Demandes soumises par les organismes de réglementation enquêtant sur d’autres prestataires de soins
Il arrive que les médecins reçoivent des demandes d’information concernant d’autres prestataires de soins (p. ex. membre du personnel infirmier ou autre médecin) dans le cadre d’une enquête menée par leur organisme de réglementation de la médecine (Collège). On peut par exemple leur demander des renseignements en tant que médecins traitants de la personne sous enquête, en tant que témoins de la conduite de cette personne ou encore pour valider les soins ou les déclarations d’autres prestataires de soins. Il ne faut pas confondre ce type de requêtes avec celles par lesquelles on demande aux médecins d’agir à titre d’expertes ou d’experts dans des cas de plainte au Collège.
Les médecins qui communiquent avec l’ACPM dans ces circonstances se demandent souvent s’ils doivent coopérer à l’enquête de leur Collège et, le cas échéant, quels sont les renseignements qu’ils peuvent divulguer.
Obligation de coopérer
Lorsqu’ils sont tenus de répondre à une demande d’information de leur Collège, que ce soit en vertu de la loi ou par ordonnance du tribunal, les médecins doivent généralement s’exécuter dans les plus brefs délais. Comme les dispositions législatives peuvent varier d’une province et d’un territoire à l’autre – sans compter que les détails d’une ordonnance du tribunal sont bien souvent fondés sur les faits en cause –, les membres ne doivent pas hésiter à solliciter les conseils de l’ACPM avant de répondre à une demande de cette nature.
Dans certaines provinces et certains territoires, les lois encadrant les professions de la santé exigent des médecins qu’ils coopèrent avec les enquêtes ou les inspections d’un Collège, même s’ils ne sont pas membres du Collège en question. Par exemple, en Ontario, la Loi sur les professions de la santé réglementées stipule que les membres de ces professions ont le devoir de collaborer avec le personnel d’enquête d’un ordre.1 De même, à Terre-Neuve-et-Labrador, la Medical Act dicte aux médecins de donner suite aux demandes de renseignements et de documents qui leur sont présentées dans le cadre d’une enquête portant sur un autre membre du corps médical.2 Une exigence du même type est enchâssée dans la Registered Nurses Act et la Health Professions Act de cette province : elle précise que quand les médecins reçoivent une demande de la part d’un Collège faisant enquête sur une ou un membre d’une profession de la santé réglementée – membre du personnel infirmier, sage-femme ou autre –, ils doivent obtempérer.3
Certaines lois assimilent à une faute professionnelle le fait de ne pas coopérer avec un Collège4 ou, plus précisément, avec une enquêteuse ou un enquêteur qui réclame des dossiers ou des renseignements.5 Et quand le personnel d’enquête des Collèges réclame de l’information, comme la loi l’y autorise, les médecins doivent éviter d’entraver son travail : le contraire peut en effet être considéré comme une infraction à la loi.6
Dans certains contextes, le Collège peut obtenir une ordonnance du tribunal pour contraindre la ou le médecin à fournir les renseignements; il peut aussi émettre un subpœna l’obligeant à se présenter à une audience avec les dossiers pertinents et à témoigner.7 Les médecins qui reçoivent un subpœna devraient consulter l’ACPM et lire l’article Un subpœna – Quelles sont les obligations des médecins?
Obligation de confidentialité
Certains médecins traitent d’autres prestataires de soins et pourraient, à ce titre, être invités par un Collège à fournir des renseignements sur ces patients. Dans ces circonstances, le premier élément à prendre en compte devrait être l’obligation de confidentialité des médecins envers leurs patients.
Les médecins doivent savoir que lorsqu’ils sont tenus de divulguer des renseignements sur une patiente ou un patient en vertu des lois applicables sur les professions de la santé ou d’une ordonnance du tribunal, ils sont généralement dégagés des obligations de confidentialité et de protection des renseignements personnels qui les lient à la personne sous leurs soins; dès lors, le consentement de cette personne n’est pas requis. Cela dit, pour préserver la confiance de la patiente ou du patient – et si la situation s’y prête –, il y a lieu de l’informer de la requête qui vous a été présentée et de votre obligation de fournir les renseignements exigés. Dans des circonstances où ils n’ont aucune obligation légale de divulguer des renseignements médicaux personnels au Collège qui en fait la demande, les médecins demeurent soumis à leur obligation de confidentialité. Le cas échéant, il est raisonnable de confirmer que le personnel d’enquête a obtenu le consentement explicite de la patiente ou du patient à ce que les renseignements soient divulgués.8
Dans toute situation où des renseignements médicaux personnels sont divulgués, il y a lieu de consigner l’information suivante au dossier de la patiente ou du patient : la nature de la demande, la confirmation que le consentement a été obtenu ou que la divulgation est légalement autorisée, et les renseignements précis qui ont été divulgués.
Répondre à une demande
Les médecins devraient divulguer uniquement les renseignements requis pour se conformer à la demande ou à l’ordonnance en question. Par exemple, il n’y a pas lieu de fournir une copie de tout le dossier médical si on réclame uniquement de l’information sur un enjeu précis. Cette approche teintée de prudence est particulièrement recommandée chez les médecins traitants : s’ils fournissent plus d’information qu’on leur en demande, ils pourraient s’exposer à un risque de plainte concernant la protection des renseignements personnels, de plainte au Collège ou de poursuite civile.
