Évaluations au sein des hôpitaux et des établissements de santé

Table des matières

La déclaration des incidents liés à la sécurité des patient·es et des incidents évités de justesse est importante, certes, mais la façon dont ces rapports sont utilisés l’est tout autant. Lorsqu’elles sont bien structurées, les évaluations approfondies des incidents liés à la sécurité des patient·es et des incidents évités de justesse sont considérées comme l’une des méthodes les plus efficaces pour améliorer la sécurité des soins dans un hôpital ou un établissement de santé.

Dans le cadre de soins en milieu hospitalier ou institutionnel, il y a deux catégories d’évaluations des incidents liés à la sécurité des patient·es et des incidents évités de justesse :

  1. les évaluations en matière d’amélioration de la qualité, axées sur les problèmes liés au système;
  2. les évaluations de l’acte médical, axées sur la conduite ou la qualité du travail des personnes exerçant une profession de la santé.

Évaluation par les pairs

Le terme « évaluation par les pairs » peut avoir différentes significations. Aux fins du présent guide, on entend par ce terme une évaluation rétrospective effectuée par des pairs, des spécialistes en la matière ou une personne ou un groupe de personnes se penchant sur des indicateurs précis de la qualité des soins. L’objectif consiste à relever, dans le cadre d’un processus confidentiel, les secteurs où la pratique peut être améliorée. Dans certaines conditions, une évaluation par les pairs peut être entreprise pour évaluer la compétence clinique d’une personne; de telles évaluations doivent être prises en considération conformément à un cadre de responsabilisation bien élaboré.

Évaluations en matière d’amélioration de la qualité

Les évaluations en matière d’amélioration de la qualité servent à déterminer les raisons qui sous-tendent les incidents liés à la sécurité des patientes et patients ou les incidents évités de justesse par l’examen du système dans lequel les soins de santé sont prodigués. Les résultats des évaluations de l’amélioration de la qualité peuvent donner lieu à des améliorations systémiques qui s’avéreront bénéfiques pour l’ensemble des patientes et patients à venir.

Quelle est la structure d’une évaluation en matière d’amélioration de la qualité?

Pour assurer la confidentialité et favoriser une discussion franche, les évaluations en matière d’amélioration de la qualité doivent être réalisées sous l’égide d’un comité d’amélioration de la qualité dûment constitué. Le nom de ce genre de comité peut varier selon la province ou le territoire (p. ex. comité de la qualité des soins, comité d’assurance de la qualité, comité de gestion des risques, etc.).

La structure et les procédures d’un comité d’amélioration de la qualité doivent être prévues dans les politiques de l’hôpital ou de l’établissement de santé en fonction des lois pertinentes de la province ou du territoire. Un comité d’amélioration de la qualité bien constitué est habituellement doté d’un mandat décrivant son but, sa structure hiérarchique, la portée de ses activités et sa composition. Les politiques des hôpitaux ou des établissements de santé peuvent aussi fournir une orientation quant aux sources ou aux éléments déclencheurs pour l’analyse d’événements, au contenu et à la conservation des documents et des procès-verbaux du comité, ainsi qu’aux instructions sur l’accès aux documents, aux procès-verbaux et aux recommandations du comité et à leur distribution.

Une fois établie dans les limites d’un comité d’amélioration de la qualité, la structure de l’évaluation favorise un examen impartial et détaillé des incidents liés à la sécurité des patient·es par les personnes qui sont en cause et exerçant une profession de la santé. Lors de l’examen des faits connus, il est souvent utile de prendre en considération ce qui aurait pu se produire ou ce que les personnes en cause auraient voulu qu’il se produise. Les discussions peuvent inclure la formulation d’hypothèses sur les faiblesses des processus du système; cela peut s’avérer un moyen utile de déterminer les raisons des résultats cliniques et d’élaborer des stratégies pour essayer d’éviter que les événements ne se reproduisent.

IMPORTANT : Les médecins doivent déterminer si le comité d’amélioration de la qualité de leur hôpital est bien constitué en vertu de la législation pertinente et obtenir l’assurance que les évaluations en matière d’amélioration de la qualité seront menées de manière confidentielle. Si tel n’est pas le cas, les médecins doivent favoriser l’utilisation de comités d’amélioration de la qualité dûment constitués. Les membres de l’ACPM peuvent communiquer avec l’Association pour obtenir des conseils sur le sujet.

Qui procède à l’évaluation en matière d’amélioration de la qualité?

Les personnes responsables de l’évaluation doivent être choisies en fonction de leurs compétences et de leurs connaissances quant à la manière d’analyser les résultats imprévus, les incidents liés à la sécurité des patient·es et les incidents évités de justesse, de leur expertise clinique et de leur capacité à provoquer des changements en réponse aux recommandations découlant de l’évaluation.

