Le devoir de diligence des médecins est habituellement ancré dans la relation médecin-patient. Cette relation repose sur la confiance et est considérée, aux yeux de la loi, comme une relation fiduciaire : autrement dit, les médecins ont l’obligation d’agir de bonne foi et avec loyauté, et ne peuvent laisser leurs intérêts personnels interférer avec leurs obligations professionnelles.1
Le devoir de diligence s’inscrit généralement dans le contexte d’une relation médecin-patient traditionnelle. Cela dit, les médecins peuvent aussi avoir un devoir de diligence envers une patiente ou un patient après avoir donné des conseils à des collègues – que ce soit dans un cadre structuré ou non – même si la personne en question n’a pas été vue.
Conseils en matière de bonnes pratiques
Dans les provinces et territoires régis par la common law, le devoir de diligence qui incombe aux médecins émane généralement de la relation médecin-patient. Au Québec, ce devoir découle du régime général de responsabilité civile. Lorsqu’une relation médecin-patient est établie, les médecins ont un devoir de diligence, c’est-à-dire l’obligation de prodiguer des soins en fonction des exigences de la situation et de ce qu’il est raisonnablement possible de faire dans les circonstances.
Selon la loi, le devoir de diligence regroupe l’obligation de porter assistance, de poser un diagnostic, de demander les consultations qui s’imposent, de prodiguer des soins et d’informer.1 Cela exige des médecins, sans s’y limiter, qu’ils :
- agissent dans l’intérêt des patientes et patients;
- exercent un degré raisonnable de diligence, d’habileté et de jugement pour poser un diagnostic;
- prodiguent des soins conformément aux normes de pratique actuelles;
- informent les patientes et patients de leurs options (examens, traitements et suivi);
- s’assurent que les patientes et patients connaissent les signes et les symptômes qui évoquent des
- orientent les patientes et les patients vers des spécialistes ou demandent une consultation si de l’aide est nécessaire pour poser un diagnostic, en l’absence d’une réponse au traitement ou lorsque le traitement nécessaire excède leur expertise en tant que médecins traitantes ou traitants;
- élaborent un plan de suivi lorsqu’il leur est impossible de poursuivre le traitement.
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Pour déterminer si les médecins ont manqué à leur devoir de diligence envers une patiente ou un patient, les tribunaux se fondent sur la norme de pratique, qui est définie par le degré de prudence et de compétence auquel on est en droit de s’attendre de la part d’une praticienne ou d’un praticien consciencieux de même expérience et de même réputation.2 Cela signifie qu’on ne s’attend pas à une norme de perfection, mais à une norme de conduite raisonnable.
Les tribunaux ont également reconnu qu’ils doivent se garder de juger les médecins rétrospectivement. La norme appropriée est donc établie en fonction des circonstances et de la norme de pratique raisonnable qui avait cours au moment de la présomption de négligence ou de faute professionnelle.
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Les listes d’attente ont longtemps fait partie du système de santé canadien, et la pandémie de la COVID-19 n’a fait que les prolonger. Ne pas toujours pouvoir prodiguer des soins de la qualité escomptée en raison de ressources limitées est un facteur de stress pour les médecins, que vient exacerber la difficile gestion des listes d’attente. Les tribunaux et les organismes de réglementation de la médecine (Collèges) des provinces et territoires reconnaissent que les médecins ne peuvent prodiguer de soins lorsque ceux-ci sont tributaires de ressources qui n’existent tout simplement pas. Un tribunal de l’Ontario a par exemple établi ce qui suit : « […] on ne peut raisonnablement s’attendre à ce qu’un médecin puisse fournir des soins qui ne sont pas disponibles ou qui sont à peu près impossibles à prodiguer en raison de la rareté des ressources. »3
Il n’y a pas de solution magique pour résoudre les dilemmes qui découlent du manque de ressources ni pour raccourcir les listes d’attente. Les médecins peuvent néanmoins prendre des mesures pour gérer les pénuries et, ce faisant, atténuer le risque de préjudices et réduire au minimum les risques médico-légaux. Les principaux principes à cet égard sont les suivants :
- agir dans l’intérêt des patientes et patients;
- considérer qu’en contexte de pénurie de ressources, les tribunaux et les Collèges s’attendent à ce que les médecins prodiguent des soins raisonnables, et non parfaits.
La prestation de soins repose sur une bonne communication entre les médecins traitantes et traitants, les consultantes et consultants ainsi que les personnes sous leurs soins. De nombreux Collèges ont publié des directives précises pour établir qui doit suivre les patientes et patients inscrits sur une liste d’attente.
