Risques médico-légaux : ce que les dermatologues doivent savoir

Sachez quels sont vos risques – Données par spécialité clinique

Médecin qui examine le bras d’une patiente avec un dermatoscope

5 minutes

Publié : janvier 2025

À la fin de 2023, l’ACPM comptait 773 dermatologues parmi ses membres (code de travail 44).

Le graphique ci-dessous présente une comparaison des tendances observées sur une période de 10 ans dans les dossiers médico-légaux ciblant les dermatologues et l’ensemble des autres membres de l’ACPM.

Quels sont les risques relatifs de problème médico-légal chez les dermatologues?

  •  Dermatologues, plaintes aux Collèges (n = 672)
  •  Dermatologues, actions civiles (n = 156)
  • Tous les membres de l’ACPM, plaintes aux Collèges (n = 47 958)
  •   Tous les membres de l’ACPM, actions civiles (n = 13 970)

Entre 2014 et 2023, le taux de plaintes aux Collèges1 était invariablement et nettement plus élevé chez les dermatologues, comparativement à l’ensemble des membres de l’ACPM (p < 0,0001), tout comme le taux global d’actions civiles (p < 0,0001).

Comment votre exposition aux risques médico-légaux se compare-t-elle à celle des autres dermatologues?

Pourcentage de dermatologues, fréquence des dossiers sur 5 ans


Fréquence des dossiers médico-légaux, sur 5 ans (%)
Aucun dossier 69,1
1 dossier 20,6
2 à 4 dossiers 9,3
5 dossiers ou plus 0,9

Pourcentage de dermatologues, fréquence des dossiers sur 1 an



Fréquence des dossiers médico-légaux, sur 1 an (%)
Aucun dossier 89,9
1 dossier 9,1
2 dossiers ou plus 1,0

Sur une période de 5 ans (2019 à 2023)2, 31 % de l’ensemble des dermatologues ont vu leur nom cité dans un dossier médico-légal, et 9 %, dans 2, 3 ou 4 dossiers. Cela représente un plus grand nombre de dossiers que pour 90 % des autres dermatologues, dont le nom a été cité dans un seul dossier, voire aucun, sur une période de 5 ans. Moins de 1 % des dermatologues ont vu leur nom cité dans au moins 5 dossiers sur une période de 5 ans (fréquence la plus élevée).

En moyenne, 1 % des dermatologues ont vu leur nom cité dans au moins 2 dossiers par année; il s’agit d’un plus grand nombre de dossiers que pour 99 % des autres dermatologues.

Les sections suivantes présentent les données tirées de 433 dossiers d’actions civiles, de plaintes aux Collèges et de plaintes intrahospitalières conclus par l’ACPM entre 2014 et 2023, et visant des dermatologues.

Quelles sont les plaintes le plus souvent émises par les patient·es et les critiques le plus couramment formulées par l’expertise médicale?3 (n = 433)

Issue Allégations des patient·es (%) Critiques formulées par des expert·es (%)
Évaluation déficiente 35 11
Erreur de diagnostic 27 16
Comportement non professionnel 24 8
Problèmes de communication médecin-patient·e ou famille 19 22
Procédure administrative inadéquate 16 17
Processus de consentement inadéquat 16 12
Omission de réaliser un test ou une intervention 12 18
Surveillance ou suivi inadéquats 11 7
Lésion attribuable aux soins 8 6
Injury associated with healthcare delivery 8 3

Les plaintes sont fondées sur le fait que, du point de vue des personnes traitées, un problème est survenu au cours de la prestation des soins. Ces plaintes ne sont pas toujours appuyées par l’opinion de l’expertise médicale. Il arrive que l’expertise n’ait pas de critiques à formuler quant aux soins prodigués, ou que ses critiques ne soient pas en lien avec les allégations des personnes soignées.

Dans ces 433 dossiers, l’expertise médicale a souvent critiqué la communication entre les dermatologues et les patient·es ou les membres de leur famille, ainsi que la gestion administrative ou organisationnelle de leur cabinet.

