■ Obligations et responsabilités :

Les attentes vis-à-vis des médecins

Comment les Collèges traitent-ils les plaintes et allégations d’inconduite professionnelle?

Une femme et deux hommes d’affaires assis à une table

10 minutes

Publié : juin 2012 /
Révisé : mars 2023

Les renseignements présentés dans cet article étaient exacts au moment de la publication

À un moment ou un autre de leur carrière, les médecins peuvent avoir à faire face à une plainte déposée à un organisme de réglementation de la médecine (Collège). Une allégation d'inconduite professionnelle constitue le type de plainte le plus grave. Ces plaintes, le plus souvent déposées par des patients, peuvent également l’être par des tiers, notamment d’autres médecins, des membres d’autres professions de la santé, des hôpitaux ou des établissements, des membres de la famille ou des compagnies d’assurance.

Les Collèges prennent très au sérieux toute allégation d’inconduite professionnelle et sont généralement tenus d’enquêter en détail sur l’affaire en cause. Ces enquêtes représentent souvent une source de stress important chez les médecins, particulièrement compte tenu du fait que l’issue peut comporter (quoique dans une très faible proportion des dossiers) une révocation, une suspension, des restrictions ou des modifications de leur permis d’exercice, ou encore une admonestation.

Bon nombre de plaintes déposées par des patients ne mettent pas en cause une inconduite professionnelle. Quoi qu’il en soit, les médecins qui font l’objet d’une enquête pour inconduite professionnelle devraient communiquer avec l’ACPM dans les plus brefs délais. Lorsque les membres en cause sont admissibles à une assistance, l’Association pourrait, en plus de leur offrir de judicieux avis de ses médecins-conseils, leur fournir, dans certains cas, une représentation juridique au besoin.

L’ACPM est disposée à prêter assistance aux membres dans le cadre de plaintes auprès des Collèges qui sont liées à l’exercice professionnel de la médecine. De façon générale, l’ACPM ne prêtera pas assistance aux membres dans le cadre de problèmes d’ordre principalement commercial ou personnel tels que publicité, litiges concernant une location ou un crédit-bail, problèmes d’emploi, ou litiges d’ordre familial ou matrimonial. Une communication immédiate avec l'Association peut souvent atténuer le stress des médecins et contribuer à une résolution satisfaisante.

Les Collèges sont tenus d’examiner les plaintes

Dans chaque province et territoire du Canada, des lois accordent aux Collèges le mandat et l’autorité de réglementer et discipliner la profession médicale. Les Collèges ont pour rôle de protéger la santé et la sécurité du public et ont à ce titre l’obligation légale d’examiner toutes les plaintes qu’ils reçoivent au sujet des médecins.

Enquête sur les plaintes

Même si chaque Collège a ses propres procédures et processus de traitement des plaintes, c’est généralement la nature de la plainte qui déterminera l’étendue du processus.

Dans le but de résoudre la plupart des plaintes, les Collèges effectuent un examen confidentiel des faits. Les plaintes peuvent concerner l’absence de places de stationnement près du cabinet du médecin, la longueur de l’attente au cabinet, ou encore des problèmes de communication tels que le fait de ne pas faire parvenir de rapports en temps opportun (p. ex. à des tiers). Les Collèges résolvent généralement ce type de plainte par correspondance entre les Collèges, les médecins et les parties plaignantes. On demande généralement aux médecins de répondre à la plainte par écrit, en fournissant tous les faits pertinents. Les membres admissibles à une assistance ont accès à des médecins-conseils de l’ACPM qui les aideront à formuler leur réponse. Dans certains cas, les membres peuvent également bénéficier d’une assistance juridique pour répondre à ce type de plainte.

Après avoir minutieusement examiné les faits liés à ce type de plainte, y compris l’explication du médecin, le Collège rend une décision. Il n’y a aucune audience et les médecins ne fournissent leurs explications que par écrit.

Cependant, lorsqu’une plainte est jugée plus grave et concerne les soins, la conduite ou l’aptitude d’une ou d’un médecin, les Collèges mènent une enquête plus structurée.

