Au moment de prodiguer ou de recommander un traitement de médecine complémentaire ou parallèle, les médecins doivent tenir compte de leurs obligations professionnelles et connaître les risques médico-légaux associés à ce type de traitement.
Plus l’information en matière de santé devient accessible, plus les Canadiens s’intéressent aux médecines complémentaires et parallèles (MCP). Ces disciplines regroupent généralement des traitements, des produits et des pratiques thérapeutiques de nature diverse qui visent à compléter la médecine conventionnelle (laquelle renvoie aux pratiques normalement enseignées dans les facultés de médecine et utilisées dans les cabinets médicaux et les hôpitaux) ou qui servent de solutions de rechange. Les MCP comptent, entre autres, les produits de santé naturels, la chiropratique, l’acupuncture, la méditation, le yoga, le Reiki et l’homéopathie.1
Il n’existe pas de limite fixe ou absolue qui distingue les MCP de la médecine conventionnelle. Nombreux sont les Canadiens qui utilisent une ou plusieurs de ces approches pour compléter les soins médicaux conventionnels qu’ils reçoivent. Certains médecins canadiens exercent eux-mêmes ces autres disciplines, que ce soit comme principal domaine d’activité ou comme approche d’appoint à la médecine conventionnelle, alors que d’autres s’affilient à des praticiens spécialistes en la matière. Dans tous les cas, les médecins doivent veiller à ce que la sécurité des patients soit assurée de façon adéquate.
Comment aborder les médecines complémentaires et parallèles avec les patients
Les médecins doivent respecter l’autonomie, les objectifs en matière de santé et les décisions thérapeutiques de leurs patients, y compris leur choix de se tourner vers les MCP, que ce soit comme approche principale ou en appoint à un traitement conventionnel. Il est important d’aborder les MCP de façon posée et sans jugement pour que vos patients se sentent à l’aise de vous informer qu’ils y ont recours. Certains pourraient tout de même hésiter à le faire, et il faut alors envisager de les interroger directement à ce sujet. Il demeure par ailleurs important de réaliser une anamnèse exhaustive afin d’évaluer et de surveiller les symptômes des patients, ainsi que les interactions potentielles des MCP avec les traitements conventionnels.
Lorsqu’on les interroge au sujet des MCP, les médecins doivent répondre de façon professionnelle en respectant les limites de leurs connaissances, de leurs compétences et de leur jugement. Ils doivent également, autant que possible, favoriser la prise d’une décision éclairée en renseignant leurs patients sur les bienfaits et les effets indésirables connus de ces diverses approches, ainsi que sur les interactions établies avec les traitements actuellement prescrits. S’ils estiment qu’un traitement de MCP peut être néfaste pour une personne, ils doivent l’en aviser sans faute.
Les médecins sont tenus d’avertir leurs patients lorsqu’ils ne connaissent pas suffisamment un traitement de MCP pour parler de ses risques et de ses bienfaits. Dans certains cas, il faut envisager de consulter des praticiens qui peuvent se prononcer sur le sujet, ou encore d’orienter les patients vers de tels praticiens. Toute discussion concernant les MCP doit être consignée dans le dossier médical des patients.
Prestation de traitements complémentaires et parallèles
Les médecins qui prodiguent également des traitements non conventionnels doivent le faire en respectant les normes de pratique reconnues et acceptées, dans les limites de leurs compétences et de leurs connaissances. Ils doivent aussi connaître les politiques de leur organisme de réglementation de la médecine (Collège) en la matière pour pouvoir remplir leurs obligations professionnelles.
Quel que soit le traitement proposé, les mêmes normes s’appliquent en ce qui concerne l’anamnèse, la réalisation d’un examen approprié, la formulation d’un diagnostic raisonnable ou d’un diagnostic différentiel et la consignation du consentement éclairé. Tout traitement de MCP prodigué par un médecin doit reposer sur des données scientifiques fiables confirmant son innocuité et son efficacité dans le cas concerné. Certains Collèges exigent des médecins qui prodiguent ce type de traitements qu’ils abordent des sujets particuliers durant la discussion préalable au consentement, par exemple la solidité des données et du raisonnement scientifique à l’appui du traitement proposé, les attentes raisonnables quant à l’efficacité de celui-ci, et ce qui le distingue d’un traitement conventionnel.
