Les personnes qui travaillent dans un milieu sécuritaire sur le plan psychologique sont en mesure de :
- parler franchement/faire entendre leur voix, proposer des idées, présenter leur observations, formuler des questions et exprimer leurs préoccupations;
- réfléchir clairement, sans craindre d’être humiliées ou embarrassées;
- gérer un conflit de manière consciencieuse et constructive dans le respect de leurs collègues;
- signaler les manquements et en discuter pour en tirer des leçons;
- faire preuve d’innovation et de créativité;
- viser l’atteinte des objectifs au lieu de consacrer toute leur énergie à se protéger.
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Pour que la sécurité psychologique s’établisse et se développe, les médecins doivent signifier expressément leur intention de la promouvoir. Ils doivent aussi être un modèle de sécurité psychologique en adoptant la bonne attitude et encourager systématiquement leurs collègues à faire de même.
Il existe trois étapes pratiques utiles pour établir la sécurité psychologique au sein d’une équipe :
- Appliquer la règle de platine;
- Promouvoir les conflits sains;
- Encourager chacun à parler franchement et à faire entendre sa voix.
Appliquer la règle de platine
- La règle d’or stipule : « Traitez les autres comme vous aimeriez être traité ». Toutefois, quand il s’agit de sécurité psychologique, la règle de platine prévaut : « Traitez les autres comme ils aimeraient être traités ». Les professionnels de première ligne, pour qui les problèmes en question sont intimement familiers, souhaitent sentir qu’ils apportent une contribution valable pour améliorer les choses. La sécurité psychologique les encourage à partager leurs idées et à proposer des solutions qui favorisent de meilleurs soins pour chacun.
Promouvoir les conflits sains
- Dans un milieu comme le secteur des soins de santé, où les enjeux sont élevés, il est normal de ressentir des tensions. En formulant des attentes claires pour favoriser les échanges courtois entre collègues en milieu de travail, les médecins peuvent contribuer à normaliser les conflits respectueux et veiller à ce que tous les membres de l’équipe se sentent appréciés. Les bons leaders ouvrent la voie aux discussions saines en assurant aux membres de l’équipe que leurs objectifs ultimes sont la sécurité du patient et l’amélioration de la qualité. Les chefs d’équipe indiquent clairement qu’ils ne toléreront aucun comportement pouvant rabaisser, embarrasser ou ostraciser d’autres membres de l’équipe.
Encourager chacun à parler franchement
- Les incidents liés à la sécurité du patient sont souvent dus à un ensemble complexe de facteurs contributifs, comme la surcharge cognitive ou une dérive inconsciente par rapport aux pratiques sécuritaires. Malheureusement, il arrive souvent qu’une personne ne réalise pas qu’elle est sur le point de commettre une erreur avant qu’il soit trop tard. Bien qu'il soit possible qu'une personne ne puisse discerner son propre risque d’erreur, ses collègues peuvent quant à eux voir et entendre les choses différemment et ainsi reconnaître un risque qui pourrait autrement passer inaperçu.
- La crainte d’offenser une personne perçue comme étant supérieure dans la hiérarchie et la crainte d’être ridiculisé sont très répandues dans le secteur des soins de santé. De ce fait, les collègues hésitent souvent à s’exprimer, surtout auprès d’un médecin, lorsqu’ils pensent qu’une situation peut présenter un risque. Cette hésitation peut entraîner un préjudice inutile et évitable. Ainsi, l’un des indicateurs les plus révélateurs de l’excellence clinique est une culture qui encourage chaque membre de l’équipe à parler franchement et à faire entendre sa voix.
- Les patients et leur famille sont des membres estimés de l’équipe de soins. Il est important d’encourager les patients et leur famille à s’exprimer et à poser des questions afin de favoriser la prestation de soins sécuritaires et de tisser un filet de sécurité efficace pour prévenir les incidents liés à la sécurité du patient.
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Il arrive des situations où les patients, les membres de la famille, les apprenants ou d’autres professionnels de la santé trouvent difficile de parler franchement et d’exprimer leurs opinions et inquiétudes par rapport à une situation clinique en développement ou à un incident imminent lié à la sécurité du patient.
Parmi les obstacles qui rendent le franc-parler difficile, on compte : 2
- avoir peur de paraître ignorant ou incompétent;
- manquer de confiance en ses propres observations;
- craindre d’être jugé négativement;
- avoir peur ou être gêné;
- manquer de connaissances sur les moyens de s’exprimer de façon efficace;
- croire que le moment est mal choisi, ne pas vouloir interrompre;
- être intimidé par d’autres professionnels de la santé;
- travailler dans un milieu où la culture ne favorise pas la sécurité psychologique.
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En raison du lien singulier qui unit le franc-parler et la sécurité psychologique, la réaction des collègues lorsqu’une personne parle franchement aura pour effet d’encourager ou de réprimer ce comportement. Il est important de parler franchement, mais il est primordial d’apprendre à « être à l’écoute » lorsque quelqu’un d’autre prend parole!
Les médecins peuvent favoriser le franc-parler en invitant fréquemment et ouvertement leurs collègues à s’exprimer, en disant par exemple : « Il est possible que des détails m’échappent, donc n’hésitez pas à me le dire si vous me voyez faire quelque chose qui pourrait compromettre la sécurité du patient ». Les invitations répétées sont aussi importantes que le choix des mots utilisés quand il s’agit d’établir la sécurité psychologique.