Les équipes de direction et de gestion doivent se soucier d’éventuels conflits d’intérêts. En général, il ne convient pas que les personnes qui jouent un rôle dans les évaluations de rendement annuelles et dans les questions de responsabilité ou de discipline (p. ex. chef·fe de département) participent à une évaluation en matière d’amélioration de la qualité mettant en cause des personnes qui relèvent d’elles et exerçant une profession de la santé.

Quand devrait se dérouler l’évaluation?

L’évaluation doit être effectuée le plus rapidement possible, idéalement dans les jours qui suivent l’événement. Ceci permet un meilleur souvenir des faits et la prise rapide de mesures pour régler les défaillances du système relevées.

Qui devrait participer à l’évaluation?

Le groupe peut être formé de personnes exerçant une profession de la santé ayant prodigué des soins à la patiente ou au patient, détenant une expertise ou pouvant contribuer à l’analyse de l’événement et à la formulation de recommandations pratiques pour améliorer la sécurité des patient·es. Une participation multidisciplinaire permet d’obtenir un point de vue plus large de l’événement et, lorsqu’elle se fait de manière respectueuse, peut renforcer les liens de collaboration professionnelle. L’ensemble du groupe doit s’engager à respecter les conditions de participation établies, notamment à préserver la confidentialité de toute l’information et à marquer les documents destinés à l’évaluation en matière d’amélioration de la qualité.

La présence des personnes exerçant une profession de la santé qui sont en cause dans l’incident lié à la sécurité des patientes et patients peut être exigée par la loi ou les politiques ou règlements de l’établissement ou de l’hôpital. D’autres personnes, y compris les patientes et patients (et/ou leurs décideuses/décideurs remplaçants ou des membres de leur famille), des expertes et experts cliniques, ainsi que les fabricants d’équipement peuvent être invitées à participer à l’évaluation pour préciser des détails en fonction de leur point de vue ou de leur domaine d’expertise; par contre, ces personnes ne doivent pas être présentes pour toutes les discussions.

IMPORTANT : Bien que leur participation ne soit pas obligatoire, on encourage les médecins à participer à des évaluations en matière d’amélioration de la qualité bien structurées dans le but d’améliorer la sécurité des patientes et patients.

Si une évaluation en matière d’amélioration de la qualité n’est pas structurée conformément aux lois qui protègent les dossiers et l’information sur l’amélioration de la qualité, les médecins doivent obtenir par écrit l’assurance que le processus d’évaluation est censé demeurer confidentiel et que les discussions et la divulgation d’information seront limitées. En cas d’incertitude quant à la manière de procéder, les membres de l’ACPM devraient communiquer avec l’Association pour obtenir des conseils.

Comment l’information est-elle analysée?

Un grand nombre de méthodes et d’outils acceptés peuvent être employés, comme l’analyse des incidents (réactive) et l’analyse des modes de défaillance et de leurs effets (proactive), pour établir les raisons possibles des incidents liés à la sécurité des patient·es et des incidents évités de justesse. Afin d’obtenir une perspective plus large, il peut aussi s’avérer utile d’examiner un groupe de cas connexes ou de processus hospitaliers ou institutionnels. Les tendances peuvent être relevées par la collecte de données agrégées, sans toutefois donner d’information identifiant la patiente ou le patient, ou la ou le prestataire de soins.

Lors de l’évaluation des facteurs liés au système dans le cas d’une patiente ou d’un patient, ou d’un groupe de cas semblables, les questions suivantes peuvent être étudiées :

  • Quelles sont les raisons des résultats obtenus, des incidents liés à la sécurité des patientes et patients ou des incidents évités de justesse?
  • Les politiques pertinentes en place étaient-elles claires, réalistes, connues et disponibles?
  • Les lignes directrices cliniques en place et des plans de soins à jour étaient-ils utilisés dans le système?
  • Y avait-il des problèmes d’accès aux soins et de disponibilité des ressources?
  • Des facteurs liés aux biais et à la discrimination ont-ils contribué à l’incident?
  • Les diagnostics appropriés étaient-ils disponibles, et leur interprétation a-t-elle été facilitée?
  • L’équipe de soins avait-elle une formation appropriée?
  • Y avait-il des problèmes de communication entre les membres de l’équipe?
  • Y a-t-il des recommandations concernant des changements à apporter au système, et a-t-on établi qui serait responsable de leur mise en œuvre?