En cas de préjudice, les médecins qui prodiguent un traitement de MCP peuvent faire l’objet d’une action en responsabilité ou recevoir une admonestation de leur Collège. Advenant le dépôt d’une réclamation ou d’une plainte, la défense repose sur les éléments de preuve qui démontrent que la norme de pratique a bel et bien été respectée, que les bienfaits, les effets et les risques du traitement proposé ont été expliqués aux patients et qu’une décision éclairée a été prise. Il est donc essentiel de consigner au dossier la raison pour laquelle le traitement de MCP est recommandé, la réalisation des examens requis, le diagnostic posé et la discussion préalable au consentement éclairé.
Médecines complémentaires et parallèles et médias sociaux
Les médecins qui utilisent les médias sociaux ou d’autres moyens de communication de masse ont l’obligation de s’assurer que les renseignements qu’ils partagent au sujet des MCP sont appuyés par des données scientifiques fiables. Ils doivent savoir qu’en exprimant leur soutien envers tout traitement de ce type, ils peuvent inciter le public à adopter certaines pratiques, même si cela peut s’avérer néfaste dans certains cas. Aussi, il leur faut éviter de donner des conseils médicaux personnalisés dans les médias sociaux, et connaître et suivre les directives de leur Collège en ce qui concerne l’utilisation des médias sociaux et la promotion de la santé.
Affiliations professionnelles avec des praticiens en médecines complémentaires et parallèles
La médecine intégrative est de plus en plus courante. Dans certains hôpitaux, des cliniques ou des divisions de médecine intégrative ont été mises sur pied afin d’étudier, de surveiller et de recommander l’introduction de certaines pratiques non conventionnelles pouvant compléter la médecine classique, sans toutefois la remplacer.
Il arrive que des médecins souhaitent s’affilier à une clinique ou à un praticien en MCP. Une telle affiliation peut être perçue par certains patients comme une preuve de l’innocuité ou de l’efficacité des approches complémentaires et parallèles. Avant d’orienter des patients vers des praticiens en MCP ou de s’y affilier, les médecins doivent déterminer si ces approches sont fondées sur des données scientifiques et si elles exposent les patients à un risque plus élevé qu’un traitement conventionnel. En cas d’affiliation à des cliniques ou à des praticiens en MCP, toute obligation professionnelle établie par le Collège doit être respectée, notamment en ce qui concerne les conflits d’intérêts potentiels. Enfin, il faut savoir que les médecins ne sont généralement pas tenus responsables des soins prodigués par les professionnels de la santé qui ne travaillent pas pour eux ou qui ne sont pas sous leur supervision directe.
Les médecins qui ont accès à des praticiens en MCP à leur hôpital ou à leur clinique peuvent décider d’orienter leurs patients vers ces personnes s’ils considèrent qu’une approche parallèle ou complémentaire est indiquée dans les circonstances et si des politiques définissant clairement les rôles, responsabilités et obligations de chaque membre de l’équipe de soins de santé sont en place. De telles politiques peuvent, par exemple, établir que la décision de recourir aux services de praticiens en MCP revient ultimement aux patients, après une discussion préalable au consentement avec les praticiens en question. Elles peuvent également exiger que ces praticiens informent les médecins traitants de la décision des patients. Il doit être précisé, dans ces politiques, que ce sont ces praticiens en MCP qui ont l’obligation d’évaluer les bienfaits et les risques du traitement, dans le cas particulier d’une personne, et d’obtenir un consentement éclairé. Il faut également expliquer aux patients les responsabilités et les rôles distincts de chaque membre de l’équipe de soins à cet égard.
Lorsqu’une formule sanguine ou d’autres examens sont nécessaires, il peut arriver que les praticiens en MCP communiquent avec les médecins pour qu’ils soumettent la demande. Cependant, les médecins ne sont pas tenus de le faire. Lorsqu’ils reçoivent de telles demandes, les médecins doivent réaliser leurs propres évaluations pour vérifier si une analyse ou un examen est approprié et nécessaire, selon le cas.
En bref
La communication entre les médecins et les patients est particulièrement importante lorsqu’un traitement de MCP est envisagé. Les médecins qui prodiguent un tel traitement, qui orientent des patients vers des praticiens en MCP ou qui s’y affilient doivent tenir compte de leur propre champ d’exercice ainsi que des circonstances particulières de chaque personne.
Référence
-
Ordre des médecins et chirurgiens de l’Ontario. CPSO;1997 Nov. Advice to the Profession: Complementary and Alternative Medicine [Mis à jour en sept. 2021; cité le 28 oct. 2021]. Accessible : http://policyconsult.cpso.on.ca/wp-content/uploads/2020/11/Complementary-and-Alternative-Medicine-Draft-Advice-Document.pdf