Si l’aptitude à exercer ou les compétences d’une ou d’un médecin sont remises en cause, le Collège peut exiger une évaluation de ses compétences ou un examen médical ou psychologique.

Lorsque le Collège estime qu’il s’agit d'une inconduite ou d'une inaptitude professionnelle, il effectue généralement une investigation plus approfondie afin de déterminer toute mesure corrective qui s’impose, le cas échéant.

Les syndics des Collèges ont généralement de larges pouvoirs et peuvent inspecter les dossiers administratifs des médecins, le dossier médical des patients, les locaux et la pratique. La période d’avis d'une inspection à venir accordée aux médecins varie selon la province ou le territoire et dépend des procédures du Collège. Au cours d’une inspection, les syndics peuvent prendre des documents, et notamment les dossiers médicaux et administratifs. Dans certaines provinces et certains territoires, les syndics ont l’autorisation d’emporter les documents, tandis qu’ailleurs, les documents peuvent être copiés avant d’être retournés. Les syndics peuvent également interroger les parties plaignantes, les médecins et des témoins, tels que le personnel du cabinet ou de la clinique, des membres de la famille, d’autres membres des professions de la santé, ou des représentantes et représentants du grand public.

Conclusion des enquêtes

Si l’enquête confirme l’existence d’un problème, les Collèges peuvent imposer tout un éventail de mesures correctives que les médecins devront mettre en œuvre.

Ils peuvent émettre un avertissement ou encore imposer une formation continue précise ou des mesures correctives vis-à-vis de leur pratique. Si le problème est lié à l’inaptitude d’une ou d’un médecin à exercer du fait d’un problème de santé mentale ou physique, le Collège peut imposer des limites à son permis d’exercice ou lui faire suivre un programme d’aide.

Les conclusions peuvent également mettre en évidence une inconduite professionnelle. Ce terme est plutôt vague; les textes législatifs et les règlements des provinces et territoires en donnent une explication plus détaillée.1 La plupart expliquent cette notion comme suit : conduite indigne d’une ou d’un membre; membre ayant fait la preuve de son incapacité ou inaptitude à exercer la médecine; conduite indigne, inappropriée, ou non professionnelle; membre qui se rend ou s’est rendu coupable de conduite indigne ou criminelle.

Certains Collèges ont tenté de clarifier la définition de cette notion en constituant une liste non exhaustive des activités entraînant le dépôt d’une plainte d’inconduite professionnelle. Ceci leur accorde la liberté de déterminer les activités constituant une inconduite professionnelle. Dans le passé, des médecins ont fait l’objet de plaintes pour inconduite professionnelle dans les situations suivantes : promotion de leurs services à l’aide de témoignages, prescription transfrontalière sur Internet, falsification d’un formulaire d’admission à un Collège, traitement de membres de leur famille et d’amis, acceptation de cadeaux, exécution indue d’interventions intimes (p. ex. des examens gynécologiques) et violation des limites professionnelles.

Audiences pour inconduite professionnelle

Les cas d'inconduite professionnelle sont adressés au comité pertinent du Collège en vue d’une enquête approfondie et d’une audience.

Ce comité porte différents noms selon les provinces et territoires. Ainsi, le Collège des médecins du Québec dépose les cas éventuels d’inconduite professionnelle devant le Conseil de discipline, tandis que le Collège des médecins et chirurgiens du Manitoba adresse ce type de cas à son Comité d’enquête.

Si après enquête approfondie, un Collège estime qu’une ou un médecin est coupable d’inconduite professionnelle, une plainte est officiellement déposée et une audience est prévue. L’audience est un processus quasi judiciaire au cours duquel les membres du comité forment un tribunal. En règle générale, ce tribunal est constitué de médecins et de membres du public.

Les audiences peuvent présenter plusieurs des caractéristiques d’un procès devant tribunal, telle la présence de juristes du Collège qui portent les accusations, de juristes de la défense ainsi que d’une greffière ou d’un greffier. Il peut également y avoir des témoins assermentés, des interrogatoires et contre-interrogatoires. La ou le médecin et la partie plaignante peuvent également être appelés comme témoins. Les audiences sont généralement publiques.

