■ Bien-être des médecins :

Gestion du stress et maintien de la santé

L’effet du vieillissement chez les médecins : maintien des compétences et exercice sécuritaire

Facteurs à considérer lorsque les fonctions cognitives et physiques des médecins peuvent nuire à la prestation de soins médicaux sécuritaires

Médecin de sexe masculin plus âgé regardant un ordinateur portable

7 minutes

Publié : août 2022

Les renseignements présentés dans cet article étaient exacts au moment de la publication

La population des médecins vieillit et il est important pour eux d’être conscients, à tous les stades de leur carrière, de l’impact du vieillissement sur leurs capacités (p. ex. acuité visuelle, mémoire de travail et rapidité de l’activité mentale) et de son incidence sur la sécurité des soins médicaux qu’ils prodiguent. Il arrive forcément un moment dans la carrière de tout médecin où il est prudent, voire nécessaire, pour lui de modifier ou de mettre un terme à sa pratique clinique.

Les problèmes cognitifs chez les médecins peuvent être mis en évidence de différentes façons. En effet, les médecins peuvent en prendre conscience eux-mêmes, ou ces problèmes peuvent être décelés par leurs médecins traitants ou leurs collègues, ou à la suite d’évaluations de la pratique. Le présent article vise à renseigner les médecins sur leurs obligations et les étapes à suivre lorsque leurs fonctions cognitives ou leur santé, ou celles de collègues, se détériorent.

En chiffres

La population de médecins âgés et toujours en exercice augmente. En 2000, 10 % des médecins canadiens étaient âgés de 65 ans et plus, et 18 %, entre 55 et 64 ans.1 En 2019, 16 % des médecins étaient âgés de 65 ans et plus, et 23 %, entre 55 et 64 ans.2

En moyenne, les médecins prennent leur retraite à 69 ans. On observe donc un nombre disproportionné de médecins qui exercent au-delà de l’âge habituel de la retraite qui est de 65 ans.3

Préoccupations cognitives

Des études ont confirmé que nombre de médecins âgés ont un niveau d’activité identique ou comparable à celui de leurs collègues plus jeunes.4 Il faut cependant souligner que le parcours et les capacités de chaque médecin sont différents. En général, la documentation montre bien l’importance de l’âge fonctionnel par rapport à l’âge chronologique, les effets du vieillissement variant grandement d’une personne à l’autre.5 Évidemment, nombreux sont les médecins qui peuvent continuer d’exercer pleinement la médecine ou poursuivre leur pratique sous une certaine forme, même à un âge avancé, en modifiant tout simplement leur pratique au besoin (par exemple en changeant le type d’activités qu’ils effectuent ou en réduisant le nombre de consultations). Des préoccupations ont toutefois été mises en évidence dans certaines études à cet égard, donnant lieu à des plaidoyers en faveur de la réalisation d’autres études ou de l’instauration d’examens de dépistage neurocognitifs obligatoires chez les médecins et les chirurgiens âgés.678

Si la modification des méthodes de travail est une solution efficace pour certains médecins, on a démontré qu’elle pouvait avoir une incidence négative sur le vieillissement réussi chez certains, probablement parce qu’elle altère la façon dont ils se perçoivent.9 Malgré cela, il est important de cibler les problèmes cognitifs et de santé chez les médecins puisque cela permet non seulement d’améliorer la sécurité des patients et de réduire les risques médico-légaux, mais aussi de trouver des solutions pour permettre aux médecins de poursuivre leur carrière plus longtemps.

Risques médico-légaux

Selon une analyse des dossiers médico-légaux l’ACPM conclus entre 2012 et 2021, la proportion des dossiers dans lesquels les fonctions cognitives de médecins faisaient l’objet de préoccupations passait de 0,2 % chez les médecins âgés de 55 à 60 ans à 8,3 % chez ceux âgés de 80 ans et plus.10 Voici quelques exemples de cas où des problèmes cognitifs ont fait l’objet d’une plainte :

  • préoccupations soulevées par des patients après l’observation de signes de distraction et de désorganisation chez leur médecin;
  • difficulté chez des médecins, en tant que patients eux-mêmes, à suivre un traitement médicamenteux rapportée par un médecin traitant;
  • difficulté chez des médecins à se souvenir du nom de leurs patients ou de leurs mots de passe observée par leur personnel;
  • inquiétude manifestée par les organismes de réglementation de la médecine (Collèges) après que des médecins leur ont envoyé plusieurs longues lettres répétitives.