Pour veiller à ce que seuls des renseignements pertinents soient divulgués (avec l’autorisation requise), n’hésitez pas à demander au personnel d’enquête de circonscrire la nature et la portée des renseignements requis. Quelle est la période visée? L’enquête porte-t-elle sur des problèmes de santé ou des consultations en particulier? Voilà des questions qui revêtent une importance cruciale quand les dossiers pertinents renferment des renseignements potentiellement délicats (p. ex. lorsqu’ils traitent de problèmes de santé mentale ou de toxicomanie). S’il s’avère que ces renseignements délicats sont effectivement visés par la demande d’information, veillez à ce que la patiente ou le patient comprenne que les renseignements en question seront divulgués.
Si le Collège communique avec vous, donnez suite à ses requêtes promptement et de façon courtoise. Quand le personnel d’enquête vous interroge, il est important de répondre précisément et factuellement à ses questions et d’éviter de vous livrer à des conjectures. Nous encourageons les membres de l’ACPM qui sont appelés à témoigner à une audience à consulter l’article de l’ACPM Un témoignage efficace : ce que cela implique et à communiquer avec l’Association pour obtenir plus de conseils.
Conservez tous les échanges que vous avez avec le Collège au sujet de la demande, y compris des détails sur les renseignements divulgués. Si la demande se rapporte à une ou un membre de votre patientèle, cette documentation doit être consignée dans son dossier médical. Autrement, les renseignements doivent être versés dans un dossier personnel pour consultation future.
En bref
Quand un Collège leur adresse une demande de renseignements au sujet d’autres prestataires de soins sous enquête, les médecins devraient tenir compte des éléments suivants :
- La loi ou une ordonnance du tribunal peut obliger une ou un médecin à se soumettre à la demande du Collège, même si la personne sous enquête fait partie de sa patientèle et que la ou le médecin n’est pas membre du Collège sollicitant les renseignements.
- Demandez à l’enquêteuse ou l’enquêteur quels sont les motifs de la demande et si la divulgation est autorisée (p. ex. par le consentement explicite de la patiente ou du patient, par une ordonnance du tribunal ou en vertu d’une obligation législative à coopérer).
- Quand vous transmettez des renseignements ou des dossiers, divulguez uniquement l’information pertinente en vous assurant que vous avez l’autorisation de le faire. Si les paramètres de la demande ne sont pas clairs, informez-vous auprès du personnel d’enquête pour éclaircir le tout.
- Répondez de façon exacte et objective, sans délai. Abstenez-vous de vous livrer à des conjectures.
- Conservez tous les échanges que vous avez avec le Collège au sujet de la demande.
- Communiquez avec l’ACPM si vous recevez une demande de documents ou de renseignements de la part d’un Collège, si on vous demande de témoigner à une audience dans un dossier impliquant une ou un autre prestataire de soins, ou si vous avez des préoccupations à l’égard des soins que vous avez prodigués, le cas échéant, à la personne sous enquête.
Notes
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Ontario, Code des professions de la santé de la Loi de 1991 sur les professions de la santé réglementées, L.O. 1991, ch. 18, art. 76(3.1). Voir aussi : Manitoba, Loi sur les professions de la santé réglementées, C.P.L.M., ch. R117, art. 99(3), Code des professions du Québec, RLRQ, ch. C-26, art. 114.
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Terre-Neuve-et-Labrador, Medical Act, SNL 2011, ch. M-4.02, art. 44(7). Voir aussi : Territoires du Nord-Ouest, Medical Profession Act, SNWT 2010, ch. 6, art. 60(3).
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Terre-Neuve-et-Labrador, Registered Nurses Act, 2008, SNL 2008, ch. R-9.1, art. 23(4)(b); Health Professions Act, SNL 2010, ch. H-1.02, art. 38(5)(b).
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Voir : Île-du-Prince-Édouard, Medical Practitioners Regulations, PEI Reg EC843/21, art. 34(1)(aa).
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Voir : Manitoba, Loi sur les professions de la santé réglementées, C.P.L.M., ch. R117, arts 100(2); Alberta, Health Professions Act, RSA 2000, ch. H-7, art. 1(1)(pp); Île-du-Prince-Édouard, Regulated Health Professions Act, RSPEI 1988, ch. R-10.1, art. 47(4).
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Voir p. ex. : Colombie-Britannique, Health Professions Act, RSBC 1996, ch. 183, art. 31; Manitoba, Loi sur les professions de la santé réglementées, C.P.L.M., ch. R117, arts 100(5); Nouvelle-Écosse, Medical Act, SNS 2011, ch. 38, art. 38(3).
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Voir : Alberta, Health Professions Act, RSA 2000, ch. H-7, art. 53.3(1) et Ontario, Code des professions de la santé de la Loi de 1991 sur les professions de la santé réglementées, L.O. 1991, ch. 18, art. 76(1).
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Au Québec, les membres d’une profession de la santé réglementée qui font l’objet d’une enquête de leur ordre (Collège) n’ont pas le droit de refuser d’autoriser une ou un autre membre d’une profession de la santé – y compris leur propre médecin – à collaborer avec une inspectrice ou un inspecteur ou à divulguer sur demande des renseignements au sujet de la personne sous enquête : Code des professions, RLRQ, ch. C-26, art. 114.