■ Obligations et responsabilités :

Les attentes vis-à-vis des médecins

Les dons d’organes et de tissus : qui a le dernier mot?

Deux mains qui tiennent un cœur en papier

8 minutes

Publié : février 2017 /
Révisé : avril 2021

Les renseignements présentés dans cet article étaient exacts au moment de la publication

Les médecins qui jouent un rôle associé aux prélèvements post-mortem d’organes et de tissus peuvent se poser des questions à l’égard du consentement éclairé – tout particulièrement en ce qui a trait à la personne pouvant l’accorder et à la façon de l’obtenir. Ils peuvent aussi craindre de s’exposer à des plaintes ou des actions en justice s’ils participent au prélèvement et à la transplantation d’organes et de tissus. Les médecins qui connaissent bien les exigences réglementaires en matière de dons d’organes et de tissus peuvent se sentir rassurés sur le fait qu’ils répondent bien à leurs obligations envers les patients et leurs familles, et contribuent possiblement à accroître le nombre d’organes pour la transplantation.

Il est peu probable qu’un médecin qui agit de bonne foi et qui est raisonnablement satisfait qu’un consentement valide a bien été obtenu fasse l’objet de problèmes médico-légaux. En effet, cela fait plus de 10 ans que l’ACPM n’a pas eu connaissance d’actions en justice ou de plaintes déposées auprès d’organismes de réglementation (Collèges) concernant des dons d’organes ou de tissus au Canada.

Consentement explicite ou présumé

Les exigences en matière de consentement au don d'organes et de tissus sont stipulées dans les lois des provinces et des territoires (et dans le Code civil au Québec).1

Toutes les provinces et tous les territoires, à l’exception de la Nouvelle-Écosse, ont un système fondé sur le consentement explicite (aussi appelé consentement requis). Ceci signifie que le donneur ou une autre personne désignée doit explicitement accorder son consentement. Un donneur possible peut accorder un tel consentement s’il s’inscrit auprès d’un registre provincial de dons d’organes, tels que le Registre de la Régie d’assurance-maladie du Québec, le Registre des consentements au don d’organes et de tissus de la Chambre des notaires du Québec, ou le Réseau Trillium pour le don de vie en Ontario, ou encore s’il signe la carte de don au moment de renouveler sa carte-santé ou son permis de conduire. Le consentement peut aussi être accordé à un moment ultérieur par le patient ou son décideur-remplaçant.

Dans le système de consentement présumé (aussi appelé régime de refus) qui, au Canada, n’existe actuellement qu’en Nouvelle-Écosse2, on peut consigner le consentement ou le refus dans le registre provincial des donneurs, qui doit être consulté avant toute activité de transplantation. Si une personne n’a pas inscrit de décision dans le registre provincial et qu’elle était âgée de 19 ans ou plus et remplissait certaines autres conditions avant son décès, on présumera qu’elle a consenti. Lorsque le décideur-remplaçant du patient dispose de renseignements qui amèneraient une personne raisonnable à conclure que le patient aurait pris une décision différente de la décision présumée ou de celle inscrite au registre, le décideur-remplaçant peut consentir au don ou refuser celui-ci au nom du patient.

Dans plusieurs provinces et territoires, la loi permet aussi aux membres de la famille et aux décideurs-remplaçants d’accorder un consentement au moment du décès ou lorsque la mort est imminente. De façon générale, le consentement peut être accordé par le plus proche parent ou par des personnes désignées dans certaines conditions comme, par exemple, lorsque personne n’a connaissance du fait que le donneur aurait refusé d’accorder son consentement.3

Consentement présumé (implicite) et déclaration obligatoire

Pour accroître l’approvisionnement en organes, certains intervenants plaident en faveur d’un système fondé sur le consentement présumé (implicite) ou d’un système fondé sur la déclaration obligatoire. Dans un régime de consentement présumé, on estime qu’une personne a accordé son consentement, à moins qu’elle n’ait consigné son refus dans un registre, que l’on puisse prouver qu’elle aurait pris une autre décision ou que des exceptions particulières ne s’appliquent. Un système fondé sur la déclaration obligatoire signifie que tous les citoyens doivent déclarer s’ils désirent faire un don d’organes.