Il pourrait également être utile de s’informer sur ce qui se passe normalement dans des situations semblables comparativement à ce qui devrait se passer. Les réponses à ces questions peuvent aider à déterminer si les normes de pratique en place et les politiques et procédures qui les accompagnent atteignent l’objectif souhaité et si elles peuvent être améliorées pour tenir compte du contexte entourant la prestation de soins.

Biais rétrospectif

Le fait de savoir qu’un résultat défavorable s’est produit augmente la croyance qu’il était prévisible et, par conséquent, évitable. Il s’agit d’un « biais rétrospectif ». Ce biais rend plus facile de croire qu’un résultat imprévu est lié à de mauvais soins cliniques, plutôt que d’envisager le contexte ou le milieu de travail où la personne exerçant une profession de la santé évoluait au moment de l’événement.

Dans la mesure du possible, il faut utiliser des stratégies pour reconnaître et réduire le biais rétrospectif dans l’évaluation des incidents liés à la sécurité des patient·es et des incidents évités de justesse.

Que fait-on si des problèmes relatifs à la qualité du travail sont révélés pendant une évaluation en matière d’amélioration de la qualité?

Si de graves préoccupations quant à la conduite ou à la qualité du travail d’une ou d’un prestataire de soins sont découvertes au cours de l’évaluation en matière d’amélioration de la qualité, le comité d’amélioration de la qualité doit arrêter son analyse de sorte que cette question puisse être examinée de façon appropriée dans le cadre d’un processus de responsabilisation distinct et indépendant.

Comment l’évaluation doit-elle être documentée?

L’information recueillie pour les évaluations en matière d’amélioration de la qualité doit être traitée de manière confidentielle, et l’accès direct à ces renseignements, limité aux personnes participant au processus d’évaluation. Lorsque cela est possible, il peut s’avérer utile d’employer des en-têtes ou des bas de page pour indiquer que le document servira à une évaluation en matière d’amélioration de la qualité conformément aux lois pertinentes. Les documents de travail doivent être conservés seulement pour la durée dont en a besoin le comité pour produire son rapport ou pour satisfaire aux exigences établies par la loi, après quoi cette information devrait être éliminée comme il se doit. Dans la mesure du possible, le rapport final ne doit pas nommer les personnes et doit éviter l’utilisation d’information permettant de les identifier.

Pour en savoir plus, consultez le document Critical Incidents & Multi-Patient Events Risk Resource Guide [PDF] (en anglais) de la Healthcare Insurance Reciprocal of Canada (HIROC).

La documentation liée à l’évaluation sera-t-elle protégée?

Pour favoriser une amélioration continue de la qualité et inciter la participation de personnes exerçant une profession de la santé, des lois dans chaque province ou territoire empêchent en général l’information et les documents servant au comité d’amélioration de la qualité ou produits par celui-ci d’être utilisés subséquemment dans des procédures judiciaires, réglementaires ou autres. Ces lois ne protègent pas le fait qu’une évaluation a été menée ni la confidentialité de l’information se trouvant dans les rapports d’incident/accident et le dossier médical des patientes et patients. La mesure dans laquelle les renseignements sur l’amélioration de la qualité peuvent être divulgués varie d’une province ou d’un territoire à l’autre.4

Selon la loi provinciale ou territoriale applicable, un comité d’amélioration de la qualité peut être en mesure de déléguer des fonctions à un sous-comité. Afin que cette protection s’étende aux travaux d’un sous-comité, ce dernier doit se conformer aux exigences de la loi en ce qui a trait à la constitution appropriée d’un comité d’amélioration de la qualité. Les fonctions déléguées à un sous-comité structuré de manière appropriée peuvent comprendre, sans toutefois s’y limiter, l’évaluation des rapports d’incident/accident, les investigations d’incidents critiques, la révision des dossiers, les vérifications des soins, les revues de morbidité et mortalité (RMM) et les évaluations d’utilisation des ressources.

IMPORTANT : Dans la plupart des provinces et territoires, les lois qui empêchent la divulgation des dossiers et des renseignements sur l’amélioration de la qualité dans les actions en justice s’appliquent aussi à d’autres procédures telles que les enquêtes des organismes de réglementation (Collèges). Toutefois, ces lois n’interdisent pas en général aux hôpitaux/établissements de santé de déclarer au Collège toute incompétence ou inconduite professionnelle relevée par le processus d’amélioration de la qualité.

Que doit-on faire des conclusions de l’évaluation?

Les conclusions de l’évaluation devraient en général être globales et peuvent confirmer que le résultat clinique imprévu découlait du problème de santé sous-jacent de la patiente ou du patient, ou des risques inhérents à l’investigation, au traitement ou à la prestation de soins. L’évaluation peut relever des faiblesses ou des défaillances du système qui peuvent être résolues à l’aide de mesures d’amélioration de la qualité.