Certains Collèges ont des attentes bien définies à l’égard des médecins qui effectuent des demandes de consultation. Par exemple, ils peuvent exiger la mise en place d’un système de suivi des demandes ou encore que des renseignements précis soient inclus aux demandes. Les médecins traitantes et traitants devraient informer les personnes sous leurs soins des signes et des symptômes exigeant une nouvelle évaluation ou une visite à l’urgence. Avant la consultation, il est également utile de communiquer avec les consultantes et consultants pour clarifier les rôles mutuels.
Les médecins devraient consigner au dossier les renseignements suivants, qui témoignent du caractère raisonnable des soins prodigués avant la consultation :
- les étapes à suivre avant la consultation ayant été expliquées aux patientes et patients (p. ex. les signes et symptômes à surveiller qui peuvent exigent une nouvelle évaluation ou une visite à l’urgence);
- les efforts déployés pour obtenir des soins;
- les mesures prises pour surveiller l’évolution de l’état de santé;
- les communications avec les consultantes et consultants.
Nombre de Collèges ont également des attentes à l’égard des consultantes et consultants, notamment en ce qui concerne les délais précis pour informer les médecins traitantes et traitants de leur décision de rencontrer, ou non, les patientes et patients. Les politiques des Collèges stipulent généralement que les spécialistes doivent prendre en compte un certain nombre de facteurs pour décider d’accepter ou non une demande de consultation, notamment :
- l’urgence et l’indication clinique;
- les temps d’attente actuels;
- leur champ d’exercice et leur compétence clinique;
Pour éviter, autant qu’il est possible, que des personnes dont l’état de santé se détériore restent sur une liste d’attente sans être rencontrées, les consultantes et consultants devraient informer tant les patientes et patients que leur médecin traitant du temps d’attente prévu. Il est également opportun de leur indiquer avec qui communiquer en cas de détérioration de l’état de santé.
Pour obtenir de plus amples renseignements sur la gestion des listes d’attente, consultez la section Les temps d’attente en contexte de pénurie de ressources des Bonnes pratiques de l’ACPM.
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Il est probable que l’on considère que les médecins qui travaillent à l’urgence ont établi une relation médecin-patient après avoir procédé à l’évaluation initiale d’une personne, pris une décision clinique concernant l’acuité de son état, demandé des examens ou entamé un traitement (y compris ceux délégués par une ordonnance permanente ou une directive médicale), et qu’un devoir de diligence leur incombe donc.
Les médecins ont également un devoir de diligence envers une patiente ou un patient pour lequel ils ont été informé d’un retard dans le transfert des soins ambulanciers. En général, on s’attend des médecins à une conduite raisonnable et dans l’intérêt des personnes qui requièrent des soins. Un Collège ou un tribunal tiendra généralement compte des circonstances difficiles, mais pourra juger inacceptable que des médecins laissent une personne aux seuls soins du personnel ambulancier sachant que l’état de cette personne nécessite une intervention clinique plus poussée.
Les médecins qui travaillent à l’urgence et qui constatent des retards dans le transfert des soins ambulanciers doivent envisager ce qui suit :
- encourager une communication efficace au sein de l’équipe de soins pour assurer une bonne conscience situationnelle;
- promouvoir un environnement où chaque membre de l’équipe, y compris le personnel ambulancier prodiguant des soins aux personnes qui attendent un lit, se sent à l’aise et s’exprime lorsque l’état de santé d’une personne change;
- connaître les politiques de leur urgence et de leur établissement de santé ainsi que celles de leur organisme de réglementation de la médecine (Collège);
- appuyer son équipe dans l’élaboration de protocoles pour la prise en charge efficace des personnes victimes de retards dans le transfert des soins ambulanciers. Ces protocoles peuvent porter, entre autres, sur les éléments suivants :
- communication entre les membres de l’équipe;
- rôles et responsabilités des membres des différentes professions de la santé en cas de retards dans le transfert des soins ambulanciers;
- consignation au dossier des résultats des évaluations et de l’évolution clinique;
- procédures de triage à suivre en cas de changement dans l’état de santé d’une personne.
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Les médecins peuvent avoir un devoir de diligence après avoir prodigué des conseils ou émis une opinion au sujet de patientes et de patients dans le cadre d’une discussion informelle avec des collègues.