Admissibilité d’un donneur d’organes et de tissus

Il est toujours difficile pour les médecins et les organismes d’approvisionnement en organes de chercher à réduire les obstacles aux dons d’organes et de tissus dans le but de réduire l’écart entre l’offre et la demande. Alors que la réglementation canadienne4 fait état de nombreuses contre-indications5 aux dons d’organes et de tissus, telles que la présence d’infections et de troubles neurologiques particuliers, elle permet que certaines exceptions soient faites au cas par cas. En effet, une étude récente a permis d’établir qu’environ un tiers des donneurs décédés en Ontario représentait de telles exceptions.6 Leur admissibilité est normalement déterminée par l’organisme d'approvisionnement en organes et la décision de procéder revient finalement aux médecins responsables des transplantations.

Les médecins peuvent être assujettis à d’autres obligations. En Alberta, par exemple, les médecins qui confirment un décès sont tenus de déterminer et de documenter au dossier du patient si les organes de la personne décédée sont médicalement adéquats pour la transplantation.7 Pour obtenir plus de précisions à cet égard, les médecins devraient consulter les lignes directrices du Collège ainsi que les politiques telles que celle de l’Association médicale canadienne sur « Les dons et les transplantations d’organes et de tissus ».8 Par ailleurs, certains registres provinciaux et organismes d’approvisionnement en organes offrent des ressources et des conseils de spécialistes du domaine de la transplantation; dans de nombreux hôpitaux, des médecins spécialisés dans ce domaine peuvent aussi être consultés.

Soins prodigués de bonne foi

Les lois provinciales sur les dons d’organes et de tissus dégagent les médecins de toute responsabilité civile s’ils agissent de bonne foi et sans négligence ou faute professionnelle dans le prélèvement de tissus en vue d’un don post-mortem. Ces lois se fondent sur le principe général voulant que les médecins ne soient pas tenus responsables s’ils respectent la norme de pratique qui s’applique dans les circonstances, en fonction des connaissances médicales et des pratiques en cours à ce moment-là.

Communication avec le donneur et sa famille

Les médecins devraient offrir aux donneurs éventuels des renseignements utiles et facilement compréhensibles sur le don d’organes et de tissus. Il est préférable que ces renseignements soient fournis dans le cadre du continuum des soins du patient, avant qu’une crise ne nécessite une décision urgente ou que l’aptitude du patient à consentir ne soit compromise. 8 De tels renseignements peuvent normalement comprendre ce qui suit : les avantages et les risques du don et de la transplantation, les procédures suivies pour établir la mort, les examens visant à déterminer l’admissibilité du donneur d’organes et de tissus pour la transplantation, les mesures pouvant être requises pour préserver la fonction des organes jusqu’à la détermination du décès, ce qui adviendra de la dépouille après déclaration du décès, les organes ou tissus faisant l’objet d’un don et le protocole à suivre en cas d’objections soulevées par la famille.8

Les médecins devraient encourager les donneurs éventuels à discuter de leur choix avec leur famille ou avec leur décideur-remplaçant. Une telle mesure peut offrir une plus grande certitude et éviter d’éventuels conflits.

Lorsqu’un patient décède, il est de mise d’appeler la personne responsable des dons d’organes de l’hôpital, qui a accès au registre des donneurs et qui peut bien communiquer à la famille l’information au sujet du processus. Il a en effet été démontré que le fait de communiquer efficacement avec la famille, tout au long du processus d’obtention du consentement, a amélioré le taux d’autorisation de don d’organes et de tissus, de même que l’expérience dans son ensemble.9 Il peut être utile, lorsque l’on cherche à obtenir le consentement de la famille en l’absence d’un consentement explicite du donneur, de se rappeler que les familles sont plus susceptibles d’entretenir des regrets pour avoir refusé de faire don des organes et tissus de leur être cher que des remords pour avoir accordé leur permission.10