Le tribunal examine la plainte, évalue les éléments de preuve et vérifie les faits. Finalement, il détermine si les allégations sont fondées. Dans certaines provinces et certains territoires, et s’il le juge approprié, le comité dispose de l’autorité d’imposer une pénalité dans les limites établies par la réglementation. Dans d’autres provinces et territoires, après être parvenu à une conclusion, le tribunal recommande une décision au conseil d’administration du Collège. Celui-ci a ensuite la responsabilité de rendre une décision sur la plainte et de déterminer la pénalité, le cas échéant.

Cas d’inconduite professionnelle

Le cas suivant illustre comment une médecin peut faire l’objet d’une plainte pour inconduite professionnelle après enquête d’un Collège.

Un patient se plaint au Collège que sa médecin de famille a rédigé une ordonnance inappropriée de benzodiazépines. Le syndic du Collège fait alors parvenir une lettre à la médecin pour l’informer de la plainte. Quelques semaines plus tard, le syndic lui fait aussi parvenir une copie de la lettre du patient exposant le problème en détail. Le Collège demande alors à la médecin de lui répondre par écrit, et d’inclure une copie du dossier médical du patient.

L'enquête prend de l’envergure lorsque l’examen du dossier médical soulève des inquiétudes relatives à la prescription d’opioïdes et de benzodiazépines. Au cours de l’inspection du cabinet médical, le syndic du Collège sélectionne au hasard et retire 30 dossiers médicaux, ainsi que 15 autres dossiers liés aux profils pharmacologiques de deux pharmacies situées à proximité du cabinet. Une évaluation des profils pharmacologiques confirme que la médecin a prescrit de grandes quantités et de fortes doses d’opioïdes et de médicaments contrôlés.

Dans le cadre de son enquête, le Collège désigne un inspecteur médical chargé de déterminer si les soins et traitements administrés aux 45 patients respectent la norme de pratique en matière de prescription d’opioïdes, de benzodiazépines et d'antidépresseurs. L'inspecteur constate dans de nombreux dossiers une absence grave d'évaluation et de diagnostic avant prescription d'opioïdes, ainsi qu'un suivi inadéquat. L’inspecteur conclut que la médecin n’a pas respecté la norme de pratique relative aux soins et au traitement pour 35 des 45 patients faisant l’objet de l'évaluation. Il détermine également qu’elle a fait preuve d'un manque de jugement clinique, mais non de mépris pour le bien-être de ses patients.

La médecin a admis les faits mis en évidence par l’inspecteur médical et a été reconnue coupable d’inconduite professionnelle par le Collège. L’avocat de la médecin et celui du Collège ont fait une proposition commune quant à une pénalité appropriée. Lors d’une audience devant le Collège, la médecin a été réprimandée et son permis d’exercice a été restreint, notamment pour lui interdire la prescription d’opioïdes et de médicaments contrôlés. Un certain nombre d’autres pénalités lui ont été imposées, en particulier de futures inspections sans préavis de sa pratique, ainsi que le paiement d’une amende de 3 600 $ au Collège afin de couvrir les frais d’enquête et d'audience.

Pénalités pour inconduite professionnelle

Lorsque des médecins sont reconnus coupables d’inconduite professionnelle, les pénalités prennent en compte toutes les circonstances des cas.

Certaines pénalités peuvent avoir des impacts professionnels et financiers. Les répercussions peuvent donner lieu à une révocation, une suspension ou encore une restriction ou des modifications du permis d’exercice, ou même à une admonestation. Les médecins peuvent également avoir à payer des amendes et à couvrir les frais d'audience, qui peuvent s'élever à plusieurs milliers de dollars. Il y a également un risque d’atteinte à la réputation des médecins, étant donné que les conclusions des audiences sont généralement rendues publiques et sont souvent publiées ou affichées sur le site web du Collège.

Même si l’ACPM peut offrir une représentation légale, elle ne paie généralement pas les amendes, pénalités et autres frais imposés à des membres par le Collège (p. ex. les frais d’audience du Collège).