Les conclusions de l’évaluation, y compris les recommandations sur les modifications à apporter en matière d’amélioration de la qualité, doivent être communiquées à l’équipe de direction ou de gestion. Les lois dans certaines provinces ou certains territoires interdisent explicitement la communication des résultats, des conclusions ou des recommandations d’un comité d’amélioration de la qualité à toute personne ne faisant pas partie de l’équipe de direction ou de gestion. L’information transmise à l’équipe de direction ou de gestion à partir d’une évaluation en matière d’amélioration de la qualité devrait être limitée à ce qui suit :

  • les nouveaux faits, le cas échéant, liés aux soins prodigués qui ont été relevés au cours de l’évaluation et qui ne figurent pas encore au dossier médical de la patiente ou du patient;
  • les conclusions finales sur les raisons d’un résultat imprévu, d’un incident lié à la sécurité des patientes et patients ou d’une série d’événements, en mettant l’accent sur les éléments du système qui y ont contribué;
  • les recommandations du comité sur la manière d’améliorer le système de soins.

Il incombe à l’équipe de direction ou de gestion d’établir la priorité des recommandations et de mettre en œuvre les changements appropriés. Qui plus est, l’équipe de direction ou de gestion peut aussi avoir la responsabilité de communiquer les résultats et les recommandations à une régie de la santé ou à un organisme réglementaire approprié.

Comment les résultats de l’évaluation doivent-ils être communiqués aux patientes et patients ou à leur famille?

Pour préserver l’équité et l’objectivité du processus, le comité d’amélioration de la qualité ne devrait pas être chargé de divulguer les faits et les recommandations directement à une patiente ou un patient, ou à toute personne les représentant (étape de la divulgation subséquente).

Il incombe à l’équipe de direction ou de gestion de décider, au cas par cas et de préférence en consultation avec les services juridiques et les personnes exerçant une profession de la santé qui sont en cause, quels renseignements devraient être divulgués à une patiente ou un patient et par qui. Habituellement, l’équipe de direction ou de gestion doit être responsable de la divulgation subséquente aux patientes et patients et à leur famille et y participer. Selon les circonstances, les personnes exerçant une profession de la santé qui ont prodigué des soins à la patiente ou au patient au moment de l’incident devraient tout de même se voir offrir la possibilité, avec le consentement de la personne soignée, de participer à ces discussions.

La personne soignée devrait être informée des nouveaux faits relevés par l’analyse de l’événement et des conclusions (mais pas des opinions menant aux conclusions) concernant les raisons qui sous-tendent le résultat clinique. L’évaluation peut avoir confirmé que le résultat clinique découle du problème de santé sous-jacent de la patiente ou du patient ou des risques inhérents à l’investigation ou au traitement. Par contre, l’évaluation peut avoir constaté des faiblesses ou des défaillances du système. Lorsque les faits sont communiqués à la patiente ou au patient, les hypothèses formulées ne doivent pas être fournies et l’on doit éviter de chercher à attribuer un blâme. Des excuses peuvent être de mise.

Il se peut que les personnes soignées qui ont subi un préjudice, en particulier celles qui ont été la cible de discrimination ou de racisme dans le secteur de la santé, aient perdu confiance envers le système. Toute interaction ou communication ultérieure avec l’hôpital ou l’établissement est susceptible d’être un élément déclencheur et d’entraîner des souffrances psychologiques supplémentaires. Naturellement, les patientes et patients veulent souvent savoir quelles mesures ont été mises en œuvre pour éviter que d’autres personnes subissent un préjudice semblable. Dans certains cas, il peut convenir de communiquer à la patiente ou au patient les changements ou les améliorations qui ont été apportés au système par l’hôpital ou l’établissement à la suite de l’évaluation en matière d’amélioration de la qualité.

Pour en savoir plus, consultez la section « Divulgation subséquente » du document de l’ACPM intitulé « Divulgation d’un préjudice résultant de la prestation des soins : Pour une communication ouverte et honnête avec les patients ».

Comment les « leçons à retenir » devraient-elles être partagées avec les autres personnes exerçant une profession de la santé?

Il est important de communiquer les conclusions de l’évaluation aux personnes en cause dans l’événement ou à celles qui ont identifié et signalé une vulnérabilité potentielle, ce qui permet de boucler la boucle de la communication et de garantir que les signalements ont été pris en compte.