Toutefois, lorsque les volontés du patient sont connues et qu’il n’y a aucune raison de croire que le patient a changé d’avis en ce qui a trait au don, les médecins ne sont pas légalement tenus d’obtenir un consentement supplémentaire auprès de la famille ou du décideur-remplaçant. Même si les membres de la famille et les décideurs-remplaçants sont encouragés à respecter les volontés exprimées par l’être cher, il ne leur est pas toujours facile de parvenir à un consensus. Pour les médecins, il pourrait être imprudent d’aller de l’avant sans d’abord avoir une discussion empreinte de tact et de compréhension avec la famille ou le décideur-remplaçant pour passer en revue les volontés du donneur, et valider le consentement. Une telle discussion contribuera à éviter les désaccords possibles, à aider les proches endeuillés à faire face à la perte de l’être cher, et à réduire les risques de problèmes médico-légaux pour les médecins.

En bref

  • Il est peu probable que les médecins qui agissent de bonne foi et qui sont raisonnablement satisfaits qu’un consentement valide au prélèvement des organes ou tissus d’une personne décédée ait bien été obtenu (ou, en Nouvelle-Écosse, que les conditions aient été remplies pour que le consentement soit présumé) fassent l’objet de problèmes médico-légaux.
  • Il est préférable de présenter des renseignements concernant le don d’organes et de tissus dans le cadre du continuum de soins du patient, avant toute crise nécessitant une décision urgente.
  • Lorsque les volontés d’un patient ne sont pas connues, la loi autorise normalement le plus proche parent à accorder son consentement au don d’organes, ou à refuser ce don, sous réserve de certaines conditions.
  • Lorsque les volontés du patient sont connues, il est possible qu’une discussion avec la famille pour confirmer ces volontés puisse éviter des désaccords possibles et des problèmes médico-légaux pour les médecins.

Références

  1. Arts 10-11 CcQ.
  2. Human Organ and Tissue Donation Act, Chapter 6, Acts of 2019. Disponible : https://nslegislature.ca/sites/default/files/legc/PDFs/annual%20statutes/2019%20Spring/c006.pdf
  3. Par exemple, en Alberta, la Human Tissue and Organ Donation Act, SA 2006, c H-14.5 ; en Ontario, la Loi sur le Réseau Trillium pour le don de vie, LRO 1990, c H20.
  4. Canada. Règlement sur la sécurité des cellules, tissus et organes humains destinés à la transplantation, (DORS/2007-118). Gazette du Canada, partie II. 27 juin 2007. 141(13) : 1216-1274
  5. Association canadienne de normalisation. CAN/CSA-Z900.1-F12 - Cellules, tissus et organes destinés à la transplantation : Exigences générales. Ottawa: CSA, 2012
  6. Donneurs décédés potentiels au Canada [En ligne]. Ottawa: Institut canadien d’information sur la santé; décembre 2014 [cité le 22 mars 2016]. 36 p. Disponible : https://www.cihi.ca/web/resource/fr/organdonorpotential_2014_fr.pdf
  7. Human Tissue and Organ Donation Act, SA 2006, c H-14.5, art 7(1). Disponible : http://www.qp.alberta.ca/documents/Acts/h14p5.pdf
  8. Politique de l’AMC. Les dons et les transplantations d’organes et de tissus. [En ligne]. Ottawa: Association médicale canadienne; 2015 [cité le 22 mars 2016]. 9 p. Disponible : https://www.cma.ca/Assets/assets-library/document/fr/advocacy/PD14-08-f.pdf
  9. Siminoff LA, Traino HM, Genderson, MW. Communicating Effectively About Organ Donation: A Randomized Trial of a Behavioral Communication Intervention to Improve Discussions About Donation. Transplantation Direct [En ligne]. Mars 2015 [cité le 22 mars 2016]. Disponible : http://journals.lww.com/transplantationdirect/Fulltext/2015/03000/Communicating_Effectively_About_Organ_Donation___A.6.aspx#P81 doi: 10.1097/TXD.0000000000000513
  10. Tymstra TJ, Heyink JW, Pruim J, Slooff MJH. Experience of Bereaved Relatives Who Granted or Refused Permission for Organ Donation. Fam Pract [En ligne]. 1992 [cité le 22 mars 2016]; 9 (2): 141-4. Disponible : http://fampra.oxfordjournals.org/content/9/2/141.short doi: 10.1093/fampra/9.2.141

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