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Les temps d’attente en contexte de pénurie de ressources

Un stéthoscope et un stylo posés sur un calendrier.
Publié : mai 2022
12 minutes

Introduction

De nombreux Canadiens ont de la difficulté à recevoir des soins médicaux sans délai. Bien souvent, les médecins de famille comme les spécialistes composent avec une lourde charge de travail et des ressources limitées. Ils peuvent être confrontés à un dilemme moral : refuser des patients pour maintenir et gérer un volume de travail et des temps d’attente raisonnables. 

Les longs temps d’attente sont un important facteur de stress pour les médecins consultants et traitants. Le stress qu’ils subissent découle souvent du tiraillement éprouvé devant la situation suivante : toujours prioriser les besoins des patients pour respecter leur engagement professionnel, et composer au quotidien avec une pénurie de ressources sur laquelle ils n’ont aucune emprise.

Les tribunaux et les organismes de réglementation de la médecine (Collèges) reconnaissent que les médecins ne peuvent prodiguer de soins lorsque ceux-ci sont tributaires de ressources qui n’existent tout simplement pas. Un tribunal de l’Ontario a par exemple établi ce qui suit : « […] on ne peut raisonnablement s’attendre à ce qu’un médecin puisse fournir des soins qui ne sont pas disponibles ou qui sont à peu près impossibles à prodiguer en raison de la rareté des ressources. » 1

Il n’y a pas de solution magique pour résoudre les dilemmes qui découlent du manque de ressources ni pour raccourcir les listes d’attente. On peut néanmoins prendre des mesures pour gérer les pénuries et, ce faisant, atténuer le risque de préjudices pour les patients et réduire au minimum les risques médico-légaux.

Tout ce processus doit se dérouler selon les principes directeurs suivants :

  • Agir dans l’intérêt du patient
  • Considérer qu’en contexte de pénurie de ressources, la société s’attend à ce que les médecins prodiguent des soins raisonnables, et pas nécessairement parfaits

Conseil en matière de bonnes pratiques

Le processus de demande de consultation et de consultation est un élément fondamental des soins axés sur le patient. Une bonne communication entre les patients et les médecins traitants et consultants est essentielle au bon fonctionnement de ce processus. Les médecins traitants comme les médecins consultants ont la responsabilité professionnelle et déontologique de faciliter la continuité des soins et de soutenir les patients dans cette démarche.

Certains problèmes de communication fréquents sont les suivants :

  • Demandes de consultation incomplètes
  • Situations où les médecins traitants et consultants ne font pas le suivi du classement d’un patient ou d’une patiente sur la liste d’attente en fonction de son état de santé, ce qui s’avère particulièrement problématique si des soins urgents sont requis
  • Situations où les médecins consultants ne communiquent pas avec les médecins traitants après une consultation et où les rôles et responsabilités sont mal définis entre médecins consultants et traitants

Si un problème médico-légal survient, il est fort probable que les soins prodigués par tous les médecins concernés seront examinés de plus près.

Médecins traitants

Les médecins traitants peuvent aider les patients à comprendre qu’une consultation auprès d’un tiers s’impose; ils devraient expliquer au patient ou à la patiente la raison de la demande de consultation et obtenir son assentiment. Pour faciliter les consultations et assurer le traitement des demandes par ordre de priorité, il est important que celles-ci soient claires et complètes.

La demande de consultation peut comprendre les renseignements suivants :

  • Nom de la personne, numéro d’assurance maladie, coordonnées à jour et mode de communication à privilégier (Remarque : Même si la communication par courriel avec le médecin traitant ou la médecin traitante a été autorisée par le patient ou la patiente, le consultant ou la consultante doit à son tour obtenir ce consentement si une communication électronique est prévue. Compte tenu des risques inhérents aux échanges par courriel, vaut mieux user de prudence et faire en sorte que chaque médecin obtienne l’autorisation du patient ou de la patiente en fonction des processus en place dans la clinique et des technologies qui y sont utilisées.)
  • Date de la demande de consultation
  • Raison de la demande de consultation et attentes par rapport à l’issue de la consultation (p. ex. diagnostic, suggestions de traitement, transfert de soins)
  • Degré d’urgence
  • Renseignements pertinents sur les plans clinique (p. ex. médicaments, allergies, antécédents médicaux, examen physique) et social (p. ex. barrières linguistiques, besoin d’accompagnement)
  • Copie ou résumé des analyses de laboratoire, des résultats d’imagerie et des autres rapports de consultants pertinents
  • Établir clairement qui assurera les soins à la patiente ou au patient pendant qu’il est sur la liste d’attente et/ou après sa consultation

Il est important que les patients comprennent bien quels signes et symptômes pourraient annoncer une complication ou une aggravation de leur état de santé; on doit aussi leur dire qui appeler si leur condition change alors qu’ils attendent d’être vus par le consultant ou la consultante. Ces renseignements devraient être consignés dans le dossier médical.

