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Publié : janvier 2025
À la fin de 2023, l’ACPM comptait 680 spécialistes en chirurgie plastique parmi ses membres (code de travail 86).
Le graphique ci-dessous présente une comparaison des tendances observées sur une période de 10 ans dans les dossiers médico-légaux ciblant les spécialistes en chirurgie plastique et l’ensemble des autres spécialités chirurgicales.
Quels sont les risques relatifs d’un problème médico-légal en chirurgie plastique?
Entre 2014 et 2023, on a observé un taux de plaintes aux Collèges1 considérablement plus élevé chez les spécialistes en chirurgie plastique (p < 0,0001) que pour l’ensemble des autres spécialités chirurgicales.
Comparativement à l’ensemble des spécialités chirurgicales, le taux d’actions civiles était invariablement et nettement plus élevé chez les spécialistes en chirurgie plastique (p < 0,0001).
Par rapport aux autres spécialistes en chirurgie plastique, quel est le risque de vous faire citer dans des dossiers médico-légaux?
Pourcentage de spécialistes en chirurgie plastique, fréquence des dossiers sur 5 ans
Aucun dossier |
50.6 |
1 dossier |
26.1 |
2 à 4 dossiers |
18 |
5 dossiers ou plus |
5.3 |
Pourcentage de spécialistes en chirurgie plastique, fréquence des dossiers sur 1 an
Aucun dossier |
80.5 |
1 dossier |
14.9 |
2 à 4 dossiers |
3.3 |
5 dossiers ou plus |
1.3 |
Sur une période de 5 ans (2019 à 2023)2, 18 % des spécialistes en chirurgie plastique ont vu leur nom cité dans 2, 3 ou 4 dossiers médico-légaux (actions en justice, plaintes aux Collèges ou plaintes intrahospitalières). Cela signifie que ces médecins comptaient plus de dossiers que 76,7 % des autres spécialistes en chirurgie plastique, qui n’en comptaient aucun ou un seul. Au cours de cette période de 5 ans, 5,3 % de ces spécialistes ont vu leur nom cité dans 5 dossiers ou plus.
En moyenne, 3,3 % des spécialistes en chirurgie plastique ont vu leur nom cité dans 2, 3 ou 4 dossiers sur un an. La fréquence annuelle des dossiers était plus élevée que pour 95,4 % de l’ensemble des spécialistes en chirurgie plastique. La tranche supérieure comprenant 1,3 % des spécialistes en chirurgie plastique a été citée dans 5 dossiers ou plus sur un an.
Parmi les actions civiles, les plaintes aux Collèges et les plaintes intrahospitalières conclues par l’ACPM au cours des 10 dernières années (2014-2023), on a trouvé 987 dossiers pour lesquels l’expertise médicale avait formulé une opinion sur les soins prodigués par une ou un spécialiste en chirurgie plastique. Dans 426 (43,2 %) de ces dossiers, ces médecins ont effectué une intervention non esthétique3. Les sections qui suivent traitent des conclusions tirées de ces 426 dossiers.
Quelles sont les plaintes le plus souvent émises par les patient·es et les critiques le plus couramment formulées par l’expertise médicale?4 (n = 426)
Évaluation déficiente |
35 |
13 |
Processus de consentement inadéquat |
24 |
11 |
Erreur de diagnostic |
22 |
14 |
Manquement à faire un test ou une intervention |
20 |
10 |
Surveillance ou suivi inadéquats |
20 |
8 |
Problèmes de communication médecin-patient·e |
18 |
11 |
Comportement non professionnel |
17 |
4 |
Lésion attribuable aux soins |
12 |
6 |
Processus décisionnel inadéquat en matière de traitement |
12 |
5 |
Connaissances ou compétences insuffisantes |
11 |
5 |
Les plaintes reflètent le fait que, du point de vue des personnes traitées, un problème est survenu au cours de la prestation des soins. Ces plaintes ne sont pas toujours appuyées par l’opinion de l’expertise médicale. Il arrive que l’expertise n’ait pas de critiques à formuler quant aux soins prodigués, ou que ses critiques ne soient pas en lien avec les allégations des personnes soignées.
