Conseils pour les médecins qui utilisent les médias sociaux à titre personnel ou professionnel
Les médias sociaux offrent à la profession médicale des occasions novatrices de transmettre de l’information. Ils s’accompagnent toutefois de risques. En effet, les renseignements ainsi diffusés en ligne pourraient constituer une atteinte à la vie privée, propager de la désinformation, brouiller les cartes entre les activités professionnelles et privées ou encore nuire à la réputation d’autrui. Les médecins doivent donc reconnaître les conséquences de l’usage des médias sociaux, et songer à la façon d’atténuer tout risque possible.
Apprentissage et échange
Les personnes apprenantes, les facultés de médecine et les associations et fédérations médicales misent sur de nombreuses plateformes de médias sociaux pour parfaire la formation qui est offerte. Les étudiant·es recherchent des occasions d’échanger et d’apprendre au-delà du cadre d’enseignement structuré; elles et ils ont donc souvent recours aux médias sociaux pour capter et communiquer des apprentissages cliniques.
Toutefois, tant les étudiant·es que les professeur·es ont l’obligation de protéger la confidentialité des renseignements sur les personnes soignées; elles et ils doivent aussi s’abstenir de transmettre dans les médias sociaux des exemples de cas cliniques où des personnes soignées pourraient être identifiées, sauf si ces dernières y ont consenti. Ce principe s’applique peu importe si les paramètres de confidentialité de la plateforme utilisée sont réglés en mode public ou privé. Les médecins ne doivent pas perdre de vue que si des personnes soignées peuvent être reconnues dans un exemple de cas publié en ligne, même si elles ne sont pas identifiées expressément, cela pourrait constituer une violation du droit de ces personnes à la confidentialité.1 Il est bien établi que des exemples de cas génériques ou d’autres documents d’apprentissage ne contenant pas de renseignements révélant l’identité des patient·es concerné·es peuvent aider les étudiant·es à apprendre.
Utilisation des médias sociaux par les patient·es
Les personnes soignées prennent de plus en plus activement part à la formation des médecins. Elles peuvent y contribuer en communiquant leurs points de vue avec les médecins par l’intermédiaire des médias sociaux. Il est crucial d’assurer la protection de la confidentialité dans ce type d’interactions avec les personnes soignées.2
Des patient·es utilisent également les médias sociaux pour se renseigner sur des sujets associés à la santé. D’autres se joignent à des groupes de patient·es échangeant de l’information en ligne avec des personnes vivant des situations de santé semblables. Avides d’information, de choix de traitement et d’espoir, les personnes soignées acquièrent des connaissances pouvant être erronées ou inappropriées pour leur état médical.
Certaines personnes soignées voudront communiquer leurs expériences à d’autres au moyen des médias sociaux; elles pourraient donc souhaiter photographier ou enregistrer l’intervention ou la rencontre avec leur médecin. Les médecins devront envisager la façon de gérer ces situations en prenant en compte la grande portée des médias sociaux et les conséquences qui peuvent en découler. Les médecins pourraient vouloir demander aux personnes sous leurs soins la raison pour laquelle celles-ci souhaitent communiquer leurs expériences médicales dans les médias sociaux, et envisager de discuter avec elles de possibles solutions de rechange mieux adaptées. Les médecins qui consentent à participer à ce type d’initiatives de la part de personnes sous leurs soins doivent consigner clairement leurs discussions avec celles-ci à ce sujet dans leur dossier médical respectif. Dans la mesure du possible, une copie des photographies ou de l’enregistrement devrait être versée dans le dossier médical. Les médecins qui refusent d’y participer devraient expliquer aux personnes sous leurs soins les raisons motivant leur décision. Si une patiente ou un patient persiste à vouloir enregistrer la consultation pour la publier dans les médias sociaux (ou pour toute autre raison), la ou le médecin devra décider à sa discrétion de mettre terme au rendez-vous ou non.
La plupart des hôpitaux et des établissements ont des politiques concernant l’usage de photographies ou de vidéos lors d’entretiens entre les médecins et les personnes soignées.
Utilisation des médias sociaux par les professionnel·les
Les médecins reconnaissent depuis longtemps l’importance d’adopter un comportement professionnel dans toutes les facettes des soins ainsi que dans leur vie privée. Ce professionnalisme est tout autant de mise dans les médias sociaux, où les attentes de la société envers les médecins demeurent les mêmes que dans la vie courante.
Les conséquences d’un manque de professionnalisme dans les médias sociaux sont souvent plus importantes en raison de la portée et du caractère permanent de ces derniers. En effet, il est très difficile de se rétracter une fois qu’une publication ou un commentaire est affiché ou enregistré.