Appel d’une décision du Collège

Les médecins reconnus coupables d'inconduite professionnelle peuvent faire appel de la décision. Les étapes précises de l’appel varient selon la province ou le territoire. L’ACPM n’apportera pas normalement son assistance à des membres pour un appel sauf en présence de motifs raisonnables permettant de croire que leurs droits procéduraux élémentaires leur ont été refusés (p. ex. si aucune occasion de répondre aux allégations ne leur a été fournie).

Assistance de l’ACPM

L’ACPM prête généralement assistance aux membres dans le cadre de plaintes auprès des Collèges qui sont liées à l’exercice professionnel de la médecine. Cependant, l’assistance de l’ACPM ne s’étend généralement pas aux plaintes principalement liées à des problèmes d’ordre commercial ou personnel.2 Les médecins qui reçoivent une plainte de la part du Collège sont priés, avant de répondre, de communiquer sans délai avec l’Association.

Les membres qui sont admissibles à l’assistance de l’ACPM dans le cadre d’une affaire relevant du Collège peuvent compter sur l’appui de médecins-conseils compétents et chevronnés. Dans certains cas où un avis juridique est requis, le dossier sera transmis à une avocate ou un avocat. Lorsqu’une ou un membre signe un engagement (une entente) avec le Collège ou fait l’objet d’une ordonnance, le non-respect de l’engagement ou de l’ordonnance pourrait affecter son admissibilité à une assistance continue dans le cadre de toute autre affaire connexe. L’Association ne paie généralement pas les amendes, pénalités et autres frais imposés à des membres par le Collège (p. ex. les frais d’audience du Collège).

Les membres sont généralement admissibles à l’assistance de l’ACPM pour se défendre auprès de leur Collège contre des allégations d’inconduite sexuelle découlant de l’exercice de la médecine.

En cas de décision qui conclut à l’existence d’inconduite sexuelle dans le cadre d’une affaire non criminelle, l’ACPM refuse généralement de prêter assistance ou retire généralement son assistance :

  • dans les instances qui découlent des mêmes faits que ceux auxquels se rapporte la décision;
  • quand elle est d’avis qu’une décision claire a été rendue, au terme d’un processus équitable et fondé sur une preuve de qualité.

L’ACPM peut également retirer son assistance dans le cadre d’une action civile connexe, sauf lorsque celle-ci porte aussi sur des allégations de négligence ou de faute professionnelle.3

De façon générale, l’ACPM retire son assistance et (ou) refuse de porter assistance dans le cadre d’une plainte au Collège déposée à la suite d’un verdict dans une affaire criminelle découlant de l’exercice de la médecine, lorsque ladite plainte au Collège résulte des mêmes faits que ceux ayant mené au verdict dans le cadre de l’affaire criminelle. En revanche, conformément à ses principes d’assistance dans les affaires criminelles, l’ACPM prêterait généralement assistance pour une affaire criminelle (nouvelle ou en cours) découlant des faits liés à cette constatation, même à la suite d’une décision rendue dans le cadre d’une poursuite non criminelle.

Notes

  1. Certaines provinces et certains territoires utilisent le terme « conduite non professionnelle » plutôt qu’« inconduite professionnelle ».
  2. Les affaires découlant principalement de problèmes d’ordre commercial ou personnel comprennent entre autres : publicité, litiges de prêt-bail ou de location, activités liées aux médias sociaux, questions d’emploi, litiges familiaux et matrimoniaux.
  3. En tout temps, l’ACPM se réserve la discrétion d’accorder une assistance dans les instances en cours ou les instances futures découlant des mêmes faits que ceux auxquels se rapporte une décision.

AVIS : Les renseignements publiés dans le présent document sont destinés uniquement à des fins générales. Ils ne constituent pas des conseils professionnels spécifiques de nature médicale ou juridique, et n’ont pas pour objet d’établir une « norme de pratique » à l’intention des personnes exerçant une profession de la santé au Canada. L’emploi que vous faites des ressources éducatives de l’ACPM est visé par ce qui précède et l’avis de non-responsabilité de l’ACPM dans son intégralité, « Contrat d’utilisation de l’ACPM ».