Quelles sont les interventions faisant le plus souvent l’objet de critiques par l’expertise médicale? (n = 426)
Critiques formulées par l’expertise médicale
- Tenue de dossiers inadéquate
- Processus de consentement inadéquat
- Évaluation déficiente
- Problèmes de communication médecin-patient·e
- Surveillance ou suivi inadéquats
- Processus décisionnel inadéquat en matière de prise en charge
La fréquence des interventions recensées dans les dossiers médico-légaux est, selon toute probabilité, représentative de ce qu’on observe dans la pratique des spécialistes en chirurgie plastique; toutefois, elle ne reflète pas nécessairement les interventions à risque élevé.
Sur les 426 dossiers, 61 personnes ont fait l’objet d’une erreur de diagnostic. Par exemple :
- Omission de reconnaître que les symptômes évoquaient une lésion nerveuse et défaut d’agir en conséquence
- Sous-estimation de la gravité des brûlures subies et donc défaut de mettre en œuvre le protocole approprié
Au total, 23 personnes ont subi un préjudice. Par exemple :
- Apparition d’un syndrome de douleur régionale complexe à la suite d’une intervention de décompression du tunnel carpien, laquelle s’est avérée nécessaire en raison du défaut d’assurer un suivi postopératoire adéquat
De plus, 15 personnes ont subi la mauvaise intervention. Par exemple :
- Obtention d’un échantillon par biopsie à l’emporte-pièce provenant de la mauvaise lésion en raison du défaut de prendre connaissance de la demande de consultation
Quels sont les principaux facteurs associés à un préjudice aux patient·es5 dans les dossiers médico-légaux? (n = 426)
Facteurs liés aux patient·es6
- Antécédents de chirurgie majeure
- Tabagisme
- Complications postopératoires découlant de ce qui suit :
- Évolution ou métastases d’un cancer
- Troubles mammaires (p. ex. asymétrie mammaire, nécrose du mamelon)
- Infection de la plaie
- Lésion attribuable aux soins (p. ex. hématome, déhiscence de la plaie)
Facteurs liés aux médecins7
- Évaluation déficiente
- Surveillance ou suivi inadéquats des résultats d’examen
- Manquement à faire un test ou une intervention (p. ex. test de conduction nerveuse pour une personne ressentant toujours une faiblesse dans la main à la suite d’une intervention de décompression du tunnel carpien)
- Processus décisionnel inadéquat en matière de prise en charge (p. ex. défaut d’obtenir et de consulter l’ensemble des résultats d’examen avant d’effectuer une biopsie cutanée; défaut d’assurer la prise en charge appropriée d’une personne présentant des brûlures au deuxième degré)
- Connaissances ou compétences insuffisantes (p. ex. diagnostic erroné de carcinome épidermoïde; exérèse d’un mélanome sans marges adéquates)
Aide-mémoire pour réduire les risques
Une analyse approfondie des dossiers médico-légaux visant des spécialistes en chirurgie plastique et portant sur des interventions non esthétiques souligne l’importance de la formation continue dans les domaines ci-dessous.
Période préopératoire
- S’assurer de connaître les comorbidités et les antécédents chirurgicaux de la personne que vous soignez. Y joindre un aperçu de l’état actuel de la personne ainsi que des investigations.
- S’assurer d’avoir pris connaissance de tous les résultats d’examen et de l’imagerie préopératoire, et veiller à ce que l’information se trouve dans le dossier médical aux fins de consultation le jour de l’intervention.
- Au moment de communiquer les résultats d’analyses, éviter d’utiliser l’approche « pas de nouvelles, bonnes nouvelles ». Discuter des résultats rassurants ou négatifs pertinents avec la personne et documenter la discussion.
Période peropératoire
- Prendre en compte les risques de lésions peropératoires à chaque étape des soins chirurgicaux. Prendre les précautions requises pour protéger les structures vitales tels les nerfs et le système vasculaire, et consigner tout effort déployé pour visualiser ou protéger ces structures. Envisager de modifier sa technique ou de consulter des collègues en cas de problème durant l’intervention chirurgicale.