Parfois, le contenu des médias sociaux laisse une fausse impression de détachement; il arrive que des gens répondent ou agissent d’une façon qui pourrait être jugée inappropriée si la rencontre avait lieu en personne. Voilà pourquoi les médecins doivent toujours se demander :
- Répondrais-je ainsi si la personne ou le groupe se trouvait dans mon bureau ou si j’avais un contact direct?
- Cette réponse reflète-t-elle ma façon habituelle de communiquer?
- Penserai-je la même chose demain, dans deux mois ou dans un an?
- Ma réponse reflète-t-elle mes obligations professionnelles?
Les médecins doivent savoir qu’un certain nombre de Collèges au Canada ont établi, pour les médecins qui utilisent les médias sociaux, des attentes en matière de communications professionnelles et respectueuses. La diffamation – c’est-à-dire de fausses déclarations pouvant porter atteinte à la réputation d’une personne ou d’un organisme – entraîne les mêmes conséquences, qu’elle soit commise en ligne ou dans des médias traditionnels. L’ACPM prêtera généralement assistance aux membres dans le cadre de plaintes au Collège qui sont liées à l’exercice professionnel de la médecine.
Connaître les obligations
Les médecins doivent protéger les renseignements personnels sur la santé des personnes sous leurs soins, y compris dans les médias sociaux. Dans leur utilisation des médias sociaux, les médecins doivent toujours garder à l’esprit les mesures de sécurité et les interventions à mettre en œuvre pour éviter ces atteintes à la vie privée. Parmi ces mesures et interventions, on trouve l’utilisation des réglages appropriés en ce qui a trait à la confidentialité et à la protection de la vie privée pour éviter de communiquer des renseignements sur la santé des personnes soignées.
Une information erronée ou inexacte peut se propager rapidement et à grande échelle dans les médias sociaux. Cela représente un risque pour les personnes soignées, mais aussi pour leurs médecins. Imaginez que vous avez une discussion avec une personne soignée au sujet d’un traitement recommandé qui a été dépeint comme étant dangereux dans les médias sociaux. Cette personne pourrait avoir des craintes et refuser un traitement en se fondant sur des informations erronées.
Les médecins sont en bonne position pour corriger la désinformation auprès des personnes soignées. Bien que les médecins n’aient pas l’obligation de surveiller tout ce qui se dit dans les médias sociaux, elles et ils peuvent participer aux échanges tout en ayant pour objectif de fournir de l’information factuelle qui pourrait servir à d’autres. Par contre, quand il s’agit de leur propre plateforme de médias sociaux, il est important que les médecins surveillent ce qui s’y dit et soient en mesure de corriger l’information ou d’intervenir au besoin.
Miser sur les médias sociaux
Les médias sociaux peuvent jouer un rôle dans la santé publique en permettant aux médecins :
- de joindre un grand nombre de professionnel·les pour échanger sur des questions de santé publique et des orientations stratégiques;
- de communiquer avec des professionnel·les à l’échelle nationale et internationale pour promouvoir des recherches, des traitements et des modalités de soins;
- de diffuser en temps opportun des renseignements en matière de santé pour faire bouger les choses;
- d’aviser leur collectivité de l’apparition d’éclosions, du lieu des centres de vaccination ainsi que des mesures à prendre pour réduire l’exposition aux maladies contagieuses.
Les médecins qui ont recours à des blogues ou à d’autres sites de médias sociaux pour échanger sur des questions en matière de santé doivent envisager de replacer l’information fournie dans son contexte canadien. Cette démarche contribuera à limiter les risques que des personnes ne résidant pas au Canada suivent des conseils qui pourraient ne pas être appropriés ou pertinents.
La publication d’information sur des blogues ou autres plateformes de médias sociaux pourrait donner lieu à une action en justice à l’extérieur du Canada. De façon générale, lorsqu’une action en justice est intentée à l’extérieur du Canada, l’ACPM n’offrira aucune assistance aux membres si des problèmes médico-légaux surviennent à la suite de la publication de renseignements ciblant un auditoire de non-médecins.
Considérer le niveau de participation
Que les médecins choisissent ou non de participer à des échanges dans les médias sociaux, elles et ils ne peuvent en ignorer les conséquences.
Participer aux médias sociaux – à titre personnel
- Reconnaissez qu’il est souvent difficile de délimiter votre vie personnelle et professionnelle dans les médias sociaux, mais que vous voudrez les séparer le plus possible.
- Agissez dans les médias sociaux comme vous le feriez dans votre vie personnelle et professionnelle. La compassion, le respect et l’intégrité sont autant de vertus qui ont leur place dans les médias sociaux.
