Les conflits sont inévitables dans notre vie professionnelle; ils peuvent toucher les patients, les familles, les collègues médecins, d’autres professionnels de la santé et les administrateurs. Une bonne gestion des conflits permet d’élargir les points de vue ou de repérer des changements constructifs, en plus de donner l’occasion d’apprendre et d’améliorer la communication, les processus et les interactions. En revanche, un conflit mal géré peut nuire à la création ou au maintien d’un environnement sécuritaire sur le plan psychologique, et ainsi miner la sécurité des soins médicaux.
Dans de rares cas, les conflits peuvent être si intenses qu’ils engendrent des situations dangereuses. En situation de danger, il faut quitter les lieux et demander de l’aide. Il est approprié d’appeler la sécurité de l’hôpital ou la police lorsqu’on perçoit un danger imminent. Cette section présente les considérations et bonnes pratiques de gestion de conflits pour les situations qui ne constituent pas une menace imminente à la sécurité.
La sécurité psychologique est une conviction commune selon laquelle tout membre de l’équipe soignante se sent libre de s’exprimer et de communiquer respectueusement ses opinions sans crainte de représailles.1 Dans un milieu sécuritaire sur le plan psychologique, chacun se sent libre de :
La gestion des conflits au sein d’une équipe est essentielle pour favoriser la sécurité des soins médicaux et la création d’une culture en milieu de travail qui valorise le respect et la camaraderie. Une mauvaise gestion des conflits peut compromettre l’engagement et le bien-être des professionnels de la santé en milieu de travail et nuire à la prestation de soins sécuritaires et de qualité aux patients en minant la communication d’équipe. Les conflits peuvent conduire à des stratégies de contournement dangereuses, comme des manquements aux procédures ou l’évitement de la communication avec des personnes clés. Il est important d’avoir un plan pour résoudre les conflits et réduire le risque que ceux-ci compromettent la sécurité des soins aux patients.
Conseils en matière de bonnes pratiques
La façon de gérer les conflits varie d’une personne à l’autre. D’être conscient de sa propre tendance à gérer les conflits d’une certaine façon peut aider à gérer les interactions avec l’équipe de façon plus efficace. Chaque style de résolution de conflits comporte ses avantages et ses inconvénients, et certains conviennent mieux à certaines situations que d’autres.
Voici quelques exemples de styles de résolution de conflits :
Évitement
Utile quand :
- Les problèmes sont de faible importance
- Un retard n’a pas de conséquences
- Vous souhaitez gagner du temps
- Les émotions sont si vives que la discussion n’est pas possible
- Vous avez déjà le contrôle de la situation
- Vous avez peu ou pas de pouvoir sur la situation
Inconvénients :
- L’absence de résolution
- La situation peut s’envenimer
- Les autres peuvent devenir frustrés ou confus
Compromis
Utile quand :
- Les problèmes sont assujettis à des contraintes de temps, mais sont de faible importance
- Les parties sont sur un même pied d’égalité
- Des solutions temporaires sont nécessaires
- Les autres solutions ont échoué
Inconvénients :
- Tout le monde peut être insatisfait
- Les vrais problèmes ne sont pas réglés
- Les solutions peuvent être de courte durée
- Des options créatives et collaboratives peuvent ne jamais être trouvées
- Ce style peut être perçu comme de l’indécision
Contrôle ou compétition
Utile quand :
- Une intervention rapide est requise (urgences)
- Vous êtes la personne la plus qualifiée pour décider
- L’atteinte de votre objectif est plus importante à vos yeux que ce que les autres pensent
Inconvénients :
- Les autres peuvent se sentir ignorés et avoir de la rancune envers vous
- Vous pourriez ne jamais recevoir de rétroaction des autres
- Vous pourriez passer à côté de solutions créatives
Collaboration
Utile quand :
- Des solutions créatives à long terme sont requises
- Il est important de créer un environnement positif
- Il est nécessaire de maintenir les relations entre collègues
- Le problème est trop important pour permettre le compromis
- Il convient d’explorer la situation ou d’étendre la perspective à de nouveaux domaines
Inconvénients :
- Peut demander beaucoup de temps
- Peut engendrer de la frustration dans les situations où une décision rapide s’impose
Accommodement
Utile quand :
- Il est souhaitable de favoriser la bonne entente
- La situation a une importance limitée à long terme
- Vous ne pouvez pas défendre votre position
- Le fait d’imposer votre point de vue nuirait à la relation
Inconvénients :
- Votre point de vue pourrait être ignoré
- Votre influence pourrait être restreinte
- Vous pourriez vous sentir sous-estimé
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Les conflits découlent de différences réelles ou perçues entre les besoins, valeurs ou intérêts personnels. Les comportements difficiles chez les patients, les familles, le personnel ou les collègues peuvent susciter des réactions négatives chez les professionnels et être perçus comme une menace. Pour éviter les conflits ou les gérer de façon efficace, les professionnels doivent prendre conscience de leurs propres réactions face à une menace perçue.
