Si votre sécurité est menacée, appelez les services policiers
Les médecins ne doivent pas hésiter à communiquer avec les services policiers s’ils estiment que le comportement agressif ou menaçant d’un patient représente un risque pour leur sécurité ou celle d’autrui. Dans le cadre d’un tel signalement, ils doivent s’en tenir uniquement aux renseignements permettant aux policiers de répondre à la situation, tels que le nom de la personne ayant fait des menaces et la nature de l’incident. Ils doivent éviter de divulguer tout autre renseignement personnel sur la santé du patient, ce qui pourrait sinon être considéré comme une atteinte à la vie privée.
La plupart des consultations sont agréables et les médecins éprouvent une grande satisfaction à répondre aux besoins des patients en matière de santé. Il arrive cependant que les médecins et leur personnel rencontrent des patients ou des membres de leur famille qui expriment des requêtes déraisonnables ou adoptent un comportement manipulateur, agressif, colérique ou menaçant. Ces rencontres peuvent être déplaisantes, stressantes, contre-productives, voire dangereuses. Les médecins ont besoin d’un éventail d’habiletés et de stratégies pour gérer efficacement les comportements agressifs ou exigeants afin que les relations avec les patients soient fructueuses, efficaces et sécuritaires.
Rencontres difficiles avec les patients
Chaque médecin a son propre point de vue sur la question des rencontres difficiles généralement caractérisées par des attentes irréalistes sur le plan des soins ou de l’état de santé, des demandes pressantes pour des traitements non indiqués sur le plan clinique, une insatisfaction quant aux soins reçus, la non-adhésion aux conseils médicaux ou encore de la violence verbale.1 Ces rencontres difficiles peuvent avoir des conséquences durables sur les médecins et générer des sentiments négatifs, du mécontentement et même des doutes sur leur compétence clinique.
Chaque rencontre entre un médecin et un patient fait intervenir plusieurs facteurs qu’il convient de garder à l’esprit pour atténuer les risques de conflit et d’agression. Les médecins devraient prendre conscience de leur style de communication et des émotions suscitées : les leurs et celles de leurs patients.2 Les facteurs de stress situationnels tels que les contraintes de temps lors des consultations, les biais négatifs à l’égard de certains problèmes de santé et les soucis personnels peuvent avoir une incidence sur la rencontre. Les facteurs liés au patient (p. ex. barrière linguistique, symptômes mal décrits, non-respect des conseils médicaux, modes de vie malsains, problèmes de santé sous-jacents, troubles de la personnalité) peuvent également jouer un rôle.
Tout repose sur la communication
De solides compétences en communication sont nécessaires pour prodiguer des soins efficaces, et la communication se trouve au cœur de la gestion des conflits ou de l’agressivité dans les interactions avec les patients. Les médecins peuvent mieux comprendre et aborder les motivations, les émotions et les attentes des patients en cherchant à établir un lien avec eux, en faisant preuve d’écoute active et d’empathie, et en communiquant clairement.
Il existe plusieurs outils pour aider les médecins confrontés à des rencontres difficiles. Dans le modèle ACE,3 le « A » fait référence à l’autorité ou au pouvoir. Les patients exercent leur autorité en choisissant les renseignements qu’ils décident de communiquer à leur médecin, en déterminant leur niveau d’engagement dans les soins de santé, et en adhérant ou non au plan de traitement. Quant à eux, les médecins exercent leur autorité en dirigeant la conversation avec les patients et en proposant un diagnostic et des choix de traitement. Cette autorité devrait être exercée de façon pertinente et efficace. Le « C » est pour la collaboration qui se produit lorsque médecins et patients cernent les problèmes, poursuivent les investigations et entreprennent le traitement. Même si tous les patients ne collaborent pas avec leur médecin, il importe que ce dernier dispose de compétences pour accroître la coopération et favoriser le partenariat avec les patients. Le « E » signifie l’empathie, pierre angulaire de la relation médecin-patient. Exprimer de l’empathie en ciblant les émotions du patient, tout en étant ferme mais compatissant, peut mener à bon terme une rencontre initialement difficile avec un patient.
Un des principaux aspects du modèle ACE est l’application proportionnelle de chaque élément (A, C et E) selon le scénario clinique et le patient.
Lors d’interactions conflictuelles avec un patient, les médecins devraient éviter d’argumenter, de couper la parole ou de porter des jugements. Il est recommandé d’adopter un ton naturel. Verbaliser le problème peut également aider à le circonscrire. Vous pouvez par exemple dire : « Nous avons des vues très différentes sur la manière dont vos symptômes devraient être évalués et cela nous cause des problèmes. Qu’en pensez-vous? » Cette approche identifie le problème sans désigner de coupable. Soutenir les patients, trouver un terrain d’entente et cibler les solutions peut accroître les chances de trouver un moyen de travailler ensemble plus efficacement.4
Le modèle FIFE (de l’acronyme anglais pour feelings, ideas, function, expectations [sentiments, idées, fonctionnement, attentes]) est une autre approche à la gestion des conflits et de l’agressivité. Ce modèle explore les émotions des patients, leurs idées sur l’origine du problème, les effets de la maladie ou du problème sur le plan fonctionnel et relationnel, et leurs attentes en termes de soins actuels et futurs.5 Chercher à connaître les attentes des patients favorise la confiance et aide les médecins et les patients à comprendre pourquoi ils doivent travailler ensemble, et ce qu’ils espèrent réaliser. Lorsque les patients semblent avoir fini de parler de leurs attentes, il peut être pertinent de demander « Y a-t-il autre chose » ou « Est-ce que vous vous attendiez à cela aujourd’hui? », ce qui leur fournit l’occasion de bien exprimer leurs besoins et sentiments.6 Ce genre de question permet également de déterminer ce qui peut être discuté lors de la consultation et ce qu’il convient de reporter à une prochaine rencontre. Lorsqu’un médecin ne peut pas satisfaire les attentes d’un patient, il est préférable de le dire. Il vaudrait mieux exprimer les choses de façon directe : « Selon mon évaluation clinique, les opioïdes ne sont pas indiqués dans votre cas » ou encore « Je ne peux pas parler des soins de votre ami, car cela irait à l’encontre de mon obligation de confidentialité ».6
Lorsque le patient insiste ou devient agressif, il est aussi important pour le médecin d’être cohérent et de suivre ses propres règles de pratique. Ainsi, le médecin qui a pour principe d’éviter de fournir des conseils médicaux par téléphone ou par courriel ne devrait pas y déroger, en dépit de l’insistance du patient. Le médecin doit conserver un point de vue professionnel même si le patient souligne que le médecin est la cause du problème.7 Il est essentiel de garder le contrôle de la situation sans être excessivement autoritaire.
