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Le dossier médical : un document juridique – Peut-on le corriger?

Une médecin travaillant à un rapport médical

9 minutes

Publié : octobre 2009 /
Révisé : mai 2023

Les renseignements présentés dans cet article étaient exacts au moment de la publication

Le dossier médical contient des renseignements importants sur les antécédents médicaux des patients et sur les interactions cliniques individuelles. C’est aussi un document juridique pouvant servir de preuve quant aux soins prodigués et aux discussions entreprises avec les patients. La bonne tenue des dossiers et la rédaction de notes au moment de la rencontre médecin-patient contribuent grandement à la réussite de la défense d’une action en justice, ou à la réponse adéquate à une plainte déposée auprès d’un organisme de réglementation de la médecine (Collège) ou d’un établissement de soins de santé.

De façon générale, les tribunaux et les Collèges ont tranché que les dossiers médicaux devaient, entre autres, être exacts, pertinents et complets.

Modifications du dossier médical

Cas 1

Un camionneur de 35 ans se présente à une clinique sans rendez-vous en se plaignant d’un mal de dos survenu à la suite d’une chute de son camion plus tôt le même jour. À l’examen physique, le médecin note une sensibilité au niveau de la colonne lombo-sacrée et une amplitude limitée de tous les mouvements. L’examen neurologique est normal. Le médecin lui prescrit des analgésiques et lui recommande de faire un suivi auprès de son médecin de famille. Il dirige aussi le patient en physiothérapie.

Au cours de cette visite, le patient demande au médecin de remplir un formulaire d’accident de travail. Lorsque le médecin lui suggère d’apporter ce formulaire à son médecin de famille, le patient se met à argumenter. Se sentant intimidé, le médecin autorise des tâches modifiées pendant deux semaines. Comme le patient n’arrive pas à joindre son médecin de famille, il revient voir le médecin de la clinique six jours plus tard pour lui demander une prolongation de la période d’invalidité. Lorsque le médecin refuse, le patient devient verbalement agressif et menaçant. Il demande et obtient alors une copie de son dossier médical.

Quelque temps plus tard, en revoyant ses notes de la première rencontre, le médecin ajoute le mot « aujourd’hui » pour préciser le moment où est survenue la blessure initiale. Il voulait en effet que le dossier du patient soit bien précis dans l’éventualité où la commission des accidents du travail contesterait le droit du travailleur aux prestations et demanderait des détails concernant la date de la blessure.

Quelques semaines plus tard, le patient porte plainte au Collège au sujet de plusieurs aspects des soins prodigués par le médecin. Dans le cadre de son enquête, le Collège compare la copie du dossier remise par le patient avec celle du médecin, et découvre l’ajout du mot « aujourd’hui ». Bien que le Collège ait été satisfait des soins prodigués, il a trouvé inacceptable la méthode par laquelle le changement avait été apporté au dossier, même si l’intention du médecin était de le rendre complet et exact.

En soulignant la nécessité de signer et de dater toute modification apportée à un dossier médical, le Collège a déclaré : « Bien que le Comité soit persuadé que ce changement n’a pas été effectué à des fins inappropriées, il doit néanmoins, en raison des graves conséquences que des modifications non attribuées aux dossiers médicaux peuvent avoir, admonester [le médecin] en ce qui a trait à la modification après coup d’un dossier médical, pour s’assurer que ce médecin et/ou son personnel signe et date de telles modifications à l’avenir. »

Cas 2

Un homme de 50 ans se présente chez une médecin suppléante, se plaignant de douleurs généralisées, d’une perte d’appétit et de céphalées. Il a des antécédents de dépression et se fait suivre par une psychiatre.

À l’examen, aucun résultat n’indique de problème physique sous-jacent. La médecin pense que les symptômes du patient sont des manifestations de la dépression. Elle indique au dossier que son diagnostic est une « dépression ». Le patient, furieux, devient intimidant et dit à la médecin qu’elle ne peut établir un tel diagnostic du fait qu’elle n’est pas psychiatre. Il menace par ailleurs de la dénoncer au Collège et exige une modification à son propre dossier médical.

La médecin refuse tout d’abord de modifier le dossier. Le patient a un autre accès de colère, dit à la médecin qu’elle est irresponsable et menace plusieurs fois de se plaindre au Collège. Finalement, pour apaiser le patient, la médecin raye le mot « dépression » pour écrire à côté « Je ne sais pas ce que peut avoir le patient ».

Le patient se plaint au Collège, déplorant entre autres la modification effectuée au dossier par la médecin. Bien que le Collège ait appuyé les soins prodigués, il a trouvé inacceptable que la médecin ait modifié le dossier en « rayant des notes… à cause d’un patient jugé agressif ».

Le Collège a trouvé que « dans ses notes, la médecin n’a pas adéquatement consigné l’interaction entre les parties ». Il a reconnu que « certaines interactions avec des patients peuvent entraîner des confrontations émotives difficiles à gérer pour les médecins. Si le patient exprimait une résistance au diagnostic de dépression, le Comité se serait attendu à ce que la médecin verse ce renseignement au dossier, mais pas à ce qu’elle modifie le dossier pour "apaiser" le patient ».