De nombreux Collèges ont publié des directives précises pour établir qui doit assurer le suivi des patients inscrits sur une liste d’attente. Certains Collèges ont des attentes bien définies à ce chapitre; ils peuvent par exemple exiger qu’un système de suivi de toute demande de consultation soit en place. Les médecins devraient bien connaître les exigences et directives du Collège de leur province ou territoire qui encadrent le processus de demande de consultation et de consultation.

Bien souvent, les médecins traitants se sentent particulièrement vulnérables quand ils ne réussissent pas à faire en sorte que leurs patients reçoivent les soins souhaités. Or, les tribunaux et les Collèges savent que vous ne pouvez prodiguer de soins lorsque ces soins sont tributaires de ressources qui n’existent pas. Le but est de prodiguer des soins raisonnables, et pas nécessairement parfaits. Pour mieux prouver que vos soins sont effectivement raisonnables, assurez-vous de consigner les renseignements suivants et de les transmettre à vos patients :

  • Les étapes que vous conseillez à vos patients de suivre d’ici à ce que leur consultation ait lieu (p. ex. les signes et symptômes à surveiller qui pourraient être l’indice qu’une réévaluation ou une visite à l’urgence s’impose)
  • Les efforts que vous déployez pour obtenir les soins requis
  • Le suivi que vous faites de l’état de santé de vos patients
  • Vos communications avec les consultants

Dois-je suivre les conseils des médecins consultants?

Les médecins traitants qui ont demandé une consultation par rapport au traitement ou au diagnostic doivent envisager sérieusement les recommandations des consultants et les intégrer à leurs plans de traitement s’ils le jugent approprié. Si l’état clinique évolue ou que la recommandation ne semble pas convenir, une discussion de suivi avec le consultant ou la consultante pourrait s’imposer. Et si une deuxième opinion est demandée, que ce soit par les patients eux-mêmes ou par l’intermédiaire d’une demande de consultation, la responsabilité des soins continue d’incomber aux médecins traitants. Ceux-ci doivent procéder eux-mêmes à l’évaluation et élaborer leur propre plan de traitement; ils doivent aussi expliquer aux patients en quoi consiste la recommandation qu’ils ont reçue et le plan qu’ils entendent suivre au final. Il est en outre important que les médecins traitants consignent par écrit les raisons pour lesquelles ils ne partagent pas l’avis du consultant ou de la consultante, le cas échéant; ils doivent aussi consigner au dossier que le patient ou la patiente a donné son consentement éclairé au plan de traitement.

Médecins consultants

Les médecins consultants devraient répondre aux médecins traitants dès qu’il leur est raisonnablement possible de le faire, en indiquant s’ils sont en mesure de voir le patient ou la patiente dans un délai acceptable. Bon nombre de Collèges exigent que cette réponse soit transmise aux médecins traitants dans un délai bien précis.

Comme tous les médecins, les spécialistes acceptant de nouveaux patients sont guidés par des responsabilités déontologiques, telles que décrites dans le Code d’éthique et de professionnalisme 2 de l’Association médicale canadienne et le Code de déontologie des médecins du Québec 3, et par des responsabilités professionnelles, telles qu’énoncées dans les politiques du Collège de leur province ou territoire. Ces politiques varient d’un Collège à l’autre, mais de façon générale, elles exigent que les spécialistes aient recours au principe du « premier arrivé, premier servi » et n’exercent aucune discrimination.

Les politiques des Collèges stipulent généralement que les spécialistes doivent prendre en compte un certain nombre de facteurs pour décider s’ils acceptent ou non une demande de consultation, notamment :

  • L’urgence et l’indication clinique
  • Les temps d’attente actuels
  • Le champ d’exercice et la compétence clinique 4

Quand ils acceptent une demande de consultation, les médecins consultants sont généralement les mieux placés pour informer les patients et les médecins traitants de la date et de l’heure du rendez-vous. Pour réduire au minimum les risques que les patients dont l’état se détériore traînent sur des listes d’attente, il est important que les consultants avisent les patients et les médecins traitants du temps d’attente prévu; ils doivent aussi les informer des signes et des symptômes qui justifieraient une consultation téléphonique ou une réévaluation du classement sur la liste. Il est également utile d’aviser les patients des exigences administratives en vigueur au cabinet du ou de la médecin qu’ils s’apprêtent à voir (p. ex. politique d’annulation des rendez-vous ou frais exigibles si les patients ne se présentent pas) et des mesures à prendre, s’il y a lieu, avant leur rendez-vous médical (p. ex. préparation intestinale, ajustement de la médication).