La première étape de la gestion des conflits consiste à se connaître soi-même, à connaître ses propres préjugés et déclencheurs ainsi qu’à reconnaître sa part de responsabilité dans un conflit et y réfléchir. La façon de communiquer et l’approche d’un professionnel sont tout aussi importantes que celles de l’autre personne pour influencer l’issue du conflit. Il est souhaitable d’éviter d’aggraver le conflit, d’utiliser un langage non conflictuel et non accusateur et de porter attention aux signaux non verbaux. Se mettre en colère ou jeter le blâme sur l’autre personne ne favorise pas la résolution d'un conflit. Dans une situation de conflit, il est important de faire preuve de respect envers les personnes concernées, de rester calme et de chercher à comprendre les raisons du comportement de l’autre personne. Il est bon de s’arrêter et de penser à la meilleure façon de répondre.
Distinguer les positions des intérêts
Dans tout conflit, les parties adoptent généralement des comportements ou font des déclarations qui indiquent leur frustration. Des affirmations comme « Je ne ferai plus de gardes! » indiquent la position d’une personne, c’est-à-dire son opinion ou sa demande relativement à une question. Lorsque des personnes sont bien campées sur leur position, il peut être difficile d’explorer le problème à la racine du conflit pour trouver une solution acceptable pour les deux parties.
Les intérêts d’une personne sont les raisons sous-jacentes ou la véritable motivation qui l’incitent à chercher une solution mutuellement acceptable au conflit. « Je ne peux plus rester éveillé la nuit et bien m’occuper de ma famille; j’ai récemment évité un incident de justesse après avoir été appelé. » Ces raisons sont souvent complexes et n’ont peut-être jamais été entièrement exprimées, même par la personne concernée. Lorsqu’une personne dit « Je ne ferai plus de gardes! », il se peut qu’elle essaie plutôt de communiquer qu’elle trouve difficile de travailler dans son environnement. Elle pourrait avoir des inquiétudes quant à sa sécurité, la disponibilité des ressources ou un collègue qui a un comportement intimidateur ou dénigrant. La compréhension de chacun de ces facteurs en tant qu’intérêts pour la résolution de la situation, pourrait mener à trouver des solutions potentielles très différentes.
Le fait de s’attarder aux intérêts d’une personne permet généralement de constater une compréhension commune des problèmes, laquelle peut ensuite être mise à profit pour trouver une solution durable au conflit. Toutefois, il n’est pas facile d’explorer les divers éléments qui sous-tendent les intérêts. Il faut beaucoup de confiance, de courage et d’engagement à travailler ensemble. Parfois, seul un médiateur formé peut être en mesure d’obtenir des résultats positifs dans le cheminement vers la résolution du conflit.
Il arrive souvent que les personnes concernées attendent trop longtemps pour gérer un conflit. En général, lorsqu’un problème surgit et entraîne un sentiment d’urgence, l’environnement de travail est sous-optimal depuis déjà longtemps. Les problèmes se sont envenimés, des rumeurs ont circulé, des comportements ont été tolérés et des stratégies de contournement ont été mises en place, jusqu’au moment où les mesures d’accommodement informelles ne peuvent plus maintenir le statu quo et la situation atteint un point critique. À ce stade, il est souvent trop tard pour préserver les relations de travail entre collègues et arriver à une résolution acceptable. Lorsqu’on s’attaque aux conflits rapidement et qu’on cherche à comprendre les intérêts qui expliquent les positions de l’autre personne, le contexte est favorable pour trouver des solutions durables.2 Mis à part la négociation formelle, chacun peut chercher à aller au-delà de la prise de position pour permettre un examen des intérêts communs et parvenir à des solutions durables.
Il est beaucoup plus facile de prendre en charge les situations conflictuelles et de chercher à les résoudre rapidement dans un environnement de soutien et de sécurité psychologique qui valorise et favorise la collaboration interprofessionnelle et le dialogue respectueux.
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Chacun attend des autres qu’ils adoptent un comportement raisonnable et courtois. Néanmoins, un manque de civilité survient à l’occasion, tant chez soi-même que chez des collègues. Les personnes stressées peuvent devenir contrariées et se fâcher, surtout lorsqu’elles sont fatiguées. En prenant un peu de recul et après mûre réflexion, la plupart des gens reconnaissent que leur comportement a été inapproprié, le regrettent et s’excusent. Malheureusement, cette perspective est variable et tous ont un rôle à jouer pour souligner respectueusement les écarts de conduite des autres et ainsi favoriser la compréhension et indiquer que les comportements inappropriés ne seront pas tolérés.