Il est également possible de favoriser le franc-parler en :
- exprimant une volonté d’écouter;
- exprimant de la reconnaissance quand une personne parle franchement pour soulever un problème lié à la sécurité du patient;
- s’assurant de soutenir la personne qui parle franchement mais qui a tort alors que l’on a raison, pour éviter qu’elle se décourage de le refaire;
- invitant les membres de l’équipe, les patients, les membres de la famille et les collègues à partager leurs opinions et à poser des questions;
- prêchant par l’exemple et en enseignant aux apprenants à parler franchement;
- discutant avec l’équipe du concept qu'il évoque et en explorant les façons de le favoriser.
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Assertivité graduelle
L’assertivité graduelle renvoie à une approche de communication d’équipe qui se veut respectueuse et polie tout en étant efficace. Si les membres de l’équipe sont à l’écoute des formulations stratégiques de communication, moins d’étapes d’assertivité graduelle seront nécessaires. Au niveau d’inquiétude le plus bas, il est possible de faire des remarques neutres qui ne sont pas forcément dirigées vers une personne en particulier. Plus le niveau d’inquiétude augmente, plus les remarques deviennent directes, en passant des suggestions aux instructions ou aux ordres, et les mots utilisés pour s’adresser aux autres membres de l’équipe deviennent plus directs, mais toujours dans le respect.
L’assertivité efficace se caractérise comme suit :
- respectueuse et polie (sans agressivité);
- appliquée en temps opportun;
- constructive et axée sur l’obtention de précisions et d’une solution;
- respectueuse de l’expérience clinique et de la sagesse des autres membres de l’équipe.
Au lieu d’utiliser un langage vague avec des sous-entendus en espérant que l’autre personne comprenne, certaines unités cliniques ont adopté l’utilisation de formulations stratégiques de communication pour attirer l’attention d’un autre membre de l’équipe.
La défense des intérêts en cinq étapes est un moyen pour mieux faire entendre sa voix3
- Attirer l’attention de la personne : « Excusez-moi, pourriez-vous préciser quelle est la dose du médicament? »
- Exprimer son inquiétude : « La dose est plus élevée que ce à quoi je m’attendais. »
- Soulever le problème selon sa propre perspective : « Une telle dose pourrait causer un effet indésirable. »
- Présenter une solution : « J’aimerais consulter le pharmacien. »
- Obtenir le consentement : « Êtes-vous d’accord? »
La technique CUS déclinée ci-dessous est un autre moyen d’exprimer ses inquiétudes par rapport à une situation :
- C — « Je suis préoccupé » (« I’m concerned »)
- U — « Je suis mal à l’aise » (« I’m uncomfortable ») ou « Cela n’est pas sécuritaire » (« This is unsafe »)
- S — « C’est une question de sécurité » (« This is a safety issue ») ou « J’ai peur » (« I’m scared »)
Si les tentatives de se faire entendre échouent après avoir affirmé « Je suis préoccupé par… », il faut passer à l’étape suivante en disant « Je suis mal à l’aise avec… », puis éventuellement affirmer « C’est une question de sécurité… ».
Puisqu’il est possible pour quiconque de perdre la conscience situationnelle en raison « d’œillères » mises en place au cours d’une situation quelconque (p. ex. en réalisant une intervention ou en gérant une crise), certaines unités ont recours à des mots-clés ou des phrases préalablement convenus (par exemple, « Il faut qu’on se parle ») à titre de comme un code pour aider les professionnels à reconnaître qu’un membre de l’équipe essaie de faire entendre sa voix et qu’ils doivent porter attention.
Il se peut que l’utilisation seule de ces outils de communication simples ne permette pas d’atteindre une meilleure communication. Il est important d’enseigner à l’équipe comment utiliser ces phrases clés, les reconnaître et y répondre pour créer une culture de franc-parler efficace, ouverte, qui favorise l’apprentissage et qui s’axe sur les soins médicaux sécuritaires.
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Il arrive parfois que, malgré tous ses efforts pour parler franchement, une personne n’arrive pas à se faire entendre.
Dans ce genre de situation, il pourrait être possible de dégager une solution en examinant les raisons qui pourraient expliquer l’échec de la communication.
- Avez-vous retenu toute l’attention de la personne à qui vous parlez?
- Votre environnement est-il trop bruyant?
- Avez-vous articulé vos inquiétudes de façon claire tout en demeurant respectueux?
- Est-ce que la personne vous a entendu, a réfléchi à vos propos, puis a décidé de procéder malgré tout, sans explication?
- Cette personne a-t-elle perdu la conscience situationnelle?
- Cette personne adopte-t-elle une conduite téméraire?
La prochaine étape à suivre quand un interlocuteur n’est pas à l’écoute lorsqu’une personne tente de se faire entendre en parlant franchement dépend de la situation. Dans les cas où une crainte bien fondée existe quant à la sécurité d’un patient, il peut être raisonnable de solliciter le soutien d’un collègue ou de transmettre la question à un niveau d’autorité supérieur (directeur de département, responsable de clinique ou directeur des services professionnels).
Pour obtenir des renseignements supplémentaires sur les responsabilités des superviseurs et des apprenants, consulter le document sur la Délégation et supervision : le travail avec des apprenants.
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Le franc-parler est un outil de communication clinique visant à améliorer la qualité de la communication pour accroître la sécurité du patient. Ainsi, il n’est pas nécessaire de consigner chaque prise de parole au dossier. Cependant, dans les rares occasions où un manque d’écoute pourrait entraîner un incident lié à la sécurité du patient (accident au Québec) ou lorsqu’il y a un désaccord important entre professionnels au sujet d’un diagnostic ou d’un traitement, la consignation au dossier objective des faits qui soutiennent les différentes opinions peut aider à définir le raisonnement qui sous-tend chaque décision clinique.
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