Une culture de sécurité et d’apprentissage s’appuie sur les observations faites dans le cadre des évaluations des incidents pour émettre des recommandations et former d’autres personnes exerçant une profession de la santé. Au moment de communiquer les améliorations apportées aux processus, aux politiques ou aux procédures à la suite d’une évaluation en matière d’amélioration de la qualité, il n’est pas approprié de révéler de renseignements qui peuvent facilement être liés à un événement particulier. Le respect de la confidentialité des patient·es et des prestataires de soins est nécessaire pour satisfaire aux obligations en matière de protection des renseignements personnels, promouvoir une culture juste et démontrer un engagement envers l’apprentissage et l’amélioration.

Évaluations de l’acte médical

La distinction entre les évaluations en matière d’amélioration de la qualité et les évaluations de l’acte médical repose sur le principe que les incidents liés à la sécurité des patient·es et les incidents évités de justesse peuvent mettre en cause des éléments liés au système et aux prestataires de soins, et que l’apprentissage visant à améliorer le système peut se faire indépendamment de la gestion de la qualité du travail des prestataires de soins.

Une évaluation de l’acte médical met l’accent sur la conduite ou la qualité du travail d’une ou d’un prestataire de soins, sans toutefois écarter l’identification de défaillances du système et d’améliorations à apporter. Ce type d’évaluation survient en général lorsque la qualité du travail d’une ou d’un prestataire de soins pourrait avoir contribué considérablement à un incident lié à la sécurité des patientes et patients.

Les membres de l’ACPM à qui l’on a demandé de participer à des évaluations de l’acte médical devraient communiquer avec l’Association pour obtenir de l’assistance.

Quelle est la structure d’une évaluation de l’acte médical?

La structure d’une évaluation de l’acte médical est habituellement prévue dans les règlements et les politiques des hôpitaux et des établissements de santé; elle peut aussi être définie dans une loi. Le processus peut compter un certain nombre d’étapes, notamment les droits d’appel ou d’évaluation. Il importe que de telles évaluations soient menées de manière équitable pour toutes les parties en cause, et que les lois, les politiques ou les règlements pertinents soient respectés.

Qui procède à l’évaluation?

Les équipes de direction et de gestion du service de la ou du prestataire de soins sont habituellement chargées de l’évaluation. Leur rôle consiste à veiller, pendant l’évaluation, au traitement équitable de toutes les parties et au respect de l’ensemble des règlements, des politiques et des lois applicables.

Au Québec, les équipes de direction et de gestion du service peuvent transmettre le dossier à une ou un médecin examinateur, généralement une personne nommée par l’établissement de santé afin d’étudier les préoccupations relatives aux soins ou à la conduite d’une ou d’un médecin (c.-à-d. de procéder à une évaluation de l’acte médical).

Quand devrait se dérouler l’évaluation?

L’évaluation devrait être effectuée dès que possible. Ceci permet un meilleur souvenir des faits et la prise rapide de mesures pour régler les défaillances du système relevées.

Qui devrait participer à l’évaluation?

Les règlements et/ou les politiques des hôpitaux et des établissements de santé obligent habituellement les prestataires de soins à collaborer à une évaluation de l’acte médical. Les patientes et patients, les décideuses/décideurs remplaçants et des membres de la famille peuvent se voir demander de contribuer à l’évaluation en fournissant leur connaissance des faits. Les personnes participantes peuvent aussi inclure d’autres prestataires ayant prodigué des soins à la patiente ou au patient. À l’occasion, des médecins détenant une expertise indépendante peuvent participer à une évaluation de l’acte médical.

Les personnes participant au processus d’évaluation de l’acte médical devraient limiter leurs commentaires aux faits dont ils ont une connaissance directe. Elles doivent répondre aux questions par des faits et ne pas formuler d’hypothèses, se blâmer ou blâmer les autres.

Comment l’information est-elle analysée?

Une évaluation de l’acte médical peut ou non relever ou confirmer des problèmes au sujet de la compétence ou de la conduite d’une ou d’un prestataire de soins. Au cours d’une évaluation de l’acte médical, le défi consiste à déterminer le caractère raisonnable d’une décision prise par une ou un prestataire de soins au moment de l’incident lié à la sécurité des patientes et patients, en prenant en considération toutes les circonstances du milieu de travail.

Une approche de l’analyse de l’information fondée sur une culture juste peut jouer un rôle crucial dans l’établissement et le maintien d’une culture de travail saine qui donne la priorité à la sécurité des soins tout en traitant les prestataires de manière équitable et respectueuse. Le modèle de la culture juste définit le rôle d’une ou d’un prestataire dans la survenance d’un événement comme étant le résultat de trois situations possibles :

  • l’erreur humaine, qui est inévitable et involontaire;
  • les comportements à risque, qui sont le résultat d’une dérive inconsciente par rapport à des pratiques sécuritaires; et
  • les comportements insouciants, qui découlent du choix conscient de ne pas tenir compte d’un risque reconnu.