Comment corriger un dossier médical

Les corrections ou les modifications ne peuvent être apportées qu’aux notes que vous avez vous-même rédigées. Toute question sur les éléments notés dans le dossier par d’autres professionnels de la santé devrait être soulevée auprès de la personne ayant écrit la note en question.

Dans l’éventualité où il serait nécessaire de faire un ajout ou d’apporter une correction à un dossier médical, la plupart des Collèges recommandent que les changements soient datés et signés (ou paraphés) ou, dans le cas de dossiers électroniques, authentifiés. Selon de nombreux Collèges, la note initiale ne doit pas être supprimée ou rendue illisible lors de modifications apportées au dossier.

En d’autres mots, si une modification est faite, il doit s’agir d’une note complémentaire lisible faisant suite à la note initiale. Certains hôpitaux ont également leurs propres politiques à l’égard de la modification des dossiers, lesquelles doivent être respectées par les médecins.

La correction d’un dossier médical est également assujettie à certaines restrictions en vertu des lois sur la protection des renseignements personnels. Par exemple, dans certaines circonstances, les dépositaires d’un dossier sont tenus d’informer les personnes ayant reçu le dossier original d’une correction qui y a été apportée ultérieurement. Si votre Collège et les lois applicables en matière de protection des renseignements personnels permettent que l’information erronée soit extraite (ou entreposée séparément) du dossier, une note à cet effet doit permettre de retracer l’information erronée. Si l’information est gardée au dossier, il faut indiquer clairement qu’elle est erronée. Dans de nombreux cas, il est possible de raturer la note initiale et de rédiger une note complémentaire signée et datée. Les médecins peuvent également ajouter un addenda aux notes d’évolution s’ils estiment que le dossier existant est inadéquat et qu’ils ont besoin de plus de place pour consigner de l’information. Il doit être clairement indiqué qu’il s’agit d’un addenda, et celui-ci doit comprendre la date courante, les renseignements additionnels et votre signature.

La plupart des Collèges et des commissaires à la protection de la vie privée recommandent ou exigent généralement que les systèmes de gestion des dossiers de santé électroniques comportent une « piste de vérification » pour déterminer qui a apporté une correction et à quel moment. Le système devrait également permettre d’apporter une correction sans pour autant supprimer la note initiale.

Ne modifiez jamais un dossier médical après qu’une plainte a été déposée ou une action en justice intentée, ou après avoir reçu une menace verbale ou écrite de poursuite.

Modifications du dossier médical à la demande des patients

Bien que les patients puissent demander que leur dossier soit corrigé, ce sont les médecins qui, en bout de ligne, doivent décider si cette requête est nécessaire pour compléter un dossier ou corriger une note erronée. Les médecins doivent prendre cette décision conformément aux principes énoncés dans les lois applicables en matière de protection des renseignements personnels. En vertu de ces lois, ils pourraient par exemple être expressément en droit de refuser de faire le changement demandé, dans la mesure où le dossier reflète une opinion ou une observation de nature professionnelle. Ces lois exigent également que les dépositaires d’un dossier fournissent à la patiente ou au patient une justification écrite de leur refus d’apporter la correction demandée.

Comme l’illustrent les cas précédents, les Collèges évalueront s’il était approprié de corriger le dossier. Dans l’un des cas, le Collège a déterminé qu’il n’était pas justifié de le corriger tout simplement parce que le patient était difficile ou conflictuel à ce sujet. Dans cette situation, le Collège a suggéré qu’il aurait été préférable de consigner les événements par écrit, y compris la discussion avec le patient et/ou le personnel. Dans certaines provinces ou certains territoires, la loi sur la protection des renseignements personnels exige que l’objection des patients à la note soit versée au dossier.

Gestion des risques

À la lumière d’un examen des lignes directrices des Collèges et des lois provinciales et territoriales sur la protection des renseignements personnels, les éléments suivants devraient être considérés en ce qui a trait à la correction d’un dossier médical :

  • L’information au dossier médical est-elle pertinente, complète et exacte?
  • S’il est nécessaire de faire un changement ou d’ajouter un addenda, la note complémentaire a-t-elle été datée et signée?
  • La correction a-t-elle été effectuée de façon à conserver la note initiale?
  • Si vous n’êtes pas d’accord avec un changement demandé par une patiente ou un patient, avez-vous rédigé une note au dossier médical à cet effet?
    • Cette note est-elle signée et datée, et fait-elle mention des raisons de votre refus de procéder à la modification?
    • Avez-vous discuté de votre décision avec la patiente ou le patient?
    • Avez-vous justifié votre refus de corriger le dossier, comme peuvent l’exiger les lois applicables en matière de protection des renseignements personnels?

En cas de doute, pensez à communiquer avec l’ACPM pour obtenir des conseils avant de modifier un dossier médical. Les médecins ne doivent pas non plus hésiter à prendre connaissance des exigences de leur Collège en ce qui concerne la modification de dossiers médicaux.


AVIS : Les renseignements publiés dans le présent document sont destinés uniquement à des fins générales. Ils ne constituent pas des conseils professionnels spécifiques de nature médicale ou juridique, et n’ont pas pour objet d’établir une « norme de pratique » à l’intention des personnes exerçant une profession de la santé au Canada. L’emploi que vous faites des ressources éducatives de l’ACPM est visé par ce qui précède et l’avis de non-responsabilité de l’ACPM dans son intégralité, « Contrat d’utilisation de l’ACPM ».