Si les médecins consultants doivent refuser une demande de consultation, il y a tout lieu qu’ils aident les médecins traitants et les patients en leur recommandant, si possible, un ou une collègue.

Lorsque des patients ne se présentent pas à leur rendez-vous sans le remettre à une date ultérieure, aviser les médecins traitants favorisera la sécurité des soins.

Après la consultation, un compte rendu écrit devrait être transmis sans délai au ou à la médecin ayant demandé la consultation. Quand la situation est urgente, privilégier un compte rendu verbal peut contribuer à ce que le suivi requis soit offert aussi rapidement que possible et de façon sécuritaire.

Un rapport de consultation peut comprendre les éléments suivants :

  • Le nom du patient ou de la patiente
  • Le nom du ou de la médecin ayant demandé la consultation et, s’il y a lieu, du ou de la médecin de première ligne (si connu)
  • La date de la consultation
  • L’objet de la demande de consultation, selon l’interprétation du consultant ou de la consultante
  • Les renseignements pris en compte, y compris les antécédents, les observations physiques et les résultats d’analyses
  • Les conclusions diagnostiques (définitives ou provisoires; diagnostic différentiel au besoin)
  • Les traitements entrepris ou les interventions effectuées, notamment les changements au schéma thérapeutique ou les analyses prescrites
  • Les recommandations par rapport au suivi et à la personne qui s’en chargera 5
  • Les conseils donnés au patient ou à la patiente quant aux prochaines étapes à suivre

Si la consultation se prolonge au-delà de la visite initiale, il peut être indiqué de produire des rapports préliminaires. Lorsque la consultation est terminée et que la patiente ou le patient est redirigé vers le ou la médecin ayant demandé la consultation ou vers un tiers, il faut en aviser toutes les parties concernées. 6-8

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Liste d’attente – liste de vérification

Quand les ressources sont restreintes, le mot d’ordre est d’agir dans l’intérêt des patients et de prodiguer des soins raisonnables.


Références

  1. Mathura c Scarborough General Hospital, [1999] CO n° 47 au para 83 (Division générale)
  2. Association médicale canadienne. AMC; 2018. Code d’éthique et de professionnalisme de l’AMC [cité en janv. 2022]. Disponible : https://policybase.cma.ca/documents/PolicyPDF/PD19-03F.pdf
  3. Collège des médecins du Québec. CMQ; 2015. Code de déontologie des médecins. Disponible : http://www.cmq.org/publications-pdf/p-6-2015-01-07-fr-code-de-deontologie-des-medecins.pdf
  4. Association canadienne de protection médicale. ACPM; sept. 2018. Vous acceptez de nouveaux patients... la clé d’une gestion efficace de la pratique [cité en janv. 2022]. Disponible : https://www.cmpa-acpm.ca/fr/advice-publications/browse-articles/2018/accepting-new-patients-the-key-to-effective-practice-management
  5. Urbach DR, Martin D. Confronting the COVID-19 surgery crisis: time for transformational change. CMAJ. 2020 May 25;192(21):E585-6. Disponible : https://www.cmaj.ca/content/192/21/E585 doi: 10.1503/cmaj.200791
  6. Association canadienne de protection médicale. ACPM; mars 2019. Pour un suivi efficace en pratique clinique [cité en janv. 2022]. Disponible : https://www.cmpa-acpm.ca/fr/advice-publications/browse-articles/2019/closing-the-loop-on-effective-follow-up-in-clinical-practice
  7. Collège des médecins de famille du Canada et Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada. CMFC;2009. Guide pour l’amélioration de l’aiguillage et de la consultation entre les médecins [cité en janv. 2022]. Disponible : https://www.hhr-rhs.ca/en/?option=com_mtree&task=att_download&link_id=6685&cf_id=69
  8. Ordre des médecins et chirurgiens de l’Ontario. CPSO; nov. 2008 (mis à jour en mai 2017). Acceptation de nouveaux patients [cité en janv. 2022]. Disponible : https://www.cpso.on.ca/fr/Physicians/Policies-Guidance/Policies/Accepting-New-Patients
  9. Association canadienne de protection médicale. ACPM; déc. 2018. Ressources limitées en soins de santé : un équilibre précaire [cité en janv. 2022]. Disponible : https://www.cmpa-acpm.ca/fr/advice-publications/browse-articles/2007/limited-health-care-resources-the-difficult-balancing-act
  10. Choisir avec soin Canada [En ligne]. Toronto (CA): University of Toronto, Canadian Medical Association, St. Michael’s Hospital [cité le 13 août 2018]. Disponible : https://choosingwiselycanada.org
  11. Association médicale canadienne. AMC; sept 2021. Qu’est-ce qu’un préjudice moral et comment y faire face? Disponible : https://www.cma.ca/fr/carrefour-bien-etre-medecins/contenu/prejudice-moral
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