Si, au cours d’une évaluation de l’acte médical, des problèmes liés au système sont relevés et qu’aucune évaluation en matière d’amélioration de la qualité n’est en cours, ceux-ci doivent être dirigés vers le comité d’amélioration de la qualité.

La documentation liée à l’évaluation sera-t-elle protégée?

L’information produite lors d’une évaluation de l’acte médical n’est pas recueillie pour un comité d’amélioration de la qualité ni issue de ce dernier; par conséquent, elle n’est pas protégée par les lois sur l’amélioration de la qualité. Le processus et les dossiers d’une telle évaluation devraient néanmoins être traités sous le sceau de la confidentialité. Les personnes participant à une évaluation de l’acte médical doivent être informées de la nature de l’évaluation et de la mesure dans laquelle l’information produite sera communiquée à d’autres personnes et dans quelles circonstances.

Au Québec, la loi prévoit que le dossier d’enquête de la ou du médecin examinateur doit demeurer confidentiel.

IMPORTANT : L’information produite dans le cadre d’une évaluation de l’acte médical n’est pas protégée par les lois sur l’amélioration de la qualité. Les médecins participant à une telle évaluation devraient s’informer de la mesure dans laquelle l’information produite sera communiquée et dans quelles circonstances.

Que doit-on faire des conclusions de l’évaluation?

Comme mentionné précédemment, une évaluation de l’acte médical ne relève pas nécessairement des problèmes relatifs à la conduite ou à la qualité du travail d’une ou d’un prestataire de soins. Toutefois, si de tels problèmes sont relevés, les organisations sont invitées à envisager l’adoption d’une approche favorisant la prise de mesures correctives appropriées et de perfectionnement professionnel continu, et limitant les mesures disciplinaires et les sanctions aux situations qui les exigent.

Au Québec, la ou le médecin examinateur décidera si le dossier est suffisamment préoccupant pour être soumis à l’examen d’un comité disciplinaire au sein de l’établissement ou être rejeté (avec ou sans recommandations à la ou au médecin).

Dans le modèle de la culture juste, il faut d’abord déterminer la situation qui a contribué à l’événement pour ensuite établir l’intervention appropriée de l’équipe de direction. Les personnes exerçant une profession de la santé qui ont commis une erreur humaine sont consolées, celles qui ont adopté un comportement à risque sont encadrées et celles qui ont adopté un comportement insouciant sont sanctionnées.

Le fait de consoler, d’encadrer ou de sanctionner n’empêche pas de tirer des leçons de l’événement et de cerner les facteurs systémiques qui peuvent être améliorés pour promouvoir la sécurité.

IMPORTANT : Si les privilèges d’une ou d’un médecin sont restreints, annulés ou suspendus à la suite d’une évaluation, peu importe sa nature, l’hôpital ou l’établissement de santé peut avoir l’obligation légale de communiquer cette information au Collège.5

Comment les résultats de l’évaluation doivent-ils être communiqués aux patientes et patients ou à leur famille?

Lorsqu’une évaluation de l’acte médical a eu lieu, il convient de rassurer la patiente ou le patient que l’événement a fait l’objet d’un examen approfondi et que des mesures appropriées ont été prises. Il revient à l’équipe de direction ou de gestion de décider, au cas par cas, si d’autres renseignements doivent être divulgués aux patientes et patients et à leur famille. Malgré la demande d’une personne soignée d’obtenir d’autres renseignements, le droit à la vie privée de la ou du prestataire de soins doit être respecté. À titre d’exemple, il ne conviendrait pas que l’équipe de direction ou de gestion divulgue de l’information sur la santé d’une ou d’un prestataire de soins sans le consentement de cette personne. La décision de communiquer les résultats de l’évaluation aux patientes ou patients et à leur famille nécessitera habituellement la consultation des services juridiques de l’hôpital ou de l’établissement de santé.

Choisir le meilleur type d’évaluation

Avant de déterminer le type d’évaluation à entamer, il faut établir la pertinence et les avantages d’un processus d’évaluation. L’évaluation initiale repose sur la collecte de faits préliminaires en ce qui concerne le résultat clinique imprévu, l’incident lié à la sécurité des patientes et patients ou l’incident évité de justesse. Un examen des faits saillants aidera à déterminer si une analyse plus poussée est nécessaire. Si tel est le cas, la prochaine étape consiste à choisir le type d’évaluation à effectuer.

Étape 1 : Recueillir tous les faits

Pour déterminer si une évaluation est indiquée,6 il faut procéder à une collecte préliminaire de faits saillants. Elle aidera à se faire une première idée de l’événement et à déterminer si une évaluation sera avantageuse.

