Les médecins demandent parfois aux personnes sous leurs soins de prendre des décisions qui dépendent de leur perspective et de leurs circonstances particulières. Une ou un médecin pourrait par exemple proposer un test de dépistage du cancer du poumon à deux personnes qui fument beaucoup. L’une d’elles pourrait interpréter le test comme une occasion d’intervention précoce, tandis que l’autre pourrait considérer le risque de faux positifs comme pouvant lui faire plus de mal que de bien.
Les outils d’aide à la décision peuvent assister vos patient·es à faire leur choix dans des situations où les avantages potentiels ne sont pas clairement définis et où le résultat sera en grande partie déterminé en fonction des préférences et des valeurs de la personne soignée. Alors que les documents d’information générale en matière de santé aident les gens à comprendre une maladie, un diagnostic ou un traitement particulier, les outils d’aide à la décision pour les patient·es sont des ressources vérifiées, fondées sur des données probantes et axées sur des éléments de décision précis.
Ces outils servent dans les situations où les personnes soignées ont besoin d’aide pour réfléchir aux avantages, aux inconvénients, aux probabilités et à la manière dont un traitement ou un test de dépistage pourrait correspondre à leurs valeurs. De tels outils devraient toujours compléter, plutôt que remplacer, une discussion visant à obtenir un consentement libre et éclairé.
Favoriser une prise de décision partagée
Les outils d’aide à la décision peuvent efficacement encourager les patient·es à participer à leurs propres soins.1 Selon le processus de prise de décision partagée, la personne soignée est l’experte de sa propre vie et de ses circonstances, et doit participer activement aux décisions majeures concernant ses soins et traitements. La prise de décision partagée se caractérise par un échange d’information entre la ou le médecin et la personne sous ses soins, plutôt que par un flux d’information à sens unique de la ou du médecin à la personne soignée.
Les outils d’aide à la décision peuvent être efficaces pour faciliter ce flux bidirectionnel d’information et prêter main-forte à la personne soignée dans la prise de décisions difficiles. Ils permettent aux patient·es de mieux comprendre leurs problèmes de santé, d’évaluer leurs risques avec plus de précision et de mieux harmoniser leurs valeurs avec leurs décisions en matière de soins. Bien que le recours à ces outils puisse allonger quelque peu le temps alloué aux rendez-vous, il peut mener à la réduction du nombre de patient·es incapables de prendre une décision et à l’amélioration de la communication médecin-patient·e dans son ensemble.
Exemple de cas : recours à un outil d’aide à la décision en réponse à une patiente souhaitant subir une ostéodensitométrie et entreprendre un traitement
Durant une consultation, une patiente de 65 ans vous avise que sa tante a subi une fracture vertébrale ostéoporotique. La patiente n’a elle-même subi aucune fracture depuis l’âge de 40 ans et ne présente pas d’autres facteurs de risque clinique de fracture. Elle vous confie cependant qu’elle craint de tomber et de se casser la hanche. Elle vous demande s’il serait prudent pour elle de subir une ostéodensitométrie et de commencer à prendre des médicaments prophylactiques.
Vous lui expliquez que le dépistage peut contribuer à réduire le risque de fracture de fragilisation chez les femmes de plus de 65 ans. Vous utilisez un outil d’aide à la décision à l’intention des patient·es pour évaluer son risque de fracture de fragilisation à 10 ans et guider la discussion préalable à son consentement libre et éclairé, en ce qui concerne l’intervention de dépistage et la médication au sujet desquelles elle s’interroge. Cette discussion porte notamment sur les risques possibles du traitement et les bienfaits minimes de celui-ci à son âge, étant donné qu’elle ne présente pas de facteurs de risque clinique.
Après la discussion, la patiente renonce pour le moment à subir une ostéodensitométrie et à entreprendre un traitement prophylactique. Vous vous entendez avec elle pour réévaluer son risque de fracture et la nécessité de subir une ostéodensitométrie lorsqu’elle aura 70 ans. Vous lui remettez ensuite une copie de l’outil d’aide à la décision. Vous consignez dans le dossier de la patiente ce dont vous avez discuté avec elle, en mentionnant l’outil d’aide à la décision que vous avez utilisé et en transcrivant les questions qu’elle vous a posées.
Base de données sur les outils d’aide à la décision pour les patient·es
Il existe des bases de données en ligne reconnues et sophistiquées sur les outils d’aide à la décision pour les patient·es. Le répertoire des outils d’aide à la décision créé par l’Institut de recherche de l’Hôpital d’Ottawa est interrogeable par thème de santé et évalue chaque aide en fonction d’un certain nombre de critères de qualité. Le Mayo Clinic Shared Decision Making National Resource Center (en anglais seulement) propose des outils liés à un certain nombre de problèmes de santé précis, tels que l’ostéoporose et la polyarthrite rhumatoïde. Rappelez-vous que, si vous utilisez un outil provenant d’une source américaine ou internationale, vous devez vous assurer de sa pertinence dans le contexte canadien.
