Les médecins demandent parfois aux patients de prendre des décisions qui dépendent de leur perspective et de leurs circonstances particulières. Un médecin pourrait par exemple proposer un test de dépistage du cancer du poumon à deux fumeurs invétérés. L’un d’eux peut interpréter le test comme une occasion d’intervention précoce, tandis que l’autre peut considérer le risque de faux positifs comme pouvant lui faire plus de mal que de bien.
Les outils d’aide à la décision peuvent assister vos patients à faire leur choix dans des situations où les avantages potentiels ne sont pas clairement définis et où le résultat sera en grande partie déterminé en fonction des préférences et des valeurs du patient. Alors que les documents d’information générale en matière de santé aident les gens à comprendre une maladie, un diagnostic ou un traitement particulier, les outils d’aide à la décision pour les patients sont des ressources vérifiées, fondées sur des données probantes et axées sur des éléments de décision précis.1 Ces outils servent dans les situations où les patients ont besoin d’aide pour réfléchir aux avantages, aux inconvénients, aux probabilités et à la manière dont un traitement ou un test de dépistage pourrait correspondre à leurs valeurs.1 De tels outils devraient toujours compléter, plutôt que remplacer, une discussion visant à obtenir un consentement éclairé.
Favoriser une prise de décision partagée
Les outils d’aide à la décision peuvent efficacement encourager les patients à participer à leurs propres soins. Selon le processus de prise de décision partagée, le patient est l’expert de sa propre vie et de ses circonstances, et doit participer activement aux décisions majeures concernant ses soins et traitements. La prise de décision partagée se caractérise par un échange d’information entre le médecin et le patient, plutôt que par un flux d’information à sens unique du médecin au patient.
Les outils d’aide à la décision peuvent être efficaces pour faciliter ce flux bidirectionnel d’information et prêter main-forte au patient dans la prise de décisions difficiles. Ils permettent aux patients de mieux comprendre leurs problèmes de santé, d’évaluer leurs risques avec plus de précision et de mieux harmoniser leurs valeurs avec leurs décisions en matière de soins. Bien que le recours à ces outils puisse allonger quelque peu le temps alloué aux rendez-vous, il peut mener à la réduction du nombre de patients incapables de prendre une décision et à l’amélioration de la communication médecin-patient dans son ensemble.1
Exemple de cas : Recours à un outil d’aide à la décision dans le cadre d’une demande de dépistage non indiqué
Lors d’une consultation, une patiente âgée de 45 ans vous confie que son amie a reçu un diagnostic de cancer du sein. Votre patiente n’a aucun antécédent familial de cancer du sein, mais elle se dit inquiète de sa santé et vous demande de lui faire passer une mammographie.
Vous savez que les mammographies ont des effets néfastes plus importants que les avantages qu’elles comportent chez les femmes dans la quarantaine qui n’ont pas de risque accru de cancer. Vous voulez toutefois atténuer l’anxiété ressentie par votre patiente. En vous appuyant sur un outil d’aide à la décision,2 vous avez une discussion préalable à l’obtention du consentement éclairé sur les risques associés au dépistage (en particulier les faux positifs et les biopsies inutiles), ainsi que sur l’avantage minimal du dépistage (prévention de moins d’un décès pour 1 000 femmes causé par un cancer du sein).
Votre patiente pense à ce que vous lui avez appris et vous dit avoir besoin de plus de temps pour assimiler cette information. Vous lui demandez de revenir dans deux semaines pour poursuivre la discussion et vous confirmer si elle souhaite toujours subir une mammographie. Vous remettez à votre patiente l’outil d’aide à la décision, vous consignez au dossier que vous y avez eu recours, et vous notez également toute préoccupation précise que la patiente a soulevée.
Base de données sur les outils d’aide à la décision pour les patients
Il existe des bases de données en ligne reconnues et sophistiquées sur les outils d’aide à la décision pour les patients. Le répertoire des outils d’aide à la décision créé par l’Institut de recherche de l’Hôpital d’Ottawa est interrogeable par thème de santé et évalue chaque aide en fonction d’un certain nombre de critères de qualité.3 Le Centre de ressources national sur la prise de décision partagée de la Mayo Clinic propose des outils liés à un certain nombre de problèmes de santé précis, tels que l’ostéoporose et la polyarthrite rhumatoïde.4 Rappelez-vous que, si vous utilisez un outil provenant d’une source américaine ou internationale, vous devez vous assurer de sa pertinence dans le contexte canadien.
Promotion de soins sécuritaires au moyen d’outils d’aide à la décision
Lorsque vous avez recours à des outils d’aide à la décision pour les patients, tenez compte de ce qui suit pour favoriser des soins sécuritaires et réduire les risques médico-légaux.