Étape 2 : Déterminer si une analyse/évaluation plus poussée est nécessaire

En général, une évaluation devrait être considérée lorsque survient un grave résultat clinique imprévu ou un incident lié à la sécurité des patientes et patients. Le cadre juridique dans chaque province ou territoire peut dicter quels genres d’événements (p. ex. incidents critiques en Ontario) requièrent une évaluation officielle. Une évaluation en matière d’amélioration de la qualité devrait aussi être envisagée pour les résultats cliniques moins graves, les incidents évités de justesse et, au cas par cas, les préoccupations ou plaintes formulées par des patientes et patients ou des personnes exerçant une profession de la santé et qui sont associées à un résultat imprévu et/ou un incident lié à la sécurité des patient·es.

Chaque hôpital ou établissement de santé doit décider, de préférence à l’aide de critères et d’objectifs préétablis, quels événements doivent être évalués, le type d’évaluation et l’ampleur de l’analyse.

Bien que la plupart des incidents liés à la sécurité des patientes et patients soient associés aux risques inhérents à une investigation ou à un traitement, le préjudice ne devrait pas être prématurément attribué à une simple « complication » de l’investigation ou du traitement. L’examen de certains de ces événements doit être envisagé pour déterminer si des problèmes du système étaient des facteurs contributifs.

Étape 3 : Déterminer quel type d’évaluation doit être amorcé

Reconnaissant que les incidents liés à la sécurité des patientes et patients découlent souvent de défaillances du système, les évaluations en matière d’amélioration de la qualité représentent l’option de prédilection. Selon la théorie de la sécurité des patientes et patients, le fait de mettre l’accent sur le système plutôt que sur une seule personne permettra d’éviter un plus grand nombre d’incidents liés à la sécurité des patient·es. Toutefois, une évaluation de l’acte médical doit être prise en considération lorsque la qualité du travail d’une ou d’un prestataire de soins semble être le facteur prédominant qui a contribué à l’incident lié à la sécurité des patientes et patients ou à l’incident évité de justesse. Le modèle d’examen de la culture juste vise à établir un équilibre entre le rôle du système et celui des prestataires de soins dans la survenance des incidents.

Les trois questions suivantes aideront la direction à déterminer s’il convient de procéder à une évaluation de l’acte médical :

  • Y a-t-il allégation de violation délibérée d’une politique de la part d’une ou d’un prestataire?
  • Y a-t-il une inquiétude au sujet de la santé d’une ou d’un prestataire?
  • La principale préoccupation dans le cas en question a-t-elle trait à un manque flagrant de connaissances ou de compétences ou à une grave inconduite professionnelle chez une ou un prestataire? (Note : dans ce contexte, une inconduite professionnelle fait seulement référence à un comportement qui peut avoir grandement contribué à l’incident lié à la sécurité des patientes et patients ou à l’incident évité de justesse.)

À moins d’obtenir une réponse positive à l’une de ces questions, une évaluation en matière d’amélioration de la qualité est l’approche la plus indiquée, reconnaissant qu’elle détermine efficacement les améliorations à apporter au système et pourrait encore permettre de relever des problèmes moins évidents quant à la qualité du travail des prestataires de soins.

L’importance d’un « coupe-feu » de l’information

Reconnaissant les différences entre les points d’intérêt et les objectifs d’une évaluation en matière d’amélioration de la qualité et d’une évaluation de l’acte médical, il peut s’avérer nécessaire à l’occasion de procéder aux deux évaluations. Elles doivent être effectuées indépendamment l’une de l’autre avec un coupe-feu de l’information strict entre les deux. En séparant ces deux processus, les personnes exerçant une profession de la santé qui participent à l’évaluation en matière d’amélioration de la qualité seront probablement plus enclines à donner leurs opinions et à faire valoir leurs points de vue sur les améliorations pouvant être apportées au système.

IMPORTANT : Les membres de l’ACPM devraient communiquer avec l’Association pour obtenir des conseils dans les cas suivants :

  • On leur demande de participer à une évaluation de l’acte médical.
  • On les oblige à participer à une évaluation en matière d’amélioration de la qualité dont la structure ne répond pas aux paramètres établis dans la loi provinciale ou territoriale pertinente.
  • Leurs privilèges sont menacés.
  • Une ou un coroner ou médecin légiste (c.-à-d. personne à l’emploi de l’État qui possède des compétences médicales et qui enquête sur les décès survenus dans des circonstances inhabituelles ou suspectes) demande de l’information issue d’une évaluation.
  • Des procédures disciplinaires risquent d’être entamées ou ont été entamées par un Collège.
  • Elles ou ils ont des incertitudes quant à la manière de procéder.

