6 minutes
Publié : novembre 2023
À la fin de l’année 2022, l’ACPM comptait parmi ses membres 5 784 urgentologues ou médecins de famille travaillant principalement à l’urgence (code de travail 82). En moyenne, sur une période de 5 ans (2018-2022)1, 24,3 % des médecins d’urgence ont été cités dans un nouveau dossier médico-légal (action en justice ou plainte auprès d’un Collège ou d’un hôpital), et 11,7 % ont été cités dans au moins deux nouveaux dossiers.
Aussi, d’après la moyenne de chacune des années pour cette période de 5 ans, 9,7 % ont été cités dans un nouveau dossier médico-légal et 1,2 %, dans au moins deux nouveaux dossiers médico-légaux.
Les graphiques ci-dessous présentent une comparaison des tendances observées sur une période de 10 ans entre les dossiers médico-légaux ciblant les médecins d’urgence (code de travail 82) et les autres membres de l’ACPM.
Quels sont les risques relatifs de problème médico-légal chez les médecins d’urgence?
Dans les dernières années, les médecins d’urgence ont affiché un taux de plaintes au Collège2 invariablement plus élevé que celui de l’ensemble des membres de l’ACPM.
De même, sur une période de 10 ans, le taux d’actions en justice était nettement plus élevé chez les médecins d’urgence que chez l’ensemble des membres de l’ACPM.
Outre les urgentologues, certains médecins de famille (codes de travail 73, 78 et 79) prodiguent également des soins à l’urgence. Dans les 5 dernières années (2018-2022), l’ACPM a conclu 1 892 dossiers mettant en cause des urgentologues ou des médecins de famille travaillant à l’urgence.
Quelles sont les plaintes le plus souvent émises par les patients et les critiques le plus couramment formulées par les experts?3 (n = 1 892)
Évaluation déficiente |
62 |
28 |
Erreur de diagnostic |
52 |
43 |
Retard ou manquement à faire un test |
31 |
21 |
Comportement non professionnel |
21 |
7 |
Problèmes de communication médecin-patient |
14 |
10 |
Défaut d’orienter la personne vers une ou un collègue |
13 |
8 |
Surveillance ou suivi inadéquats |
10 |
6 |
Processus décisionnel inadéquat en matière de traitement |
9 |
4 |
Congé prématuré |
9 |
4 |
Tenue de dossiers inadéquate |
6 |
26 |
Les plaintes reflètent le fait que, du point de vue des personnes traitées, un problème est survenu au cours de la prestation des soins. Les plaintes ne sont pas toujours appuyées par l’opinion d’experts. Il arrive que les experts n’aient pas de critiques à formuler quant aux soins prodigués, ou que leurs critiques ne soient pas en lien avec les allégations des patientes ou des patients. Il est donc possible que le Collège ou le tribunal ne rende pas une décision négative dans de tels cas.
Parmi les 1 892 dossiers portant sur des soins prodigués aux patients à l’urgence, 822 (ou 43 %) contenaient des critiques formulées par des experts au sujet d’erreurs de diagnostic. Les sections qui suivent traitent de ces 822 cas.
Quels sont les problèmes de santé faisant le plus souvent l’objet d’erreurs de diagnostic, et quelles sont les critiques le plus couramment formulées par les experts dans ces dossiers? (n = 822)
Les critiques le plus couramment formulées par les experts dans les dossiers portant sur une erreur de diagnostic sont les suivantes :
- Évaluation déficiente
- Manquement à faire un test diagnostique ou une intervention
- Tenue de dossiers inadéquate
- Connaissances ou compétences insuffisantes
- Défaut d’orienter la personne vers une ou un collègue
- Surveillance ou suivi inadéquats
Dans 54 % (445) des dossiers portant sur une erreur de diagnostic, des experts estimaient qu’une évaluation déficiente de la patiente ou du patient a contribué à l’erreur de diagnostic. Par exemple :
- La fonction motrice et sensorielle de la main d’une patiente n’a pas été examinée attentivement, ce qui a donné lieu à un diagnostic manqué (section complète des nerfs cubital et médian).
- Les antécédents d’anxiété d’un patient ont pris trop de place dans l’évaluation diagnostique, aucun examen physique n’a été effectué et l’anomalie de la saturation en oxygène n’a pas été prise en compte, de sorte qu’une embolie pulmonaire est passée sous le radar.
- Un examen abdominal inadéquat a retardé l’établissement d’un diagnostic de perforation de l’intestin.
Dans 40 % (330) des dossiers portant sur une erreur de diagnostic, les experts estimaient que le retard ou le manquement à faire un test diagnostique ou une intervention avait contribué à l’erreur de diagnostic.
Exemples :
- Une hémorragie sous-arachnoïdienne a été prise pour une migraine parce qu’aucune ponction lombaire n’a été effectuée et qu’aucune tomodensitométrie n’a été planifiée.
- Un diagnostic d’infarctus du myocarde est passé inaperçu parce qu’on a omis de prescrire une nouvelle électrocardiographie et une nouvelle analyse des enzymes cardiaques à un patient présentant des symptômes persistants.