Politiques des Collèges et des hôpitaux

Aucune ligne directrice sur le maintien des compétences n’est en place au Canada pour assurer l’exercice sécuritaire et efficace de la médecine chez les médecins âgés, et aucun âge limite n’a été fixé pour la retraite. Certains Collèges disposent de programmes d’évaluation et d’assurance de la qualité officiels pour surveiller et évaluer les médecins après un certain âge. En Ontario, par exemple, les médecins doivent subir une évaluation par leurs pairs ainsi qu’un examen de leur pratique lorsqu’ils atteignent l’âge de 70 ans, puis tous les cinq ans.11 Au Québec, les médecins de 60 ans et plus doivent remplir un questionnaire du Collège des médecins du Québec qui vise à évaluer certains facteurs de risque.12

Il est important que les médecins connaissent les exigences qui s’appliquent dans leur province ou territoire. Certains hôpitaux disposent également de lignes directrices spécifiques en vertu desquelles les médecins âgés doivent obligatoirement subir une évaluation de leurs compétences cliniques. Il s’agit d’ailleurs d’une exigence requise pour le renouvellement des privilèges et le maintien d’une expertise particulière.

Exercice sécuritaire de la médecine et maintien des compétences

Soutien envers soi et ses collègues

  • Il est important de surveiller vos fonctions cognitives et votre santé physique, mais aussi de tenir compte des préoccupations soulevées par les membres de votre famille et vos médecins traitants, collègues, patients et proches au sujet de votre santé et de votre pratique médicale. Vous devez penser qu’il est possible que vos fonctions cognitives se détériorent.
  • Si des préoccupations ou des questions sont soulevées à l’égard de votre santé ou de vos compétences, demandez de l’aide et du soutien en temps opportun.
  • Si vous réalisez qu’une personne parmi vos collègues semble éprouver des problèmes en raison de son âge, discutez avec elle directement, en privé. Les discussions ouvertes, franches et empathiques sont généralement bien accueillies. Dans le cas contraire, consultez quelqu’un d’autre, collègue ou médecin, pour obtenir des conseils et du soutien.

Modification de la pratique clinique

  • S’il y a lieu, envisagez de modifier votre champ de pratique ou de travail, comme en confiant le travail clinique (p. ex. assistance chirurgicale) à quelqu’un d’autre, en réduisant vos heures ou vos semaines de travail et en diminuant votre charge de travail.
  • Tenez compte du temps additionnel qu’il vous faut pour traiter les cas qui exigent un processus cognitif rapide, s’il y a lieu. Pensez à allonger la durée des consultations dans les cas où les problèmes médicaux sont complexes.
  • Évitez, lorsque vous le pouvez, d’exercer de façon isolée et travaillez en collaboration avec d’autres prestataires de soins qui se montrent compréhensifs par rapport à l'évolution de votre rôle.
  • Faites preuve de rigueur dans la tenue de vos dossiers en consignant les soins prodigués ainsi que le processus cognitif à l’appui.
  • Prévoyez d’avance votre approche pour réduire graduellement votre pratique et ainsi continuer à satisfaire les besoins de vos patients et vos objectifs personnels. (Consulter l’article de l’ACPM Fermer ou quitter une pratique : Conseils pour les médecins de première ligne)
  • Si vous occupez un poste d’administration ou de direction, collaborez avec tous les membres de votre service pour appuyer les médecins à s’adapter au vieillissement. Par exemple, vous pouvez trouver d’autres moyens de contribuer pour les membres qui doivent réduire ou cesser le travail clinique.

Respect des obligations professionnelles

  • Vous devez connaître tous les programmes d’examen des compétences pertinents de votre Collège ainsi que les lignes directrices et les politiques des hôpitaux en matière de dépistage pour maintenir vos compétences et préserver un bon rendement dans votre pratique.
  • Assurez-vous également de connaître les dernières normes cliniques et de continuer à satisfaire les exigences qui s’appliquent en matière d’éducation et de développement professionnel continu.
  • Soyez au fait des politiques de votre Collège et des lois de votre province ou territoire en matière de signalement. Il est important de savoir quelles sont vos obligations en ce qui concerne le signalement d’une ou d’un collègue qui semble être confronté à certains défis dans sa pratique.13 Communiquez avec l’ACPM pour obtenir de l’information et des conseils sur vos obligations potentielles en matière de signalement.