Le processus de triage

L’utilisation d’un processus de triage aide à déterminer si une évaluation est avantageuse et, le cas échéant, quel type d’évaluation est nécessaire. Le triage d’information doit être effectué de manière objective par des personnes occupant un poste de direction qui ont des connaissances relatives à la pratique médicale et à la sécurité des patient·es, et qui comprennent les objectifs distincts des deux types d’évaluation.

Le diagramme qui suit (figure 1) illustre le processus de triage suggéré pour les résultats imprévus, les incidents liés à la sécurité des patient·es et les incidents évités de justesse, ainsi que pour les deux types d’évaluations généralement possibles dans les hôpitaux et les établissements de santé.

Figure 1 : Choisir le meilleur type d’évaluation dans les hôpitaux et les établissements de santé

Résultat clinique imprévu, incident lié à la sécurité des patientes et patients ou incident évité de justesse

Triage d’un événement

Étape 1 – Collecte préliminaire des faits

Le triage est effectué par des membres de la direction ayant des connaissances cliniques

Étape 2 – Déterminer si une analyse/évaluation plus poussée est nécessaire

  • Selon des critères objectifs (peuvent être définis par la loi dans certaines provinces ou certains territoires)
  • Les incidents liés à la sécurité des patientes et patients ne requièrent pas tous une analyse plus poussée (ils doivent quand même donner lieu à une divulgation aux personnes soignées)

Étape 3 – Si une analyse plus poussée est nécessaire, choisir le type d’évaluation approprié à l’aide des questions suivantes :

  1. Y a-t-il allégation de violation délibérée d’une politique de la part d’une ou d’un prestataire?
  2. Y a-t-il une inquiétude au sujet de la santé d’une ou d’un prestataire de soins?
  3. La principale préoccupation dans le cas en question a-t-elle trait à un manque flagrant de connaissances ou de compétences ou à une importante inconduite professionnelle chez une ou un prestataire?

NON à toutes les questions

Évaluation en matière d’amélioration de la qualité par le comité ou sous-comité d’amélioration de la qualité

Accent mis sur les défaillances du système (contexte des soins)

Des problèmes relatifs à l’acte médical ont-ils été relevés pour une ou un prestataire?

Si d’importantes préoccupations ont été soulevées au sujet de la compétence d’une ou d’un prestataire, il faut alors arrêter l’évaluation et la rediriger sans donner de détails vers la démarche d’évaluation de l’acte médical et créer un coupe-feu de l’information.

Résultat attendu :

Recommandations possibles de modifications au système afin d’offrir de meilleurs soins aux patient·es et des activités éducatives à l’ensemble des prestataires.

OUI à une question

Évaluation de l’acte médical de la ou du prestataire par l’équipe de direction ou de gestion

Accent mis sur la qualité du travail de la ou du prestataire. Doit être effectuée lorsqu’il y a des préoccupations, en fonction des questions de triage susmentionnées, au sujet de la qualité du travail de la personne ayant prodigué les soins.

Des problèmes liés au système ont-ils été relevés?

Si des problèmes liés au système sont relevés, considérer de soumettre également le cas à une évaluation en matière d’amélioration de la qualité.

Résultat attendu pour la ou le prestataire de soins :

Réponse adaptée à la situation sous-jacente (qu’il s’agisse d’une erreur humaine, d’un comportement à risque ou d’un comportement insouciant) en tenant dûment compte des efforts antérieurs visant à remédier à des comportements similaires de la part de cette personne (c.-à-d. réponse graduelle de soutien, d’encadrement, de formation ciblée ou de sanctions).


Notes

  1. Chaque province ou territoire au Canada a promulgué des lois qui empêchent les renseignements sur l’amélioration de la qualité d’être divulgués lors de procédures judiciaires. Toutefois, elles diffèrent dans la manière dont elles établissent ce que sont un comité d’amélioration de la qualité, une activité d’amélioration de la qualité et l’information sur l’amélioration de la qualité. De plus, la mesure dans laquelle la protection est accordée à l’information sur l’amélioration de la qualité varie d’une province ou d’un territoire à l’autre. On invite les membres à se familiariser avec les lois pertinentes de leur province ou de leur territoire.
  2. La législation de la Colombie-Britannique, de l’Alberta, de l’Ontario, du Québec, du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse, de l’Île-du-Prince-Édouard et de Terre-Neuve-et-Labrador impose la déclaration obligatoire des mesures disciplinaires prises par les hôpitaux.
  3. Le processus d’évaluation en matière d’amélioration de la qualité peut aussi servir à examiner d’autres groupes de résultats cliniques, non pas seulement ceux déclenchés par le résultat ou l’expérience d’une seule personne soignée.