Période postopératoire
- Les résultats sous-optimaux sont souvent attribuables aux risques inhérents d’une intervention; cependant, certains résultats défavorables peuvent généralement être évités par une bonne planification et par des protocoles de sécurité adéquats. Assurer un suivi approprié des complications réelles et potentielles pour améliorer l’issue clinique et réduire le risque de problèmes médico-légaux.
- Discuter des instructions préalables au congé avec les patient·es, y compris des signes et symptômes à surveiller et des directives relatives aux situations exigeant d’obtenir des soins médicaux; prodiguer des soins de suivi, s’il y a lieu.
En général, s’assurer de connaître les dernières normes cliniques et de satisfaire aux exigences qui s’appliquent en matière d’éducation et de développement professionnel continu.
Limites
Les nombres qui figurent dans ce rapport sont tirés des données médico-légales de l’ACPM. Les dossiers médico-légaux de l’ACPM ne représentent qu’une petite proportion des incidents liés à la sécurité des patient·es. De nombreux facteurs peuvent inciter une personne à intenter une poursuite ou à déposer une plainte, et ces facteurs varient grandement en fonction du contexte. Les dossiers médico-légaux peuvent donc être une précieuse source d’information sur des sujets importants, mais on ne peut les considérer comme représentatifs de l’ensemble des incidents liés à la sécurité des patient·es.
Maintenant que vous connaissez les risques liés à votre travail…
Limitez les risques médico-légaux grâce aux ressources de l’ACPM.
- Recherche de l’ACPM :
- Ateliers de l’ACPM :
- Apprentissage en ligne de l’ACPM :
Des questions?
Pour les demandes de données, écrivez à [email protected]
Ce rapport de recherche a bénéficié de l’apport du Dr Jugpal Arneja et l’ACPM est reconnaissante de sa contribution.
Notes
-
Les médecins n’ont pas l’obligation de signaler les plaintes aux Collèges à l’ACPM, et ne le font que sur une base volontaire. Par conséquent, il n’est pas possible de brosser un portrait complet de ce type de dossiers au Canada.
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En moyenne, un dossier médico-légal est ouvert deux à trois ans après un incident lié à la sécurité des patient·es. Ainsi, il est possible qu’un nouveau dossier médico-légal concerne un incident survenu il y a quelques années.
-
La chirurgie non esthétique fait référence à des interventions reconstructives réalisées à la suite d’un traumatisme ou d’une malformation, ainsi qu’à des interventions visant à corriger ou à atténuer une anomalie fonctionnelle, ou encore à améliorer l’état de santé général.
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Par expertise médicale, on entend les médecins experts et expertes qui interprètent les problèmes cliniques, scientifiques ou techniques liés aux soins prodigués et qui émettent une opinion à leur égard. Ces médecins ont habituellement une formation et une expérience semblables à celles de leurs collègues ayant prodigué les soins à évaluer.
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Comprend les préjudices modérés, les préjudices graves pour les patient·es ainsi que le décès. Selon le glossaire du service de recherche de l’ACPM, un préjudice modéré est défini comme symptomatique, dictant une intervention ou une prolongation du séjour en milieu clinique, ou causant un préjudice ou une perte fonctionnelle permanents ou temporaires. Un préjudice grave pour les patient·es est défini comme symptomatique, dictant une intervention nécessaire à la survie ou une intervention médicale ou chirurgicale majeure, entraînant une diminution de l’espérance de vie, ou causant, de façon permanente ou temporaire, une perte fonctionnelle ou un préjudice majeurs.
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Les facteurs liés aux patient·es regroupent toutes les caractéristiques ou les affections médicales présentes au moment de la consultation médicale, ou tout événement survenant durant la consultation.
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D’après l’opinion d’expertes et d’experts. Comprend les facteurs liés aux personnes exerçant une profession médicale, à l’équipe et au système. Dans le cas des interventions non esthétiques en chirurgie plastique, aucun facteur lié à l’équipe ou au système n’a pu être mis en évidence à partir des données tirées des dossiers.