Qui ne dit mot consent
Il revient à chacun de favoriser une culture de respect et de collaboration. Bien que les leaders puissent être officiellement chargés de gérer les comportements non professionnels, chaque professionnel de la santé, en tant qu’individu, influence la culture de son équipe par la façon dont il traite les autres et réagit lorsqu’il est témoin d’un comportement inapproprié. En cas de conflit, la façon dont une personne réagit à une situation préoccupante crée la culture. Être témoin d’un comportement inapproprié et ne pas y réagir revient à le cautionner tacitement. À l’inverse, en intervenant poliment, on aide à mettre le problème au jour, à ouvrir le dialogue et à indiquer ce qui fait qu’un comportement est acceptable ou non.
S’en parler autour d’un café
Les individus qui font preuve d’un comportement inapproprié n’ont peut-être pas conscience des répercussions de ce comportement sur leur équipe. Ainsi, il est important de régler les problèmes à mesure qu’ils se présentent afin de convertir un conflit en occasion d’apprentissage et de croissance.
Des études ont montré que la grande majorité des personnes qui ont un épisode de comportement non professionnel cessent ce comportement quand on leur fait comprendre qu’il nuit aux autres.3, 4 Les gens ne créent généralement pas intentionnellement des environnements de travail malsains; ils apprennent simplement à se comporter de certaines façons au fil du temps. Les gens jugent généralement leur propre comportement en fonction de leur intention, tandis que les autres jugent ce même comportement en fonction de son impact sur eux. Il est essentiel de corriger cet « écart d’autocritique » pour aider les individus qui ont fait preuve d’un comportement inapproprié à reconnaître les occasions de croissance personnelle. Malheureusement, en évitant les conflits, on rate souvent des occasions d’engager des discussions difficiles, mais potentiellement bénéfiques qui peuvent favoriser l’harmonie en milieu de travail.
Sauf dans les rares cas où le comportement difficile d’une personne découle d’un trouble de la personnalité ou autre problème psychiatrique, il ne devrait pas être ardu d’aider une personne à mieux comprendre les répercussions de son comportement sur les autres. Une telle discussion devrait avoir lieu en privé et de façon informelle, par exemple autour d’un café, non pas avec l’intention de se disputer ni de convaincre l’autre, mais plutôt dans un contexte de sensibilisation. Le but ne devrait pas être de changer la personne, mais de l’informer que son comportement a été remarqué et qu’il a une incidence sur les autres.
Une approche progressive pour favoriser le professionnalisme peut aider à gérer les comportements perturbateurs. Par exemple, le modèle Vanderbilt de gestion des comportements perturbateurs repose sur une pyramide d’intervention à quatre échelons.4 Dans le cas d’un seul épisode de comportement non professionnel, on peut avoir recours à une intervention informelle, comme une « conversation autour d’un café » avec le collègue. Si le comportement se répète ou qu’une tendance se développe, une intervention consignée avec le superviseur direct du médecin ou du professionnel s’impose. Si le comportement perturbateur persiste à la suite d’une intervention d’échelon inférieur, il pourrait être nécessaire de transmettre le problème à une figure d’autorité, de mettre le dossier professionnel à jour et d’élaborer un plan d’action. Le défaut de réagir à l’intervention de la figure d’autorité entraînerait des mesures disciplinaires. Les leaders qui utilisent ce modèle d’intervention ou d’autres modèles à échelons similaires ont besoin d’un processus juste et équitable pour examiner les allégations de comportement non professionnel, d’un système de suivi qui comprend des conversations significatives et efficaces ainsi que des compétences et de l’autorité nécessaires pour mener des entrevues.
Bien qu’une approche collaborative puisse sembler simple, elle est souvent difficile à mettre en œuvre en raison de la nature de la culture d’équipe. L’absence d’une culture qui favorise, nourrit et soutient le franc-parler, la sécurité psychologique et l’apprentissage peut nuire à la saine gestion des conflits.
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Pour désamorcer un conflit, il est important de pratiquer l’écoute active, de chercher l’accord, de reconnaître les émotions de l’autre, de savoir présenter des excuses et d’agir en équipe.
1. L’écoute active
L’écoute active est une compétence essentielle pour désamorcer un conflit. Les personnes impliquées dans un conflit peuvent percevoir les problèmes différemment ou vouloir différentes issues, mais une bonne communication et l’engagement à résoudre les conflits devraient permettre de déterminer les intérêts communs sous-jacents.