Quelles sont les affections le plus souvent associées aux soins des dermatologues? (n = 433)

Mélanomes et autres tumeurs malignes de la peau (n=81), Maladies infectieuses (n=44), Troubles de la peau et des tissus sous-cutanés liés à une exposition aux rayonnements (p. ex. kératose sénile) (n=39), Autres troubles cutanés (p. ex. acné, rosacée, psoriasis) (n=36), Troubles dermatologiques (p. ex. kératose séborrhéique) (n=33)

  •   Mélanomes et autres tumeurs malignes de la peau (81)
  •   Maladies infectieuses (44)
  •   Troubles de la peau et des tissus sous-cutanés liés à une exposition aux rayonnements (p. ex. kératose sénile) (39)
  •   Autres troubles cutanés (p. ex. acné, rosacée, psoriasis) (36)
  •   Troubles dermatologiques (p. ex. kératose séborrhéique) (33)

La fréquence des raisons de consultation citées dans les dossiers médico-légaux reflète vraisemblablement les pratiques des dermatologues et ne témoigne pas nécessairement du risque élevé des affections en cause.

Sur ces 433 dossiers, on a fait état d’un diagnostic manqué, d’un retard de diagnostic ou d’une erreur de diagnostic dans 69 cas. Voici les critiques formulées par l’expertise médicale en lien avec le diagnostic :

  1. Omission d’effectuer un test ou une intervention, comme une biopsie ou l’exérèse d’une lésion. Par exemple, une personne qui avait des antécédents de lésions causées par le soleil a reçu un diagnostic de kératose séborrhéique et a subi une électrodessication sans biopsie. Elle a par la suite reçu un diagnostic de mélanome associé à de multiples métastases évolutives, qui a entraîné la mort.
  2. Évaluation déficiente, comme l’omission d’effectuer un examen clinique ciblé comprenant la vérification de tous les antécédents médicaux et familiaux, la revue des résultats d’examens antérieurs et l’inspection des lésions. Par exemple, un dermatologue n’a pas proposé d’effectuer un examen dermatologique complet pour le dépistage d’un cancer chez une personne qui présentait des lésions au niveau de la tête et du cou, et il n’a pas consigné la discussion au dossier.
  3. Tenue de dossiers inadéquate – absence des renseignements suivants : aspect, taille, symétrie, forme régulière ou irrégulière et texture ou consistance de la lésion; diagnostic différentiel et raisonnement justifiant le choix du traitement; plan de traitement; discussion visant à obtenir le consentement et plan de suivi. Par exemple, une dermatologue n’a pas consigné au dossier les renseignements nécessaires pour qu’un autre médecin puisse revoir les soins. Dans le dossier, rien n’indiquait que la dermatologue avait remis une ordonnance à son patient, qu’elle avait discuté du suivi ou qu’elle avait envoyé une lettre de consultation au médecin traitant.
  4. Surveillance et suivi inadéquat, comme l’omission de divulguer des résultats d’examen et d’assurer un suivi approprié des soins. Par exemple, un dermatologue a omis d’effectuer le suivi des résultats d’une biopsie en temps opportun, ce qui a retardé un diagnostic de cancer et le traitement.
  5. Problèmes de communication avec les patient·es ou leur famille. Par exemple, omission de discuter clairement de la gravité du diagnostic, des options thérapeutiques, de la nécessité de consulter un·e autre spécialiste, des étapes d’une intervention et des directives préalables au congé.

Quels sont les principaux facteurs associés à un préjudice aux patient·es4 dans les dossiers médico-légaux? (n = 433)

Factors associated with severe patient harm.

Facteurs liés aux patient·es5

  • Présence ou évolution d’un mélanome ou d’une autre tumeur maligne de la peau
  • Complications liées aux traitements :
    • Cicatrices
    • Infections
    • Déformations
    • Douleurs intenses

Facteurs liés aux médecins6

  • Omission de réaliser un test ou une intervention (p. ex. biopsie)
  • Surveillance ou suivi inadéquats (p. ex. omission d’informer un·e patient·e des résultats d’une analyse pathologique)
  • Technique d’utilisation inadéquate ou mauvais usage d’un appareil (p. ex. réglage inadéquat d’un appareil de traitement au laser, ce qui peut causer des brûlures)

Aide-mémoire pour réduire les risques

Les dermatologues peuvent gérer les risques comme suit :