ACPM : bien-être des médecins

L’ACPM travaille en collaboration avec les organisations de soins de santé pour favoriser le bien-être des médecins et fournir des ressources pour les aider à gérer leur stress et à affronter leurs problèmes médico-légaux. En cas de problèmes médico-légaux, les médecins-conseils de l’ACPM sont là pour écouter et offrir des conseils et une assistance personnalisés.

Ressources supplémentaires


Références

  1. Association médicale canadienne. Nombre de médecins selon la spécialité et l’âge, Canada, 2000. Fichier maître de l’AMC, janvier 2001. Disponible : https://www.cma.ca/sites/default/files/2019-03/2000-02-spec-age.pdf
  2. Association médicale canadienne. Nombre de médecins selon la spécialité et l’âge, Canada, 2019. Fichier maître de l’AMC, janvier 2019. Disponible : https://www.cma.ca/sites/default/files/2019-11/2019-04-age-sex-prv.pdf
  3. Silver PM, Hamilton AD, Biswas A, et al. A systematic review of physician retirement planning. Hum Resour Health. 2016 Nov 15; 14(67). Disponible: https://doi.org/10.1186/s12960-016-0166-z
  4. Drag LL, Bieliauskas LA, Langenecker SA, Greenfield LJ. Cognitive functioning, retirement status, and age: results from the Cognitive Changes and Retirement among Senior Surgeons study. J Am Coll Surg 2010;211 (3):303-7.
  5. Gaudet CE, Del Bene VA. Neuropsychological Assessment of the Aging Physician: A Review & Commentary. J Geriatr Psychiatry Neurol. 2022 May;35(3):271-279. doi: 10.1177/08919887211016063. Epub 2021 May 21. PMID: 34018429
  6. Devi G, Gitelman DR, Press D, et al. Cognitive Impairment in Aging Physicians: Current Challenges and Possible Solutions. Neurol Clin Pract. 2021 Apr;11(2):167-174. doi: 10.1212/CPJ.0000000000000829. PMID: 33842070; PMCID: PMC8032410
  7. Bhatt NR, Morris M, O'Neil A, et al. When should surgeons retire? Br J Surg. 2016 Jan;103(1):35-42. doi: 10.1002/bjs.9925. Epub 2015 Nov 18. PMID: 26577951
  8. Dellinger EP, Pellegrini CA, Gallagher TH. The Aging Physician and the Medical Profession: A Review. JAMA Surg. 2017;152(10):967–971. doi:10.1001/jamasurg.2017.2342
  9. Wijeratne C, Peisah C, Earl J, Luscombe G. Occupational Determinants of Successful Aging in Older Physicians. Am J Geriatr Psychiatry. 2018 Feb;26(2):200-208. doi: 10.1016/j.jagp.2017.07.008. Epub 2017 Nov 24. PMID: 29239799
  10. Cette conclusion repose sur une analyse de 67 dossiers dans lesquels les fonctions cognitives de médecins âgés de 55 ans et plus ont fait l’objet de préoccupations, sur un total de 67 56 dossiers de l’ACPM conclus entre 2012 et 2021.
  11. Ordre des médecins et chirurgiens de l’Ontario. Assessments [cité en mai 2022]. Disponible : https://www.cpso.on.ca/Physicians/Your-Practice/Quality-Management/Assessments
  12. Collège des médecins du Québec. Programme de surveillance générale [17 oct. 2019; cité en mai 2022]. Disponible : http://www.cmq.org/pdf/inspection/progr-surveillance-generale-def.pdf?t=1653594474005
  13. Association canadienne de protection médicale. Signalement d’un autre médecin. Décembre 2010, révisé en décembre 2016 [cité en mai 2022]. Disponible : https://www.cmpa-acpm.ca/fr/advice-publications/browse-articles/2010/reporting-another-physician

AVIS : Les renseignements publiés dans le présent document sont destinés uniquement à des fins générales. Ils ne constituent pas des conseils professionnels spécifiques de nature médicale ou juridique, et n’ont pas pour objet d’établir une « norme de pratique » à l’intention des personnes exerçant une profession de la santé au Canada. L’emploi que vous faites des ressources éducatives de l’ACPM est visé par ce qui précède et l’avis de non-responsabilité de l’ACPM dans son intégralité, « Contrat d’utilisation de l’ACPM ».