1. Offrez l’outil d’aide à la décision à votre patient dans le cadre d’une discussion continue
En général, il est préférable de fournir à votre patient un outil d’aide à la décision dans le cadre d’une discussion sur un traitement ou un dépistage proposé. Cela lui donne le temps de lire le matériel et d’y réfléchir. Lorsque vous lui fournissez l’outil, expliquez à votre patient qu’il aura la possibilité de poser des questions et de discuter pleinement de la décision en question lors de son prochain rendez-vous.
Puisque les outils d’aide à la décision sont souvent remis aux patients avant une discussion visant l’obtention d’un consentement éclairé, il convient d’examiner dans chaque cas s’il est approprié de s’en servir avec des patients qui ne sont pas susceptibles de donner suite à la discussion. Dans de telles situations, des problèmes médico-légaux pourraient survenir si un patient prétend plus tard qu’il n’est pas allé de l’avant avec un traitement ou un dépistage parce qu’il n’avait pas compris les renseignements contenus dans l’outil, et parce qu’il n’y a pas eu de discussion préalable au consentement éclairé. Dans tous les cas, consignez au dossier les renseignements que vous avez donnés au patient, y compris le fait que vous l’avez encouragé à revenir consulter pour vous poser des questions et discuter davantage des choix de traitement.
2. Réservez les outils d’aide à la décision à des circonstances appropriées
Avant d’avoir recours à un outil d’aide à la décision, demandez vous si le patient comprendra les renseignements qui lui sont présentés dans un outil particulier; p. ex. un outil pourrait ne pas être approprié s’il existe des barrières linguistiques ou un trouble cognitif. Les outils peuvent également être inefficaces lorsqu’un patient a un faible niveau de connaissances en matière de santé. Une étude portant sur près de 100 outils d’aide à la décision a révélé que seuls trois d’entre eux avaient été conçus pour des patients ayant un faible taux de littératie en matière de santé, et qu’il fallait des outils plus adaptés pour répondre aux besoins de ce groupe.5
3. Assurez le suivi auprès de vos patients
Après avoir utilisé un outil d’aide à la décision, évaluez dans quelle mesure les patients sont à l'aise avec ce qu’ils ont décidé, notamment s’ils comprennent bien les renseignements, les risques et les avantages, et s’ils ont besoin de réponse à d’autres questions.5
Une fois que les patients ont pris une décision, veillez à la revoir ultérieurement. Cela est particulièrement important si les facteurs de risque du patient changent, ou si d’autres facteurs ayant influencé la décision du patient ont changé. La décision d’un patient concernant un dépistage ou un traitement est rarement définitive; elle peut changer en fonction de l’évolution de sa situation.6
4. Consignez le fait que vous avez eu recours à un outil d’aide à la décision et imprimez le document au besoin
Consignez au dossier tout outil fourni au patient, la décision de ce dernier et le fait qu’il a eu la possibilité de poser des questions sur le traitement avant de prendre une décision.
Comme les outils d’aide à la décision pour les patients publiés en ligne sont fréquemment mis à jour ou supprimés, pensez à archiver une copie de l’outil précis que vous avez utilisé. Ceci est particulièrement important, car une action en justice concernant une consultation pourrait ne pas être intentée avant des années, et vous pourriez devoir vous rappeler certains aspects particuliers de l’outil en question.
En bref
Les outils d’aide à la décision peuvent être utiles pour guider les patients dans le choix d’un traitement ou d’un dépistage qui leur convient. Cependant, il faut se demander si un outil particulier est approprié et utile dans la situation de chaque patient. Ces outils ne remplacent pas les discussions préalables à l’obtention d’un consentement éclairé et ne doivent être utilisés qu’en complément des discussions adaptées aux besoins et aux circonstances de chaque patient. Si vous avez des questions d’ordre général sur l’utilisation des outils d’aide à la décision pour les patients, communiquez avec l’ACPM pour obtenir des conseils.
Références
- Stacey D, Légaré F, Lewis K, et al. Decision aids for people facing health treatment or screening decisions. Cochrane Database Syst Rev. 2017;4(4). DOI:10.1002/14651858.CD001431.pub5
- À titre d’exemple, consultez : Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs. Cancer du sein (mise à jour) – Outil de dépistage auprès de 1000 personnes.
- Institut de recherche de l’Hôpital d’Ottawa. Outils d’aide à la décision pour les patients.
- Mayo Clinic. Mayo Clinic Shared Decision Making National Resource Center.
- McCaffery KJ, Holmes-Rovner M, Smith SK, et al. Addressing health literacy in patient decision aids. BMC Med Inform Decis Mak 2013;13(Suppl2):S10. DOI https://doi.org/10.1186/1472-6947-13-S2-S10
- Grad R, Légaré F, Bell NR, et al. Shared decision making in preventive health care: What it is; what it is not. Can Fam Physician, 2017;63(9) 682-84