Pour déterminer s’il existe un devoir de diligence dans de telles circonstances, il faut vérifier si les médecins savaient ou ont cherché à savoir si les conseils fournis serviraient à prendre une décision clinique au sujet des soins. Dans l’éventualité où les conseils seraient remis en question, les tribunaux examineront les faits pour déterminer si les médecins avaient un devoir de diligence, et ils évalueront la conduite des médecins en fonction de la norme de pratique généralement adoptée par des médecins prudents et possédant une expérience semblable.2
Les médecins qui donnent des conseils, que ce soit en personne, au téléphone ou par voie électronique, devraient tenir compte de leur possible devoir de diligence et :
- s’assurer de disposer des renseignements cliniques nécessaires pour répondre à la question et, dans le cas contraire, poser des questions, revoir d’autres documents, le cas échéant, et proposer de rencontrer la patiente ou le patient, si cela est approprié et possible, avant d’émettre une opinion;
- consigner au dossier les renseignements fournis et revus, ainsi que le conseil émis (voir la section « Tenue des dossiers » ci-dessous);
- dans les cas où il est impossible d’avoir accès au dossier médical, utiliser un système pour consigner dans leurs propres dossiers confidentiels le nom de la personne à qui le conseil a été fourni, la date et l’heure de la discussion, les renseignements reçus et le conseil émis;
- consulter l’hôpital ou l’établissement de santé, s’il y a lieu, ainsi que leur Collège, qui pourraient avoir des politiques ou des protocoles à respecter quant à la tenue des dossiers dans de telles circonstances.
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Les organismes de réglementation (Collèges) provinciaux et territoriaux considèrent généralement que la prestation de services médicaux d’urgence aux personnes qui requièrent des soins relève du devoir déontologique des médecins. De plus, d’après le Code d’éthique et de professionnalisme4 de l’Association médicale canadienne, il est indiqué qu’une ou un médecin devrait « soigner au mieux de ses capacités toute personne ayant un besoin urgent de soins médicaux. » Au Québec, le Code de déontologie des médecins est inscrit dans la loi et comporte des exigences similaires.5
Au Canada, la plupart des provinces et territoires n’imposent pas aux médecins le devoir ou l’obligation légale de prodiguer des soins médicaux d’urgence. Cependant, l’ensemble de ces provinces et territoires ont des lois protégeant les médecins qui fournissent volontairement une assistance sur les lieux d’un accident ou dans une situation d’urgence. Le Québec est la seule province qui impose aux médecins l’obligation légale de venir en aide à une personne dont la vie est en danger dans une situation d’urgence. Le Code civil du Québec prévoit une protection contre la responsabilité civile des médecins pour ces soins.
Bien que les lois varient d’une province et d’un territoire à l’autre, il est peu probable qu’un tribunal quelconque critique la conduite de médecins qui ont, en toute bonne foi, traité une personne nécessitant des soins médicaux urgents. L’ACPM n’a pas connaissance de procédures engagées contre des médecins canadiens devant des tribunaux canadiens ou étrangers pour négligence ou faute professionnelle dans des soins médicaux d’urgence prodigués à titre de bon Samaritain.
Lorsque des membres de l’ACPM prodiguent des soins d’urgence à titre de bons Samaritains, l’ACPM les considère généralement admissibles à son assistance, peu importe l’endroit où les soins d’urgence ont été prodigués – au Canada, dans d’autres pays, ou encore dans les eaux ou l’espace aérien internationaux – et qu’ils aient été prodigués à des personnes résidant ou non au Canada. En outre, les médecins à la retraite qui étaient membres de l’ACPM et qui agissent en bons Samaritains sont également admissibles à l’assistance de l’ACPM; il n’est pas nécessaire de maintenir leur adhésion à l’ACPM simplement en raison de cette possibilité.
Dès que possible après l’urgence, les médecins devraient consigner leur intervention et les motifs de leurs décisions. Il leur est possible, par exemple, de consigner les renseignements dans les dossiers médicaux de la compagnie aérienne si les soins ont été prodigués dans un avion, mais également dans leurs propres dossiers confidentiels. Si les renseignements sont consignés dans d’autres dossiers, comme ceux de la compagnie aérienne, il est judicieux pour les médecins d’en conserver une copie dans leurs propres dossiers médicaux confidentiels.
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Les dossiers médicaux sont la pierre angulaire des soins et de la sécurité des patients, et ils témoignent des soins prodigués ou des conseils fournis. Les interventions cliniques doivent être consignées au dossier le plus rapidement possible), de manière objective et en se fondant sur les faits.
En général, il relève de la bonne pratique de consigner au dossier les renseignements concernant les communications avec les patientes et patients ainsi qu’avec les autres membres des différentes professions de la santé, y compris les communications téléphoniques, par courriel ou par une autre plateforme numérique. Les médecins devraient connaître les politiques relatives à la tenue des dossiers de l’organisme de réglementation (Collège) de leur province ou territoire, de même que celles de l’hôpital ou de l’établissement de santé. Vous trouverez d’autres renseignements sur la tenue des dossiers dans la section Tenue des dossiers des Bonnes pratiques de l’ACPM.
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