Promotion de soins sécuritaires au moyen d’outils d’aide à la décision
Lorsque vous avez recours à des outils d’aide à la décision pour les patient·es, tenez compte de ce qui suit pour favoriser des soins sécuritaires et réduire les risques médico-légaux.
1. Offrez l’outil d’aide à la décision à la personne sous vos soins dans le cadre d’une discussion continue
En général, il est préférable de fournir à la personne soignée un outil d’aide à la décision dans le cadre d’une discussion sur un traitement ou un dépistage proposé. Cela lui donne le temps de lire le matériel et d’y réfléchir. Lorsque vous lui fournissez l’outil, expliquez à la personne sous vos soins qu’elle aura la possibilité de poser des questions et de discuter pleinement de la décision en question lors de son prochain rendez-vous.
Puisque les outils d’aide à la décision sont souvent remis aux patient·es avant une discussion visant l’obtention d’un consentement libre et éclairé, il convient d’examiner dans chaque cas s’il est approprié de s’en servir avec des personnes qui ne sont pas susceptibles de donner suite à la discussion. Dans de telles situations, des problèmes médico-légaux pourraient survenir si une personne soignée prétend plus tard qu’elle n’est pas allée de l’avant avec un traitement ou un dépistage parce qu’elle n’avait pas compris les renseignements contenus dans l’outil, et parce qu’il n’y a pas eu de discussion préalable au consentement libre et éclairé. Dans tous les cas, consignez au dossier les renseignements que vous avez donnés à la personne soignée, y compris le fait que vous l’avez encouragée à revenir consulter pour vous poser des questions et discuter davantage des choix de traitement.
2. Réservez les outils d’aide à la décision à des circonstances appropriées
Avant d’avoir recours à un outil d’aide à la décision, demandez-vous si la personne sous vos soins comprendra les renseignements qui lui sont présentés dans un outil particulier. Par exemple, un outil pourrait ne pas être approprié s’il existe des barrières linguistiques, un trouble cognitif ou toute autre contrainte empêchant la personne soignée de bien comprendre les renseignements personnels sur sa santé.
3. Assurez le suivi auprès des personnes sous vos soins
Après avoir utilisé un outil d’aide à la décision, évaluez dans quelle mesure les personnes soignées sont à l’aise avec ce qu’elles ont décidé, notamment si elles comprennent bien les renseignements, les risques et les avantages, et si elles ont besoin de réponse à d’autres questions.
Une fois que les personnes sous vos soins ont pris une décision, veillez à la revoir ultérieurement. Cela est particulièrement important si les facteurs de risque de la personne soignée changent, ou si d’autres facteurs ayant influencé sa décision ont changé. La décision d’une personne soignée concernant un dépistage ou un traitement est rarement définitive; elle peut changer en fonction de l’évolution de sa situation.
4. Consignez le fait que vous avez eu recours à un outil d’aide à la décision et conservez une copie du document au besoin
Consignez au dossier tout outil fourni à la personne soignée, la décision de cette dernière et le fait qu’elle a eu la possibilité de poser des questions sur le traitement avant de prendre une décision.
Comme les outils d’aide à la décision pour les patient·es publiés en ligne sont fréquemment mis à jour ou supprimés, pensez à archiver une copie de l’outil précis que vous avez utilisé. Ceci est particulièrement important, car une action en justice concernant une consultation pourrait ne pas être intentée avant des années, et vous pourriez devoir vous rappeler certains aspects particuliers de l’outil en question.
En bref
Les outils d’aide à la décision peuvent être utiles pour guider les patient·es dans le choix d’un traitement ou d’un dépistage qui leur convient. Cependant, il faut se demander si un outil particulier est approprié et utile dans la situation de chaque personne soignée. Ces outils ne remplacent pas les discussions préalables à l’obtention d’un consentement libre et éclairé et ne doivent être utilisés qu’en complément des discussions adaptées aux besoins et aux circonstances de chaque personne soignée. Si vous avez des questions d’ordre général sur l’utilisation des outils d’aide à la décision pour les patient·es, communiquez avec l’ACPM pour obtenir des conseils.
Suggestions de lecture
Référence
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Stacey D et al. Decision aids for people facing health treatment or screening decisions. Cochrane Database of Systematic Reviews, 2024. DOI: 10.1002/14651858.CD001431.pub6.