-optimal
  • Dérogation aux procédures cliniques (p. ex. pas d’anesthésiste sur place pour surveiller les signes vitaux et le statut hémodynamique pendant la chirurgie)

Aide-mémoire pour réduire les risques

Au cours d’un examen approfondi des dossiers médico-légaux liés aux interventions esthétiques, nous avons dégagé certains points à considérer pour réduire les risques rattachés à ces interventions.

  • Faire une anamnèse appropriée (incluant les comorbidités et les traitements médicamenteux actuels) et un examen physique systématique adéquat (incluant les signes vitaux).
  • Pour obtenir un consentement éclairé, les médecins devraient discuter des éléments suivants :
    • la nature du traitement proposé
    • les risques (y compris les conséquences graves, mais rares)
    • les chances de réussite ou les résultats anticipés
    • la répartition des frais et les coûts additionnels qui peuvent s’appliquer
    • les autres traitements possibles (y compris le refus de traitement et ses conséquences éventuelles)
    • les risques importants et particuliers associés aux traitements proposés et aux autres traitements possibles
    • les précautions à prendre avant et après l’intervention
  • Au cours de la discussion visant l’obtention d’un consentement éclairé, veiller à ce que les questions et les préoccupations de la personne soignée soient prises en compte, et consigner tous les détails de la discussion dans le dossier médical.
  • S’adapter aux connaissances générales des patient·es dans le domaine de la santé, en restant à l’affût des signes d’incompréhension. Donner l’occasion à la personne de poser des questions. L’amener à réfléchir à ses attentes par rapport à l’intervention, question de diminuer le risque de malentendu quant au résultat. Veiller à ce que toutes les discussions entourant le consentement soient consignées dans le dossier; éviter de s’en tenir seulement à des formulaires de consentement génériques.
  • Au moment du congé, s’assurer que les notes au dossier reflètent le traitement prodigué et les soins de suivi proposés; ces notes doivent aussi démontrer que vous avez indiqué clairement à la personne dans quelles circonstances elle doit consulter sans délai et où elle doit le faire.

Limites

Les nombres qui figurent dans ce rapport sont tirés des données médico-légales de l’ACPM. Les dossiers médico-légaux de l’ACPM ne représentent qu’une petite proportion des incidents liés à la sécurité des patient·es. De nombreux facteurs peuvent inciter une personne à intenter une poursuite ou à déposer une plainte, et ces facteurs varient grandement en fonction du contexte. Les dossiers médico-légaux peuvent donc être une précieuse source d’information sur des sujets importants, mais on ne peut les considérer comme représentatifs de l’ensemble des incidents liés à la sécurité des patient·es.

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Ce rapport de recherche a bénéficié de l’apport du Dr Jugpal Arneja et l’ACPM est reconnaissante de sa contribution.

Notes

  1. Le terme « interventions esthétiques » fait référence aux traitements médicaux et chirurgicaux qui sont réalisés à des fins esthétiques, qui ne sont pas couverts par un régime d’assurance maladie provincial ou qui ne sont pas réalisés pour des raisons de santé.
  2. Par expertise médicale, on entend les médecins experts et expertes qui interprètent les problèmes cliniques, scientifiques ou techniques liés aux soins prodigués et qui émettent une opinion à leur égard. Ces médecins ont habituellement une formation et une expérience semblables à celles de leurs collègues ayant prodigué les soins à évaluer.
  3. Comprend les préjudices modérés, les préjudices graves pour les patient·es ainsi que le décès. Selon le glossaire du service de recherche de l’ACPM, un préjudice modéré est défini comme un événement indésirable symptomatique, dictant une intervention ou une prolongation du séjour en milieu clinique, ou causant un préjudice ou une perte fonctionnelle permanents ou temporaires. Un préjudice grave pour les patient·es est défini comme un événement indésirable symptomatique, dictant une intervention nécessaire à la survie ou une intervention médicale ou chirurgicale majeure, entraînant une diminution de l’espérance de vie, ou causant, de façon permanente ou temporaire, une perte fonctionnelle ou un préjudice majeurs.
  4. Les facteurs liés aux patient·es regroupent toutes les caractéristiques ou les affections médicales présentes au moment de la consultation médicale, ou tout événement survenant durant la consultation.
  5. D’après l’opinion d’expertes et d’experts. Comprend les facteurs liés aux personnes exerçant une profession médicale, à l’équipe et au système. Dans le cas des interventions esthétiques, aucun facteur lié à l’équipe ou au système n’a pu être mis en évidence à partir des données tirées des dossiers.