Gérer les plaintes des patients
Les médecins devraient tenter d’aborder sans détour la plainte qu’un patient exprime ouvertement au sujet d’un aspect des soins ou de la pratique médicale. Quelle que soit la plainte, il importe de répondre calmement et respectueusement au patient insatisfait. Une discussion en personne contribue souvent à résoudre le problème ou du moins permet de clarifier le problème ou la préoccupation, et de discuter des prochaines étapes. Cette discussion représente également une occasion d’apprentissage dans la mesure où les médecins peuvent en profiter, si cela s’avère pertinent, pour informer les patients de toute modification ou de toute démarche particulière entreprise pour résoudre le problème.8 Le dossier médical du patient devrait généralement faire état de telles discussions.
Restez calme et professionnel lorsque vous parlez aux patients et à leur famille, même lorsque le patient est en colère ou que vous faites l’objet de critiques injustifiées. Le fait de garder contenance et ne pas élever la voix pourrait désamorcer une situation tendue.
Conserver un environnement sécuritaire
Les patients agressifs peuvent représenter une menace pour les médecins et leur personnel. Généralement, les rencontres avec les patients se font en en privé, loin des autres patients et du personnel. Toutefois, les médecins doivent être conscients de leur propre sécurité; ils peuvent alors demander à un employé ou un collègue d’être présent. Les médecins devraient garder une distance physique par rapport aux patients agressifs et essayer de ne pas les interrompre ou de ne pas parler en même temps qu’eux. Les médecins et les employés du cabinet médical devraient également savoir comment communiquer rapidement avec les agents de sécurité ou les policiers.7 Les discussions sur la façon d’aborder les patients dont le comportement pose problème et les débreffages avec l’équipe après un incident contribuent à une culture de travail positive pour le médecin et son personnel. Par ailleurs, les médecins peuvent gérer les attentes de leurs patients en créant une politique sur la façon dont ils répondent à un comportement agressif ou à des propos offensants, et en apposant bien en évidence une note à ce sujet dans leur bureau.
L’ACPM encourage les membres à communiquer avec elle pour obtenir des conseils précis. Il est possible d’avoir recours à certains moyens légaux pour protéger un médecin et son personnel lorsque le comportement d’un patient particulier soulève des inquiétudes importantes en matière de sécurité.
Envisager de mettre un terme à la relation médecin-patient
Il arrive que des plaintes excessives, un conflit important ou une perte de confiance conduisent les médecins à envisager de mettre un terme à la relation médecin-patient. Même si cela s’avère parfois nécessaire, les médecins devraient y réfléchir sérieusement avant de le faire. Ils ont en effet le droit de mettre un terme à la relation médecin-patient pour des motifs autres qu’un départ à la retraite, un déménagement ou un congé, mais seulement à la condition que le patient ne nécessite aucun soin d’urgence ou d’extrême urgence. Le patient doit généralement recevoir un préavis adéquat pour lui permettre de trouver un autre médecin. Même si cela est important partout au Canada, les médecins au Québec doivent avoir un motif juste et raisonnable pour mettre fin à la relation.9 Les médecins devraient également être au courant de tout texte de loi concernant les droits de la personne, de toute politique d’un organisme de réglementation (Collège), de tout code de déontologie qui interdit la discrimination dans le cadre de la prestation de soins médicaux et qui peut exiger des motifs raisonnables pour mettre fin à la relation thérapeutique ou qui peut autrement avoir une incidence sur leur capacité de mettre fin à la relation médecin-patient.10 Il convient de documenter la cessation de cette relation dans le dossier médical du patient.
Tout en préservant la confidentialité des renseignements personnels de leurs patients, les médecins pourraient discuter avec un collègue de confiance du fait qu’ils songent à mettre un terme à la relation thérapeutique avec un patient. Une autre perspective ou une suggestion avisée peut en effet aider à identifier les moyens d’apporter une assistance à un patient difficile ou en colère. Les membres peuvent également communiquer avec l’ACPM pour en discuter avec un médecin-conseil.
Autosoins des médecins
Les médecins qui font face à des problèmes persistants avec des patients ayant un comportement difficile ou agressif peuvent avoir besoin de plus de soutien, notamment pour éviter l’épuisement professionnel.11 Un collègue a peut-être déjà vécu une situation semblable et est en mesure d’offrir du soutien; toutefois, les membres de l’ACPM peuvent également communiquer avec l’Association pour discuter avec un médecin-conseil ayant une expertise sur le sujet. Les médecins devraient également prendre soin de leur santé physique et mentale, en particulier lorsque leur pratique médicale comporte des niveaux de stress élevés ou des conflits.
Références
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