- Une pneumonie a été diagnostiquée tardivement parce que les résultats d’imagerie diagnostique qui étaient attendus n’ont pas été communiqués lors du transfert des soins.
Quels sont les principaux facteurs associés à un préjudice grave4 dans les dossiers médico-légaux? (n = 822)
Facteurs liés aux patients5
- Âge (plus de 65 ans)
- Antécédents de dépression
- Sepsis
- Problèmes circulatoires (p. ex. insuffisance cardiaque congestive, arythmie, anévrisme de l’aorte abdominale, embolie pulmonaire)
- Problèmes gastrointestinaux (p. ex. ulcères gastriques et duodénaux, intestin perforé)
Facteurs liés aux médecins6
- Manquement à prodiguer des soins à la patiente ou au patient, ou à procéder à son hospitalisation ou son transfert
- Évaluation déficiente
- Retard ou manquement à faire un test diagnostique
- Congé prématuré
- Surveillance ou suivi inadéquats
Facteurs liés au système6
- Ressources insuffisantes ou inaccessibles
- Politique, procédure ou protocole inadéquats (p. ex. protocole de suivi des résultats d’examen, code d’AVC, consultation ou transfert de patients)
Facteurs liés à l’équipe6
- Problèmes de communication avec le personnel infirmier
Aide-mémoire pour réduire les risques
Les risques peuvent être gérés comme suit par les médecins qui traitent des patients à l’urgence :
- Procéder à une évaluation objective et approfondie des patients et, s’il y a lieu, intégrer des lignes directrices cliniques et des règles de décision clinique au processus de diagnostic des problèmes de santé les plus courants à l’urgence.
- Prendre le temps de réfléchir au diagnostic différentiel en tenant compte de tous les facteurs de risque pertinents, y compris les comorbidités et les antécédents chirurgicaux ou familiaux. Solliciter une seconde opinion si le diagnostic est incertain.
- Assurer un suivi approprié et fournir des instructions claires aux patients (verbales ou écrites), en leur indiquant notamment les signes et symptômes qui devraient les inciter à consulter et en leur expliquant ce qui constitue une urgence. Confirmer que la patiente ou le patient a bien compris l’information qu’on lui a donnée et répondre à ses questions honnêtement et franchement.
- Donner des directives claires, par écrit, lors des transferts de soins : faire mention des principaux antécédents, des observations pertinentes à l’examen physique, du diagnostic différentiel, des examens diagnostiques effectués, des résultats en attente et des prochaines étapes du plan de traitement.
- Dans le cas des patients dont les symptômes persistent ou s’aggravent, ou qui consultent à répétition pour le même problème, il y a lieu de réévaluer l’hypothèse diagnostique, de répéter l’examen physique et d’envisager d’autres diagnostics en écartant ceux qui sont susceptibles de mettre la vie en danger.
- Consigner par écrit les diagnostics différentiels, les constatations positives et négatives, les réévaluations et les discussions préalables au congé.
Limites
Les nombres qui figurent dans ce rapport sont tirés des données médico-légales de l’ACPM. Les dossiers médico-légaux de l’ACPM ne représentent qu’une petite proportion des incidents liés à la sécurité des patients. De nombreux facteurs peuvent inciter une personne à intenter une poursuite ou à déposer une plainte, et ces facteurs varient grandement en fonction du contexte. Les dossiers médico-légaux peuvent donc être une précieuse source d’information sur des sujets importants, mais on ne peut les considérer comme représentatifs de l’ensemble des incidents liés à la sécurité des patients.
En outre, les dossiers médico-légaux de l’ACPM traitent essentiellement des facteurs liés aux professionnels de la santé et à l’équipe; les facteurs systémiques y sont sous-représentés.
Maintenant que vous connaissez les risques liés à votre travail…
Limitez les risques médico-légaux grâce aux ressources d’apprentissage de l’ACPM.
Des questions?
Écrivez à [email protected]
Notes
-
En moyenne, un dossier médico-légal est ouvert deux à trois ans après un incident lié à la sécurité d’une ou d’un patient. Ainsi, il est possible qu’un nouveau dossier médico-légal concerne un incident survenu il y a quelques années.
-
Les médecins ne sont pas tenus de signaler les plaintes au Collège à l’ACPM, et ils le font sur une base volontaire. Par conséquent, ces dossiers ne dressent pas le portrait complet de ce type de dossiers au Canada.
-
Par experts, on entend les médecins qui interprètent les problèmes cliniques, scientifiques ou techniques liés aux soins prodigués et qui émettent une opinion à leur égard. Ces médecins ont habituellement une formation et une expérience semblables à celles de leurs collègues ayant prodigué les soins qu’ils doivent évaluer.
-
Un préjudice grave est un préjudice qui cause la mort, une blessure invalidante ou une incapacité majeure.
-
Les facteurs liés aux patientes et patients regroupent toutes les caractéristiques ou les affections médicales présentes au moment de la consultation médicale, ou tout événement survenant durant la consultation.
-
D’après l’opinion d’expertes et d’experts.