L’écoute active est une technique de communication particulière qui consiste à accorder à l’interlocuteur toute son attention et à l’écouter patiemment sans l’interrompre. La partie « active » implique de prendre des mesures pour obtenir des détails qui pourraient nous avoir échappé en reformulant ce qu’on croit avoir entendu et en donnant à l’autre l’occasion de confirmer notre compréhension ou de la corriger. Les techniques d’écoute active permettent de mettre l’autre en confiance, de démontrer son intérêt et d’établir un rapport. En plus d’écouter ce que l’autre dit, il est bon d’observer son langage non verbal pour détecter tout sens caché. Les expressions faciales, le ton de la voix et autres comportements en disent parfois plus long que les mots.
Il convient, pendant qu’on écoute l’autre, d’être ouvert et neutre et de s’abstenir de juger. Il est préférable de ne pas donner de conseils ni de solutions tant qu’on n’a pas bien saisi les intérêts et les besoins de l’interlocuteur. Les solutions prématurées peuvent être frustrantes pour les parties impliquées et les empêcher d’exprimer toutes leurs pensées et émotions quant au problème. Certaines personnes se referment simplement sur elles-mêmes; de l’extérieur, elles semblent passives et conciliantes, mais intérieurement elles se sont désengagées de la conversation.5
Les techniques d’écoute active comprennent :
Aptitudes de communication :
- Poser des questions ouvertes
- Poser des questions de clarification précises
- S’abstenir d’interrompre l’autre
- S’il est nécessaire de l’interrompre, faire preuve de professionnalisme et de compassion5
- Parler à la première plutôt qu’à la deuxième personne (p. ex., « Je sens que... » plutôt que « Tu es toujours... »)
- Encourager l’autre à exprimer ses inquiétudes
- Faire preuve de respect
- Attendre avant de donner son opinion
- Utiliser des silences attentifs
- Éviter de changer brusquement de sujet
Langage corporel démontrant de l’intérêt :
- Adopter une posture et des gestes qui démontrent un engagement
- Employer des signes non verbaux comme hocher la tête, regarder l’autre dans les yeux et se pencher vers lui pour montrer de l’intérêt
- Porter attention à ses propres expressions faciales et à celles de l’autre
Aptitudes de réflexion :
- Paraphraser pour montrer qu’on a bien compris
- Utiliser de brèves affirmations verbales comme « Je vois », « Je sais », « Bien sûr », « Merci » ou « Je comprends »
- Résumer les principales inquiétudes
2. Chercher l’accord
- Chercher un terrain d’entente
- Trouver les solutions et obstacles possibles
3. Reconnaître les émotions de l’autre
- Faire preuve d’empathie en reconnaissant les émotions de l’autre
- Reconnaître qu’il est possible qu’on ait tort
4. Formuler des excuses
- Offrir et accepter des excuses s’il y a lieu
5. Agir en équipe
- Travailler ensemble sans accuser l’autre ni le juger
- Déterminer qui est responsable des prochaines étapes
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- Se connaître soi-même (préjugés, déclencheurs, etc.)
- Prendre conscience de son propre rôle dans le conflit et le gérer
- Être proactif dans la recherche d’une solution pour prévenir et résoudre le conflit
- Réfléchir à la situation, au processus et à l’issue souhaitée
- Créer un environnement sécuritaire favorisant la gestion du conflit
- Clarifier les besoins et intérêts qui sous-tendent les positions de toutes les parties impliquées dans le conflit
- Faire preuve de souplesse dans l’évaluation des options et la résolution de problèmes
- Gérer l’impasse avec calme, patience et respect
- Savoir quand demander de l’aide
- Encourager la créativité dans la résolution de problèmes
La gestion des conflits est particulièrement difficile lorsque l’autre personne est en colère, agressive, intimidante ou menaçante, et qu’on ne peut pas faire grand-chose pour changer ses sentiments et son comportement. Par contre, un conflit implique au moins deux personnes. On n’a de contrôle que sur ses propres actions, sentiments et comportements. Au lieu de chercher à changer les autres, il est bon de s’efforcer de comprendre son propre rôle et ses propres préjugés et la façon dont ils nourrissent le conflit. Il se peut que, dans un conflit, on doive être conciliant pour désamorcer la situation.
La colère cache souvent une autre émotion. En comprenant la véritable émotion derrière la colère, les médecins peuvent apprendre à gérer avec assurance un bon nombre de ces situations. Lorsque l’autre personne est agitée et agressive, on peut aider à désamorcer la situation en demeurant calme et en parlant poliment d’une voix douce. Une discussion sans jugement dans un environnement sécuritaire est de mise.
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