- Évitez les amitiés virtuelles avec les patient·es, car il peut ensuite être difficile de séparer les activités professionnelles des activités personnelles. Rappelez-vous que les limites professionnelles s’appliquent dans les médias sociaux, tout comme dans les consultations en personne.
- Reconnaissez que, peu importe les réglages de protection des renseignements personnels, presque tout ce qui se retrouve dans les médias sociaux est généralement accessible.
- Reconnaissez le caractère permanent de ce qui est communiqué dans les médias sociaux ainsi que la difficulté de se rétracter ou d’enlever des éléments du contenu publié.
- Consultez et respectez les lignes directrices du Collège de votre province ou territoire en matière d’utilisation des médias sociaux.
Participer aux médias sociaux – à titre professionnel
- Évaluez et déterminez quels sites de médias sociaux vous permettront d'atteindre vos objectifs.
- Établissez des lignes directrices sur l’usage des médias sociaux, y compris vos attentes envers votre personnel. Faites connaître ces lignes directrices aux personnes sous vos soins et à vos collègues ainsi qu’aux autres professionnel·les de la santé.
- Déterminez si vous êtes la seule personne à publier de l’information ou si d’autres participeront à vos activités dans les médias sociaux. Établissez des protocoles pour les mots de passe et modifiez ces derniers souvent pour éviter l’usurpation de votre identité dans les médias sociaux.
- Reconnaissez que vos activités dans les médias sociaux constituent un prolongement de vos activités professionnelles.
- Instaurez des mesures visant à préserver la confidentialité des renseignements personnels sur la santé des personnes soignées, sauf si les personnes en question ont consenti à les communiquer.
- Respectez des limites professionnelles appropriées et assurez-vous que les renseignements médicaux publiés ne peuvent aucunement laisser l’impression que vous cherchez à établir une relation thérapeutique avec des internautes. L’information doit demeurer d’intérêt général et être axée sur des enjeux généraux (p. ex. la vaccination).
- Les médias se servent souvent des médias sociaux pour identifier des leaders d’opinion ou des expert·es à l’égard de thèmes particuliers – il serait utile de déterminer à l’avance vos intérêts, votre état de préparation ainsi que votre disponibilité pour des entrevues.
- Reconnaissez le caractère permanent de ce qui est communiqué dans les médias sociaux ainsi que la difficulté de se rétracter ou d’enlever des éléments du contenu publié.
- Surveillez ce qui se dit dans votre site de médias sociaux et préparez-vous à corriger ou à intervenir au moment approprié.
- Consultez et respectez les politiques et lignes directrices du Collège de votre province ou territoire concernant l’utilisation des médias sociaux.
Si vous n’utilisez pas les médias sociaux, envisagez :
- d’en apprendre suffisamment sur le sujet pour en comprendre les conséquences pour les personnes sous vos soins et vos collègues ainsi que pour les autres membres de l’équipe soignante;
- de reconnaître que même si vous n’y participez pas, ce que vous dites ou faites peut quand même se retrouver en ligne;
- d’élaborer une politique en matière de médias sociaux pour votre pratique et de la communiquer à votre personnel et à votre patientèle; le fait de souligner à votre personnel et à votre patientèle que vous n’y participez pas pourrait contribuer à gérer leurs attentes;
- de déterminer s’il est nécessaire de surveiller ce qui se dit en ligne sur vous ou votre pratique.
En bref
- Consultez et respectez les lignes directrices du Collège de votre province ou territoire en matière d’utilisation des médias sociaux. N’oubliez pas que la diffamation et l’atteinte à la réputation entraînent les mêmes conséquences, qu’elles soient commises en ligne ou dans des médias traditionnels.
- La confidentialité et la sécurité des renseignements personnels sur la santé revêtent une importance primordiale. Assurez-vous de toujours mettre en œuvre des mesures et des processus adéquats en matière de sécurité afin d’éviter les atteintes à la vie privée.
- Respectez des limites professionnelles appropriées. N’oubliez pas que lorsque vous utilisez les médias sociaux, les mêmes attentes s’appliquent en matière de comportement que celles auxquelles les médecins sont assujetti·es en milieu de travail physique ou virtuel.
Références
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College of Physicians and Surgeons of British Columbia, Privacy Toolkit, 2022. Consulté le 25 février 2022. Disponible : https://www.cpsbc.ca/registrants/standards-guidelines/privacy-toolkit
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Giroux CM and Moreau KA, “Leveraging social media for medical education: Learning from patients in online spaces,” Medical Teach, June 18 2020. Consulté le 25 février 2022. Disponible : https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32552288/