  • Veiller à ce que les investigations soient réalisées dans un délai approprié et s’assurer de recevoir et d’examiner les rapports en temps opportun. Discuter des résultats rassurants ou négatifs pertinents avec la personne et documenter la discussion. Au moment de communiquer les résultats d’analyses, éviter d’utiliser l’approche « pas de nouvelles, bonnes nouvelles ».
  • Personnaliser les communications de façon à satisfaire les différents besoins des patient·es et de leur famille tout en misant sur l’écoute active pour que les discussions soient claires et efficaces. Veiller à ce que les questions et les préoccupations de la personne soignée et de la famille soient prises en compte.
  • Réaliser une anamnèse exhaustive, choisir l’intervention ou le traitement qui permet d’atteindre les objectifs thérapeutiques et discuter des autres options de traitement raisonnables. Évaluer soigneusement s’il est indiqué d’effectuer une intervention ou de prescrire un médicament donné, en particulier chez les personnes à risque élevé.
  • Au moment d’obtenir le consentement des patient·es, discuter du diagnostic, du traitement proposé, des chances de réussite ou des résultats attendus, des options thérapeutiques (y compris le non-traitement et les conséquences associées) ainsi que des risques importants et particuliers du traitement proposé et des solutions de rechange (y compris des conséquences graves, mais rares). L’information doit être consignée au dossier. Pendant la discussion, il faut s’assurer de la compréhension des patient·es, vérifier quelles sont leurs attentes et répondre à toutes leurs questions.
  • Les médecins responsables de la supervision doivent vérifier si les prestataires de soins autres que des médecins ont les connaissances, les compétences et l’expérience nécessaires pour effectuer les tâches qui leur sont confiées. Il est aussi important de déterminer le niveau de supervision requis et de veiller à ce que les patient·es soient informé·es des qualifications de ces personnes.

Limites

Les nombres qui figurent dans ce rapport sont tirés des données médico-légales de l’ACPM. Les dossiers médico-légaux de l’ACPM ne représentent qu’une petite proportion des incidents liés à la sécurité des patient·es. De nombreux facteurs peuvent inciter une personne à intenter une poursuite ou à déposer une plainte, et ces facteurs varient grandement en fonction du contexte. Les dossiers médico-légaux peuvent donc être une précieuse source d’information sur des sujets importants, mais on ne peut les considérer comme représentatifs de l’ensemble des incidents liés à la sécurité des patient·es.

Maintenant que vous connaissez les risques liés à votre travail…

Limitez les risques médico-légaux grâce aux ressources de l’ACPM.

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Pour toutes demandes de données, écrivez à [email protected]


Ce rapport de recherche a bénéficié de l’apport de la Dre Susan Swiggum. L’ACPM est reconnaissante de sa contribution aux travaux de recherche de l’Association.

Notes

  1. Les médecins n’ont pas l’obligation de signaler les plaintes au Collège à l’ACPM, et ne le font que sur une base volontaire. Par conséquent, il n’est pas possible de brosser un portrait complet de ce type de dossiers au Canada.
  2. En moyenne, un dossier médico-légal est ouvert deux à trois ans après un incident lié à la sécurité des patient·es. Ainsi, il est possible qu’un nouveau dossier médico-légal concerne un incident survenu il y a quelques années.
  3. Par expertise médicale, on entend les médecins experts et expertes qui interprètent les problèmes cliniques, scientifiques ou techniques liés aux soins prodigués et qui émettent une opinion à leur égard. Ces médecins ont habituellement une formation et une expérience semblables à celles de leurs collègues ayant prodigué les soins à évaluer.
  4. Comprend les préjudices modérés, les préjudices graves pour les patient·es ainsi que le décès. Selon le glossaire du service de recherche de l’ACPM, un préjudice modéré est défini comme symptomatique, dictant une intervention ou une prolongation du séjour en milieu clinique, ou causant un préjudice ou une perte fonctionnelle permanents ou temporaires. Un préjudice grave pour les patient·es est défini comme symptomatique, dictant une intervention nécessaire à la survie ou une intervention médicale ou chirurgicale majeure, entraînant une diminution de l’espérance de vie, ou causant, de façon permanente ou temporaire, une perte fonctionnelle ou un préjudice majeurs.
  5. Les facteurs liés aux patient·es regroupent toutes les caractéristiques ou les affections médicales présentes au moment de la consultation médicale, ou tout événement survenant durant la consultation.
  6. D’après l’opinion d’expertes et d’experts.